Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 241

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-2885

ENTRE :

C. W.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Shannon Russell
Requérant représenté par : Jonathan Burton
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 26 mars 2021
Date de la décision : Le 22 avril 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’invalidité du requérant était grave et prolongée de juin 2015 à mai 2019 inclusivement. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel, en partie.

Aperçu

[2] Le requérant est un homme de 42 ans qui travaillait comme analyste du soutien technique pour le gouvernement du CanadaNote de bas de page 1 .

[3] Le requérant a subi trois accidents de la route dans les dernières années. Les accidents ont eu lieu en septembre 2014, en juillet 2017 et en novembre 2019.

[4] Le requérant a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2017, juste avant son deuxième accident. Dans sa demande, il a indiqué qu’il était incapable de travailler en raison de symptômes post-commotionnels, de maux de têtes, de problèmes de vue, de douleurs au cou, au dos, aux épaules et au nerf sciatique. Il a expliqué qu’il était incapable de rester assis pendant une longue période et qu’il était incapable de se concentrer en raison de problèmes cognitifsNote de bas de page 2 .

[5] Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision, puisqu’il a établi que les limitations du requérant ne l’empêchaient pas d’occuper quelque travail que ce soit avant la fin de 2017. Le requérant a porté en appel la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[6] Pour que le requérant ait gain de cause, il doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2017 ou avant. Cette date est établie en fonction de ses cotisations au RPCNote de bas de page 3 .

[7] Le RPC définit les termes « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4 . Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 5 .

Il s’agit d’une affaire complexe

[8] La présente affaire est complexe. Elle est complexe, car on doit examiner trois accidents de la route, de nombreuses évaluations médicales, des diagnostics conflictuels et des activités professionnelles après les accidents de la route. De plus, on doit examiner les antécédents tragiques du requérant avec les accidents de la route. 

La nature des accidents de la route

[9] Les accidents de la route peuvent être résumés. Le premier accident est survenu en septembre 2014. Le requérant conduisait un véhicule qui a été embouti à l’arrière alors qu’il attendait de tourner à gauche. La police est arrivée sur les lieux. Le requérant ne s’est pas rendu à l’hôpital. Il a toutefois consulté son médecin quelques jours plus tardNote de bas de page 6 .

[10] Le second accident est survenu en juillet 2017. Le requérant était passager dans un taxi de Para TranspoNote de bas de page 7 . Le devant du taxi a été embouti par un autre véhicule qui reculaitNote de bas de page 8 .

[11] Le troisième accident est survenu le 12 novembre 2019. Je n’ai pas beaucoup de détails sur ce qui s’est passé lors de cet accident, à part le fait que le requérant était passager dans un véhicule de Para TranspoNote de bas de page 9

Diagnostics conflictuels

[12] La preuve médicale n’est pas unanime sur le fait que le requérant ait ou non un syndrome post-commotionnel.

[13] Le Dr Lawrence, chiropraticien, a émis un diagnostic de syndrome post-commotionnel au requérant en juin 2015Note de bas de page 10 .

[14] En octobre 2015, le Dr Morgan a indiqué que les symptômes du requérant pouvaient s’expliquer par des migraines, de la douleur au cou et au dos, avec une dépression/stress/trouble de stress post-traumatique sous-jacent et possiblement un trouble somatisationNote de bas de page 11 . Le même mois, le Dr Cattan, psychiatre, a émis un diagnostic de trouble à symptomatologie somatique avec douleur prédominante, persistante, modérée à grave, et de trouble de la personnalité histrionique associé avec un syndrome du coup de fouet. Le Dr Cattan a toutefois recommandé une évaluation neurologique du programme de traumatisme cérébral afin d’éliminer la possibilité d’un syndrome commotionnel sous-jacentNote de bas de page 12 . En octobre 2019, le Dr Judge, psychologue, a signalé qu’il y avait des preuves substantielles de l’existence d’un trouble à symptomatologie somatique et des détériorations fonctionnelles associéesNote de bas de page 13 .

[15] Rien ne se joue sur le fait que les symptômes du requérant soient attribuables à un syndrome post-commotionnel ou à un trouble somatisation. Premièrement, il semble y avoir un lien entre les deux diagnostics. À cet égard, le Dr Judge a expliqué que le syndrome post-commotionnel est mieux décrit comme étant un trouble à symptomatologie somatique, reflétant la conversion (inconsciente) d’une humeur dépressive intolérable (détresse psychologique) en symptômes somatiques (post-commotionnels)Note de bas de page 14 . Toutefois, je ne dois pas me concentrer sur les diagnostics du requérantNote de bas de page 15 . Je dois plutôt établir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 16

Antécédents avant les accidents de voiture

[16] Le requérant a de lourds antécédents avant ses accidents de voiture. Je ne suis pas tenue d’en résumer tous les détails. Toutefois, je vais mentionner que lorsque le requérant était adolescent, ses parents et son frère jumeau ont été assassinés devant ses yeux. Le requérant a également été blessé par balle lors de l’attaque, mais a survécu. Je fais mention de ceci parce que les antécédents traumatiques du requérant ont pu avoir une incidence sur sa symptomatologie après les accidents de voiture. Comme l’a expliqué un psychologue, l’expérience traumatique existante du requérant l’a rendu [traduction] « particulièrement vulnérable » aux effets de traumatismes subséquentsNote de bas de page 17

Activité professionnelle après la PMA

[17] Le requérant a travaillé pendant certaines périodes après l’accident de voiture en 2014. Dans une large mesure, je me suis fondée sur ce que la preuve médicale indiquait quant aux dates d’activités professionnelles. J’ai fait cela parce que le requérant avait de la difficulté à se souvenir de toutes les dates pertinentes.

