Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 294

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-116

ENTRE :

M. B.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Valerie Hazlett Parker
DATE DE LA DÉCISION : Le 23 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] M. B. (requérante) a fréquenté l’école secondaire et un collège. Elle a obtenu un certificat en sécurité de la construction. Elle a exercé divers emplois. Dans son dernier poste, elle s’occupait de la gestion de projets et de la sécurité pour une entreprise de construction.

[3] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle dit être invalide en raison d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elle a aussi des problèmes de toxicomanie qui sont maîtrisés, et un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a appelé de la décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA – la date à laquelle une partie requérante doit prouver qu’elle est invalide pour recevoir la pension d’invalidité).

[4] La requérant s’est vu accorder la permission d’en appeler à la division d’appel. Son appel avait une chance raisonnable de succès parce que la division générale avait possiblement fondé sa décision sur une erreur de fait importante concernant les raisons pour lesquelles elle a cessé de travailler.

[5] Il est plus facile de satisfaire au critère juridique permettant d’obtenir la permission d’en appeler que d’avoir gain de cause en appel. J’ai lu tous les documents déposés à la division d’appel et à la division générale. J’ai aussi écouté les arguments oraux des parties. La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins une des erreurs de fait importantes ci-dessous?

  1. La requérante a cessé de travailler en raison de son alcoolisme et de son désir de changer d’emploi.
  2. La requérante avait l’intention de changer de carrière avant de quitter son emploi.
  3. La requérante n’a cherché à obtenir un traitement en santé mentale qu’après avoir cessé de travailler.
  4. La requérante évitait de faire face à ses traumatismes passés.
  5. Le harcèlement au travail a commencé après que la requérante ait cessé de travailler.
  6. Le harcèlement et le stress au travail étaient liés à l’employeur.
  7. La requérante s’absentait de son cours en raison de sa toxicomanie, et non de ses problèmes de santé mentale.
  8. La requérante a abandonné son cours en 2018 parce que le domaine d’étude ne lui convenait pas.
  9. La requérante était sobre, bien installée et avait donné une nouvelle direction à sa vie.
  10. En raison de ses antécédents de traumatisme, la requérante a un [traduction] « lourd passé ».

Analyse

[7] Un appel à la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience portant sur la demande initiale. La division d’appel peut seulement décider si la division générale :

  1. n’a pas offert un processus équitable;
  2. n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[8] La requérante affirme que la division générale a fondé sa décision sur diverses erreurs de fait importantes. Pour avoir gain de cause en appel, elle doit prouver trois choses pour chaque erreur de fait alléguée :

  1. que la conclusion de fait était erronée (tirée par erreur);
  2. que la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision repose sur cette conclusion de faitNote de bas de page 2.

Raisons pour lesquelles la requérante a quitté son emploi

[9] La requérante affirme que la division générale a commis deux erreurs de fait importantes au sujet des raisons pour lesquelles elle a quitté son dernier emploi. Premièrement, elle dit que la division générale a commis une erreur en affirmant qu’elle avait quitté son dernier emploi en raison de son alcoolisme et de son désir de changer de travail. Cette conclusion repose pourtant sur un fondement probatoire. Par exemple, immédiatement après que la requérante a quitté son emploi, elle a communiqué avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) pour se faire traiter pour alcoolismeNote de bas de page 3. Cette conclusion n’est donc pas erronée.

[10] La requérante conteste également la conclusion de fait de la division générale selon laquelle elle avait prévu de changer de carrière avant de quitter son dernier emploi. Cette conclusion est cependant aussi appuyée sur des faits. La requérante a dit qu’elle avait prévu de quitter son emploi et d’étudier avant de le faire, et qu’elle savait que le gouvernement accordait du financement pour étudierNote de bas de page 4.

