Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 461

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-974

ENTRE :

J. K.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Gerry McCarthy
Requérant représenté par : Chantelle Yang
Date de l’audience par téléconférence : Le 20 mai 2021
Date de la décision : Le 21 mai 2021

Sur cette page

Décision

[1]  Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à partir d’août 2017.

Aperçu

[2] Le requérant a été impliqué dans un accident de la route en juillet 2010 et a subi une blessure à la tête. Il a tenté un retour graduel au travail en mars 2015, sans succès. De mai 2016 à juin 2018, le requérant a travaillé quelques heures par semaine à faire de petites tâches pour un voisin. Le requérant n’a occupé aucun emploi depuis juin 2018. Le ministre a reçu la demande actuelle de pension d’invalidité du requérant le 6 juillet 2018. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a fait appel de la décision découlant de la révision au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le requérant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2020.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé du requérant ont-ils entraîné chez lui une invalidité grave, ce qui signifie qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2020?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant allait-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

[6] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. La personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

[7] Je dois évaluer le volet « grave » du critère dans un contexte réalisteNote de bas page 2. Cela signifie que, au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[8] Le caractère « grave » d’une invalidité ne dépend pas du fait que la personne souffre ou non de graves affections, mais plutôt de la question de savoir si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de savoir si une personne est incapable de détenir son emploi régulier. La question concerne plutôt l’incapacité de la personne à détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 3.

[9] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou de celle qui est la principaleNote de bas page 4.

[10] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, la personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas page 5.

Le requérant était-il atteint d’une invalidité grave le 31 décembre 2020?

[11] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, le requérant était atteint d’une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2012 pour les raisons suivantes.

[12] Premièrement : Il y a des rapports médicaux au dossier qui appuient l’incapacité du requérant de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la date de fin de sa PMA. À titre d’exemple, le Dr Dodds a signalé en novembre 2015 que le requérant ne pouvait pas s’attendre à un rétablissement suffisant pour retourner au travail, même à temps partiel ou en ayant des fonctions modifiées (page GD2-203). Le Dr Dodds a aussi décrit la blessure que le requérant a subie en juillet 2010 comme étant [traduction] « très grave » (page GD2-267). Je comprends que le ministre a fait valoir que rien n’indiquait que le requérant avait besoin d’un aiguillage pour une évaluation plus approfondie afin de l’aider à gérer son état de santé, ce qui portait à croire que ses problèmes médicaux étaient gérés et non graves. J’accorde cependant une grande importance au rapport de novembre 2015 du Dr Dodds. En effet, son évaluation selon laquelle le requérant ne pouvait pas travailler était franche et cohérente. De plus, le Dr Dodds a déjà déclaré que le requérant ne pouvait pas travailler malgré les multiples tentatives de réadaptation et [traduction] « un traitement médical maximal » (page GD2-227).

[13] Deuxièmement : Le témoignage du requérant concernant sa douleur chronique, son syndrome post-commotionnel et ses limitations physiques était crédible parce que ses déclarations étaient cohérentes, franches et appuyées par les rapports du Dr Dodds. Plus particulièrement, le requérant a déclaré qu’il avait des limitations fonctionnelles liées à son genou gauche et à son dos. De plus, le requérant était atteint de vertige grave et de dépression et ses capacités cognitives étaient affaiblies. Je reconnais que le ministre a soutenu que l’âge du requérant, son instruction et ses antécédents de travail semblent montrer qu’il avait de nombreuses compétences transférables et une capacité accrue à se recycler. Néanmoins, le requérant avait des limitations fonctionnelles physiques et un trouble cognitif qui le rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[14] Troisièmement : Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité. Plus particulièrement, le requérant avait un syndrome post-commotionnel qui nuisait à sa mémoire et à ses capacités cognitives. Le requérant avait cependant plusieurs autres déficiences, y compris de graves douleurs chroniques (dos et genou gauche), un trouble dépressif majeur, des migraines, de la fatigue chronique, un trouble de l’adaptation majeur, le vertige et de l’asthme.