[18] Selon les rapports médicaux, le requérant est retourné travailler en novembre 2014 et a fait des tâches adaptées à raison de trois demi-journées par semaineNote de bas de page 18 . Il était en congé de janvier 2015 à mars 2015 en raison d’une chirurgie abdominaleNote de bas de page 19 . Il a cessé de travailler à la fin de juin 2015 en raison de maux de tête quotidiens, de sa sensibilité à la lumière, d’étourdissements, de nausées, de sa vision embrouillée et de son manque de sommeilNote de bas de page 20 .

[19] Le requérant semble avoir travaillé de nouveau en 2015, en 2016 et en 2017, bien qu’on ne sache pas exactement à quelle fréquence ni pendant combien de temps. J’ai une note médicale d’avril 2016 qui indique que le requérant était de retour au travail à temps plein depuis l’automne 2015Note de bas de page 21 . Toutefois, je ne suis pas certaine que cette note soit précise, parce que j’ai une autre note de janvier 2016 qui indique que le requérant travaillait à raison de deux demi-journées par semaine et qu’il s’agissait d’un [traduction] « retour progressifNote de bas de page 22  ». Je pense que ce qui s’est probablement passé, c’est que le requérant a fait de courtes tentatives de retour au travail, mais aucune n’a duré longtemps, jusqu’en 2019.

[20] La dernière activité professionnelle du requérant était d’environ mars 2019 à novembre 2019, lorsqu’il a subi son troisième accident de voiture. Je vais aborder plus longuement cette activité professionnelle plus loin.

Invalidité grave

Le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2017

[21] La preuve montre que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2017.

[22] Le requérant a témoigné qu’après son premier accident de voiture, en 2014, il a commencé à présenter des symptômes associés à une commotion cérébrale. Il se sentait épuisé, avait des problèmes cognitifs et des problèmes de vision. Il avait également de la douleur et des problèmes de mobilité. Il a dû commencer à utiliser Para Transpo.

[23] Le requérant a rempli un questionnaire en juin 2017 (juste avant son deuxième accident). Dans ce questionnaire, le requérant a indiqué qu’il avait diverses limitations, y compris ne pas pouvoir s’asseoir pendant plus de 45 minutes, ne pas pouvoir rester debout pendant plus de 20 minutes, ne pas pouvoir marcher pendant plus de 5 à 7 minutes, ne pas pouvoir soulever, transporter ou atteindre des objets, ne pas pouvoir se pencher, ainsi qu’une vision embrouillée et double, des problèmes cognitifs et un manque de sommeilNote de bas de page 23 .

[24] Le requérant a témoigné que le deuxième accident de voiture a aggravé tous ses symptômes.

[25] En plus de ce que m’a dit le requérant, j’ai aussi tenu compte de ce qu’indique la preuve médicale. La preuve médicale soutient la conclusion selon laquelle le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2017.

[26] Au printemps 2015, le requérant signalait divers symptômes : maux de tête, étourdissements, faible niveau de concentration, problèmes de mémoire, difficulté à lire et faible niveau cognitifNote de bas de page 24 .

[27] En août 2015, le médecin de famille du requérant a signalé que les douleurs au dos du requérant le faisaient tomber. Le pire problème du requérant était toutefois ses maux de tête. Il avait des maux de tête de quatre à cinq fois par semaine et ceux-ci s’aggravaient lorsque le requérant tentait de se concentrerNote de bas de page 25 .

[28] En octobre 2015, une ergothérapeute a évalué le requérant. À ce moment-là, ses principales plaintes étaient de la douleur au cou, au dos, aux hanches, à la jambe gauche et aux épaules, des maux de tête, des étourdissements, de la nausée et des vomissements, des problèmes d’équilibre, une sensibilité à la lumière et au bruit, une baisse de sa capacité à maintenir des positions, une baisse d’endurance et des problèmes cognitifs et psychosociaux. La thérapeute a signalé que les tests avaient révélé une baisse de l’amplitude de mouvement du cou, des épaules, du dos et des hanches; un affaiblissement aux bras et aux jambes; des déficits cognitifs et des difficultés d’exécution surtout en rapport avec la gestion du temps, la résolution de problèmes, l’organisation et le traitement d’information et la préparation et la mise en œuvre d’un plan efficaceNote de bas de page 26 .

[29] En février 2016, l’ergothérapeute du requérant a signalé que celui-ci continuait d’avoir des douleurs et de la fatigue exacerbées avec une hausse de ses niveaux d’activité. Elle a indiqué qu’il fallait trois heures et demie au requérant pour se laver et faire sa toilette. Elle a aussi indiqué que le requérant avait montré des déficits cognitifs à plusieurs égards, comme la mémoire, l’attention et la concentrationNote de bas de page 27 .

[30] En mai 2016, le médecin de famille du requérant a écrit au ministre des Transports pour lui expliquer que le requérant ne pouvait pas conduire sécuritairement en raison de ses symptômes post-commotionnels et parce qu’il ne pouvait pas tourner sa tête de plus de 15 degrés et il ne pouvait donc pas faire ses angles mortsNote de bas de page 28 .

