Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision

[1] Le requérant n’a pas droit à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Dans sa demande de prestations d’invalidité du RPC, le requérant a mentionné qu’il travaillait comme parajuriste et agent de la cour jusqu’à ce qu’il cesse de travailler en juin 2017 en raison de pertes de mémoire, de confusion, d’une incapacité à se concentrer, d’une dépression majeure et de douleurs. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 31 janvier 2018. Il a rejeté la demande une première fois, puis il l’a rejetée de nouveau après révision. Le requérant a porté la décision issue de la révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour avoir droit à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit remplir les conditions énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations que le requérant a versées au RPC.

[4] Dans la présente affaire, le requérant n’a pas accumulé assez de cotisations pour l’établissement d’une PMA selon le calcul proportionnel. Lorsque les gains et les cotisations d’une personne sont inférieurs à l’exemption de base pour l’année, on peut en calculer le montant au prorata si la personne est devenue invalide pendant la période en questionNote de bas de page 1. Dans la présente affaire, la période du calcul proportionnel s’étend du 1er janvier 2009 au 31 mai 2009.

Questions en litige

[5] Les problèmes de santé du requérant ont-ils entraîné chez elle une invalidité grave, c’est-à-dire était-il, en 2009, régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 mai 2009?

[6] Si oui, en 2009, l’invalidité du requérant devait-elle aussi durer pendant une période longue, continue et indéfinie au plus tard le 31 mai 2009?

Analyse

[7] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 2. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La personne doit prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Autrement dit, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave au moment de la période du calcul proportionnel

[8] Pour évaluer si une invalidité est « grave », il ne s’agit pas de savoir si la personne a des déficiences graves, mais si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il n’est pas question de savoir si une personne est dans l’impossibilité d’accomplir ses tâches habituelles, mais plutôt si elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[9] Le requérant a déclaré avoir travaillé à temps plein comme danseur professionnel pendant 25 ans. Il a cessé de danser en raison d’une blessure survenue en 2000. Il s’est déchiré le ménisque gauche et le ménisque droit. Malgré les chirurgies, il ne pouvait plus danser ni même enseigner la danse.

[10] Il s’est inscrit à un programme d’études à temps plein en techniques juridiques, qu’il a terminé avec succès en 2003. En 2004, il a commencé à représenter des gens dans des affaires concernant les petites créances, la circulation et les relations entre propriétaires et locataires. Cependant, il manquait parfois de travail. Il a commencé à faire du travail de recouvrement. Après quatre mois, il a repris son travail précédent, comme parajuriste. Il avait toutefois de la difficulté à se concentrer. Il faisait beaucoup d’anxiété à rester assis dans un bureau huit heures par jour. Il prenait un ou deux jours de congé par semaine.

[11] En 2007, il est retourné faire du recouvrement. Il a fait ce travail jusqu’en janvier 2009, quand l’entreprise pour laquelle il travaillait a réduit ses effectifs. Il a recommencé à travailler comme parajuriste jusqu’à ce qu’il reprenne ses études collégiales en 2012 pour suivre un autre cours en techniques juridiques. Il s’agissait d’un programme de deux ans. Il a eu de la difficulté avec ses études en raison de problèmes de concentration, de l’anxiété, de la frustration, de la confusion et de l’épuisement.

[12] Depuis qu’il a terminé ce programme d’études, il a fait ce qu’il a décrit comme étant un travail [traduction] « à temps très partiel » dans une agence de recouvrement. Il travaille de 10 à 20 heures toutes les deux semaines. C’est tout ce qu’il est capable de faire. Il tire également des revenus d’un immeuble locatif.

[13] Depuis le 31 mai 2009, il vivait de façon intermittente dans un appartement avec son père. Il voyait son médecin de famille parce qu’il se sentait démoralisé et déprimé. Il a essayé de se [traduction] « rétablir » par lui-même en se fiant à son système de soutien, qui est composé de ses proches.

