Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 513

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie requérante : M. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 16 janvier 2020 rendue par
le ministre de l’Emploi et du Développement social
(transmise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Requérant
Témoin du requérant (tante)
Date de la décision : Le 22 juillet 2021
Numéro de dossier : GP-20-772

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le requérant, M. C., n’est pas admissible au versement de sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) avant août 2018. Les raisons pour lesquelles je rejette cet appel sont expliquées dans la présente décision.

Aperçu

[3] Le requérant a demandé une pension d’invalidité du RPC en juillet 2019Note de bas page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli sa demande. Le versement de la pension entrait en vigueur en avril 2018. Les versements ont commencé en août 2018.

[4] Le requérant a demandé une révision de son admissibilité rétroactiveNote de bas page 2. Le ministre a rejeté la demande du requérant. Le requérant a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Une conférence préparatoire à l’audience s’est tenue le 15 octobre 2020. L’objectif de cette conférence était de fournir au requérant plus de renseignements sur le fonctionnement de la « disposition relative à l’invalidité » au titre du RPCNote de bas page 3.

Ce que je dois trancher

[6] Le requérant est-il admissible au versement de sa pension d’invalidité du RPC avant août 2018?

[7] Le requérant était-il incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant juillet 2019?

Raisons de ma décision

[8] J’ai décidé que le ministre avait raison de commencer à verser la pension d’invalidité du RPC au requérant à partir d’août 2019 [sic]. Le requérant ne satisfaisait pas au critère relatif à l’incapacité , et sa pension ne pouvait donc pas être payée avant cette date. Je suis parvenue à cette décision en examinant les questions suivantes.

Le ministre avait raison de commencer à verser la pension d’invalidité du RPC au requérant à partir d’août 2018

[9] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en novembre 2012Note de bas page 4. Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre reçoit sa demande d’invalidité. Après cela, il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des versementsNote de bas page 5.

[10] Le ministre a reçu la demande du requérant en juillet 2019. Cela signifie qu’il est réputé être devenu invalide en avril 2018. Le versement de sa pension commence en août 2018.

[11] Il existe une exception à cette règle. Il s’agit de la disposition relative à l’incapacitéNote de bas page 6.

La disposition relative à l’incapacité ne s’applique pas au requérant

[12] Lorsque la disposition relative à l’incapacité s’applique, la demande d’une personne au RPC peut être traitée comme si elle avait été présentée avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faiteNote de bas page 7.

[13] Pour pouvoir se servir de cette disposition, le requérant devait démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était incapable de façon continue de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant juillet 2019. Je sais qu’il a des problèmes de santé et des difficultés depuis son accident survenu en novembre 2012. Il ne satisfait toutefois pas au critère relatif à l’incapacité. Voici les raisons.

[14] Le fait que le requérant ne savait pas qu’il devait présenter une demande ou qu’il ne pouvait pas remplir le formulaire de demande n’a pas d’importance. Il devait être incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Cela n’est pas différent que d’avoir la capacité de former l’intention de faire d’autres choix pertinents dans la vieNote de bas page 8.

[15] Pour décider si le requérant a satisfait au critère relatif à l’incapacité, je devais examiner la preuve médicale, ainsi que les éléments de preuve montrant ce qu’il a fait d’autre pendant la période où il n’avait pas la capacité, selon lui, de présenter sa demande de pension d’invalidité du RPCNote de bas page 9.

Preuve médicale

[16] Le requérant a subi un accident très grave le 6 novembre 2012. Il a souffert de nombreuses blessures physiques, de dépression et de trouble de stress post-traumatique (TSPT)Note de bas page 10. Le requérant avait des douleurs intenses, et l’amplitude de mouvement de son cou et de ses bras était réduite. Il a également eu des problèmes de sommeil et de la difficulté à se concentrer. Il devenait facilement agité et avait de la difficulté dans les situations sociales.

[17] Dans une déclaration d’incapacité, la Dre MacLeod a écrit que l’incapacité du requérant a commencé le 6 novembre 2012 et a pris fin en janvier 2014Note de bas page 11. Elle a mentionné que le requérant était très malade en raison des blessures qu’il a subies dans l’accident de voiture et qui ont mis sa vie en danger, et qu’il était incapable de composer avec autre chose que son rétablissement médical. La Dre MacLeod est devenue sa médecin seulement en février 2015Note de bas page 12. Elle n’était pas sa médecin au moment de l’accident ou au moment de son incapacité. Cependant, elle était d’avis que d’après l’examen de son dossier médical, le requérant aurait été frappé d’incapacité du 6 novembre 2012 à janvier 2014. Cependant, même si le requérant était incapable pendant cette période, le requérant ne peut pas se fier sur la disposition d’incapacité, car il a fait sa demande plus d’un an après janvier 2014, date à laquelle il a retrouvé sa capacité selon la Dre MacLeodNote de bas page 13.