[31] En juin 2016, la Dre Carswell, neuropsychologue, a indiqué que le requérant avait signalé avoir des maux de tête occasionnels, qu’il estimait à 2 ou 3 sur une échelle de douleur de 1 à 10, mais qui pouvaient facilement s’aggraver à 8 ou 9. Il a aussi signalé avoir des étourdissements et de la nausée, une sensibilité au bruit et à la lumière, une vision embrouillée et des douleurs au cou et au dos qui se situaient en moyenne à 6 ou 7 sur 10, et qui pouvaient facilement s’aggraver à 10. Sur le plan cognitif, le requérant a dit qu’il pensait avoir retrouvé 75 à 85 % de son niveau avant les accidents, mais il a indiqué avoir de la difficulté à faire plusieurs tâches à la fois, à trouver ses mots, et qu’il a une moins bonne endurance cognitive en plus de se sentir facilement surpassé lorsqu’il reçoit trop d’information. Il a dit que son sommeil était très problématique, ce qui faisait en sorte qu’il avait peu d’énergie et qu’il était fatiguéNote de bas de page 29 . La Dre Carswell a fait subir au requérant divers examens pendant plusieurs jours et a conclu que selon les résultats, le requérant avait des difficultés, particulièrement en ce qui a trait à la vitesse de traitement. Elle a dit que le requérant ne traitait pas l’information simple aussi rapidement, et que cela s’aggravait de façon marquée lorsque le requérant devait diviser son attention ou changer d’état d’espritNote de bas de page 30 .

[32] En juillet 2016, Stacey Johnson a fait une évaluation orthophonique/communication cognitive. Elle a indiqué que le requérant avait des difficultés avec le traitement auditif (dans le seuil de gravité « marqués »), à trouver ses mots et à traiter l’information (dans le seuil « grave »)Note de bas de page 31

[33] En août 2016, le requérant a vu la Dre Deanna Quon, physiatre, dans une clinique post-commotionnelle. Il avait de graves et constantes difficultés dues à la sensibilité à la lumière et au bruit, au manque de sommeil et à la fatigue. Il continuait également à avoir des problèmes de vision embrouillée, un manque d’équilibre, bien que sa vision et son équilibre s’étaient quelque peu améliorés après l’intervention chirurgicale à l’œil gauche de juillet 2016 (pour un détachement de la rétine). Il avait aussi des maux de tête constants et plutôt légers qui pouvaient atteindre un niveau de douleur de 10 sur 10 tous les trois jours, ainsi qu’une fatigue cognitive persistante limitant sa tolérance à la lecture à 20 à 30 minutes. La Dre Quon a émis un diagnostic de lésion cérébrale légère probable avec un trouble associé au syndrome du coup de fouetNote de bas de page 32

[34] En décembre 2016, l’ergothérapeute du requérant a signalé que les difficultés principales du requérant étaient de la pression dans les yeux, des maux de tête et des problèmes de vision. Il avait aussi des étourdissements, de la fatigue, une sensibilité à la lumière et au bruit, et de la douleur et de la fatigue accrue avec une hausse de son niveau d’activitéNote de bas de page 33 .

[35] En avril 2017, le médecin de famille du requérant (Dr David Ponka) a signalé que le problème le plus préoccupant du requérant était des difficultés de concentration et d’humeur. Cependant, il a également expliqué que le requérant présentait des décollements de la rétine qui avaient considérablement altéré la vision de celui-ci. Le Dr Ponka ne savait pas quand les décollements étaient apparus, mais pensait qu’ils avaient pu être causés par une chute que le requérant avait faite au début de 2016Note de bas de page 34 .

[36] En juin 2017, le Dr Ponka a indiqué que les affections du requérant (syndrome post-commotionnel, décollements de rétine et apnée du sommeil) entraînaient un ralentissement cognitif, des difficultés de concentration, des problèmes d’équilibre et des problèmes de visionNote de bas de page 35 .

[37] En septembre 2017, le Dr Ponka a noté que le requérant avait subi un autre accident de voiture en juillet 2017 et qu’il présentait toujours une raideur du cou, une diminution de l’amplitude des mouvements, un engourdissement des deux bras, des étourdissements, des nausées, des problèmes d’équilibre et des maux de tête presque constants. Le requérant ne dormait pas bien et était facilement fatiguéNote de bas de page 36 .

[38] En septembre 2017, la Dre Quon a fait état de son récent accident de voiture de juillet 2017 et a dit que le deuxième accident avait causé une aggravation marquée des symptômes persistants. Elle a déclaré que la plus grande préoccupation pour le requérant était liée à ses fonctions cognitives, mais elle a également noté qu’il avait des douleurs continues au cou et au dos, des problèmes d’équilibre et des maux de tête quotidiens dont la douleur constante était de 6 sur 10Note de bas de page 37 .

[39] À l’automne 2017, le requérant obtenait de l’aide de travailleurs de soutien personnel pour l’aider à s’habiller, avec son hygiène personnelle et pour prévenir les chutesNote de bas de page 38

La preuve concernant la capacité de travailler du requérant a changé au fil des années

[40] Malgré toutes les limitations fonctionnelles du requérant, il y a des moments où la preuve montrait une certaine capacité de travailler. Même si le premier accident du requérant est survenu en septembre 2014, j’ai concentré mon analyse sur sa capacité de travailler pendant la période commençant en juin 2015. J’ai fait cela parce que les symptômes liés au syndrome post-commotionnel du requérant ne sont apparus qu’en 2015. Aussi, le requérant travaillait jusqu’en juin 2015, malgré une période de congé pour sa chirurgie abdominale et ses vacances. Il a aussi eu des gains véritablement rémunérateurs en 2015 (soit 34 408 $)Note de bas de page 39 .

