Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 469

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-573

ENTRE :

C. W.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jackie Laidlaw
Requérant représenté par : Allison Schmidt
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 16 mars 2021
Date de la décision : Le 29 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, C. W., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant a eu une audience le 19 mars 2019 après avoir demandé des prestations d’invalidité du RPC, mais on a refusé de lui accorder des prestations. Sa demande de permission d’en appeler a également été rejetée le 15 août 2019. Sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin le 31 décembre 2019. Par conséquent, il a été conclu qu’il n’était pas invalide en date du 19 mars 2019, soit la date de l’audience. Il a ensuite demandé des prestations d’invalidité du RPC le 19 août 2019 pour la période du 20 mars 2019 au 31 décembre 2019 (fin de sa PMA) et après. La période d’invalidité dont je dois tenir compte est appelée « période viséeNote de bas de page 1  ». Le requérant est un homme de 41 ans qui a déjà travaillé à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Il n’a pas tenté de travailler depuis le 20 mars 2019 parce qu’il est atteint d’anxiété et de dépression.

[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande, reconnaissant qu’il a déjà eu des symptômes de santé mentale et qu’il pourrait ne pas être en mesure de retourner à son emploi à l’ARC, mais que rien ne montre qu’il ne pourrait pas occuper un autre emploi convenable. Le requérant a fait appel de cette décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[4] Pour obtenir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée entre le 20 mars 2019 et le 31 décembre 2019. Cette dernière date, le 31 décembre 2019, est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 2 .

[5] Le RPC définit les termes « grave » et « prolongée ». L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3 . Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéterminéeNote de bas de page 4 .

[6] Le requérant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il soit invalide.

Motifs de ma décision

[7] Je conclus que le requérant n’a pas prouvé qu’il est atteint d’une invalidité qui était grave et prolongée du 20 mars 2019 au 31 décembre 2019. Je suis arrivée à cette décision en examinant les questions suivantes.

L’invalidité du requérant n’était pas grave

Les limitations du requérant n’ont pas d’incidence sur sa capacité à travailler

[8] Le requérant est atteint d’un trouble dépressif majeur (TDM) et d’anxiété. Toutefois, les diagnostics du requérant ne sont pas les éléments sur lesquels je dois me concentrerNote de bas de page 5 . Je dois surtout vérifier s’il a des limitations fonctionnelles qui l’ont empêché de gagner sa vieNote de bas de page 6 .

[9] Je conclus que le requérant n’a aucune limitation fonctionnelle. Voici les éléments que j’ai considérés.

Ce que le requérant dit au sujet de ses limitations

[10] Le requérant affirme que les limitations découlant de son TDM et de son anxiété nuisent à sa capacité de travail des façons suivantes. Il a affirmé avoir de la difficulté à se concentrer en raison de la fatigue causée par des troubles du sommeil. Il voulait que l’ARC lui offre des mesures d’adaptation pour retourner au travail en mars 2019, y compris de la souplesse dans son horaire de travail, avec une heure de début flexible et des pauses en fonction de ses besoins. Il a affirmé ne pas pouvoir travailler en raison de sa situation familiale. Il a également souligné qu’il ne peut travailler nulle part ailleurs à cause de la dépression et de l’anxiété.

[11] Il a déclaré qu’après le 19 mars 2019, il a commencé à adopter un comportement « à risque ».

Ce que la preuve médicale montre au sujet des limitations du requérant

[12] Le requérant doit fournir une preuve médicale objective qui démontre que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler entre le 20 mars 2019 et le 31 décembre 2019Note de bas de page 7 . La preuve médicale n’appuie pas ce que dit le requérant.

[13] Il ne fait aucun doute que le requérant est atteint d’un TDM et d’anxiété. Il ne fait aucun doute qu’il a des difficultés financières et une situation familiale qui lui causent du stress et de l’anxiété. Il n’est pas non plus contesté que le requérant a eu des problèmes avec son employeur pendant plus de 10 ans au sujet des mesures d’adaptation qu’il a demandées et qui ont été mentionnées au paragraphe 10. Le ministre accepte qu’un retour au travail à l’ARC ne serait pas possible. Le requérant doit démontrer qu’il était incapable d’occuper quelque poste que ce soit.

[14] L’infirmière praticienne Amanda Hopps traite le requérant depuis le 24 juin 2011Note de bas de page 8 . La Dre Sawatzy est la médecin de famille qui n’a pas autant d’interactions avec le requérant que Mme Hopps.