[11] Enfin, la requérante soutient sur ce point qu’elle n’avait pas l’intention de quitter son travail pour étudier, mais qu’elle avait un certain nombre de plans B. C’est peut-être le cas. Cependant, la division générale n’a pas fondé sa décision sur les raisons précises pour lesquelles la requérante a quitté son emploi. Elle a plutôt pris en considération la preuve, y compris le témoignage de la requérante selon lequel elle avait plusieurs plans B avant de quitter son dernier emploi, ainsi que l’incidence que ses problèmes de santé et ses symptômes ont eu sur sa capacité de régulièrement exercer un emploi. En se fondant sur tout cela, la division générale a conclu que la requérante n’a pas quitté son emploi parce qu’elle était invalide.

[12] Comme ces conclusions de fait sont appuyées sur des faits, elles ne sont pas erronées. L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

Traitement en santé mentale reçu par la requérante

[13] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante en affirmant qu’elle n’avait pas reçu de traitement en santé mentale avant de quitter son travail. Elle dit avoir présenté une demande de traitement en juillet 2017 et avoir été traitée pour des problèmes d’anxiété et de stress en octobre 2017.

[14] Certains éléments de preuve montrent que la requérante avait des problèmes de santé en 2017 et qu’ils ont peut-être commencé avant qu’elle ne quitte son travail. Cependant, la décision n’était pas fondée sur le moment où les problèmes de santé de la requérante ont commencé, ou sur la date précise à laquelle elle a commencé à se faire traiter pour ceux-ci. La division générale devait décider si la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2019. Par conséquent, l’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

[15] De plus, la requérante soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en concluant qu’elle évitait de faire face à ses traumatismes passés. Toutefois, la division générale n’a pas tiré cette conclusion de fait. La décision résume les éléments de preuve, à savoir que le Dr Vegda a écrit que la requérante avait des antécédents de traumatismeNote de bas de page 5, et que le Dr Vegda et Holly Smith ont abordé les traumatismes passés de la requérante, mais qu’ils se sont concentré principalement sur sa toxicomanieNote de bas de page 6.

[16] À l’audience de la division d’appel, la requérante a fait valoir que son TSPT était sous-jacent à ses autres problèmes de santé, et qu’elle n’était donc pas au courant de celui-ci. Elle affirme que la division générale a commis une erreur parce qu’elle s’est concentrée sur la façon dont son TSPT se manifestait – toxicomanie, anxiété, etc., plutôt que sur le TSPT lui-même.

[17] Cependant, le nom donné à un problème de santé ou les diagnostics posés importent peu. La division générale doit examiner l’ensemble de la preuve et décider si la requérante est atteinte d’une invalidité à la fois grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada au moment pertinent. C’est ce que la division générale a fait. Elle n’a pas commis d’erreur parce qu’elle s’est concentrée sur la façon dont le TSPT de la requérante se manifestait plutôt que sur le TSPT lui-même.

Harcèlement en milieu de travail

[18] La requérante soutient en outre que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes au sujet du harcèlement au travail qu’elle a subi. Premièrement, à cet égard, la requérante affirme que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en concluant que le harcèlement au travail a commencé après qu’elle a quitté son emploi.

[19] La décision de la division générale résume la preuve concernant le harcèlement au travailNote de bas de page 7. Cela comprend le fait que la requérante ressentait du stress au travail parce qu’elle travaillait dans un secteur dominé par les hommes et qu’elle a pris des congés de maladie pour cette raison. La requérante a aussi dit que le harcèlement a commencé après qu’elle a cessé de travailler lorsque son employeur lui a demandé de revenir au travail et de fournir des renseignements médicaux supplémentairesNote de bas de page 8. La requérante en a discuté avec son psychiatre qui a écrit à l’employeur pour l’aider.

[20] Voilà le fondement probatoire sur lequel repose la conclusion de fait selon laquelle il y avait peu d’éléments de preuve de harcèlement au travail. Cette conclusion de fait n’est pas erronée puisqu’elle repose sur des éléments de preuve.