I – De juin 2015 à l’automne 2015

[41] La preuve ne montre pas une capacité à travailler pour la période d’environ juin 2015 à l’automne 2015. En fait, le Dr Ponka a écrit en juillet 2015 que l’état du requérant n’avait pas commencé à s’améliorer et qu’il devrait être en congé completNote de bas de page 40 .

II – D’octobre 2015 à la mi-2016

[42] En octobre 2015, les médecins disaient que le requérant pourrait retourner au travail dans quelques semaines.

[43] Par exemple, le 21 octobre 2015, le Dr Ponka a écrit que le requérant était incapable de travailler jusqu’au 1er décembre 2015 et qu’il pourrait alors commencer à raison de trois demi-journées par semaineNote de bas de page 41 .

[44] Le 22 octobre 2015, le Dr Cattan, psychiatre, a écrit que le requérant n’était pas prêt à retourner travailler, surtout en raison des douleurs chroniques. Toutefois, il a dit que si le requérant suivait les recommandations de traitement, il devrait être en mesure de retourner progressivement au travail dans les trois prochains moisNote de bas de page 42 .

[45] Au début de 2016, il y a des preuves contradictoires quant à la capacité du requérant de travailler. D’un côté, le requérant a dit à son ergothérapeute (Maegan Whitteker), en février 2016, qu’il lui semblait que son niveau de fonctionnement avait grimpé à 60-65 % depuis l’accident, et que son médecin de famille lui avait donné la permission de retourner travailler à raison de deux demi-journées par semaineNote de bas de page 43 . D’un autre côté, Mme Whitteker a écrit qu’elle avait rencontré l’assureur du requérant et qu’après avoir parlé des tolérances et du fonctionnement physiques du requérant, de ses symptômes et de ses thérapies de réadaptation actives, ils avaient conclu que l’opinion du requérant de son propre niveau de fonctionnement ne correspondait pas au niveau de fonctionnement qu’il devait atteindre pour pouvoir suivre un programme de retour au travail à ce moment-làNote de bas de page 44 .

III – Mi-2016 à novembre 2018

[46] Le ministre soutient qu’un rapport du Dr Woolsey montre que le requérant pouvait travailler.

[47] Il est vrai qu’en février 2017, le Dr Woolsey a écrit que le requérant pouvait et devrait probablement commencer un retour progressif au travail. Il a expliqué que rien n’indiquait que plus de repos aiderait davantage le requérant. En fait, il ne recommandait pas de rester au repos, puisque selon lui, cela pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé et le bien-être du requérant. Il était d’avis que le requérant devrait commencer un retour progressif au travail, puis de faire augmenter les demandes cognitives de façon graduelle sur une période de 2 à 3 moisNote de bas de page 45 .

[48] Bien que l’avis du Dr Woolsey soit pertinent, je ne le trouve pas convaincant. D’abord, le Dr Woolsey n’est pas l’un des médecins traitants du requérant. Il est un consultant pour l’un des assureurs du requérant, et il a fondé son avis sur un examen du dossier papier. Deuxièmement, et c’est peut-être là encore plus important, l’avis du Dr Woolsey n’est pas cohérent avec la plupart des autres avis contenus au dossier quant à la capacité du requérant de travailler. Lorsque j’examine tous les avis médicaux dans leur ensemble, il me semble évident que la plupart des praticiens étaient d’avis que le requérant ne pouvait pas travailler. Lorsque j’examine ces avis ensemble, j’en conclus que les autres avis sont plus convaincants, surtout puisque la plupart d’entre eux ont été formulés par des praticiens qui ont traité le requérant et qui sont donc bien placés pour exprimer une opinion sur sa capacité à travailler.

[49] Vers la mi-2016, la plupart des praticiens de la santé disaient que le requérant ne pouvait pas travailler, et cela a continué à être le cas jusqu’à environ novembre 2018.

[50] En juin 2016, la Dre Carswell a indiqué que les douleurs et la fatigue du requérant devaient être mieux gérées avant qu’il ne puisse retourner travailler. Elle a expliqué que le requérant avait un certain nombre de limitations qui l’empêcheraient de retourner travailler avec succès dans son poste précédent, en raison notamment de son incapacité à tolérer plus de deux heures d’activité cognitive continue sans subir des douleurs et de la fatigue importantes, de sa difficulté à traiter rapidement l’information même dans un milieu calme et structuré, et de la difficulté à trouver ses mots, ce qui nuirait à la capacité du requérant de communiquer efficacement dans une position de gestionNote de bas de page 46 .

[51] En novembre 2016, le requérant a consulté son médecin au sujet d’un retour au travail en janvier 2017 ou au début de février 2017Note de bas de page 47 . En décembre 2016, son médecin a déclaré que le requérant voulait essayer de retourner progressivement au travail. Le médecin a dit au requérant qu’il n’était pas encore prêt. Il a expliqué que le requérant pourrait peut-être faire de 45 à 60 minutes de travail à la foisNote de bas de page 48 .

