Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

Régime de pensions du Canada – invalidité – la DG a reconnu la règle de droit énoncée dans l’arrêt Bungay, mais n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé et de la situation personnelle de la requérante sur sa capacité de travail

La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada en invoquant de nombreux problèmes de santé. Le ministre a rejeté sa demande. La requérante a porté cette décision en appel devant la division générale (DG).

La DG a aussi conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave, et a rejeté son appel. La DG a noté qu’elle avait tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé de la requérante sur sa capacité de travail.

La requérante a fait appel à la division d’appel (DA). Dans sa décision, la DG avait écrit ceci : « Je dois examiner son état de santé dans son ensemble et voir comment ses problèmes médicaux ont pu l’empêcher de travailler. » Dans deux sections distinctes de ses motifs de décision, la DG a examiné ses problèmes de santé et sa situation personnelle. La DG a décidé que ni l’un ni l’autre de ces paramètres n’était un obstacle à sa capacité de travail. La DA a quant à elle conclu que la DG avait commis une erreur de droit. En effet, la DG n’avait pas examiné ensemble les effets des problèmes médicaux et de la situation personnelle de la requérante. Par exemple, son médecin avait noté qu’elle pouvait faire du travail de bureau, mais aucune occasion ne s’était offerte à elle vu son manque de formation. Il était peu probable que son état s’améliore et son médecin avait recommandé qu’on lui accorde des prestations d’invalidité de longue durée. Un autre médecin avait écrit dans son rapport que l’obésité de la requérante était un frein à son rétablissement. Elle possédait peu de compétences transférables et ses maux de dos la limitaient. Essentiellement, la DG avait omis d’évaluer l’effet cumulatif des problèmes de santé de la requérante en tenant compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses antécédents professionnels et de son expérience de vie.

La DA a accueilli l’appel de la requérante. Elle a rendu la décision que la DG aurait dû rendre et a conclu que la requérante était invalide.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 430

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. C. (requérante)
Représentante ou représentant : Bozena Kordasiewicz
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Suzette Bernard

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée
du 9 mars 2021 (GP-20-265)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 11 août 2021
Numéro de dossier : AD-21-178

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a établi que la requérante n’était pas invalide avant le 31 décembre 2020. La requérante est admissible à une pension d’invalidité à compter de novembre 2017.

Contexte

[2] La requérante était préposée aux services de soutien à la personne. Elle a arrêté de travailler après s’être blessée au dos en décembre 2016. Elle a maintenant 49 ans.

[3] En octobre 2018, elle a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle affirmait ne plus pouvoir travailler en raison de douleurs chroniques au dos, de la fibromyalgie et d’une dépression, entre autres problèmes de santé.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande parce que selon lui, la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[5] La requérante a fait appel du rejet du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. La division générale a jugé que la requérante n’avait pas fourni assez d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant sa période de couvertureNote de bas de page 1 .

[6] La requérante a demandé la permission de faire appel devant la division d’appel du Tribunal. Elle affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes en parvenant à sa décision :

  • elle a omis d’examiner l’ensemble des caractéristiques personnelles de la requérante;
  • elle a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve au sujet de ses traitements et de son prétendu refus de subir certains traitements;
  • elle a omis d’aborder les façons dont ses limitations ont affecté sa capacité à travailler;
  • elle a ignoré le fait qu’aucun des éléments de preuve médicale ne mentionnait qu’elle était capable de travailler pendant sa période de couverture.

[7] La division d’appel a accordé à la requérante la permission d’en appeler parce qu’elle avait un argument défendable selon elle.

[8] Le ministre a maintenant admis que la division générale avait commis une erreur de droit et avait fondé sa décision sur une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire. Il recommande que l’appel soit accueilli et que la requérante se voie accorder une pension d’invaliditéNote de bas de page 2 .

[9] J’ai maintenant examiné la décision de la division générale et tous les documents justificatifs. J’accepte la recommandation du ministre.

Analyse

La division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des problèmes de santé de la requérante dans leur ensemble

[10] La requérante affirme que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’effet cumulatif de ses nombreux problèmes de santé sur sa capacité à travailler.

[11] Je suis d’accord.

[12] La décision de principe en matière d’invalidité du RPC est VillaniNote de bas de page 3 , qui exige que le Tribunal considère les parties requérantes comme des personnes à part entière. Ce principe a été consolidé par une décision intitulée BungayNote de bas de page 4 , dans laquelle la Cour d’appel fédérale a soutenu que l’employabilité doit être évaluée, non pas dans l’abstraction, mais eu regard à toutes les circonstances. Les circonstances appartiennent à deux catégories. Premièrement, la situation particulière de la personne, qui comprend des facteurs comme « son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie ». Deuxièmement, les antécédents médicaux de la personne, qui exigent que les diverses détériorations de la personne soient examinées dans leur ensemble. Toutes les détériorations de la personne pouvant avoir une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 5 .

