Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1240

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1417

ENTRE :

M. B.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jackie Laidlaw
Requérante représentée par : Zane Roth
Date de l’audience par vidéoconférence : Le 15 décembre 2020
Date de la décision : Le 31 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante est une femme autochtone âgée de 36 ans. Elle gérait des projets et s’occupait de la santé et sécurité pour une entreprise de construction. Elle a cessé de travailler le 27 octobre 2017 et est partie en congé pour cause de stress. Elle a commencé à se faire traiter pour alcoolisme au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), et on lui a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elle a étudié à temps partiel pendant un an après avoir cessé de travailler. Elle n’a pas travaillé depuis le 27 octobre 2017. Le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité le 28 novembre 2018. Il a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2019.

Questions en litige

[4] Est-ce que le TSPT, l’alcoolisme et le tabagisme de la requérante ont entraîné chez elle une invalidité grave, en ce sens qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2019?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante devait-elle aussi vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie au 31 décembre 2019?

Analyse

[6] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. L’invalidité d’une personne est grave si elle la régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Ainsi, si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

La requérante a quitté son emploi en raison de son alcoolisme

[7] La requérante a mentionné dans sa demande qu’elle avait quitté son emploi en raison du stress et de son TSPT. La preuve démontre que son départ a été motivé par son alcoolisme et son désir de changer de travail.

[8] À l’audience, la requérante a dit que sa consommation d’alcool était excessive en date du 26 octobre 2017. Elle venait de rompre avec son petit ami. Elle buvait beaucoup et avait décidé de faire autre chose. Elle voulait aussi étudier. Elle a demandé de l’aide au CAHM.

[9] Le 6 novembre 2017, immédiatement après avoir quitté le travail, la requérante s’est adressée au Service de traitement médical de la toxicomanie pour traiter son alcoolisme. Elle n’a pas consulté le CAHM au sujet de son stress. Elle a affirmé qu’elle était atteinte de dépression situationnelle et d’anxiétéNote de bas de page 2. Elle a eu sa première et unique crise de panique (à l’époque)Note de bas de page 3 le 2 novembre 2017 et a dit qu’elle n’avait pas mangé, qu’elle avait pris un comprimé d’Adderall et qu’elle avait bu un Red Bull. Elle s’était sentie mieux après s’être assise dans le noir et avoir bu de l’eau. Elle a affirmé que cette crise avait été provoquée par sa difficulté à composer avec sa rupture avec son petit amiNote de bas de page 4.

[10] La requérante a commencé à suivre des traitements pour alcoolisme et tabagisme avec le CAMH le 6 novembre 2017Note de bas de page 5. Elle a consulté le Dr Peter Selby du programme Traitement antitabac pour les patients de l’Ontario (STOP).

Diagnostic de TSPT

[11] Lorsque la requérante s’est présentée au CAMH le 6 novembre 2017, elle a été orientée vers le Dr Ketan Vegda, psychiatre du Service de soins aux Autochtones. Ce service met l’accent sur les compétences à acquérir pendant la phase initiale du rétablissement ainsi que sur les savoirs et les enseignements traditionnels des personnes aînées.

[12] Le Dr Vegda a constaté que la requérante avait subi des traumatismes émotionnels, physiques et sexuels. Elle ne faisait pas de cauchemars et n’avait pas de flashbacks. Elle n’avait jamais reçu d’aide dans le passé pour des traumatismesNote de bas de page 6. C’était la première fois qu’elle recevait un diagnostic de TSPT et de l’aide psychologique.

[13] Le Dr Vegda a orienté la requérante vers Holly Smith, ergothérapeute, également du Service de soins aux Autochtones. Pendant huit mois, la requérante a rencontré Holly Smith chaque semaine pour une thérapie cognitivo-comportementale qu’elle a trouvée très utile.

[14] Les notes cliniques du Dr Vegda et de Holly Smith traitent des abus sexuels dont la requérante a été victime. Cependant, l’accent est mis principalement sur sa toxicomanie. Je reconnais que sa toxicomanie était sa façon de composer avec ses antécédents d’abus sexuel et les facteurs de stress situationnel. Il est clair que les spécialistes étaient plus préoccupés par sa toxicomanie.

TDAH et stress

[15] Un psychiatre du Collège Georgian a diagnostiqué à la requérante un TDAH. Même en 2013, le psychiatre Shawn Vasdev lui a dit de chercher de l’aide pour son alcoolismeNote de bas de page 7.