[52] En décembre 2016, l’ergothérapeute du requérant a indiqué que la réadaptation professionnelle était en suspens jusqu’à ce que les fonctions du requérant s’améliorent à un niveau tel que les parties concernées conviennent qu’un retour au travail pourrait être envisagéNote de bas de page 49 .

[53] En septembre 2017, la Dre Quon a indiqué que l’accident de voiture de juillet 2017 du requérant avait causé une aggravation marquée des symptômes persistants. Elle a dit qu’en raison de la gravité des symptômes persistants et de sa tolérance cognitive limitée, le requérant ne devrait pas tenter de retourner au travail à ce moment-làNote de bas de page 50 .

[54] En février 2018, la Dre Melanie Nguyen a indiqué que le requérant n’était pas prêt à retourner travailler. Elle a expliqué que son cas était fort complexe et que des évaluations de spécialistes médicaux tiers étaient en cours et en attenteNote de bas de page 51 .

[55] En mars 2018 et en mai 2018, le Dr Ponka a indiqué que le requérant n’était pas prêt à retourner travaillerNote de bas de page 52 .

[56] Avant de me tourner vers la période commençant en novembre 2018, je veux aborder l’un des arguments soulevés par le ministre. Le ministre laisse entendre que les commentaires de la Dre Carswell sur la capacité du requérant à travailler devraient avoir moins de poids parce qu’ils portent sur l’incapacité du requérant à occuper son emploi régulier plutôt que sur sa capacité à occuper un quelconque emploi.

[57] C’est vrai que la Dre Carswell a parlé des obstacles auxquels le requérant ferait face s’il retournait à son emploi régulier. Toutefois, l’avis de la Dre Carswell n’est que l’un de ceux sur lesquels je me suis fondée. Tous ces avis ne portent pas seulement sur l’emploi régulier ou habituel du requérant. De plus, lorsque je pense aux limitations fonctionnelles du requérant pendant cette période (de mi-2016 à novembre 2018), il est difficile d’imaginer quel type d’emploi le requérant aurait pu occuper. Ses étourdissements, ses problèmes d’équilibre et de vision, sa fatigue et sa douleur auraient fait en sorte qu’il était probablement un mauvais candidat pour des emplois de nature physique. Ces symptômes, en plus de ses difficultés cognitives, auraient fait en sorte qu’il aurait été irréaliste qu’il occupe un quelconque emploi de bureau. 

IV – De novembre 2018 à novembre 2019

[58] À l’été 2018, le Dr Ponka soutenait un retour au travail. En août 2018, il a écrit que l’état du requérant s’était amélioré depuis son intervention à l’œil gauche pour une réparation de la rétine. Il a également autorisé un plan de retour au travail proposé. Selon l’horaire de retour graduel au travail, le requérant devait retourner au travail la semaine du 26 novembre 2018 et graduellement augmenter ses heures jusqu’à la semaine du 25 février 2019, pendant laquelle il travaillerait à temps pleinNote de bas de page 53

Le requérant a des attributs favorables à l’emploi

[59] Lorsque je décide si une personne a la capacité de travailler, je dois examiner davantage que ses problèmes médicaux et leur conséquence sur ses capacités. Je dois aussi examiner son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience professionnelle et de vieNote de bas de page 54 . Ces facteurs m’éclaircissent quant à la capacité du requérant de travailler dans un contexte réaliste.

[60] Le requérant a clairement des attributs favorables à l’emploi. À la fin de 2017, il n’avait que 39 ans. Il lui restait donc plusieurs années avant d’atteindre l’âge normal de la retraite. Il parle couramment l’anglais et le françaisNote de bas de page 55 . Il est bien instruit, et a un diplôme de maîtrise en gestion de projetNote de bas de page 56 . Il a de bonnes expériences de travail et a travaillé au gouvernement fédéral pendant de nombreuses années. La meilleure preuve de l’employabilité du requérant est peut-être le fait qu’il a maintenu son poste au gouvernement pendant sa période d’invalidité et qu’il a travaillé pour la majeure partie de 2019.

Le requérant a tenté de travailler avant la fin de 2017 mais n’a pas réussi

[61] La preuve de la capacité de travailler est importante. Elle est importante, car s’il y a une preuve de la capacité de travailler, une personne doit ensuite montrer qu’elle a tenté de trouver et de maintenir un emploi. Pour établir que son invalidité est grave, elle doit aussi montrer que ses tentatives ont été vaines en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 57

[62] Même s’il y a une preuve d’une certaine capacité à travailler avant la fin de 2017 (d’environ octobre 2015 à la mi-2016), cela ne vient pas nuire à l’appel du requérant. En effet, le requérant a fait des démarches pour trouver et conserver un emploi et a été en mesure de montrer que celles-ci ont été vaines en raison de son invalidité.

[63] Encore une fois, on ne sait pas exactement à quelle fréquence travaillait le requérant. Toutefois, il ne semble pas avoir travaillé beaucoup. En 2016 et en 2017, le requérant n’avait pas suffisamment de revenus pour faire des cotisations valides au RPC. Peu importe le travail que le requérant a été en mesure de faire, il est évident qu’il n’a pas été capable de continuer en raison de son invalidité. En mai 2016, le médecin du requérant a écrit que celui-ci ne travaillait pas et il a expliqué que le requérant ne pouvait pas tolérer le travail à temps partiel parce que ses symptômes étaient réapparusNote de bas de page 58 . En septembre 2017, la Dre Quon a indiqué que le requérant était retourné brièvement travailler dans le passé, mais que cela avait causé aggravation marquée de ses symptômesNote de bas de page 59 .

