Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 427

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1528

ENTRE :

J. R.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Antoinette Cardillo
Date de l’audience par téléconférence : Le 2 mars 2021
Date de la décision : Le 22 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, J. R., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette son appel.

Aperçu

[2] La requérante a 34 ans et détient un diplôme universitaire en chimie. Avant d’arrêter de travailler pour des raisons de santé, elle a été préposée au service à la clientèle pour la Ville de Toronto de juillet 2002 à janvier 2019, en plus d’avoir occupé un poste d’assistante à l’enseignement de mai 2015 à avril 2019. Dans sa demande, elle a écrit qu’elle ne se sentait plus capable de travailler depuis janvier 2019. Elle dit être invalide parce qu’elle a du mal à utiliser son bras droit pour taper efficacement, soulever des objets et s’étirer, ainsi qu’à se pencher, à faire des torsions, à se tourner et à rester assise pendant plus de cinq minutes. Elle a aussi précisé qu’elle avait une douleur névralgique à la main droite.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 17 juin 2019Note de bas page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le ministre a reconnu la présence de symptômes au bas dos et au bras droit de la requérante. Toutefois, selon le ministre, les rapports médicaux fournis ne révélaient aucune pathologie ou limitation fonctionnelle grave, mais plutôt une amélioration de ses symptômes. Même si son médecin de famille avait fait état d’une dépression, il n’était question d’aucun autre symptôme psychiatrique grave ou traitement psychologique ou psychiatrique régulier qui témoignerait d’une invalidité chez la requérante. Le ministre a ajouté qu’il était raisonnable de penser, compte tenu de son âge, de ses études et de son expérience de travail, que la requérante serait capable de trouver un autre type d’emploi, y compris un emploi convenable à temps partiel. Par conséquent, le critère juridique servant à prouver une invalidité grave et prolongée pour bénéficier de la pension du RPC n’était pas rempli. La requérante a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[4] Pour gagner son appel, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de l’audienceNote de bas page 2.

[5] Le RPC définit les adjectifs « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 3. Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 4.

[6] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[7] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en date de l’audience. Je suis arrivée à ma décision après avoir examiné les questions qui suivent.

La requérante n’est pas atteinte d’une invalidité grave

Les limitations fonctionnelles de la requérante ne nuisent pas à sa capacité de travail

[8] La requérante a avancé qu’elle avait du mal à utiliser efficacement son bras droit pour taper, soulever des objets et s’étirer, en plus d’avoir du mal à se pencher, à se tordre, à se tourner et à rester assise pendant plus de cinq minutes. Elle a aussi précisé qu’elle avait une douleur névralgique à la main droite. Toutefois, les diagnostics ne sont pas dans ma mireNote de bas page 5. Je dois plutôt voir si la requérante a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas page 7.

[9] Je juge que la requérante n’a pas de limitations fonctionnelles. Voici ce dont j’ai tenu compte.

Ce que la requérante dit de ses limitations fonctionnelles

[10] La requérante dit que ses problèmes de santé lui causent des limitations fonctionnelles qui nuisent de différentes façons à sa capacité de travailler.

[11] En décembre 2018, elle a glissé et est tombée dans les escaliers. Elle a ensuite commencé à avoir mal au dos, et sa main droite est devenue sensible et faible. La douleur s’est progressivement aggravée. Des échographies et des radiographies de son épaule n’ont rien révélé. Elle prenait du Tylenol 3 pour sa douleur. Elle disait que sa douleur devenait plus forte si elle était plus active. Elle a commencé à avoir du mal à marcher. Elle dit devoir passer une journée au lit après avoir fait de grands efforts physiques. La thérapie et les médicaments ne l’aident pas. Les traitements par perfusion réduisaient sa douleur névralgique de moitié sans toutefois soulager sa douleur musculaire. Elle reçoit une injection par perfusion aux huit semaines. Elle a dit avoir mal à l’épaule droite et au dos en faisant certaines tâches comme laver la vaisselle, faire la lessive ou passer l’aspirateur. Sa douleur et sa fatigue la limitent à une seule tâche par jour. Son niveau de douleur est de 5/10.

[12] Elle poursuit toujours le traitement par perfusion et prend aussi des médicaments (de la gabapentine et deux autres) qui aident un peu à réduire sa douleur.

[13] Elle a essayé de faire de la physiothérapie et a aussi vu un chiropraticien, mais sa douleur a empiré. Par contre, les traitements ont amélioré son amplitude de mouvement.