[14] Sa santé s’est détériorée après le 31 mai 2009. En janvier 2014, il a fait une crise épileptique. Il n’a pas eu d’autres crises depuis. En 2015, il a été admis à l’hôpital pour des douleurs cardiaques. Il a été hospitalisé pendant quatre mois. Il a reçu un diagnostic de diabète de type 2 et d’hypertension. Il a des douleurs neuropathiques aiguës liées au diabète. Il a constamment l’envie pressante d’aller aux toilettes. Il a également reçu un diagnostic d’encéphalopathie. Sa mémoire et sa concentration ont une capacité réduite. Il est toujours fatigué. Ses médicaments lui donnent la nausée.

[15] Depuis sa sortie de l’hôpital, il a perdu quatre dents. Il a de la difficulté à manger. Il se sent parfois faible, fatigué et étourdi. Il fait de l’œdème dans les jambes et les pieds, ce qui lui cause des douleurs. Ses symptômes se sont améliorés, mais reviennent de temps à autre. Son anxiété et son agoraphobie se sont aussi aggravées. On lui a dit qu’il était passé proche de mourir trois fois à l’hôpital, ce qui est une grande source d’anxiété. Il a reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur qui, selon ce qu’on lui a dit, a commencé il y a environ trois ans.

[16] En 2015 et en 2016, il a eu besoin d’aide pour ses soins personnels et pour marcher. Il trouve de plus en plus difficile de prendre soin de lui-même. Sa mère lui vient maintenant en aide.

[17] Le dossier comporte de nombreux rapports médicaux, qui ont tous été pris en compte. Toutefois, la plupart des rapports datent d’après le 31 mai 2009 et ont trait à l’état de santé du requérant après cette date.

[18] Le 28 mars 2000, la Dre E. Boynton a pratiqué une arthroscopie sous anesthésie, un débridement du compartiment latéral et une méniscectomie latérale partielle. J’admets que le requérant n’a pas été en mesure de retourner travailler comme danseur après son intervention chirurgicale. Cependant, le dossier ne contient aucun rapport médical subséquent qui montre que ce problème de santé l’a empêché d’effectuer un autre travail dans les limites de ses capacités en date du 31 mai 2009.

[19] Le rapport médical pour le RPC a été rempli le 23 janvier 2018 par le Dr Kenneth Chen, médecin de famille. Celui-ci connaît le requérant depuis plus de 30 ans. Le requérant a un dysfonctionnement hépatique accompagné d’une légère encéphalopathie associée à une cirrhose, une déchirure dégénérative du ménisque externe au genou gauche, de l’arthrose du compartiment latéral et d’un trouble dépressif majeur. Il est aussi noté qu’il a le diabète avec atrophie pancréatique, un épanchement péricardique, de la monoarthrite septique au genou droit et des antécédents de crise épileptique. Il a des moments de confusion causés par l’encéphalopathie. Il fait une dépression chronique et persistante. Ses capacités d’analyse et son jugement sont diminués. Le Dr Chen était d’avis que la combinaison de ses problèmes de santé physiques et mentaux le rendait incapable d’occuper un emploi satisfaisant. Je note l’opinion du Dr Chen, mais il n’a pas précisé quand les problèmes de santé du requérant ont commencé ni comment ils ont évolué au fil du temps. Il ressort clairement des autres rapports médicaux au dossier et du témoignage du requérant à l’audience que sa santé s’est beaucoup détériorée après la PMA.

[20] Le 5 janvier 2014, le Dr Mark Bonta a noté que le requérant a été admis à l’hôpital le 4 janvier et qu’il a reçu son congé le 5 janvier. Le requérant a reçu un diagnostic de première crise d’épilepsie. Dans un rapport daté du 17 avril 2014, Maneesh Sud, un résident, a écrit que le requérant avait une hépatite alcoolique. Toutefois, ces problèmes de santé sont survenus de nombreuses années après la PMA.