[13] La requérante affirme avoir de nombreux problèmes médicaux, notamment les douleurs chroniques au dos, la fibromyalgie, l’obésité, la dépression et l’incapacité à se concentrer.

[14] Dans sa décision, la division générale a reconnu la décision Bungay : « Je dois examiner son état de santé global et réfléchir à la façon dont ses problèmes pourraient avoir affecté sa capacité de travaillerNote de bas de page 6  ». La division générale a ensuite analysé l’état de santé et les antécédents de la requérante dans deux rubriques différentes, et a conclu qu’aucun élément en soi ne l’avait empêchée de travailler pendant sa période de couverture. C’était une erreur de droit.

[15] Le Dr David Brault, médecin de famille de la requérante, a mentionné que la requérante pourrait vraisemblablement détenir un emploi de bureau, mais qu’elle n’avait pas eu d’occasions d’occuper ce type de poste en raison d’un manque de formation ou d’instructionNote de bas de page 7 . Il a aussi dit qu’il était peu probable que l’état de la requérante s’améliore et a recommandé que des prestations d’invalidité de longue durée lui soient verséesNote de bas de page 8 .

[16] Le Dr Noah Levine, un professionnel de la santé embauché par le fournisseur d’assurance‑invalidité de longue durée de la requérante, a précisé que son obésité limiterait sa capacité de réadaptationNote de bas de page 9 . Il a aussi noté que ses douleurs chroniques étaient exacerbées par une blessure liée au travail.

[17] La division générale a mentionné les évaluations du Dr Brault et du Dr Levine dans sa décisionNote de bas de page 10 . Elle a par la suite reconnu qu’en plus des limitations fonctionnelles causées par ses douleurs au dos, la requérante avait peu de compétences transférables. La division générale a néanmoins conclu que la requérante était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[18] La division générale était de toute évidence au courant de la nécessité de considérer la requérante comme une personne à part entière. Cependant, elle n’a pas évalué l’effet cumulatif de l’ensemble de ses problèmes de santé sur sa capacité à travailler en tenant compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses antécédents de travail et de son expérience de vie.

Réparation

[19] Lorsque la division générale commet une erreur, la division d’appel peut la réparer de deux façons : i) en renvoyant l’affaire à la division générale pour qu’elle tienne une nouvelle audience ou ii) en rendant la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 11 .  

[20] Le Tribunal doit procéder de la façon la plus expéditive que le permet l’équité. Le dossier de la présente affaire contient assez de renseignements pour que je puisse la trancher moi-même. J’ai examiné l’ensemble du dossier et je suis convaincu que la requérante est devenue invalide pendant sa période de couverture et qu’elle l’est demeurée depuis.

[21] La requérante a terminé ses études secondaires et a obtenu un certificat de préposée aux services de soutien à la personne. Elle a de longs antécédents de travail, mais elle n’a fait que du travail non qualifié ou manuel. Elle n’a pas de compétences en informatique ou d’expérience en travail de bureau.

[22] De nombreux problèmes de santé ont été diagnostiqués chez elle, parmi lesquels la discopathie dégénérative, la sacro-iliite, la fibromyalgie, l’apnée du sommeil et la dépression majeure. Ces problèmes lui causent de nombreux symptômes comme des douleurs continues, des maux de tête, des déficits cognitifs et des complications découlant de l’obésité.

[23] Plusieurs professionnels de la santé l’ont évaluée. Elle s’est conformée à leurs recommandations de traitements. Elle a essayé de perdre du poids, elle a pris les médicaments qui lui ont été prescrits, a participé à des séances de physiothérapie et à un programme de gestion de la douleur. Cependant, malgré qu’elle se conforme aux conseils médicaux, elle continue d’avoir d’importantes limitations fonctionnelles.

[24] La requérante approche l’âge de 50 ans. Elle ne peut pas reprendre un emploi qui exige une activité physique importante. Elle n’est pas une candidate appropriée pour le travail de bureau. De plus, il ne serait pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle réussisse un programme de recyclage professionnel.

[25] Je suis convaincu que la requérante avait une invalidité grave et prolongée pendant sa période de couverture.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’état de santé global de la requérante.

[27] J’ai décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je conclus que la requérante est devenue invalide à compter de décembre 2016, son dernier mois d’emploi régulier. Selon le RPC, en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de réception de la demande de pension d’invalidité par le ministreNote de bas de page 12 . Dans l’affaire qui nous occupe, le ministre a reçu la demande de la requérante en octobre 2018. La requérante est donc réputée être devenue invalide à compter de juillet 2017. Étant donné que les paiements commencent quatre mois après la date à laquelle elle est réputée être devenue invalideNote de bas de page 13 , le versement de la pension d’invalidité de la requérante commence en novembre 2017.

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