[16] Je me réfère maintenant aux notes du médecin de famille de la requérante, la Dre Sara ArmaniNote de bas de page 8. Ces notes commencent le 13 février 2017 avec la rencontre initiale entre la médecin et la requérante. On y fait mention d’un TDAH nécessitant la prise d’Adderall ainsi que d’alcoolisme. L’humeur de la requérante était stable et elle s’ennuyait au travail. Elle rencontrait sa médecin chaque mois pour renouveler ses médicaments pour son TDAH. La première mention d’un problème de santé mentale est un aiguillage vers un psychiatre le 5 juillet 2017. Aucune raison n’est mentionnée pour cet aiguillage. Le TDAH de la requérante était stable en septembre 2017 et elle a été aiguillée vers un psychiatre pour une évaluation.

[17] Il est question de stress pour la première fois la vieille du jour où la requérante a cessé de travailler, soit le 26 octobre 2017. Selon la note, la requérante était stressée, avait eu quelques incidents au cours de la dernière année avec son gestionnaire et estimait qu’elle éprouvait du stress psychologique chronique. Elle était anxieuse et déprimée. Elle a demandé à sa médecin de documenter ses préoccupations et les incidents parce qu’elle souhaitait partir en congé de maladie pour stress chronique.

[18] Avant le 26 octobre 2017, il n’y a aucune mention de stress chronique.

[19] Quatre jours plus tard, le 30 octobre 2017, la requérante a rempli son formulaire d’assurance-emploi et avait besoin que son employeur remplisse un autre formulaire pour obtenir le crédit d’impôt pour personnes handicapées en raison de son TDAH. La requérante a reçu des prestations d’assurance-emploi.

Stress et harcèlement en milieu de travail

[20] La requérante affirme qu’elle a quitté son emploi en raison du stress et du harcèlement. Elle n’a pas soumis de preuve de stress ou de harcèlement en milieu de travail pour corroborer les affirmations qu’elle a fait à la Dre Armani et à Holly Smith après avoir quitté son emploi.

[21] Après avoir quitté son emploi, la requérante a dit à Holly Smith qu’elle ressentait du stress au travail parce qu’elle est une femme dans un secteur dominé par les hommes, mais qu’elle était capable de faire des présentations aux cadres supérieurs lors de réunions et de bien faire son travail. Elle éprouvait de l’anxiété de temps à autre dans les événements sociauxNote de bas de page 9. Je remarque qu’elle a occupé des emplois semblables chez deux employeurs précédents sans qu’aucun incident n’ait été signalé et sans vivre de stress ou de harcèlement. De plus, l’anxiété sociale occasionnelle n’est pas un problème de santé grave.

[22] L’employeur de la requérante a décrit l’expérience de travail de celle-ci dans un formulaire destiné à son fournisseur d’assurance-invalidité de longue duréeNote de bas de page 10. Elle n’a jamais montré de signes de stress avant de quitter son emploi le 27 octobre 2017. Elle a travaillé pour lui pendant un an et demi à raison de 40 heures par semaine et n’a pris aucun congé de maladie dans les 12 mois précédant son départ. Elle effectuait du travail sédentaire non stressant sur un ordinateur portable et n’avait pas un rôle de supervision. L’employeur n’était au courant d’aucun problème en milieu de travail. Aucune mesure d’adaptation n’avait été offerte à la requérante. Après son départ, elle a refusé d’exécuter des tâches modifiées et de coopérer et n’a pas fourni les mises à jour requises sur son état (comme en témoigne une lettre datée du 24 janvier 2018Note de bas de page 11).

[23] La requérante a dit qu’elle prenait des jours de maladie et que le milieu de travail était toxique. À l’audience, elle a affirmé que le milieu de travail toxique, rempli de manigances et d’intimidation, était en fait dû à un homme qui était compétitif. Il n’y a aucun élément de preuve corroborant qu’elle était intimidée et harcelée au travail par une personne ou qu’elle avait besoin d’aide.