[14] Elle a aussi essayé l’acupuncture et la massothérapie, mais elle était trop sensible au toucher et a dû arrêter. Elle a essayé la marijuana médicinale, en vain.

[15] Elle a expliqué que son sentiment de déprime était apparu en mai 2020. Elle avait commencé à voir le docteur Phillips pour de l’anxiété et une dépression.

[16] Elle a dit qu’elle avait déménagé en Colombie-Britannique en janvier 2020 avec l’intention de faire sa maîtrise. Par contre, elle avait des problèmes de concentration et de mémorisation. À cause de la pandémie, elle est revenue à la maison en mars 2020 pour poursuivre ses études en ligne jusqu’en juillet 2020. Elle est retournée en Colombie-Britannique, mais éprouve de la difficulté avec ses études. Elle ne croit pas pouvoir continuer. Elle prend plus de temps à faire ses devoirs et ses travaux de laboratoire. Elle a peur de marcher et de monter et descendre les escaliers. Elle se force à conduire et à prendre l’autobus, mais ces activités aggravent sa douleur.

[17] Elle se croit incapable de conserver un emploi en raison de la douleur et de ses problèmes de santé mentale. Elle n’est pas fiable.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[18] La requérante a décrit avec sincérité ses limitations et affirmé qu’elles l’empêchaient de travailler. Néanmoins, il lui faut présenter une preuve médicale objective montrant l’effet de ses limitations fonctionnelles sur sa capacité de travailler en date de l’audienceNote de bas page 8. La preuve médicale n’appuie pas son propos.

[19] Des radiographies de sa colonne lombaire et thoracique, effectués le 2 janvier 2019Note de bas page 9, n’ont rien révélé d’anormal. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée le 7 janvier 2019Note de bas page 10 a révélé une légère scoliose.

[20] Le 25 janvier 2019Note de bas page 11, le docteur Ganty a affirmé que les symptômes de la requérante résultaient à la fois d’une douleur myofasciale et d’une douleur discogénique dans la région droite du thorax, avec des caractéristiques typiques de la douleur neuropathique lorsqu’elle irradie dans son épaule droite. Elle n’avait pas voulu d’anesthésies tronculaires, mais avait consenti à essayer des perfusions de lidocaïne et de kétamine pour soulager l’aspect neuropathique de sa douleur. Le docteur Ganty a noté une sensibilité à l’épaule droite et au bas du dos ainsi qu’une amplitude de mouvement réduite. Il a toutefois noté que la démarche de la requérante était normale, de même que sa posture et l’amplitude de mouvement de sa colonne cervicale.

[21] D’après les notes cliniques prises de janvier à mars 2019Note de bas page 12 par sa médecin de famille, la docteure Dunston, la douleur de la requérante s’était quelque peu améliorée. Elle traversait cependant des périodes de tristesse et avait des problèmes d’humeur dépressive et de fatigue.

[22] Le 4 avril 2019Note de bas page 13, la docteure Dunston a écrit que la requérante était incapable de rester assise longtemps sans changer de position, mais que ce problème s’était amélioré de 70 % depuis son apparition. En mai 2019Note de bas page 14, le traitement par perfusion l’avait aidée. Le 13 juin 2019Note de bas page 15, elle a noté que la gabapentine semblait aussi l’aider.

[23] Une IRM du cou datant du 13 avril 2019Note de bas page 16 a révélé une légère spondylose. Un rapport d’échographie daté du 3 mai 2019Note de bas page 17 relevait la présence d’une tendinopathie légère à modérée à l’épaule droite.