[21] Ensuite, la requérante soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a tenu pour avéré que le harcèlement était lié à l’employeur. Cependant, la division générale n’a pas tiré cette conclusion de fait. La décision mentionne que si la requérante a effectivement quitté son travail en raison du stress et du harcèlement, elle aurait été capable de travailler ailleursNote de bas de page 9. Ce n’est pas une conclusion de fait. Il s’agit d’une conclusion tirée après avoir examiné l’ensemble de la preuve. Il était raisonnable pour la division générale de tirer cette conclusion après avoir examiné l’ensemble de la preuve, y compris les compétences et l’éducation de la requérante, ses antécédents professionnels, le traitement qu’elle recevait pour ses problèmes de santé et les résultats de ce traitement.

[22] L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

Raisons pour lesquelles la requérante a abandonné son cours

[23] En outre, la requérante dit que la division générale a commis d’importantes erreurs de fait au sujet des raisons pour lesquelles elle a abandonné le programme d’études collégial qu’elle avait commencé après avoir quitté son travail. La décision de la division générale mentionne que la requérante a commencé un cours afin de pouvoir lancer son entreprise dans le domaine de la modeNote de bas de page 10. Elle étudiait 25 heures par jour chaque semaineNote de bas de page 11 et a obtenu de bonnes notes. Elle a manqué quelques journées de coursNote de bas de page 12. La requérante a aussi affirmé qu’elle avait abandonné son cours en raison de son anxiété et de ses problèmes de sommeil. Le Dr Vegda a noté que ses prestations d’assurance avaient aussi pris fin à ce moment-là, ce qui lui causait aussi des difficultés financières.

[24] La division générale a tenu pour avéré dans sa décision qu’il était plus probable que la requérante était incapable d’arriver à son cours à temps en raison de sa consommation d’alcool et de cannabis que de son anxiétéNote de bas de page 13. Il s’agit peut-être d’une erreur, car le fondement probatoire de cette conclusion de fait n’est pas clair.

[25] Toutefois, la décision n’est pas fondée sur cette conclusion de fait. Plus loin dans la décision, la division générale affirme à juste titre que la requérante maîtrise sa toxicomanie depuis sa grossesse en 2019. Celle-ci ne l’aurait donc pas empêchée d’étudier ou de travailler au moment pertinent, c’est-à-dire à la fin de sa PMA.

[26] La décision de la division générale devrait être considérée comme un tout, plutôt que décortiquée phrase par phrase pour tenter d’y trouver une erreurNote de bas de page 14. Lorsqu’on l’examine dans son ensemble, on constate qu’elle n’est pas fondée sur la conclusion de fait selon laquelle la requérante était probablement incapable d’assister à son cours en raison de sa toxicomanie. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur quant à cette conclusion de fait.

Autres questions

[27] La requérante soutient également que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a affirmé qu’elle était sobre, bien installée et qu’elle avait donné une nouvelle direction à sa vie à la fin de 2019Note de bas de page 15. Il y a pourtant des éléments de preuve qui appuient cette affirmation. La requérante a dit que lorsqu’elle a cessé de consommer du cannabis et de l’alcool après être tombée enceinte en 2019. On l’a félicité d’être restée sobre depuis.

[28] Enfin, la requérante fait valoir que la division générale a commis une erreur parce qu’elle a qualifié son histoire personnelle de [traduction] « lourd passé ». Bien que ce terme soit peut-être insultant, je note que c’est celui que le représentant de la requérante a utilisé lors de l’audience de la division générale. De plus, la décision n’était pas fondée sur la façon dont la division générale a qualifié l’histoire de la requérante. La division générale a résumé fidèlement les éléments de preuve écrits et oraux à ce sujet. Elle a pris en considération l’ensemble de la preuve, et a rendu une décision fondée sur les faits et le droit. Elle n’a pas ignoré ou mal interprété des renseignements importants.

Conclusion

[29] La requérante a surmonté un certain nombre de problèmes. Elle est toujours aux prises avec d’autres problèmes. Je suis sensible à sa cause. Quoi qu’il en soit, le Tribunal ne peut pas accorder de réparation pour des motifs de compassionNote de bas de page 16.

[30] La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. Rien ne donne à penser qu’elle a commis une erreur de droit ou qu’elle n’a pas offert un processus équitable.

[31] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 16 juin 2021

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

M. B., requérante

Marshall Mara, représentant de l’appelante

Jordan Fine, avocat de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.