[24] Lorsqu’on a interrogé la requérante au sujet du harcèlement, elle a noté que cela s’était produit après qu’elle ait quitté le travail. Son employeur lui avait demandé de revenir au travailNote de bas de page 12 et, à une occasion, le gestionnaire des ressources humaines avait laissé sa carte professionnelle sur sa porte. La preuve montre que l’employeur a envoyé deux courriels et une lettre demandant des renseignements médicaux supplémentaires, ce qu’il a le droit de demanderNote de bas de page 13. La lettre n’est ni menaçante ni harcelante. À la demande de la requérante, le Dr Vegda a écrit dans une lettre en mai 2018 que selon lui, en raison du stress découlant de ses interactions avec ses collègues qui impliquaient du harcèlement, la requérante [traduction] « souffrait de déficiences importantes et était invalideNote de bas de page 14 ». Le Dr Vedga a estimé qu’elle devait demeurer en congé de maladie pour une durée indéterminée afin de se concentrer sur sa santé. Elle devait aussi limiter ses contacts avec l’employeur à la correspondance écrite. Le seul élément de preuve de contact avec la requérante fourni est la lettre concernant les courriels précédents demandant des mises à jour sur son état de santé.

[25] La requérante a ajouté que les propriétaires de l’entreprise avaient récemment été accusés de conspiration et de fraude. Elle a dit que cela l’avait affectée parce qu’elle en savait trop sur leur fraude et qu’elle s’inquiétait des répercussions. J’estime que cette affirmation n’est pas crédible. La requérante n’était pas en position d’autorité. Elle n’occupait pas un poste de direction. Elle affirme qu’elle occupait un poste où elle avait le pouvoir et l’obligation de suspendre les travaux pour des raisons de santé et de sécurité, et qu’elle n’a ordonné la suspension des travaux qu’une seule fois. Encore une fois, il n’y a aucun élément de preuve corroborant qu’elle a été contrainte de ne pas ordonner la suspension les travaux.

[26] Le 8 avril 2019, la requérante a envoyé un courriel à Holly Smith, dans lequel elle a affirmé qu’un souvenir lui était revenu à la mémoire concernant Bonfield et qu’elle ne se sentait pas en sécuritéNote de bas de page 15. Elle a ensuite informé Mme Smith qu’elle avait dénoncé l’entreprise. Il n’y a aucune preuve de cela, et il y en aurait eu des années plus tôt si la requérante avait parlé aux autorités d’actes répréhensibles au sein de l’entreprise. Selon son souvenir, elle poursuivait à l’époque l’entreprise. Elle a dit qu’elle pourrait recevoir des millions de dollars de ce procèsNote de bas de page 16. Il n’est plus question dans les notes après cette période de crainte pour sa sécurité en raison de sa « dénonciation ». La requérante n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer ses allégations concernant son implication dans la dénonciation. Je n’accepte pas qu’elle ait quitté son travail en raison du fait que son employeur mettait en danger sa sécurité physique.

[27] Il y a peu d’éléments de preuve confirmant que la requérante vivait du stress et du harcèlement au travail. Toutefois, si elle a effectivement quitté son travail en raison du stress et du harcèlement, elle aurait été capable de travailler ailleurs, car elle soutient que le stress et le harcèlement étaient liés à l’employeur.

[28] Il y a cependant beaucoup d’éléments de preuve montrant qu’elle a quitté son travail pour entreprendre une autre carrière.

La requérante a étudié pendant un an après avoir quitté son travail

[29] Le fait que la requérante poursuivait des études dénote une capacité de travaillerNote de bas de page 17. La requérante a étudié pendant un an après avoir quitté son travail. Selon la preuve, elle réussissait bien, mais elle n’a pas terminé son cours pour des raisons autres que des raisons de santé. De plus, sa décision d’étudier plutôt que de travailler montre qu’elle était capable de travailler.

[30] La requérante a dit qu’avant de quitter son emploi, elle a participé des entrevues d’emploi avec un concurrent et n’a pas obtenu l’emploi. Rien n’indique qu’on lui ait refusé l’emploi pour une raison de santé quelconque.

[31] La requérante a également affirmé qu’elle était résolue à faire autre chose et à étudier. En août 2017, avant de quitter son emploi, elle a réalisé que le gouvernement accordait plus de financement pour étudier et a pensé faire cela pendant un certain temps et réorienter sa carrière. Elle a décidé de s’adresser au CAMH et d’étudier en profitant des subventions.

[32] La requérante a affirmé qu’alors qu’elle travaillait toujours, elle comptait quitter son emploi et étudier.

[33] Ce témoignage est confirmé par les principaux éléments de preuve.

