Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JN c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 234

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1568

ENTRE :

J. N.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Connie Dyck
Requérante représentée par : Palma Pallante
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 20 avril 2021
Date de la décision : Le 22 avril 2021

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, J. N., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en décembre 2019. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[2] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 11 décembre 2019Note de bas de page 1 . Pour que la demande de la requérante soit acceptée, elle doit avoir une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2021 ou avant.

[3] La requérante est âgée de 58 ans. Elle a travaillé dans une sandwicherie pendant 12 ans, jusqu’en août 2019. Elle a cessé de travailler en raison d’une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. Elle affirme que la douleur et sa capacité limitée d’utiliser son bras et son épaule l’empêchent de retourner travailler.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de la requérante. Il a affirmé que la preuve ne montrait pas que la requérante avait un problème de santé ou une déficience grave qui l’empêchait d’occuper un emploi convenable adapté à ses limitations. Selon lui, elle aurait pu occuper un travail sédentaire ou plus léger, et elle n’avait pas tenté d’aller faire un quelconque autre travail.

[5] La requérante a donc fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la requérante doit prouver

[6] Pour que la requérante ait gain de cause, elle doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience (le 20 avril 2021)Note de bas de page 2 . Elle doit prouver cela à cette date car elle est toujours dans sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui prendra fin le 31 décembre 2021.

[7] Le RPC définit les termes « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3 . Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4 .

[8] La requérante doit prouver il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

L’invalidité de la requérante est grave

[9] Je conclus que la requérante avait une invalidité grave et prolongée au 20 avril 2021. J’ai tiré cette conclusion après avoir analysé les questions suivantes.

Les limitations fonctionnelles de la requérante nuisent à sa capacité de travailler

[10] La requérante a une déchirure de la coiffe du rotateur de l’épaule droite et de l’hypothyroïdieNote de bas de page 5 . Toutefois, je ne dois pas me concentrer sur les diagnostics de la requéranteNote de bas de page 6 . Je dois plutôt établir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 7 . Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 8 .

[11] J’estime que la requérante a des limitations fonctionnelles. Voici les éléments sur lesquels je me suis penchée.

Ce que la requérante dit de ses limitations fonctionnelles

[12] La requérante affirme qu’elle a des limitations fonctionnelles en raison de ses problèmes médicaux. Elle a expliqué qu’elle était constamment en douleur, particulièrement de son épaule droite jusqu’à sa main. Elle n’arrive pas à dormir la nuit à cause de la douleur.

[13] La douleur la rend fatiguée et elle doit s’étendre et se reposer pendant la journée. La requérante m’a dit qu’elle sortait rarement de chez elle. Elle passe la plupart de ses journées étendue à regarder la télé ou à lire des livres en arabe. Elle est trop fatiguée pour socialiser.

[14] Elle affirme qu’elle ne peut pas tenir ou soulever des objets sans les échapper. Elle a de la douleur à l’épaule et au bras même quand elle fait des petites tâches légères. Elle se fie sur ses filles pour faire la cuisine et les tâches ménagères.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[15] La requérante doit fournir des preuves médicales qui montrent que ses limitations nuisaient à sa capacité de travailler le 20 avril 2021 ou avantNote de bas de page 9 . La preuve médicale confirme la version des faits de la requérante.

[16] Le Dr Angiletta (médecin de famille) a commencé à traiter la requérante en juillet 2019 pour une déchirure de la coiffe du rotateur de l’épaule droiteNote de bas de page 10 . Il a affirmé que les limitations fonctionnelles de la requérante comprenaient une amplitude de mouvement réduite et de la douleur apparaissant avec le mouvement. Il a dit qu’il ne s’attendait pas à ce que l’état de la requérante s’améliore. Il a recommandé qu’elle cesse de travailler en août 2019.

