Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : VS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 494

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1925

ENTRE :

V. S.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Connie Dyck
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 6 avril 2021
Date de la décision : Le 10 avril 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, V. S., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant avait 37 ans lorsqu’il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en avril 2020Note de bas page 1. Pour que sa demande soit accueillie, il doit avoir une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2007 ou avant, ou il doit être devenu invalide entre le 1er janvier 2008 et le 30 novembre 2008.

[3] Le requérant affirme qu’on a diagnostiqué sa schizophrénie avec des délires de persécution (paranoïde) en 2010. Toutefois, il dit que ce problème de santé mentale s’est déclaré lorsqu’il était au début de la vingtaine. Il a été hospitalisé en 2012. On le soigne à l’aide de médicaments et de soins psychiatriques. Le requérant affirme que son état de santé a nui à sa capacité à suivre d’autres formations et à conserver un emploi.

[4] Le ministre a rejeté sa demande parce que les éléments de preuve n’indiquent pas qu’il avait une invalidité grave lorsqu’il était admissible aux prestations.

[5] Le requérant n’est pas d’accord avec la décision du ministre. Il a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Problème lié à l’audience

[6] Le 25 février 2021, le requérant a dit à son accompagnateur que ses parents (qui devaient se présenter comme témoins) auraient besoin d’un interprète en pendjabi. Il a expliqué que leur anglais est bon, mais que son père souhaiterait parler sa langue maternelle. Le Tribunal a trouvé un interprète.

[7] Malheureusement, l’interprète n’a pas assisté à l’audience. Le père du requérant n’a pas assisté non plus à l’audience en tant que témoin. Bien que l’interprète avait été retenu surtout à la demande du père, j’ai proposé d’ajourner l’audience et de trouver un autre interprète. Le requérant a décliné en affirmant que sa mère et lui parlaient couramment l’anglais. La mère du requérant ne voulait pas non plus d’interprète. Je leur ai expliqué qu’à n’importe quel moment je pourrais ajourner l’audience s’ils ne comprenaient pas mes questions ou s’ils voulaient finalement un interprète. J’ai aussi dit que la mère du requérant pouvait répondre en pendjabi si elle le préférait. Son fils pouvait aussi fournir la traduction anglaise. La mère du requérant a fourni un témoignage ininterrompu et détaillé en anglais. Elle a décrit les limitations de son fils et ses antécédents médicaux. Elle n’a jamais eu besoin d’aide pour traduire son témoignage.

Ce que le requérant doit prouver

[8] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2007 ou avant. Cette date est établie en fonction de ses cotisations au RPCNote de bas page 2.

[9] En 2008, les cotisations du requérant étaient inférieures au montant minimum requis par le RPC. Ces cotisations peuvent aussi rendre le requérant admissible à une pension, mais seulement s’il est devenu invalide entre le 1er janvier 2008 et le 30 novembre 2008Note de bas page 3.

[10] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4. L’invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 5.

[11] Le requérant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

L’invalidité du requérant n’était pas grave

[12] Le requérant est atteint de schizophrénie avec des délires de persécution (paranoïde)Note de bas page 6. Je ne me concentrerai pas cependant sur le diagnostic du requérantNote de bas page 7. Je dois décider s’il y avait des limitations physiques qui nuisaient à sa capacité de travaillerNote de bas page 8. Cela signifie que je dois examiner tous les problèmes de santé du requérant (non pas seulement le problème principal) et réfléchir aux conséquences de ses problèmes de santé sur sa capacité de travaillerNote de bas page 9.

[13] J’estime que le requérant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2007 ni qu’il soit devenu invalide avant le 30 novembre 2008. Je suis parvenu à cette décision en examinant les questions suivantes.

Ce que dit le requérant au sujet de ses limitations

[14] Le requérant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations nuisant à sa capacité de travailler des façons suivantes :

  • On a diagnostiqué sa schizophrénie paranoïde en 2010. Étant donné son état de santé, il n’a pas été capable d’occuper un emploi. Il n’est pas en mesure de vivre une vie normale et productive depuis 2010Note de bas page 10.
  • Il a été hospitalisé en 2012 et en 2013 en raison d’un épisode grave de schizophrénie paranoïdeNote de bas page 11.
  • Son invalidité avait une incidence sur sa vie dès 2007 parce qu’il avait des « délires de persécution »Note de bas page 12.
  • Il avait des problèmes à la maison et à l’école depuis 2002. Il n’a pas exercé un emploi à long terme depuis mai 2008.
  • Le fait qu’il a pu terminer son programme universitaire n’indique pas que son invalidité n’était pas « grave ». Il dit qu’il bénéficiait de mesures d’adaptation à l’universitéNote de bas page 13. Il lui a fallu neuf ans pour terminer un programme de trois ans.