L’invalidité du requérant a cessé d’être grave en 2019

[64] La preuve montre que l’invalidité du requérant a cessé d’être grave en 2019. J’affirme cela pour deux principales raisons.

[65] Premièrement, la preuve médicale montre qu’à l’automne 2018, l’état du requérant s’était amélioré de façon importante. Par exemple, en septembre 2018, la Dre QuonNote de bas de page 60 a indiqué que le requérant présentait des symptômes continus liés à une lésion cérébrale traumatique légère. Toutefois, elle a également dit que l’état du requérant s’était amélioré à plusieurs égards et elle planifiait un retour graduel au travail en novembre 2018. Quant à ces améliorations, la Dre Quon a écrit que le requérant avait toujours des problèmes de vision embrouillée et double et une sensibilité à la lumière, mais elle a dit que sa vision s’était [traduction] « considérablement améliorée » après les interventions chirurgicales de juillet 2016 et d’août 2018 et après avoir commencé à porter des lunettes à prismes. La Dre Quon a aussi observé des améliorations en ce qui concerne l’équilibre, le vertige, les maux de tête et la mémoire du requérant. Elle a constaté que le requérant était désormais capable de suivre les questions qu’on lui posait et de ne pas perdre le fil de ses penséesNote de bas de page 61 .

[66] Deuxièmement, le requérant est retourné au travail en 2019 et son activité professionnelle indique qu’il est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[67] On ne m’a pas fourni les dossiers d’emploi du requérant, et donc je ne suis pas certaine à quel moment le requérant est pour la dernière fois retourné au travail. Un plan de retour au travail daté du 31 août 2018 montre que le requérant était supposé retourner travailler la semaine du 26 novembre 2018, bien que graduellementNote de bas de page 62 . Toutefois, je ne pense pas que le requérant soit réellement retourné travailler en novembre 2018. Je dis cela parce qu’en décembre 2018, le requérant a dit à un travailleur de soutien que son programme de retour au travail commençait en janvier 2019Note de bas de page 63 . Aussi, pendant une conversation téléphonique, le 23 février 2021, le requérant a dit à l’un des évaluateurs du ministre qu’il a commencé un programme de retour progressif au travail en mars 2019Note de bas de page 64 . Pendant l’audience, j’ai demandé au requérant si mars 2019 était la date réelle de son retour au travail et il a dit oui. Je considère donc que le requérant a probablement commencé son programme de retour au travail en mars 2019. 

[68] En reconnaissant que le requérant est retourné travailler de façon graduelle, j’ai établi qu’au 1er juin 2019, l’invalidité du requérant n’était plus grave.

[69] Premièrement, la date du 1er juin 2019 permet de considérer qu’il y a eu une période approximative de trois mois d’essai, et elle est largement cohérente avec une progression sur trois mois avant de travailler à temps plein, comme le prévoyait le plan de retour au travail du 31 août 2018.

[70] Deuxièmement, j’ai des raisons de croire que le requérant a soit obtenu des gains véritablement rémunérateurs en 2019, soit en avait-il la capacité.

[71] Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) définit un emploi « véritablement rémunérateur » comme étant une occupation qui fournit un salaire égal ou supérieur un montant annuel maximal que pourrait recevoir une personne en pensions d’invaliditéNote de bas de page 65 . La somme maximale annuelle qu’une personne pouvait recevoir en pension d’invalidité en 2019 était de 16 347 $ (1 362,30 x 12).

[72] Le ministre soutient qu’en 2019, le requérant a gagné 29 291 $ et 14 714,99 $Note de bas de page 66 . Je peux confirmer les gains de 14 714 $Note de bas de page 67 , mais je ne trouve aucune preuve sur les gains de 29 291 $. Malheureusement, le ministre n’était pas représenté lors de l’audience et donc, je n’ai pas été en mesure de clarifier cette question lors de l’audience.

[73] De toute façon, même si les gains de 14 714 $ du requérant sont légèrement inférieurs au seuil pour être considérés comme étant véritablement rémunérateurs (16 347,60 $), je suis d’avis que le requérant a gagné plus de 14 714 $ en 2019, ou en tout cas, qu’il avait la capacité de gagner plus que cela.

[74] Le registre des gains du requérant montre des gains de 19 053 $ en 2020Note de bas de page 68 . Lorsque j’ai posé des questions au requérant à ce sujet, il a dit qu’il n’avait pas rempli sa déclaration fiscale pour l’année 2020, mais qu’il avait reçu de l’argent en 2020 pour un travail qu’il avait fait en 2019. Il a expliqué que lorsqu’il travaillait, en 2019, ses payes étaient souvent inexactes et considérablement inférieures à ce qu’elles auraient dû être. Ces problèmes étaient dus au système de paye PhénixNote de bas de page 69 . Cela m’indique que les gains de 14 714 $ du requérant ne correspondent pas réellement à sa véritable capacité de réaliser des gains en 2019. Si des gains de près de 20 000 $ sont ajoutés à ses gains de 14 714 $, il serait clairement au-dessus du seuil des gains véritablement rémunérateurs en 2019.

[75] J’ai aussi tenu compte du fait que le requérant n’a pas travaillé pendant toute l’année 2019. Il n’a probablement pas travaillé en janvier et en février, et il n’a pas travaillé après novembre 2019. Les gains du requérant ne reflètent donc probablement pas sa capacité à réaliser des gains pendant toute une année.