[24] Dans un rapport daté du 13 juin 2019Note de bas page 18 appuyant la demande de pension d’invalidité de la requérante, la docteure Duntson a indiqué des diagnostics de dépression et de douleur au dos, à l’épaule droite et au bras droit. La requérante ne pouvait pas marcher ou rester assise longtemps, ni se pencher pour soulever des objets. Elle ne pouvait pas taper à l’ordinateur longtemps, s’allonger du côté droit, ou étirer le bras plus haut que sa tête, ni soulever ou transporter des objets avec son bras droit parce qu’elle avait mal à l’épaule et à la main de ce côté. On lui avait prescrit un relaxant musculaire et des médicaments pour sa douleur chronique, et ceux-ci diminuaient efficacement sa douleur. La docteure Duntson a aussi fait savoir que la physiothérapie et la chiropratique réduisaient la douleur. La requérante avait essayé la marijuana médicinale, mais elle ne tolérait pas cette substance. Elle tirait des bénéfices des perfusions de lidocaïne et de kétamine, des anesthésiques servant à traiter la douleur neuropathique. La docteure Duntson a aussi expliqué que la requérante ne pouvait pas conduire, qu’elle était parfois incapable de quitter sa maison ou de socialiser et qu’elle était incapable de se concentrer sur ses tâches à cause de sa dépression. Elle était notamment traitée au moyen d’antidépresseurs et faisait de la physiothérapie. Ces traitements portaient leurs fruits. La docteure Duntson lui a recommandé de cesser de travailler le 15 janvier 2019, tout en notant qu’elle pourrait retravailler dans l’avenir, dans un poste de gestion ou de supervision qui ne soit pas de nature physique.

[25] Dans une lettre datée du 27 avril 2020Note de bas page 19, la docteure Duntson a expliqué que le docteur Mittal, physiatre, avait diagnostiqué une fibromyalgie chez la requérante en août 2019. Ce diagnostic était secondé par le docteur Shamis, rhumatologue. La docteure Duntson a affirmé que la requérante était incapable de travailler à ce moment-là, malgré le grand nombre de thérapies et de médicaments qu’elle avait essayés.

[26] Dans sa lettre du 11 septembre 2020, monsieur Robert Phillips, thérapeute, disait croire que les symptômes psychologiques de la requérante résultaient directement de sa fibromyalgie. Elle évitait notamment de prendre l’autobus, de faire de l’exercice, ou de faire ses travaux universitaires. Ces activités, si elle s’y adonnait au lieu de les éviter, lui causaient une douleur considérable. La requérante a déclaré qu’elle se sentait souvent désespérée. Lors de leurs séances, elle était anxieuse et dépassée par les choses. Monsieur Phillips a toutefois précisé que son rôle de thérapeute ne lui permettait pas de poser des diagnostics de nature psychologique.

[27] Le 25 septembre 2020Note de bas page 20, la docteure Dunston a affirmé que la requérante présentait une perte importante de ses capacités fonctionnelles en raison de sa douleur chronique et de sa fibromyalgie. Sa douleur chronique gênait son fonctionnement. Cette douleur quotidienne constante la rendait fatiguée, ce qui nuisait encore plus à sa capacité de fonctionner. À tout cela s’ajoutait à raison une dépression, que sa douleur chronique exacerbait.

[28] Le 2 octobre 2020, le docteur Ganty a toutefois noté dans un rapport que le traitement par perfusion soulageait grandement la douleur de la requérante et que l’Effexor avait été bénéfique pour son humeur. Dans son rapport précédent du 22 mai 2019Note de bas page 21, le docteur Ganty avait noté que la perfusion n’avait pas initialement réussi à l’aider, mais que la gabapentine avait semblé soulager sa douleur. Puis, le 2 octobre 2019Note de bas page 22, la perfusion avait légèrement soulagé sa douleur. Entre le 27 novembre 2019Note de bas page 23 et octobre 2020, une amélioration importante avait systématiquement été notée.

[29] La preuve montre que, depuis sa chute, la douleur ressentie par la requérante s’est améliorée grâce aux médicaments, aux traitements par perfusion et aux thérapies. La docteure Dunston a aussi attesté que les antidépresseurs et la psychothérapie étaient efficaces pour traiter la dépression. Le docteur Ganty a aussi fait savoir que l’Effexor avait eu un effet bénéfique sur l’humeur de la requérante.

[30] La preuve médicale ne révèle pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles nuisant à sa capacité de travailler en date de l’audience. Elle n’a donc pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave.

[31] Pour décider si l’invalidité est grave, je dois parfois tenir compte du profil de la personne, y compris son âge, son niveau d’éducation, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Je peux ainsi voir sous un angle réaliste sa capacité de travaillerNote de bas page 24. Dans la présente affaire, je n’ai pas à faire cette analyse puisque les limitations fonctionnelles de la requérante ne l’empêchaient pas de travailler en date de l’audience. Autrement dit, elle n’a pas prouvé que son invalidité était grave à cette dateNote de bas page 25.

Conclusion

[32] Je conclus que la requérante n’est pas atteinte d’une invalidité grave et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[33] L’appel est donc rejeté.

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