Il n’y a aucune preuve médicale au dossier datant d’avant le 30 novembre 2008

[15] Le requérant doit fournir des preuves médicales objectives qui démontrent qu’il avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler le 30 novembre 2008 ou avantNote de bas page 14.

[16] Si les preuves médicales ne démontrent pas que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler le 30 novembre 2008 ou avant, les preuves médicales datant d’après ne sont pas pertinentes. Les rapports écrits après doivent être fondés sur des observations ou des évaluations cliniques d’avant le 30 novembre 2008Note de bas page 15. Je reconnais qu’il existe plusieurs rapports médicaux et notes sur la progression de l’état de santé du requérant de 2012 jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, seul le rapport de la Dre Kurup en août 2013Note de bas page 16 constitue une preuve médicale qui fait référence à l’état de santé du requérant avant novembre 2008.

[17] La Dre Kurup a dit que le requérant avait déjà eu des délires de persécution et des délires d’interprétation pendant plusieurs années, [TRADUCTION] « probablement depuis 2007, mais ça s’est empiré en 2009 et en 2010…Note de bas page 17 » Bien que l’état de santé du requérant ait continué à s’aggraver, entraînant une hospitalisation en 2012, il n’y a aucune preuve médicale démontrant que son état de santé était « grave » en novembre 2008 ou avant. Par « grave », on entend qu’il aurait été incapable de se trouver une occupation véritablement rémunératrice.

[18] J’accepte le témoignage de la mère du requérant selon lequel le requérant avait des pensées paranoïaques dès 2002. Elle a évoqué un exemple en particulier où le requérant se sentait visé par les blagues des membres de sa famille. Le témoignage de la mère du requérant et les présomptions de la Dre Kurup appuient l’idée selon laquelle le requérant avait des symptômes de délires paranoïaques avant la fin de sa PMA. Toutefois, il n’y a aucune preuve qui démontre que ces symptômes l’ont empêché de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le requérant n’a pas été soigné à l’aide de médicaments et n’a pas été suivi par un psychothérapeute. Il a aussi continué de travailler et d’étudier après sa PMA.

Le requérant était capable de travailler en 2008

[19] En fait, le requérant travaillait à temps partiel tout en étudiant après le 31 décembre 2007. Il a commencé à travailler à X (un commerce de détail) en janvier 2007 et a commencé ses études universitaires en mai 2007. Il ne prenait pas de médicaments et ne suivait pas de thérapie ni de traitement pour ses troubles de santé mentale en 2007 et en 2008. Le requérant m’a dit que son poste était celui d’associé aux ventes. Il traitait les ventes et offrait du service à la clientèle. Il connaissait les produits et offrait des recommandations aux clients. Il recevait aussi les expéditions et commercialisait les produits. Il a témoigné que le gérant qui l’a embauché était satisfait de son travail. Il a affirmé que l’emploi a pris fin en mai 2008, non pas en raison de son état de santé, mais plutôt à cause d’un conflit avec le nouveau gérant. Ce dernier lui a imposé des tâches additionnelles qu’il ne faisait pas auparavant. De plus, l’environnement avait changé et il y avait alors [TRADUCTION] « beaucoup de politiques dans le magasin ». Il n’y a aucune preuve démontrant que le requérant était invalide avant le 31 décembre 2007 ou qu’il est devenu invalide avant le 30 novembre 2008.

