Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 422

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-587

ENTRE :

H. H.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Virginia Saunders
Requérante représentée par : Allison Schmidt
Date de l’audience par téléconférence : Le 6 mai 2021
Date de la décision : Le 25 juin 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La requérante, H. H., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le versement de sa pension commence en septembre 2017. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a 57 ans. Elle a déjà été camionneuse. Elle a des problèmes de santé depuis de nombreuses années, y compris une dépression, de l’anxiété, un trouble de stress post‑traumatique, des maux de dos ainsi que des douleurs aux jambes et aux genoux. Elle s’est efforcée de continuer à travailler parce qu’elle avait des factures à payer, mais en août 2016, elle souffrait trop. Elle avait de la difficulté avec presque tous les mouvements et toutes les positions. Elle a arrêté de travailler.

[4] La requérante n’a pas travaillé depuis août 2016. Elle dit qu’elle en est incapable. Depuis qu’elle a cessé de travailler, elle a subi des chirurgies au dos et au genou, a reçu des injections et prend des médicaments. Depuis sa chirurgie au dos, elle a rarement mal à la jambe, mais ses autres symptômes ne se sont pas améliorés.

[5] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en août 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] La requérante affirme qu’elle est invalide en raison de la combinaison des problèmes de santé suivants :

  • un syndrome de douleur chronique dû à des douleurs au dos et aux genoux;
  • un trouble dépressif caractérisé;
  • un trouble d’anxiété généralisée;
  • un trouble de stress post-traumatiqueNote de bas page 1.

[7] Le ministre dit que la requérante n’est peut-être pas en mesure de faire du travail physique, mais qu’elle peut faire un travail adapté à son étatNote de bas page 2.

Ce que la requérante doit prouver

[8] Pour avoir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019. Cette date est fondée sur ses cotisations au Régime de pensions du CanadaNote de bas page 3.

[9] La requérante doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

[10] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[11] L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4.

[12] Au moment de décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois examiner son état de santé dans son ensemble pour voir quelles sont ses répercussions sur sa capacité de travailler. Je dois aussi examiner ses antécédents, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Je dois faire cela pour avoir un portrait réaliste de la gravité de son invalidité. Si la requérante est régulièrement capable d’exercer un quelconque emploi qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[13] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 5.

[14] Autrement dit, il ne doit pas y avoir de date de rétablissement prévue. Pour être prolongée, l’invalidité de la requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Je suis parvenue à cette décision après avoir examiné les questions suivantes.

L’invalidité de la requérante est-elle grave?

[16] L’invalidité de la requérante est grave. Elle a des limitations fonctionnelles qui affectent sa capacité à effectuer des tâches physiques. En raison de son âge et de ses antécédents, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle puisse gagner sa vie en faisant un travail plus léger. Elle a suivi tous les conseils médicaux qu’elle a reçus.

Les limitations fonctionnelles de la requérante affectent sa capacité de travailler

[17] Je ne peux pas me concentrer sur le diagnostic de la requérante ou sur le fait qu’elle a des déficiences. Je dois me demander si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas page 7.

[18] La requérante a des limitations fonctionnelles qui affectent sa capacité de travailler. À l’audience, elle a livré un témoignage direct et plausible sur la façon dont son état de santé l’affecte. Je crois ce qu’elle m’a dit.

Les limitations physiques de la requérante

[19] Je reconnais que les douleurs chroniques au dos de la requérante lui causent des limitations qui affectent son travail. Ses douleurs sont apparues progressivement au fil de nombreuses années. Elle a commencé à avoir des douleurs vives à la jambe, des douleurs au cou et des engourdissements aux pieds. C’est pourquoi elle a dû arrêter de travaillerNote de bas page 8.