[17] Le Dr Amba (rhumatologue) a aussi vu la requérante pour ses douleurs à l’épaule droiteNote de bas de page 11 . Un ultrason a révélé une petite déchirure de pleine épaisseur au tendon sus-épineux. Le Dr Amba a déclaré que la requérante montrait des signes d’une petite déchirure de la coiffe du rotateur et qu’il commençait à observer une réduction importante de l’amplitude de mouvement de l’épaule. Il a signalé que la requérante n’avait pas bien répondu aux mesures de traitement conservatrices et qu’elle avait de la difficulté à dormir la nuit.

[18] En octobre 2020, le Dr Angilletta a dit que la requérante continuait à avoir une réduction de l’amplitude de mouvement de son épaule droite et des douleurs chroniques constantesNote de bas de page 12 .

[19] La preuve médicale montre que la douleur et l’amplitude de mouvement restreinte de la requérante due à sa déchirure de pleine épaisseur de son épaule droite l’empêchaient de faire toute activité ou tâche qui nécessitait l’utilisation de son bras droit le 20 avril 2021.

La requérante a suivi les conseils médicaux

[20] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, la requérante doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 13 . Si elle ne les suit pas, elle doit pouvoir raisonnablement expliquer pourquoi. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur son invaliditéNote de bas de page 14 .

[21] Le ministre a affirmé que l’état de santé de la requérante n’avait été traité qu’avec des antiinflammatoires, des relaxants musculaires et des injections de stéroïdes à deux occasions. Le ministre laisse entendre que l’utilisation limitée de médicaments soutient une conclusion selon laquelle l’état de santé de la requérante ne serait pas grave. Toutefois, la gravité de l’invalidité n’est pas établie en fonction du type de médicament utilisé. De plus, même le spécialiste n’a pas prescrit de médicaments.

[22] La requérante a l’obligation de suivre les conseils de ses médecins. Dans ce cas-ci, la requérante l’a faitNote de bas de page 15 . Son médecin de famille lui a prescrit les médicaments, qui, selon lui, allaient le plus aider la requérante. Il lui a prescrit Celebrex et Baclofen pour ses douleurs à l’épaule. Il a indiqué que ces deux médicaments n’avaient eu que peu d’effetNote de bas de page 16 . Il a aussi indiqué que les injections de cortisone (Depo-Medrol) que la requérante a reçues à l’épaule droite n’avaient eu que peu d’effet. La requérante a témoigné que les injections de cortisone n’avaient pas soulagé ses douleurs. Elle m’a dit que le rhumatologue lui avait recommandé de cesser les injections de cortisone si elles n’aidaient pas.

[23] La requérante a témoigné qu’elle avait essayé la physiothérapie une fois, mais que cela avait aggravé ses douleurs. Aucun médecin ne lui a recommandé d’essayer à nouveau la physiothérapie. Le Dr Amba a discuté du rôle des mesures de traitement local, d’un programme d’activité physique et de médicaments en vente libre pour réduire sa douleur.

[24] Bien que rien dans la preuve ne laisse entendre que la requérante est une candidate à une intervention chirurgicale, je lui ai posé la question à ce sujet. Elle m’a dit qu’elle avait demandé à son médecin de famille si elle pouvait être opérée à l’épaule. Elle a ajouté que son médecin ne recommandait pas une intervention chirurgicale. Il lui aurait dit qu’une intervention chirurgicale ne donnerait probablement aucun résultat. Je n’ai aucune raison de mettre en doute le témoignage de la requérante et je souligne que son médecin de famille ne l’a pas aiguillée vers un chirurgien ou à un quelconque spécialiste pour une possible intervention chirurgicale.

[25] La requérante a suivi toutes les recommandations de traitement qu’on lui a faites et elle continue à prendre tous les médicaments qui lui ont été prescrits.

[26] À présent, je dois chercher à savoir si la requérante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 17 .

La requérante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste

[27] Pour décider si la requérante a la capacité de travailler, je dois examiner davantage que ses problèmes médicaux et leur conséquence sur ses capacités. Je dois aussi examiner son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques et son expérience professionnelle et de vieNote de bas de page 18 . Ces facteurs m’éclaircissent quant à la capacité de la requérante de travailler dans un contexte réaliste.

