Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 434

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1447

ENTRE :

R. S.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jean Lazure
Requérant représenté par :
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 1er avril 2021
Date de la décision : Le 21 avril 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, R. S., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant avait 52 ans au moment de l’audience. Pour ce qui est de l’éducation, je remarque qu’il a fait sa 12e année. Il a également suivi un cours de charpenterie. Les observations du ministre précisent que le requérant a un diplôme d’agent de sécurité pour les installations maritimesNote de bas page 1, mais le requérant ne l’a pas mentionné dans son témoignage.

[3] À son entrée sur le marché du travail, le requérant a travaillé comme charpentier pour différents entrepreneurs. Il a ensuite passé la plus grande partie de sa vie active au port de X. Il a d’abord travaillé comme débardeur, puis il est allé aux services de sécurité ainsi qu’aux services d’entretien avant de devenir directeur des opérations. Le requérant a cessé de travailler en octobre 2018.

[4] Le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 3 octobre 2019. La demande au dossier ne semble pas porter le timbre habituel indiquant la date à laquelle le ministre de l’Emploi et du Développement social a reçu la demandeNote de bas page 2. Le ministre a refusé la demande parce que les problèmes de santé du requérant n’étaient pas invalidants et que la preuve médicale ne permettait pas de conclure qu’il avait une invalidité grave. Le requérant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[5] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audienceNote de bas page 3.

[6] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ». L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner la mortNote de bas page 5.

[7] Le requérant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[8] Je conclus que le requérant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience portant sur cette question. Je suis arrivé à cette décision en examinant les questions suivantes.

L’invalidité du requérant n’est pas grave

Le requérant croit que ses limitations nuisent à sa capacité de travailler

[9] Le requérant est atteint de la maladie de Crohn, il a des palpitations et il fait de l’arythmie. Il a aussi déclaré qu’il a une cirrhose du foie et présente une insuffisance rénale. Le requérant attribue ces deux derniers problèmes de santé à l’utilisation prolongée du médicament Remicade, qu’il prend pour traiter la maladie de Crohn.

[10] Toutefois, les diagnostics du requérant ne sont pas les éléments sur lesquels je dois me concentrerNote de bas page 6. Je dois surtout vérifier s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 7. Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé du requérant (pas seulement le principal) et évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas page 8.

[11] Le requérant affirme que les limitations découlant de ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travail des façons suivantes.

[12] Il affirme que la maladie de Crohn est le problème de santé qui affecte le plus sa vie quotidienne. Il doit déféquer souvent et de façon soudaine et imprévisible. Il a souvent la diarrhée. Il prend le médicament Remicade pour gérer les symptômes de la maladie de Crohn, durcir ses selles, minimiser la diarrhée et réduire l’inflammation.

[13] Lors de son témoignage, le requérant a mis l’accent sur la maladie de Crohn et ses répercussions sur la possibilité de travailler. L’imprévisibilité de la maladie ferait de lui un employé peu fiable. Il faudrait que le requérant prenne le temps d’aller à la salle de bain, puis d’appliquer les crèmes dont il a besoin pour apaiser les douleurs dans la région rectale et peut-être même de prendre une douche.

[14] Le requérant a déclaré que ses palpitations et son arythmie étaient de retour. Ses symptômes avaient beaucoup diminué après une opération en décembre 2016. Il a mentionné qu’il devra probablement subir cette opération de nouveau. Je juge qu’il est raisonnable de déduire du témoignage du requérant que, comme l’opération a réglé ses problèmes cardiaques en décembre 2016, une nouvelle opération aurait le même effet. J’estime que c’est ce que le requérant a laissé entendre dans son témoignage.

La preuve médicale n’appuie pas ce que le requérant dit au sujet de ses limitations

[15] Je reconnais que le requérant croit sincèrement que ses limitations nuisent à sa capacité de travailler. Toutefois, le requérant doit fournir une preuve médicale objective pour appuyer ses proposNote de bas page 9.

[16] Je juge que la preuve médicale n’appuie pas ce que dit le requérant.

[17] Le dossierNote de bas page 10 compte sept rapports rédigés par la Dre Fidelia Silva, gastroentérologue, du 7 août 2018 au 28 avril 2020. Ils s’étendent donc sur une période de près de deux ans. Parmi ces rapports, quatre parlent de [traduction] « rémission » en ce qui a trait à la maladie de Crohn du requérant et un parle de [traduction] « rémission probable ». Les rapports qui mentionnent la rémission sont datés du 7 août 2018, du 10 décembre 2018 (« rémission probable »), du 13 juin 2019 et du 1er avril 2020.

