Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 267

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-85

ENTRE :

L. R.

Appelante
(requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé
(ministre)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 9 juillet 2021

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La requérante est une femme de 59 ans qui a travaillé pour la dernière fois comme hôtesse de casino à temps partiel en 1997. Dix ans plus tôt, elle a subi un accident de voiture qui lui a causé une fracture de la colonne vertébrale et une paralysie partielle aux jambes.

[3] En juin 2018, la requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), affirmant ne plus pouvoir travailler en raison d’une perte de sensibilité aux jambes et de son mauvais contrôle de sa vessie et de ses intestins. Le ministre a rejeté la demande parce qu’à son avis, l’état de santé de la requérante ne correspondait pas à une invalidité « grave et prolongéeNote de bas page 1 » à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 1997Note de bas page 2.

[4] La requérante a porté en appel le refus du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et, dans une décision datée du 2 décembre 2020, a rejeté l’appel. Elle a conclu que la requérante n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve médicale pour démontrer qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de la PMA. La division générale a reconnu que le dernier employeur de la requérante lui avait ajouté des tâches physiques qui dépassaient ses capacités, en soulignant toutefois le témoignage de cette dernière selon lequel elle aurait pu continuer à faire son travail si son employeur s’était limité à lui demander d’accueillir la clientèle et de répondre au téléphone.

[5] La requérante demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Elle insiste sur le fait que ses problèmes de santé l’empêchaient de travailler au casino. Elle dit qu’elle voulait continuer à travailler, mais qu’elle ne pouvait pas être fiable en raison de la fréquence et de l’imprévisibilité de ses problèmes.

[6] Plus tôt cette année, j’ai accordé à la requérante la permission d’en appeler parce que je pensais qu’elle avait soulevé une cause défendable. J’ai convoqué une audience par téléconférence pour discuter des allégations de la requérante. Après avoir examiné le dossier et écouté les arguments oraux des parties, j’ai conclu qu’aucun des motifs d’appel de la requérante ne justifie l’annulation de la décision de la division générale.

Questions en litige

[7] Il existe quatre moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer que la division générale :

  1. n’a pas suivi les principes d’équité procédurale;
  2. a commis une erreur de compétence;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 3.

[8] J’ai dû trancher les questions suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle mal interprété le témoignage de la requérante selon lequel elle aurait pu continuer d’effectuer un travail sédentaire si le casino le lui avait permis?

Question en litige no 2 : La conclusion de la division générale selon laquelle la requérante était capable d’effectuer un travail léger découlait-elle logiquement de ses constatations?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle mal interprété le témoignage de la requérante?

[9] La division générale a rejeté l’appel de la requérante même si elle l’a jugée crédible lorsqu’elle a affirmé qu’elle avait de la difficulté à se tenir debout et a contrôlé sa vessie. J’ai conclu que la division générale n’a pas fait d’erreur dans la façon dont elle a traité le témoignage de la requérante.

[10] La division générale a fondé sa décision en partie sur le témoignage de la requérante, plus précisément sur son aveu qu’elle aurait pu continuer à faire son travail si son employeur n’avait pas modifié ses tâches et ne lui avait pas demandé de suspendre les manteauxNote de bas page 4. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience, et il semble que la décision de la division générale reflète fidèlement ce que la requérante a dit.

[11] Il est vrai que la requérante a nuancé ses propos pour laisser entendre i) qu’elle avait du mal à accomplir ses tâches habituelles et ii) que son employeur était déjà insatisfait de son rendement au travail :

[Traduction]

Division générale : Si votre patron vous avait dit qu’on n’avait pas besoin de vous pour les manteaux et de vous contenter de faire les tâches que vous faisiez, auriez-vous pu continuer à faire votre travail?

Requérante : Oui, mais j’aurais éprouvé des difficultés. Mes spasmes étaient si imprévisibles que je ne pouvais pas me présenter à tous mes quarts de travail, et je pense que cela les frustraitNote de bas page 5.

[12] Cependant, rien ne me semble indiquer que la division générale a ignoré ou déformé un aspect important de ce témoignage. Lorsque j’examine les motifs écrits de la décision de la division générale, je constate qu’elle a reconnu les difficultés de la requérante au travail :

Je reconnais que la requérante a eu quelques accidents au travail en raison de ses problèmes intestinaux et de vessie. Elle devait porter des serviettes pour incontinence quotidiennement. Elle avait aussi des spasmes musculaires imprévisibles qui lui ont fait manquer quelques jours de travail, et de la difficulté à rester assise pendant toute la durée de ses quarts de travail de quatre heures. Malheureusement, elle avait rarement des pauses en raison de l’achalandage au casinoNote de bas page 6.