[15] Quatrièmement : Le requérant a tenté un retour graduel au travail en mars 2015, mais n’a pas réussi. Plus particulièrement, il a tenté de retourner travailler chez « RONA » en effectuant des tâches simples comme aider la clientèle et remplir les étagères. Toutefois, d’après son témoignage, le requérant a fini par travailler moins d’heures à cause de sa fatigue, de son stress, de sa difficulté de concentration et de son vertige. Le requérant a aussi déclaré que l’employeur l’avait congédié au cours de l’automne 2015.

[16] Cinquièmement : Le requérant a suivi les recommandations de traitement. À titre d’exemple, il a déclaré qu’il prend systématiquement ses médicaments prescrits. De plus, le requérant a eu des traitements chiropratiques, a reçu des injections pour un blocage nerveux et a consulté en kinésiologie. Je comprends que le ministre a fait valoir que certains renseignements portaient à croire que le requérant n’avait pas pris ses médicaments selon ce qui est prescrit. Toutefois, le requérant a déclaré que pendant une courte période, sa situation financière l’a empêché de s’acheter certains médicaments. Il a cependant affirmé qu’il avait pu voir son médecin de famille et que ce dernier lui avait fourni les médicaments dont il avait besoin.

Observations supplémentaires du ministre

[17] Je reconnais que le ministre a présenté un questionnaire rempli par l’employeur « X » qui indiquait que le requérant a travaillé à temps partiel de mai 2016 à juin 2018 comme superviseur qui gérait du personnel. Le ministre a également soutenu que les renseignements fournis par cet employeur confirmaient que le requérant avait la capacité de travailler en respectant ses limitations après juillet 2010. Cela dit, son travail pour « X » comprenait seulement des tâches occasionnelles pour un voisin qui était propriétaire de l’entreprise. Plus particulièrement, le requérant a déclaré qu’il n’a supervisé aucun employé. En outre, il a affirmé n’avoir eu aucun horaire pour les tâches qu’il effectuait et que cela comportait parfois l’ouverture de la barrière de son voisin pour permettre à des camions d’entrer. Le requérant a aussi expliqué que le propriétaire de l’entreprise était un ami qui essayait de l’aider et qu’il lui donnait un paiement comme par charité. Je considère comme crédible le témoignage du requérant à ce sujet parce que ses affirmations étaient franches et cohérentes. Bref, le voisin du requérant était un employeur bienveillant et je ne peux pas admettre que les tâches que le requérant effectuait pour lui montraient une capacité à occuper un emploi véritablement rémunérateur.

Invalidité prolongée

L’invalidité du requérant allait-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

[18] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, l’invalidité du requérant allait durer pendant une période longue, continue et indéfinie pour les raisons suivantes.

[19] Premièrement : En novembre 2015, le Dr Dodds a écrit que le requérant était incapable de travailler (pages GD2-201 à GD2-203). De plus, le Dr Dodds a signalé que la blessure à la tête du requérant était très grave et il s’est montré [traduction] « très prudent » concernant une quelconque amélioration (page GD2-267).

[20] Deuxièmement : Le témoignage du requérant sur ses nombreuses limitations fonctionnelles et sur sa douleur chronique m’a convaincu que son invalidité allait durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[21] Troisièmement : Les observations orales présentées par la représentante du requérant m’ont persuadé que l’invalidité du requérant allait durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[22] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en novembre 2015, quand sa tentative de retour au travail a échoué et que le Dr Dodds a écrit qu’il ne pouvait plus travailler. Cependant, pour le calcul de la date du versement de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la date de réception de la demande de pension par le ministreNote de bas page 6. La demande a été reçue en juillet 2018; la date réputée du début de l’invalidité est donc avril 2017. Les versements commencent quatre mois après la date à laquelle le requérant est réputé être devenu invalide, soit à partir d’août 2017Note de bas page 7.

[23] L’appel est accueilli.

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