[34] Le Dr Selby du programme STOP a noté le 6 novembre 2017 que la requérante était en congé pour cause de stress au cours de la dernière semaine et qu’elle n’était pas certaine de retourner au travail, mais qu’elle avait l’intention de démissionner pour changer de carrière et étudierNote de bas de page 18.

[35] En novembre 2017, lors de sa première rencontre avec Holly SmithNote de bas de page 19, la requérante a dit qu’elle était en congé et qu’elle cherchait à obtenir des prestations d’assurance-emploi. Elle a aussi affirmé qu’elle lançait sa propre entreprise dans le domaine de la mode et qu’elle allait commencer un cours de 18 mois en création de mode le 8 janvier 2018. Elle s’est dite heureuse de cette nouvelle opportunité.

[36] Le manque d’intérêt de la requérante pour son travail est également souligné par la Dre Armani lors de sa première rencontre avec celle-ci en février 2017. Elle note alors que la requérante trouve son travail un peu ennuyeuxNote de bas de page 20. Les notes de la Dre Armani ne font pas mention de stress au travail jusqu’à ce que la requérante ait cessé de travailler en octobre 2017Note de bas de page 21.

[37] Le 6 novembre 2017, la médecin a rempli un formulaire d’invalidité du Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO)Note de bas de page 22 au sujet du trouble anxieux et du TDAH de la requérante. Elle a noté que ces deux problèmes de santé affectaient son attention, sa concentration et sa mémoire, qu’ils lui causaient du stress lors de ses interactions sociales ainsi que de la frustration, et qu’ils l’empêchaient d’accomplir des tâches. Ces symptômes sont des symptômes courants du TDAH. La requérante avait reçu un diagnostic de TDAH des années auparavant et était capable de travailler avec ces symptômes et ce trouble. Aucun trouble anxieux ne lui avait été diagnostiqué à l’époque; par conséquent, ces symptômes étaient liés à son TDAH.

[38] La requérante a commencé à étudier en janvier 2018. La Dre Armani a noté qu’elle réussissait bien, mais qu’elle ne serait pas en mesure de retourner au travail, car c’était trop stressantNote de bas de page 23. La requérante étudiait 25 heures par semaine. Il est raisonnable de conclure qu’elle était incapable de travailler à temps plein en même temps.

[39] Au cours de cette période où elle étudiait 25 heures par semaine et se concentrait sur une nouvelle carrière, la requérante était en congé de maladie.

[40] Même si elle suivait toujours une thérapie pour son alcoolisme et son TSPT, elle continuait à boire. En mars, elle a commencé une thérapie cognitivo-comportementale pour son TSPT avec le Dr Vegda. Elle s’est aussi fait un nouveau petit ami. En juillet 2018, la Dre Armani a noté qu’elle était globalement stable et qu’elle ne travaillait pas, mais qu’elle étudiaitNote de bas de page 24. En août, elle a eu deux crises de panique. À l’automne, son petit ami a emménagé avec elle, ce qui a compliqué ses prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, alors elle l’a mis à la porte.

[41] La requérante a demandé à Holly Smith de lui fournir une lettre indiquant qu’elle avait besoin de plus de temps pour présenter ses travaux dans le cadre de son cours. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas se rendre à son cours à tempsNote de bas de page 25. Il a aussi été noté qu’elle avait raté la sonnerie de son réveille-matin et qu’elle était passée tout droit et ne s’était pas présentée à une séance avec Holly Smith le 13 août 2018Note de bas de page 26. À l’époque, son alcoolisme était grave selon le Dr VegdaNote de bas de page 27. De plus, elle changeait de médicaments pour son TDHA de l’Adderall au Biphentin. Il serait plus raisonnable de supposer que la requérante était incapable d’arriver à son cours à l’heure à cause de la bouteille de vin qu’elle buvait et du 20 mg de cannabis qu’elle consommait tous les soirs, plutôt qu’en raison de son anxiété, comme l’attestent les notes des médecins pendant cette période.

