Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1229

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-183

ENTRE :

M. S.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Virginia Saunders
Requérante représentée par : Jose Carlos Macedo
Date de la décision : Le 16 septembre 2020

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Décision

[1] L’appel est accueilli. J’accorde à la requérante un délai additionnel pour demander une révision de la décision rejetant sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La demande de la requérante est renvoyée au ministre de l’Emploi et du Développement social afin d’être réexaminée sur le fond.

Aperçu

[2] La requérante a demandé une pension d’invalidité du RPC en janvier 2019Footnote 1. Le ministre a rejeté sa demande, et l’a informée de cette décision par l’entremise d’une lettre datée du 10 juillet 2019Footnote 2.

[3] Une personne dont la demande de pension d’invalidité est rejetée peut demander au ministre de réviser sa décision. La demande de révision doit être présentée dans un délai de 90 jours. Dans certaines circonstances, le ministre peut prolonger ce délaiFootnote 3.

[4] La requérante a demandé une révision de la décision de juillet 2019Footnote 4. Le ministre a jugé que sa demande de révision était en retard, et a refusé de prolonger le délai imparti à cet effetFootnote 5. La requérante a alors fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[5] Le but de cet appel n’est pas de savoir si la requérante est admissible à une pension d’invalidité. Il est plutôt question de décider si le ministre aurait dû lui accorder un délai additionnel pour demander une révision de la décision lui refusant cette pension.

[6] Je dois donc décider si le ministre a usé de son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire quand il a refusé d’accorder à la requérante un délai additionnel pour demander une révision de la décision de juillet 2019.

[7] Si je conclus que le ministre n’a pas agi de façon judiciaire, je devrai décider s’il convient d’accorder à la requérante un délai additionnel pour demander une révision.

Analyse

La requérante a demandé une révision après le délai de 90 jours

[8] Au Canada, une lettre est habituellement livrée en 10 jours. La requérante aurait donc reçu la décision du ministre le 22 juillet 2019, au plus tardFootnote 6. Par conséquent, il fallait qu’une demande de révision soit présentée au ministre au plus tard le 21 octobre 2019. Le ministre a seulement reçu sa demande de révision le 4 novembre 2019, soit deux semaines en retard.

Le ministre n’a pas agi de façon judiciaire

[9] Pour prolonger le délai imparti aux fins de révision, le ministre doit être convaincu que la personne dispose d’une explication raisonnable au délai additionnel demandé, et qu’elle a montré l’intention persistante de demander une révisionFootnote 7.

[10] La prolongation du délai de 90 jours est une décision discrétionnaire du ministre. Celui-ci doit toutefois exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireFootnote 8. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si l’instance décisionnelle :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoireFootnote 9.

[11] L’arbitre du ministre a expliqué, dans un document de décision transmis à la requérante, les motifs de son refus de prolonger le délai pour demander une révisionFootnote 10. Après avoir examiné ces motifs, je suis convaincue que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En effet, il a refusé de prolonger ce délai en ignorant des facteurs pertinents.

Le ministre a ignoré des facteurs pertinents

Explication raisonnable au délai additionnel demandé

[12] La demande de révision de la requérante était accompagnée d’une lettre, ainsi que d’un rapport de son médecin de famille, le docteur Fernandez. La requérante expliquait que sa demande était en retard parce qu’il avait fallu un certain temps à son médecin pour rédiger le rapportFootnote 11.

[13] D’après le document de décision, l’arbitre du ministre a décidé que la requérante ne disposait pas d’une explication raisonnable à son retard puisque le rapport de son médecin [traduction] « ne faisait état d’aucune circonstance exceptionnelle » ayant causé le retard. Cependant, la requérante n’a jamais invoqué son état de santé pour justifier son retard. Elle a plutôt affirmé que son médecin avait pris du temps à lui fournir le rapport. Puisque ce facteur est indépendant de sa volonté, il était pertinent de le prendre en compte pour décider si elle disposait d’une explication raisonnable. Néanmoins, l’arbitre du ministre n’a pas du tout pris en compte cette explication. Sa décision est strictement basée sur l’état de santé de la requérante, tel que le décrit le rapport du docteur Fernandez.

[14] Je conclus que le ministre a rendu sa décision en ignorant ce facteur pertinent.

Intention persistante de demander une révision

[15] L’arbitre du ministre a décidé que la requérante n’avait pas manifesté l’intention persistante de demander une révision. Cette conclusion est fondée sur le fait que la requérante n’a pas communiqué avec le ministère ayant rendu la décision avant de demander une révision, en novembre 2019Footnote 12. Par contre, le Régime de pensions du Canada ne précise aucunement qu’une partie requérante soit tenue d’informer le ministre de ses intentions durant le délai de 90 jours. La requérante a expliqué au ministre qu’elle avait dû attendre que son médecin rédige le rapport qu’elle souhaitait joindre à sa demande de révision, mais le ministre a ignoré cette information. Pourtant, cette information était déterminante pour savoir si la requérante avait eu l’intention persistante de demander une révision.

[16] Je conclus que le ministre a rendu sa décision en ignorant ce facteur pertinent.

Le ministre aurait dû accorder un délai additionnel à la requérante

[17] Puisqu’il a ignoré des facteurs pertinents touchant les deux questions qu’il devait examiner, le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en décidant s’il devait accorder à la requérante un délai additionnel pour demander une révisionFootnote 13. Je suis donc habilitée à rendre la décision que le ministre aurait dû rendre.

[18] Le délai additionnel que réclame la requérante pour demander une révision est appuyé par une explication raisonnable. La requérante a également manifesté l’intention persistante de demander une révision. Le docteur Fernandez n’a pas indiqué de date dans son rapport. La requérante a cependant transmis le rapport au ministre à la fin du mois d’octobre. J’en déduis qu’elle a probablement demandé ce rapport dans un délai raisonnable après avoir reçu la décision lui refusant sa pension, et dans le délai de 90 jours pour demande une révision. La requérante a plus tard expliqué qu’elle ne comprenait pas très bien l’anglais. Elle dépendait de l’aide d’un organisme communautaire par rapport à sa demande. La requérante pensait qu’elle devait soumettre une nouvelle preuve médicale pour demander une révisionFootnote 14. Pour des raisons qui sont indépendantes de sa volonté, la requérante a dû attendre avant d’obtenir cette preuve, et c’est ce qui explique la présentation tardive de sa demande de révision.

[19] La requérante a rempli les deux facteurs nécessaires. Elle a droit à un délai additionnel pour demander une révision.

Conclusion

[20] Le délai dont dispose la requérante pour demander une révision est prolongé jusqu’au 4 novembre 2019, soit la date où le ministre a reçu sa demande. L’affaire est renvoyée au ministre pour qu’une décision soit rendue à la suite d’une révision.

[21] L’appel est accueilli.

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