[18] Le dictionnaire anglais Cambridge Dictionary définit la « rémission » comme [traduction] « une période pendant laquelle une maladie est moins grave ou ne nuit pas à la personne ». Je juge que les rapports qui parlent de rémission ne concordent pas avec la présence d’une invalidité grave.

[19] Lorsque j’ai présenté ces renseignements au requérant à l’audience, il a répondu que, pour lui, la « rémission » veut dire que ses selles ne sont pas sanglantes, qu’il ne saigne pas abondamment lorsqu’il va à la toilette.

[20] Toutefois, mis à part la définition générale du mot « rémission » mentionnée ci-dessus, les rapports qui parlent de rémission donnent aussi des exemples précis de l’état des choses :

  • 7 août 2018 : Les selles sont solides et le requérant est plus fatigué, mais va plutôt bien autrement.
  • 10 décembre 2018 : Aucunes selles molles depuis l’automne.
  • 13 juin 2019 : Le requérant se porte bien, à l’exception de crampes quelques semaines avant de prendre du Remicade, mais il continue de boire des boissons gazeuses. Selles plus solides qu’avant.
  • 1er avril 2020 : Les selles sont normales. Aucune diarrhée, sauf deux jours après le Remicade. Aucun symptôme de complications dues à la cirrhose et le requérant a perdu du poids en arrêtant de consommer des boissons gazeuses.

[21] Parmi les trois rapports qui ne mentionnent pas la rémission, deux sont contemporains : ils sont datés du 18 octobre et du 21 octobre 2019. Comme trois rapports précédents et un suivant (daté du 1er avril 2020) parlaient de rémission, je juge qu’il s’agit là de données aberrantes.

[22] Cependant, je suis frappé par le rapport final rédigé le 28 avril 2020 par la Dre Silva. Il date de moins d’un mois après le rapport d’évolution rédigé le 1er avril 2020 et semble très décalé comparativement aux rapports précédents. Je remarque que tous les rapports précédents étaient adressés aux médecins de famille du requérant, mais celui-ci est adressé [traduction] « À qui de droit », probablement pour être utilisé dans la présente affaire.

[23] Compte tenu du degré d’aberrance extrême de ce dernier rapport, compte tenu de l’écart qu’il présente par comparaison aux rapports précédents, compte tenu du fait que le dernier rapport qui parlait de rémission a été rédigé moins d’un mois avant ce rapport final, je crois que la Dre Silva défendait les intérêts de son client dans son dernier rapport. Je ne peux tout simplement pas lui accorder une grande importance.

[24] Le dossier comporte aussi un rapport rédigé le 12 juin 2020 par la Dre Sylvie LePage, la médecin de famille du requérantNote de bas page 11. Elle s’adresse en français « À qui de droit ». Elle déclare qu’elle traite le requérant depuis 2016 et qu’il a de nombreux problèmes de santé qui l’empêchent de travailler :

  • la maladie de Crohn dont le requérant est atteint cause encore souvent de la diarrhée;
  • le requérant a développé une cirrhose du foie qui entraîne chez lui une fatigue extrême;
  • la Dre LePage parle aussi d’insuffisance rénale.

[25] Contrairement aux rapports d’évolution de la Dre Silva, celui de la Dre LePage est court et comporte peu de précisions. Il ne mentionne aucune limitation liée à l’insuffisance rénale. Je constate que très peu d’éléments de preuve au dossier ou dans le témoignage du requérant mentionnent les répercussions de la fatigue sur sa capacité à travailler. En fait, le rapport que la Dre Silva a rédigé le 1er avril 2020 précise qu’il n’a aucun symptôme découlant de complications causées par la cirrhose.

[26] Les nombreux rapports qui abordent la rémission de la maladie de Crohn sont beaucoup plus détaillés. Ils couvrent une période importante – presque deux ans – et le dernier est contemporain au rapport de la Dre LePage. Pour ces motifs, j’ai choisi d’accorder plus d’importance aux rapports d’évolution rédigés par la Dre Silva.

[27] Je conclus que la preuve médicale n’appuie pas la thèse d’une invalidité grave. Par conséquent, je ne peux tout simplement pas conclure que l’invalidité du requérant est grave.

Conclusion

[28] Je conclus que le requérant n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car son invalidité n’est pas grave. Étant donné ma conclusion sur la gravité de l’invalidité, je n’ai pas eu à évaluer si elle était prolongée.

[29] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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