[42] Holly Smith a écrit le 1er août 2018 que l’anxiété aiguë et les troubles du sommeil de la requérante pouvaient affecter sa capacité à assister à son cours et à présenter des travaux. Elle recommandait donc fortement qu’on lui offre des mesures d’adaptation et qu’on soit indulgent avec elle pour l’aider dans ses études en tant qu’élément important de sa guérisonNote de bas de page 28. La requérante a bénéficié de mesures d’adaptation. Je n’accorde pas beaucoup de poids à cette lettre comme étant une évaluation de son état. Mme Smith a demandé à la requérante ce qu’elle aimerait qu’elle inscrive dans la lettre, et celle-ci a répondu : [traduction] « Quelque chose comme problèmes d’adaptation, d’anxiété et de sommeil, qui s’intensifient à certains moments et qui nécessitent que l’on fasse preuve d’indulgence envers moi ou que je bénéficie de temps supplémentaire pour faire mes travauxNote de bas de page 29 ». Holly Smith a écrit ce que la requérante lui a demandé, elle n’a pas donné son avis médical.

[43] Holly Smith a affirmé que la thérapie individuelle de la requérante se terminait en septembre 2018, mais que sa principale préoccupation était ses financesNote de bas de page 30. Mme Smith a également noté à l’époque qu’elle avait amplement d’expérience professionnelle et d’éducation pour reprendre son travail ou recommencer à travailler à l’avenir. La requérante a été aiguillée vers le plan de santé anishinabe pour obtenir de l’aide pour ses frais de scolarité et de logement. Si Holly Smith ne pensait pas qu’elle était en mesure de poursuivre ses études, il est peu probable qu’elle l’aurait orientée vers de l’aide pour ses frais de scolarité.

[44] Le 15 octobre 2018, le Dr Vegda a noté que la requérante assistait régulièrement à son cours et que ses symptômes de TSPT s’amélioraient. La requérante a dit au Dr Vedga que ses jours de classe tendaient à être longsNote de bas de page 31. Malgré les longues journées, il semble qu’elle était capable d’assister régulièrement à son cours et de bien réussir. En novembre 2018, le Dr Vegda a souligné que la requérante s’en tirait raisonnablement bien, mais qu’elle avait eu une [traduction] « journée de la santé mentale » où elle n’est pas allée à son cours et était restée en pyjamasNote de bas de page 32.

[45] La requérante a abandonné son cours de création de mode en janvier 2019 six mois avant sa fin. Elle a dit que c’était en raison de son anxiété et de ses troubles du sommeil. Cependant, le Dr Vegda a noté que ses prestations d’assurance avaient été annulées et qu’elle tentait d’obtenir une assistance juridique. Elle était anxieuse et stressée en raison de ses finances et de ses problèmes juridiques avec son ancien employeur. Elle se souciait aussi beaucoup de se remettre sur la bonne voie, de régler son problème d’alcoolisme, de retourner en thérapie et de prendre une pause de ses études pour se prendre en main. Le Dr Vegda a noté que la requérante travaillait sur un plan pour reprendre ses études en juin 2019Note de bas de page 33. Il a rédigé une note à l’appui du fait qu’elle abandonnait son cours pour des raisons de santé mentale afin qu’elle ne soit pas pénalisée financièrementNote de bas de page 34. Sa note donne l’impression que la requérante était apte et disposée à reprendre son cours après sa pause.

[46] La requérante a affirmé que les choses allaient très bien dans son cours et qu’elle obtenait de bonnes notes, mais qu’elle n’avait aucune aptitude artistique. Elle n’a pas repris son cours en janvier, non pas en raison de son état de santé, mais parce qu’elle était en cour avec son ex-mari et qu’elle avait aussi un problème de santé, un caillot de sang, sans rapport avec sa santé mentale.

[47] La requérante recevait pendant ses études un traitement pour son TSPT, qui s’est bien passé. Je reconnais que son alcoolisme était toujours un problème malgré le traitement.

[48] Elle réussissait donc bien dans ses études, malgré ses problèmes. Le cours n’était pas fait pour elle. Elle n’y est pas retournée non pas en raison de son état de santé, mais plutôt en raison de circonstances externes.

[49] Comme la requérante était capable d’assister régulièrement à son cours à raison de 25 heures par semaine et d’avoir de bons résultats, j’estime que cela démontre qu’elle avait la capacité de travailler pendant un an après avoir quitté son emploi.

La requérante se débrouillait bien à la fin de sa PMA

[50] La requérante a affirmé que 2019 avait été une année terrible. La preuve indique qu’elle a eu de nombreux problèmes situationnels. Elle montre également qu’elle buvait beaucoup en 2019.

[51] À la fin de 2018, la requérante ne recevait aucun traitement du Dr Vedga ou de Holly Smith. Le Dr Vegda a noté en novembre 2018 qu’elle était normale, qu’elle n’avait pas de psychose et qu’elle avait atteint une certaine stabilité. Son humeur était euthymiqueNote de bas de page 35. Il n’a pas eu à la voir pendant trois mois.