[20] Le requérant a témoigné qu’il continue à se chercher un emploi et postule occasionnellement aux emplois de service à la clientèle. Il a dit qu’il a passé une entrevue avec Service Canada pour travailler comme agent, mais sa candidature n’a pas été retenue. Selon le requérant, le salaire de départ aurait été de 60 000 $. S’il avait obtenu le poste, il aurait fait un effort pour le conserver. Il a affirmé que s’il était bien rémunéré et que l’emploi était valorisant, il s’efforcerait de conserver cet emploi. Le requérant a témoigné qu’il a commencé un emploi à temps partiel de service à la clientèle en novembre 2019. Il vendait des services et installait des télévisions et des téléphones pour des personnes qui étaient à l’hôpital. Il a dit qu’il a quitté cet emploi en janvier 2020 parce qu’il avait peur de tomber malade. Il a témoigné qu’il avait des symptômes de la grippe après chaque période de travail. On lui a prescrit des antibiotiques et il a démissionné. À l’heure actuelle, il n’est pas certain s’il devrait retourner travailler ou s’il devrait retourner aux études.

Le requérant a fait des efforts pour aller à l’université

[21] Le requérant a dit qu’en mai 2007 il a commencé un baccalauréat en administration publique. Il a affirmé qu’il se concentrait sur ses études. Lorsqu’il avait des problèmes à la maison, il était en mesure de faire face à la situation. Il a dit qu’il a changé de spécialisation lorsqu’il s’est rendu compte qu’il y avait des cours (certains cours de mathématiques) qu’il n’aurait pas été capable de suivre. Il a aussi dit qu’il a consulté le conseiller du registraire durant l’année universitaire 2008–2009 à X. Ce dernier lui a dit qu’il semblait avoir de la difficulté à gérer tout ce qui se passait. Le requérant a dit qu’il avait besoin de mesures d’adaptation à l’université, tels que l’enregistrement des cours, des heures supplémentaires pour accomplir les travaux et un aide-mémoire pour les examensNote de bas page 18. Bien que le requérant avait besoin de mesures d’adaptation, cela ne constitue pas une preuve en soi que son état de santé était « grave ». Je reconnais qu’il y avait des moments où le requérant n’était plus en mesure de se concentrer sur ses études. Toutefois, il est retourné étudier à temps plein alors qu’il était régulièrement en thérapie et prenait des médicaments après avoir reçu son diagnostic. Le requérant a témoigné qu’il est retourné en 2015. Même s’il ne suivait que deux cours, à cause de son diagnostic, cela était considéré comme des études à temps plein. Il a reçu son baccalauréat en administration publique en 2016.

[22] La preuve médicale ne démontre pas que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler le 30 novembre 2008 ou avant. Ses efforts pour travailler à X indiquent qu’il avait la capacité de travailler en date du 31 décembre 2007. Il n’y a aucune preuve médicale indiquant qu’il est devenu invalide en 2008 avant le 30 novembre. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave.

[23] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs permettent d’évaluer la capacité de travailler de la partie requérante dans un contexte réalisteNote de bas page 19. Le requérant avait 26 ans en novembre 2008. Il avait terminé ses études secondaires et quelques cours pour son baccalauréat en administration publique. Il parle couramment anglais. Il avait aussi de l’expérience de travail dans le service à la clientèle, ce qui fait en sorte qu’il avait des compétences transférables vers un autre type de travail. La situation personnelle du requérant n’aurait pas nui à sa capacité de travailler dans un contexte réaliste.

Le RPC n’est pas un régime d’aide sociale

[24] Le requérant a soutenu que le ministre adoptait une interprétation trop restrictive et étroite du programme de prestations d’invalidité du RPC et de la loi. Le requérant croyait que le ministre perdait de vue le but du programme, celui d’offrir des prestations aux personnes qui ne peuvent pas conserver un emploi rémunérateurNote de bas page 20.

[25] Toutefois, le RPC est un régime contributif qui fournit certaines prestations aux personnes qui ont cotisé ou qui sont admissibles selon des critères précisNote de bas page 21. Il ne s’agit pas d’un régime d’aide sociale qui offre des prestations à tout le monde. La viabilité et la santé financière du Régime dépendent des limites parfois déchirantes que l’on fixe pour établir qui est admissible et qui ne l’est pas. Il incombe au Parlement de tracer ces limitesNote de bas page 22.

Conclusion

[26] J’estime que le requérant n’est pas admissible à la pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave avant le 31 décembre 2007 et qu’il n’est pas devenu invalide en 2008 avant le 30 novembre. Étant donné que j’ai conclu que son invalidité n’est pas grave, je n’ai pas à évaluer si son invalidité est prolongée.

[27] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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