[76] Le requérant soutient que même s’il travaillait en 2019, il était tout de même invalide. Il a expliqué qu’il était motivé à bien faire les choses, et que cela ne devrait pas lui nuire. Il a souligné que le jour de son troisième accident, il sortait d’un rendez-vous avec un thérapeute dans un véhicule de Para Transpo et que s’il était toujours en thérapie et qu’il devait se déplacer en faisant appel à Para Transpo, il n’était clairement pas [traduction] « bien ». Le requérant a également déclaré que lorsqu’il travaillait en 2019, il a connu quelques revers. Il a expliqué qu’il avait essayé de travailler à temps plein, mais que ses supérieurs et ses collègues lui avaient dit qu’il devait réduire ses heures. Ils lui ont dit de réduire ses heures à seulement 1 ou 2 jours par semaine. Il a refusé parce qu’il ne voulait pas perdre les gains qu’il avait réalisés. Le requérant a alors pris des dispositions pour travailler à domicile 3 jours par semaine.

[77] Je reconnais que le requérant n’était peut-être pas « bien » et qu’il avait probablement toujours certaines limitations lorsqu’il travaillait. Toutefois, je n’accepte pas que son invalidité a continué à être grave entre le 1er juin et novembre 2019. Encore une fois, le requérant travaillait, et il occupait un emploi véritablement rémunérateur. Aussi, le requérant a été capable de poursuivre ses activités professionnelles pendant plusieurs mois, et il semble avoir été en mesure de travailler de façon régulière. Je n’ai pas de preuve m’indiquant qu’il était incapable de répondre aux exigences de son travail ou qu’il présentait un taux anormalement élevé d’absence. Enfin, quand j’ai demandé au requérant s’il pensait qu’il aurait pu continuer à travailler si l’accident de novembre 2019 n’avait pas eu lieu, il n’a pas répondu « non ». Il a plutôt dit qu’il était très difficile de répondre par « oui » ou par « non ». Il a ensuite expliqué qu’il voulait vraiment avoir une famille et que la famille passe avant le travail. Cet élément de preuve ne m’indique pas que ses activités professionnelles allaient probablement cesser en raison de son invalidité.

Il n’existe aucune preuve que son employeur était un employeur bienveillant

[78] Le représentant du requérant a soutenu que les activités professionnelles du requérant en 2019 ne constituaient pas un retour au travail. Il s’agissait plutôt d’une tentative de travailler pour un employeur qui lui offrait beaucoup de mesures d’adaptation. J’ai déjà expliqué pourquoi je crois que les activités professionnelles du requérant en 2019 constituaient plus qu’une tentative de retour au travail. Quant aux mesures d’adaptation de son employeur, la preuve est très mince. Comme je l’ai déjà mentionné, je n’ai pas en main les dossiers d’emploi du requérant. Il m’est donc difficile d’évaluer toutes les mesures d’adaptation qui ont été mises en place pour le requérant. Toutefois, même si l’employeur du requérant lui a offert des mesures d’adaptation, je n’ai pas de preuve me montrant que celles-ci allaient au-delà de ce qu’on peut s’attendre d’un employeur dans un marché soumis à la concurrence.

[79] Le représentant n’a pas décrit l’employeur comme étant un employeur bienveillant, mais je me suis fait mon opinion sur cette question. Lorsque je détermine si un employeur était un employeur bienveillant (ce qui est différent d’un employeur qui offre des mesures d’adaptation), je dois me concentrer sur les attentes concernant le rendement et, plus précisément, évaluer si ces attentes sont amoindries par rapport à ce que l’on pourrait raisonnablement s’attendre dans un marché soumis à la concurrenceNote de bas de page 70 .

[80] Je n’ai pas de preuve pour soutenir une conclusion selon laquelle l’employeur du requérant aurait été un employeur bienveillant. Par exemple, je n’ai pas de preuve documentaire (comme une lettre) de l’employeur du requérant qui me fournit des renseignements sur la situation professionnelle du requérant durant 2019. Je n’ai pas de preuve me montrant que les attentes quant au rendement du requérant étaient diminuées ou modifiées d’une quelconque façon et je n’ai pas plus de preuve m’indiquant que l’employeur a connu des difficultés parce qu’il devait offrir des mesures d’adaptation au requérant. Enfin, le requérant m’a dit que son poste d’attache en 2019 était un poste rémunéré à raison de 73 000 $ à 78 000 $ par année. Il n’a pas fourni de preuve laissant entendre que son travail ne correspondait pas à sa classification. 

L’invalidité du requérant est peut-être devenue grave de nouveau en novembre 2019 ou après

[81] Je reconnais que l’invalidité du requérant est peut-être devenue grave de nouveau en novembre 2019. Toutefois, si tel est le cas, ce serait à cause de l’accident de voiture subi en novembre 2019. L’accident de voiture de 2019 s’est produit après l’expiration de la couverture du requérant par le RPC, en décembre 2017, et ce n’est donc pas un élément dont je peux tenir compte. 

Invalidité prolongée

[82] La preuve montre que l’invalidité du requérant était probablement d’une durée longue et continue avant la fin de 2017. Toutefois, je conclus aussi que l’état de santé du requérant s’est amélioré après 2017 au point où celui-ci était capable de retourner travailler avec succès en 2019. Ainsi, je conclus que le requérant était invalide pendant une période de temps définie. 