[15] En mars 2019, sa médecin de famille, la Dre Cynthia Sawatzy, l’a dirigé vers la psychologue Lorraine DeWiele pour faire de la thérapie. La Dre Sawartzy souhaitait que la Dre DeWiele procède à une évaluation du retour au travailNote de bas de page 9

[16] La Dre DeWiele a d’abord vu le requérant le 3 juin 2019 et a posé chez celui-ci un diagnostic de dépression, d’anxiété et de stress professionnel. Elle a entamé un plan de traitement comprenant de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et des services de soutien culturel, car ses parents sont des survivants du système de pensionnats autochtones. L’objectif était d’atténuer la dépression et les facteurs de stress familiauxNote de bas de page 10 .

[17] Le requérant a également consulté le psychiatre W.O. Lawal en juillet 2019Note de bas de page 11 . Le Dr Lawal a aussi diagnostiqué chez le requérant un TDM avec des symptômes d’anxiété, et prescrit de la nortriptyline pour la dépression et le sommeil, ou de la duloxétine (cymbalta) comme bonne prise en charge de la dépression et de l’anxiété. Il a jugé que le processus de réflexion du requérant était logique et organisé, et que sa cognition était intacte. Un an plus tard, en mai 2020, il a conclu que le requérant avait démontré une bonne capacité décisionnelle et qu’il était compétentNote de bas de page 12 .

[18] La lettre d’Amanda Hopps à Service Canada en octobre 2019 expose l’opinion du Dr Lawal au moment de son évaluation de juin 2019. Il n’y avait pas de limitations ou de restrictions physiques au retour au travail. Le requérant avait des restrictions quant à son retour au travail en raison de ses problèmes de santé mentale, de son insomnie chronique, de sa fatigue et de sa difficulté à prendre des décisions. Il a été établi qu’une restriction temporaire l’empêchait de retourner à son ancien emploi. Le pronostic était susceptible de s’améliorer grâce à la TCC continue avec la Dre DeWiele, à l’intervention de Don Robinson, travailleur auprès des communautés ayant vécu des traumatismes, et au soutien continu du Centre autochtone de la santé et du bien-être.

[19] Le requérant a fait de la TCC chaque mois avec la Dre DeWiele de juin 2019 à mars 2020. Après la fermeture de la plupart des bureaux en raison de la COVID-19, la Dre DeWiele lui a dit de communiquer avec elle après la pandémie. Tout le monde sait que les médecins ont continué de travailler par Internet ou par téléphone. La Dre DeWiele ne l’a pas dirigé vers une ou un autre psychologue ni poursuivi ses traitements. Il a également reçu du soutien culturel du mois d’août 2019 au mois de mars 2020 sous forme d’appels téléphoniques mensuels de 30 minutes et de deux événements de fin de semaine. Il a consulté une conseillère ou un conseiller en soins partagés trois ou quatre fois jusqu’en septembre 2019 pour l’aider à gérer ses finances et à demander des prestations. Le requérant et sa fille ont consulté deux ou trois fois Don Robinson, travailleur auprès des communautés ayant vécu des traumatismes, jusqu’à la fin de 2019.

[20] Il ne consulte pas de psychologue actuellement et il ne fait aucune thérapie continue. Les séances de TCC ont porté fruit et le requérant a dit qu’elles l’avaient aidé et qu’il avait aimé la thérapie.

[21] Comment son état de santé a-t-il évolué depuis le 19 mars 2019? Le requérant affirme avoir adopté un comportement plus à risque (p. ex., il conduit plus vite). Rien ne prouve qu’il a adopté un comportement irrégulier ou à risque. Il a affirmé que sa concentration s’était améliorée grâce au médicament Abilify. Il s’agit effectivement d’une amélioration. Il a dit qu’il avait l’impression d’aller mieux depuis qu’il avait fait de la TCC.

[22] Principalement, le requérant a déclaré que de mars à décembre 2019, il a essayé de nombreux médicaments différents. Ce n’est pas un changement par rapport à la période qui a précédé le 19 mars 2019, car il a eu des réactions allergiques à la plupart des médicaments qu’il a essayés au fil des ans. Il a également dit que depuis son règlement avec l’ARC en août 2020, il a arrêté de prendre des médicaments et il utilise seulement la luminothérapie.