[13] Ce passage m’indique que la division générale était conscience que la requérante avait fait de son mieux pour continuer d’exercer son dernier emploi malgré ses déficiences. De plus, bien que la division générale n’ait peut-être pas accordé beaucoup d’importance au témoignage de la requérante, on ne peut pas dire qu’elle l’ait ignoré ou mal interprété.

[14] La division générale avait également de bonnes raisons de ne pas tenir compte du témoignage de la requérante. Comme nous le verrons, elle n’a pas pu conclure que la requérante était invalide en se fondant uniquement sur la preuve subjective.

Question en litige no 2 : La conclusion de la division générale découlait-elle de ses constatations?

[15] La Cour suprême du Canada a affirmé que les trois caractéristiques du processus décisionnel administratif sont la transparence, la justification et l’intelligibilitéNote de bas page 7. Du point de vue de la loi et de l’équité procédurale, les juges et les membres des tribunaux doivent fournir des motifs compréhensibles pour appuyer leurs décisionsNote de bas page 8. Il doit y avoir des liens logiques entre la preuve et les constatations, et entre les constatations et les conclusions.

[16] Dans la présente affaire, j’ai accordé la permission d’en appeler à la requérante parce que je pensais qu’il était possible de soutenir que la division générale n’avait pas fourni de motifs adéquats pour justifier sa décision. D’une part, la division générale a jugé que la requérante était crédible lorsqu’elle a dit qu’elle avait de la difficulté à accomplir même des tâches non exigeantes sur le plan physique dans son dernier emploi au casinoNote de bas page 9. D’autre part, la division générale a conclu que la requérante était néanmoins capable d’exercer une certaine forme d’emploi véritablement rémunérateur à la fin de la PMA. À première vue, cela semblait être une contradiction.

[17] Cependant, j’ai maintenant examiné la décision de la division générale à la lumière des éléments de preuve disponibles. Je suis convaincu que le raisonnement de la division générale satisfait à la norme prévue par la loi.

[18] La requérante a été admissible pour la dernière aux prestations d’invalidité du RPC en 1997. C’était il y a longtemps, et cela signifie qu’elle était désavantagée lorsqu’elle s’est adressée à la division générale. Comme ses fournisseurs de traitement de l’époque avaient pris leur retraite ou détruit ses dossiers depuis longtemps, la requérante n’a pas été en mesure de produire le moindre élément de preuve médicale sur son état de santé pendant la période la plus pertinente. Comme l’a noté la division générale, le seul rapport médical au dossier est un questionnaire du RPC rempli par le médecin de famille de la requérante en juin 2018Note de bas page 10. Dans ce rapport, le médecin mentionne qu’il a vu la requérante pour la première fois en 2006 et qu’il ne peut pas faire de commentaires sur son état de santé en décembre 1997.

[19] Dans une cause intitulée Dean, la Cour fédérale du Canada a affirmé qu’une partie requérante doit fournir une preuve médicale objective de son invalidité avant la fin de la PMANote de bas page 11. Cela ne signifie pas que la requérante devait produire un dossier médical daté au plus tard le 31 décembre 1997, mais qu’elle devait fournir des documents produits vers cette date, comme un rapport ultérieur d’un médecin ou d’un autre professionnel de la santé qui a participé à son traitement pendant la période pertinente.

[20] En l’absence de tels documents, la division générale ne pouvait pas tout simplement croire la requérante sur parole lorsqu’elle affirmait qu’elle était invalide il y a 23 ans. La division générale a peut-être jugé que la requérante était crédible, mais cela n’était pas suffisant. La requérante devait fournir des éléments de preuve médicale corroborant son affirmation selon laquelle elle était incapable d’effectuer même un travail sédentaire à la fin de la PMA.

Conclusion

[21] Pour les raisons susmentionnées, la requérante ne m’a pas démontré que la division générale a commis une erreur correspondant à au moins un des moyens d’appel prévus par la loi.

[22] L’appel est donc rejeté.

Date de l’audience :

Le 25 mai 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

L. R., requérante
Viola Herbert, représentante du ministre

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