[52] En janvier 2019, dans un questionnaire pour la Sun Life, le fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée de la requérante, la Dre Armani a noté que celle-ci n’avait jamais été traitée pour un trouble anxieux sous-jacent dans le passé. Ses symptômes étaient des crises d’anxiété de modérées à graves, un TDAH modéré, une insomnie modérée et un TSPT modéré. Ses symptômes s’étaient améliorés et étaient devenus légers à ce moment-là, mais elle n’était pas en mesure de reprendre un quelconque emploi. Elle suivait un traitement et avait besoin d’une thérapie et de médicaments à long terme. Son pronostic était de moyen à bonNote de bas de page 36.

[53] La requérante prend des médicaments seulement pour son TDAH et, à part une très courte période en 2018 pendant laquelle elle a pris du Lorazepam, elle n’a rien pris pour sa dépression ou son TSPT.

[54] En janvier, on a coupé à la requérante ses problèmes d’invalidité de longue durée. Elle était en colère contre son ancien employeur à cause de cela, et elle voulait prendre une pause de son cours pendant six mois. Elle buvait et le Dr Vegda lui a suggéré de retourner aux thérapies de groupe avec Mme Smith et de limiter sa consommation d’alcoolNote de bas de page 37. Mme Smith a noté que sa famille et ses finances lui causaient du stress. La requérante a commencé à rencontrer une préposée aux services de soutien personnel toutes les deux semaines (Theresa Shilling du Toronto Aboriginal Health), et à recevoir davantage de thérapie cognitivo-comportementale lors de consultations individuelles par l’intermédiaire de l’organisme LOFT (initialement avec Teigen van der Walk le 18 janvier 2019Note de bas de page 38). En mars, elle a rencontré Holly Smith pendant 45 minutes, qui s’inquiétait de sa consommation d’alcool et de cannabisNote de bas de page 39. Elle était censée se rendre au centre de traitement Jane Tweed pour un programme de deux semaines, mais ne s’y est pas rendue, car elle devait comparaître devant un tribunal pour une pension alimentaire pour enfant. Le centre de traitement Jane Tweed offre un programme non médical financé aux femmes aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Dans la demande pour le centre Jane Tweed, la Dre Armani a noté que la requérante avait besoin d’une aide importante pour son alcoolismeNote de bas de page 40. Je considère que l’alcoolisme de la requérante est la raison pour laquelle la Dre Armani s’est dite d’avis qu’elle était incapable de travailler en janvier 2019. En avril, Holly Smith a noté que la requérante était stressée en raison de sa poursuite judiciaire contre son employeurNote de bas de page 41.

[55] C’est à ce moment-là, en avril 2019, que Holly Smith a mis fin aux traitements de la requérante au Service de soins aux autochtones parce n’appliquait pas de stratégies d’adaptation et ne participait pas aux groupes; elle n’avait pas de plan pour réduire sa consommation d’alcool et elle n’était plus intéressée par une orientation vers un traitement en établissementNote de bas de page 42. Son dossier a alors été transféré à Walter Lindstone.

[56] La requérante est retournée vivre avec son petit ami au printemps 2019. Elle a fait une embolie pulmonaire (caillot de sang) en mai 2019, qui a été traitée et pour laquelle est a été admise à l’hôpital pendant une semaine. De plus, son ex-mari l’a rendue anxieuse au sujet de la pension alimentaire pour enfant. Sa mère est aussi décédée cette année-là. La requérante a affirmé que les progrès en matière de santé mentale qu’elle avait faits ont été anéantis par ses problèmes familiaux. J’accepte cette déclaration comme véridique. Cependant, elle a aussi déclaré qu’elle travaillait sur tout cela en thérapie.

[57] Il semble que les spécialistes qu’elle a consultés étaient surtout préoccupés par sa consommation d’alcool et de cannabis.

[58] La requérante a dit qu’à Noël 2019, elle était très bien installée avec son petit ami et de nouveau enceinte. Elle avait cessé de boire et de consommer de la marijuana et du tabac. Elle a affirmé qu’elle était désintoxiquée et sobre depuis Noël 2019.