[23] J’accorde du poids à la lettre d’Amanda Hopps datée d’août 2019Note de bas de page 13 en réponse à sa demande de retraite pour raisons médicales. En gros caractères, elle affirme qu’elle ne croit pas qu’il soit atteint d’une invalidité permanente et que son projet est d’occuper un quelconque emploi à l’avenir, mais pas son emploi habituel à l’ARC. Elle a déclaré qu’il pourrait occuper un emploi rémunérateur en suivant un traitement intensif et en gérant ses problèmes de santé de façon efficace à l’aide de médicaments.

[24] Mme Hopps a dit de façon claire que l’invalidité du requérant ne l’empêchait pas de détenir tout type d’emploi.

[25] Le Dr Lawal et Mme Hobbs ont tous deux donné au requérant un pronostic favorable pour un retour au travail après le traitement. Le requérant a suivi le traitement et l’intervention recommandés par le Dr Lawal. Il peut recommencer son traitement avec la Dre DeWiele, ou il pourrait trouver une ou un autre psychothérapeute pour faire de la TCC, car il s’agit d’un traitement courant. Il a arrêté ce traitement en raison de la COVID. Il n’a pas arrêté les autres traitements en raison de la COVID. Il a cessé de voir Don Robinson et d’avoir recours aux services communautaires partagés en 2019, avant que la COVID devienne une pandémie. Il a arrêté d’avoir recours au soutien culturel en mars 2020; toutefois, cela se faisait toujours par téléphone, alors la raison ne peut pas être la COVID.

[26] Son principal obstacle au travail était le stress professionnel à l’ARC. Mme Hopps a signalé qu’il ne pouvait pas reprendre son travail habituel et que lors d’une évaluation psychiatrique antérieure, un changement de carrière avait été recommandéNote de bas de page 14 . Il a réglé toutes ses demandes auprès de l’ARC en 2020 et ne retournera pas à cet emploi.

[27] La preuve démontre que les problèmes de sommeil et de fatigue du requérant, ses préoccupations familiales complexes, sa dépression et son anxiété l’empêchaient de faire son travail habituel. Son pronostic était qu’il s’améliorerait probablement grâce à la thérapie. Il a suivi le traitement et il a maintenant terminé.

[28] À présent, je dois chercher à savoir si le requérant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, les limitations fonctionnelles du requérant doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 15 .

Le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste

[29] Pour décider si le requérant peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau de scolarité, de ses compétences linguistiques et de son expérience de travail et de vieNote de bas de page 16 . Ces éléments m’aident à décider si le requérant possède la capacité de travailler dans un contexte réaliste.

[30] Le requérant est un jeune homme qui était âgé de 40 ans à la fin de sa PMA. Il est instruit; il a terminé son secondaire et fait un an d’études en génie électrique. Il a affirmé qu’il avait bien réussi à l’école. Il a travaillé dans divers domaines et aurait des compétences transférables.

[31] Je conclus que le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste.

[32] Le Dr Lawal a fait remarquer qu’il n’y a aucune restriction physique à son travail. Le Dr Lawal et Mme Hobbs estiment qu’il sera capable de travailler une fois qu’il aura terminé ses traitements. De juin 2019 à mars 2020, il a reçu un traitement approfondi sous forme de TCC, une intervention pour personnes ayant vécu un traumatisme et du soutien culturel. Ni la Dre DeWiele ni Mme Hobbs n’ont fourni de preuve de suivi montrant qu’il a besoin d’un traitement supplémentaire. Il est probable qu’il était capable de retourner à un emploi rémunérateur.

Le requérant n’a pas essayé de trouver un emploi convenable

[33] Si le requérant peut travailler dans un contexte réaliste, il doit démontrer qu’il a essayé de trouver et de garder un emploi. Il doit également démontrer que ses efforts ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 17 . Trouver et garder un emploi comprend le recyclage ou la recherche d’un emploi adapté à ses limitationsNote de bas de page 18 .

[34] Le requérant n’a pas fait les efforts requis. Je suis d’accord avec le ministre pour dire qu’il n’y a aucune indication qu’il ne peut pas faire quelque travail que ce soit.

[35] Ainsi, il m’est impossible de conclure que son invalidité était grave au plus tard le 31 décembre 2019.

Conclusion

[36] Je conclus que le requérant n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC, car son invalidité n’est pas grave. Étant donné ma conclusion sur la gravité de l’invalidité, je n’ai pas eu à évaluer si elle était prolongée.

[37] L’appel est rejeté.

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