[28] Je conclus que la requérante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste. La requérante aura 58 ans dans moins de deux semaines. Elle a fait ses études secondaires en Irak. Elle n’a pas fait d’études au Canada et l’arabe est sa première langue. Elle a une connaissance limitée de l’anglais et ne peut ni lire ni écrire. Elle pouvait travailler dans une sandwicherie malgré sa mauvaise maîtrise de l’anglais parce que d’autres employés parlaient aussi l’arabe. Avec les clients, elle limitait ses communications à seulement des mots qui désignaient des garnitures de sandwichs. Elle a peu de compétences transférables. Depuis son arrivée au Canada en 1992, elle n’a travaillé qu’en peinture de meubles et dans une sandwicherie. Ses tâches comprenaient la cuisson du pain et des biscuits et la confection de sandwich. Elle n’a jamais reçu de formation de caissière. Faire des sandwichs et faire cuire du pain ne lui confère pas de compétences transférables à d’autres types de travail, comme en service à la clientèle. Son expérience de travail se limite à deux emplois exigeants sur le plan physique. En raison de ses limitations physiques, la requérante n’a pas de compétences transférables. Elle n’a aucune compétence en informatique, en dehors de savoir comment écouter des vidéos sur YouTube ou utiliser Facebook. Elle n’a jamais occupé d’emploi sédentaire. Son âge, ses aptitudes limitées en anglais et son faible niveau de scolarité constituent tous des obstacles au recyclage professionnel ou à la possibilité de se trouver un autre emploi.

[29] Aussi, j’estime que la requérante ne serait pas une employée fiable. La requérante a témoigné que ses douleurs constantes la rendent fatiguée. Elle affirme que son nombre d’heures de sommeil chaque nuit varie de zéro à quelques heures. Elle n’a pas l’énergie pour sortir et passe ses journées étendue à se reposer. Compte tenu de son manque de sommeil, de son manque d’énergie et de son besoin de s’étendre et de se reposer pendant la journée, je ne pense pas que la requérante serait une employée fiable. La définition de « grave » englobe la capacité d’une personne a travailler dans un environnement de travail compétitif et sérieux. Un employeur ne devrait pas avoir à gérer des absences occasionnelles et à mettre en œuvre des mesures d’adaptation pour créer un environnement de travail assez souple pour qu’une personne puisse y occuper un emploi qu’elle ne serait pas en mesure d’occuper dans un milieu de travail normal soumis à la compétitionNote de bas de page 19 . La prévisibilité est l’essence de la régularité à l’égard de la définition d’invalidité du RPC. La requérante n’a pas la capacité de travailler dans un environnement de travail sérieux et soumis à la compétition.

[30] Je conclus que la requérante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste et que son invalidité est grave en date du 20 avril 2021.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[31] L’état de la requérante a commencé en juillet 2019 et persiste depuis. Il est fort probable que son invalidité se poursuive de façon indéfinieNote de bas de page 20

[32] Le Dr Angilletta a dit qu’il ne s’attendait pas à ce que l’état de la requérante ne s’amélioreNote de bas de page 21 . Un an après que le Dr Angilletta a conseillé à la requérante de cesser de travailler, elle a continué à présenter une réduction de l’amplitude de mouvement de son épaule droite et des douleurs constantesNote de bas de page 22 . Le Dr Angilletta est toujours d’avis que la douleur de la requérante est chronique et grave. Cela me montre que l’invalidité de la requérante durera vraisemblablement pendant une période longue continue et indéfinie.

[33] Je conclus que l’invalidité de la requérante était prolongée au 20 avril 2021.

Quand les paiements commencent-ils?

[34] L’invalidité de la requérante est devenue grave et prolongée en août 2019, mois pendant lequel elle est devenue incapable de continuer à travailler en raison de ses problèmes de santé. Il y a un délai d’attente de quatre mois avant le commencement des versements de la pensionNote de bas de page 23 . Cela signifie que les paiements commencent en décembre 2019.

Conclusion

[35] Je conclus que la requérante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle est donc admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[36] L’appel est donc accueilli.

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