[83] Je ne tire pas cette conclusion à la légère. Je reconnais que les prestations d’invalidité du RPC ne sont pas conçues pour aider les personnes à passer à travers une période pendant laquelle elles ne peuvent pas travaillerNote de bas de page 71 . Je reconnais par ailleurs qu’établir une période fermée d’invalidité est une chose rare, et que cela devrait être réservé aux situations où les opinions médicales avant le traitement prescrit n’indiquent pas clairement les chances de rétablissement d’une partie requérante et ses chances de travailler par la suiteNote de bas de page 72 . À mon avis, c’est ce qui se produit ici.

[84] Le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice de juin 2015 à juin 2019. Il s’agit d’une période de quatre ans. Quatre ans sans pouvoir travailler, c’est une longue période de temps. Il est difficile de décrire une période de quatre ans d’invalidité comme étant temporaire (ou de courte durée), ou autrement que comme étant d’une durée longue et continue. 

[85] Malgré ça, la loi exige que l’invalidité soit davantage que d’une durée longue et continue. Pour être prolongée, l’invalidité doit également être d’une durée indéfinie. La plupart des éléments de preuve de la fin de 2017 révèlent une incertitude quant à la durée de l’invalidité du requérant et quant aux chances du requérant de pouvoir éventuellement retourner travailler. Lorsqu’un retour au travail a fait l’objet d’une discussion avec les fournisseurs de soins de santé, c’était principalement dans le contexte d’un praticien qui avait espoir qu’un retour au travail était possible.

[86] En juin 2016, la Dre Carswell a indiqué que le pronostic du requérant n’était pas clair, puisque plus de 18 mois s’étaient écoulés depuis sa blessure et qu’il continuait à avoir des douleurs chroniques, une endurance réduite, de la fatigue et des déficits cognitifs. Elle a affirmé que des gains fonctionnels demeuraient possibles avec une meilleure gestion de la douleur et une thérapie continue. Elle pensait aussi que son fonctionnement cognitif pouvait s’améliorer avec une meilleure gestion de la douleur et de la fatigueNote de bas de page 73 .

[87] En août 2016, la Dre Quon a indiqué que près de deux ans s’étaient écoulés depuis l’accident et que le requérant avait toujours des symptômes post-commotionnels physiques et cognitifs, ainsi que des douleurs chroniques au cou et au dos. Elle a affirmé que puisque deux années s’étaient écoulées depuis la blessure, elle ne s’attendait pas à des progrès neurologiques importants, bien que, selon elle, il était possible que le requérant connaisse une amélioration de ses fonctions avec une meilleure gestion de ses symptômes au fil du tempsNote de bas de page 74 .

[88] En décembre 2016, le médecin du requérant a affirmé que le requérant n’était pas prêt à retourner au travail, mais qu’il avait espoir que le requérant pourrait retourner travailler dans l’avenirNote de bas de page 75 .

[89] En avril 2017, le Dr Ponka a indiqué que le requérant n’avait pas connu d’amélioration notable et qu’il avait été largement incapable de travailler depuis son accident de voiture de septembre 2014. Il a dit qu’il était d’accord avec l’opinion de la Dre Carswell, soit que le pronostic du requérant n’était pas clair, puisque plus de 18 mois s’étaient écoulés depuis accident de voiture et que le requérant continuait à avoir des douleurs chroniques, une endurance réduite, de la fatigue et des déficits cognitifsNote de bas de page 76 .

[90] En mars 2018, le Dr Ponka a donné au requérant un pronostic réservéNote de bas de page 77 .

[91] En mai 2018, le Dr Xu (pour le Dr Ponka) a indiqué qu’il n’avait aucune information laissant entendre que l’état de santé du requérant allait s’améliorer ou qu’il allait se rétablir et ainsi pouvoir retourner travailler dans six moisNote de bas de page 78 .

[92] En juillet 2018, Le Dr Xu (pour le Dr Ponka) a écrit qu’il appuyait l’idée selon laquelle le requérant pourrait retourner travailler dans un avenir prévisible. Il envisageait l’essai d’un retour progressif partiel au travail probablement à partir d’octobre ou de novembre 2018Note de bas de page 79 . Le pronostic était favorable, mais pas incohérent avec une conclusion continue qu’il y a une invalidité prolongée. Le médecin a envisagé l’essai d’un retour partiel au travail. Il n’a pas présenté son avis quant aux chances de cet essai de réussir.

Conclusion

[93] L’invalidité du requérant est devenue grave et prolongée en juin 2015, lorsqu’il a cessé de travailler après l’apparition de symptômes post-commotionnels.

[94] En ce qui concerne le paiement de la pension, le plus tôt qu’une personne puisse être réputée invalide est 15 mois avant la date de la présentation de la demandeNote de bas de page 80 . Le requérant a présenté sa demande de prestations d’invalidité en juin 2017. Quinze mois avant juin 2017 nous amène à mars 2016. Il y a un délai d’attente de quatre mois avant le commencement des versements de la pensionNote de bas de page 81 . Quatre mois après mars 2016 nous amène à juillet 2016.

[95] L’invalidité du requérant a continué à être grave et prolongée jusqu’au mois de mai 2019 inclusivement. Le requérant est donc admissible à des prestations d’invalidité de juillet 2016 à mai 2019 inclusivement.

[96] L’appel est accueilli en partie.

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