[21] Il y a aussi de nombreux rapports médicaux datant d’après la PMA qui portent sur les hospitalisations en 2016. Dans un sommaire d’hospitalisation daté du 21 février 2016, le Dr Robert Sergeant a écrit que le requérant avait été admis le 13 février 2016 pour des douleurs épigastriques et d’autres symptômes. Il a reçu les diagnostics de cholédocholithiase, de pancréatite chronique et d’hépatite alcoolique. Le 9 mars 2016, il est écrit qu’on l’a envoyé consulter pour le diabète. Il n’avait aucun antécédent connu de diabète.

[22] Le 30 mars 2016, il a consulté la Dre Florence Wong pour une pancréatite chronique et une hépatite alcoolique récente. Les médecins soupçonnaient qu’il faisait de l’insuffisance hépatique avec encéphalopathie. Le 9 mai 2016, la Dre Reena Pattani a écrit dans un sommaire d’hospitalisation qu’il avait été admis à l’hôpital le 11 avril 2016. Il a reçu un diagnostic d’arthrite septique au genou droit. Il a développé une péricardite durant son séjour à l’hôpital. Cette hospitalisation est survenue de nombreuses années après la PMA et dénote une détérioration de son état de santé après la PMA.

[23] Dans le même ordre d’idées, le Dr Thomas Harvey, spécialiste des maladies infectieuses, a signalé le 22 juillet 2016 une enflure bilatérale des membres inférieurs qui a duré plusieurs semaines. Ce problème de santé a commencé après la PMA.

[24] Le 15 juin 2016, la Dre Wong a écrit que le requérant était atteint d’insuffisance hépatique et qu’il est invalide. Il a besoin d’aide sociale parce qu’il ne peut pas travailler. Le 31 août 2016, la Dre Wong a écrit que le requérant avait été admis à l’hôpital en mai parce qu’il faisait de l’arthrite septique. Une décompensation est survenue pendant qu’il était à l’hôpital. Les tests de fonction hépatique qu’il a subis à la fin de mai montraient toujours un important dysfonctionnement hépatique. Sa principale plainte est la fatigue constante, qui est probablement liée dans une certaine mesure à une légère encéphalopathie hépatique. Je note l’opinion de la Dre Wong au sujet de la capacité du requérant à travailler, mais elle est exprimée de nombreuses années après la PMA et repose sur des problèmes de santé survenus après la PMA.

[25] Je reconnais que le requérant a eu des problèmes de santé qui ont commencé avant la PMA. Toutefois, aucune preuve médicale ne montre qu’il avait une invalidité grave au plus tard le 31 mai 2009.

[26] Son témoignage à l’audience montre également qu’il a travaillé pendant de nombreuses années après la PMA et qu’il est aussi retourné aux études. Je conclus donc que des preuves appuient l’existence d’une capacité de travail. Lorsque la capacité à travailler est établie, la personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son problème de santéNote de bas de page 4. Le requérant a pu continuer à travailler après la PMA et pendant de nombreuses années par la suite, non sans quelques difficultés. Il a également pu suivre un cours de deux ans en techniques juridiques. Son état de santé s’est beaucoup détérioré après la PMA.

[27] Je dois évaluer le volet « grave » du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 5. Ainsi, pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Dans la présente affaire, j’ai tenu compte du fait que le requérant avait 44 ans au moment de la PMA et qu’il avait fait des études collégiales. Il a travaillé comme danseur professionnel, puis comme parajuriste, agent de la cour et agent de recouvrement. Il parle couramment l’anglais.

[28] Le requérant était jeune et bien instruit, et il avait une expérience de travail sédentaire. Je reconnais qu’il ne pouvait plus travailler comme danseur professionnel en raison de ses problèmes de genou, mais rien ne l’empêchait d’essayer un travail plus léger dans les limites de ses capacités. En fait, il a réussi à trouver des emplois sédentaires. Par conséquent, il n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de ses problèmes de santé.

[29] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non seulement des déficiences les plus importantes ou de la déficience principaleNote de bas de page 6. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des problèmes de santé du requérant, je ne suis pas convaincue selon la prépondérance des probabilités qu’il souffre d’une invalidité grave.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.