[20] La requérante a subi une laminectomie et une fusion de vertèbres en septembre 2017Note de bas page 9. La chirurgie a permis de soulager ses douleurs à la jambe, mais elle a toujours des maux de dos chroniquesNote de bas page 10. Pour les atténuer, elle prend la dose maximale de Tramadol. Elle prend aussi de l’ibuprofène et du Tylenol no 3. Elle fait de la physiothérapie ainsi que des étirements et des exercices à la maison.

[21] Malgré ces efforts, la requérante a de la difficulté à soulever, à transporter, à pousser, à tirer ou à plier des objets en raison de ses maux de dos. Elle doit se ménager. Elle change fréquemment de position. Elle promène son chien. Elle essaie de marcher plus que quelques pâtés de maisons, mais elle doit parfois s’arrêter et rentrer chez elle. Elle peut marcher davantage sur un tapis roulant, parce que la surface est plus douce. Une ou deux fois par semaine, ses douleurs s’intensifient et elle a des raideurs toute la journée ainsi que de la difficulté à se tenir droite.

[22] Je n’accepte pas que les douleurs aux genoux de la requérante lui causent des limitations qui affectent son travail. Je reconnais qu’elle a depuis longtemps des douleurs et de l’instabilité au genou gauche. Elle a subi une chirurgie en 2018. Puis, son genou droit a commencé à la déranger. En mars 2019, elle a vu un chirurgien orthopédiste pour une arthrose légère à modérée des deux genoux, avec certains symptômes patellofémorauxNote de bas page 11.

[23] La requérante a dit au chirurgien qu’elle avait de plus en plus de difficulté à utiliser les escaliers et qu’elle ne pouvait pas danser ou courir. Cependant, ces genoux ne l’empêchaient pas de [traduction] faire « toutes ses autres activités ». Un examen physique a révélé un alignement normal et une difficulté à s’accroupir complètementNote de bas page 12. Je ne crois pas que ces quelques restrictions dans les activités de la requérante affectent sa capacité de travailler comme camionneuse ou d’exercer tout autre emploi. La plupart des emplois n’exigent pas que quelqu’un utilise régulièrement des escaliers ou qu’il coure ou danse.

[24] De plus, la requérante a commencé à recevoir des injections de cortisone dans les deux genoux en septembre 2019Note de bas page 13. Elle m’a dit qu’après une injection, elle n’a plus de douleurs aux genoux pendant environ trois mois. Son problème maintenant est que sa nouvelle médecin de famille fait les injections différemment. Comme elle les trouve très douloureuses, elle les évite. Toutefois, sa médecin de famille est en congé de maternité. Son remplaçant fait les injections comme la requérante le préfère. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que ses douleurs aux genoux s’atténuent.

Les limitations mentales de la requérante

[25] J’accepte que la requérante ait des limitations mentales, mais je ne pense pas qu’elles affectent son travail. Elle est atteinte de dépression et d’un trouble de stress post-traumatique depuis un accident de la route survenu en 1998Note de bas page 14. Elle prend des médicaments depuis ce temps. Sa médecin de famille a écrit que la requérante a lutté par intermittence contre ces problèmesNote de bas page 15. En janvier 2018, elle a affirmé que l’état mental de la requérante était stable et qu’aucune restriction de conduite ne lui était imposéeNote de bas page 16.

[26] Il doit y avoir des éléments de preuve médicale qui montrent que l’état de santé mental de la requérante affectait sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2019Note de bas page 17. La preuve médicale montre que la requérante a un problème de santé mentale, mais pas que celui-ci affecte sa capacité de travailler.

[27] De plus, bien que la requérante ait décrit se sentir déprimée, frustrée et agitée, elle n’a pas expliqué comment ces problèmes ou tout autre problème psychologique l’empêchaient de régulièrement travailler.

La requérante ne peut exercer aucun emploi

[28] La requérante ne peut exercer régulièrement aucun emploi.