[59] Krista Social, la travailleuse sociale à LOFT, a indiqué dans ses notes que la requérante avait atteint son objectif ultime de guérison. Juste après la fin de sa PMA en mars 2020, elle avait trouvé des activités saines et de nouvelles ressources. Son dossier a été ferméNote de bas de page 43.

[60] J’admets que 2019 a été une année difficile pour la requérante. Toutefois, elle a terminé l’année sobre, bien installée et avec enthousiasme envers la vie.

Le critère établi dans l’arrêt Villani

[61] Je dois évaluer l’aspect du critère ayant trait à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 44. Ainsi, pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[62] La requérante a fait valoir qu’elle satisfait au critère établi dans l’arrêt Villani et qu’elle est atteinte d’une invalidité grave lorsque sa situation est évaluée dans un contexte réaliste. Le ministre soutient qu’elle ne satisfait pas au critère. Je suis d’accord avec le ministre.

[63] La requérante est une très jeune femme de 36 ans. Son âge ne représente pas un obstacle au travail. Elle parle couramment anglais. Elle a affirmé qu’il lui manquait deux cours pour obtenir son diplôme d’études secondaires. Cependant, elle est allée au Collège Georgian comme étudiante adulte et a suivi un cours de trois ans en administration des affaires. La requérante a noté qu’elle avait bien réussi, mais qu’il lui manquait trois crédits pour obtenir son diplôme. Elle n’a pas terminé son cours parce qu’elle travaillait et subvenait aux besoins de ses deux enfants et qu’elle estimait que son travail était plus important. De même, il a été établi que la requérante réussissait bien en 2018 dans son cours de création de mode, mais que ce domaine ne lui convenait pas, car elle n’avait pas les aptitudes artistiques nécessaires. Elle serait donc capable de se recycler dans un domaine plus adapté à ses capacités. La requérante a occupé de nombreux emplois, notamment un emploi administratif dans une entreprise de construction ainsi qu’un emploi en gestion de projet et en gestion de la santé et de la sécurité. Elle a également créé sa propre entreprise de conception graphique avec un partenaire. Elle possède de nombreuses compétences transférables. Holly Smith a aussi mentionné que la requérante avait amplement d’expérience professionnelle et d’éducation pour reprendre son travail ou recommencer à travailler à l’avenir. Je suis d’accord avec elle. Rien ne l’empêche de trouver un emploi convenable dans un contexte réaliste, même avec ses problèmes de santé.

[64] La requérante a dressé un long historique de sa vie à l’audience. Son récit était principalement axé sur sa vie et les défis auxquels elle a fait face, et moins sur son incapacité à travailler. Elle a soutenu qu’elle traîne un lourd passé et qu’elle ne peut pas fonctionner en société. Elle a dit qu’elle ne pouvait plus composer avec ses traumatismes et qu’elle essayait maintenant de le faire. Elle est modérément optimiste.

[65] Je suis sensible à l’histoire de la requérante. La preuve indique qu’elle composait avec son [traduction] « lourd passé » en consommant de l’alcool et du cannabis.

[66] Elle n’était pas au courant de son TSPT lorsqu’elle travaillait, et elle n’a pas bénéficié de thérapie avant de quitter son emploi. Elle a quitté son travail pour régler son problème d’alcoolisme. Elle a également quitté son travail pour essayer de donner une nouvelle direction à sa vie en étudiant afin d’entreprendre une nouvelle carrière dans le domaine de la création de mode. Elle a été traitée pour son alcoolisme et son TSPT depuis qu’elle a quitté son travail. Elle n’a jamais travaillé en sachant qu’elle était atteinte d’un TSPT et n’a donc pas démontré qu’elle était incapable de le faire après trois ans de thérapie. En octobre 2018, ses symptômes de TSPT se sont améliorés, et en janvier 2019, ils étaient devenus légers. Elle est maintenant sobre, et actuellement, à la fin de sa PMA, elle parvient à gérer sa dépendance à l’alcool, qui était la raison pour laquelle elle a arrêté de travailler. Elle a dit être retournée au CAMH en octobre de cette année pour voir une travailleuse sociale, Pamela Broeder, ainsi que le Dr Vegda, pour essayer un nouveau médicament, le Zoloft. Ce sera la première fois, à part la courte période pendant laquelle elle a pris du Lorazepam, que la requérante essaiera un antidépresseur. Il est possible que cela l’aide à gérer son anxiété.

[67] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle est atteinte d’une invalidité grave qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[68] L’appel est rejeté.

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