[29] Le principal problème de santé de la requérante, ses douleurs au dos de la requérante sont son principal problème de santé. Elle est physiquement limitée par celles-ci. Elle est également fatiguée et distraite parce que ses douleurs l’empêchent de dormir et parce qu’elle doit prendre des médicaments puissants pour les soulager. Tous ces facteurs font qu’elle est incapable de faire un travail physique ou un travail qui exige une grande attention aux détails.

[30] Toutefois, pour être graves, les limitations fonctionnelles de la requérante doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas page 18.

[31] Pour décider si la requérante est capable travailler, je ne dois pas seulement prendre en considération ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents professionnels et de son expérience de la vie. Ces facteurs m’aident à décider si elle est capable de travailler dans un contexte réalisteNote de bas page 19.

[32] L’âge et les antécédents de la requérante font en sorte qu’il est encore moins probable qu’elle puisse travailler. Elle a quitté l’école en 9e année parce qu’elle avait des difficultés en mathématiques et à écrire. Elle n’a aucune compétence en informatique. Elle a passé la plus grande partie de sa vie professionnelle à conduire des camions et des autobus. Ses seuls autres emplois ont été ceux de plongeuse et de serveuse. Ce sont aussi des emplois exigeants sur le plan physique.

[33] La requérante avait 55 ans en décembre 2019. Elle n’a aucune compétence en dehors du travail physique. Elle est trop vieille pour se recycler. Sa fatigue et ses problèmes d’apprentissage font qu’il est peu probable qu’elle puisse apprendre un nouvel emploi. De plus, elle ne peut pas rester assise assez longtemps pour effectuer un travail. Elle doit changer de position fréquemment.

[34] Je reconnais que le programme de réadaptation de la requérante a pris fin en janvier 2018 parce qu’elle était [traduction] « apte à accomplir les tâches que suppose un mode de vie sédentaireNote de bas page 20 ». Toutefois, le physiothérapeute qui a affirmé cela n’a pas vraiment évalué la capacité de la requérante à rester assise pendant de longues périodes dans un environnement de travail. Il n’a pas expliqué ce qu’il entendait par « tâches que suppose un mode de vie sédentaire ». Je préfère le témoignage de la requérante selon lequel elle a de la difficulté à rester pendant un certain temps dans n’importe quelle position, y compris la position assise. C’est pourquoi elle doit constamment changer de position.

[35] La requérante n’a aucune capacité de travailler dans un contexte réaliste. Par conséquent, elle n’a pas à démontrer qu’elle a essayé de travailler et que ses efforts ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas page 21.

[36] J’estime que l’invalidité de la requérante est devenue grave en août 2016, lorsqu’elle a dû cesser de travailler en raison de ses douleurs au dos et aux jambes. Même si ses douleurs aux jambes se sont améliorées, elle est toujours limitée par ses douleurs au dos.

L’invalidité de la requérante est-elle prolongée?

[37] L’invalidité de la requérante est prolongée.

[38] En décembre 2019, cela faisait trois ans que la requérante était incapable de travailler. Elle en est toujours incapable. Elle a suivi les conseils médicaux qu’on lui a donnésNote de bas page 22. La requérante traite ses douleurs au dos, mais elle ne parvient pas à les alléger suffisamment pour pouvoir exercer à nouveau le type d’emploi pour lequel elle est qualifiée. Étant donné le temps qui s’est écoulé et le fait qu’il n’y a pas d’autre traitement qui s’offre à elle, ses douleurs aux dos persisteront probablement indéfinimentNote de bas page 23.

[39] Je conclus que l’invalidité de la requérante était prolongée en août 2016.

Début du versement de la pension

[40] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en août 2016 quand elle a cessé de travailler.

[41] Par contre, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre a reçu sa demande de pension. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas page 24.

[42] Étant donné que le ministre a reçu la demande de la requérante en août 2018, elle est réputée être devenue invalide en mai 2017.

[43] Le versement de sa pension commence en septembre 2017.

Conclusion

[44] La requérante a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[45] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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