[18] La déclaration d’incapacité n’est toutefois pas un facteur déterminant dans l’établissement de l’incapacité au titre du RPCNote de bas page 14. Cela signifie que je peux tenir compte également d’autres éléments. La Dre MacLeod a écrit plus tard qu’en raison de problèmes de santé mentale (TSPT et trouble dépressif majeur), le requérant n’avait pas la capacité de faire une demande de prestations du 2 novembre 2012 jusqu’en juillet 2019Note de bas page 15. Elle a déclaré que les graves problèmes de santé mentale du requérant, qui se sont traduits par une humeur maussade, des troubles du sommeil, une motivation réduite et des difficultés de concentration, le rendaient incapable d’entreprendre une tâche complexe comme la demande de prestations du RPC. Le requérant a aussi affirmé qu’il était en état d’incapacité depuis l’accident. Il a dit que depuis ce moment, sa vie avait changé complètement. Il a déclaré que son comportement avait aussi changé après l’accident. Il était très agité, anxieux et frustré. Il avait de la difficulté à composer avec les gens. Sa tante a affirmé qu’il lui faisait parfois peur à cause de son comportement.

[19] La tante du requérant m’a aussi dit qu’elle avait remarqué que le requérant avait changé après l’accident. Elle a dit qu’il était anxieux et souffrait de dépression. Il oubliait de manger et négligeait son hygiène. Je crois le requérant et sa tante. D’après le témoignage et la preuve médicale, il ne fait aucun doute que le requérant est invalide. Cependant, être invalide et être frappé d’incapacité n’est pas la même choseNote de bas page 16.

[20] Je dois aussi examiner les activités du requérant de novembre 2012 à juillet 2019 pour voir ce qu’elles démontrent à propos de son incapacité.

Preuve des activités du requérant

[21] Le requérant a affirmé qu’après l’accident, il se concentrait sur son état de santé. La Dre MacLeod a aussi dit qu’elle ne croyait pas que le requérant aurait été capable d’entreprendre une tâche complexe comme la demande au RPC avant juillet 2019. Pour évaluer la capacité, toutefois, je ne dois pas concentrer mon attention sur la capacité ou l’incapacité de « faire une demande ». Bien des personnes ne sont pas capables de « faire une demande », mais ce n’est pas ce type d’incapacité qui est pertinent ici. Il s’agit plutôt d’avoir la capacité de [traduction] « penser à faire une demandeNote de bas page 17 ».

[22] La capacité de former l’intention de demander des prestations n’est pas différente par sa nature de la capacité de former une intention concernant d’autres choix qui se présentent à une partie demanderesseNote de bas page 18. J’estime que les décisions prises par l’appelant montrent qu’il n’était pas frappé d’incapacité de façon continue de novembre 2012 à juillet 2019. Il a eu la capacité de s’engager dans un litige juridique, de prendre des décisions quant à ses conditions de vie et ses soins de santé, et il s’est renseigné au sujet d’autres prestations qu’il pourrait éventuellement toucher.

[23] Le requérant a affirmé avoir vécu avec un couple pendant plusieurs mois après l’accident. Il a ensuite déménagé à Red Deere et a vécu avec son fils. En novembre 2014, il a décidé de quitter l’Alberta pour retourner en Nouvelle-Écosse où vivait sa mère. Il a expliqué avoir pris cette décision parce que les indemnités d’assurance qu’il touchait avaient pris fin. Il n’avait pas les moyens de continuer à vivre en Alberta, alors il a emménagé avec sa mère jusqu’en 2016. En 2016, il a commencé à partager un logement avec son cousin. Il m’a dit qu’il verse à son cousin un montant fixe chaque mois pour le loyer et les services publics. Le requérant a dit qu’il a un téléphone à carte prépayée. Lorsqu’il n’a plus de minutes et qu’il a de l’argent, il achète des minutes pour son téléphone.

[24] Le requérant a été engagé dans un litige juridique à partir environ du moment de l’accident jusqu’à l’été 2018. Il m’a dit que pendant qu’il vivait avec le couple après l’accident, l’époux l’a aidé à trouver un avocat à Edmonton. Le requérant a affirmé avoir communiqué avec l’avocat par téléphone et par courriel. L’avocat lui a remis une trousse de documents qui comprenait un mandat de représentation. Le requérant a dit avoir signé les documents afin de retenir les services de l’avocat. De mars 2016 à juin 2018, le requérant est retourné plusieurs fois en Alberta pour participer à des audiences, à des consultations avec des spécialistes, à des examens physiques et à une audience de médiation. Le requérant a accepté le conseil de son avocat en octobre 2017 et a refusé la première offre de règlement de la compagnie d’assurance parce que le montant était insuffisant. Au printemps 2018 (vers juin 2018), il est retourné en Alberta pour participer à une audience de médiation. Il a expliqué que l’audience s’est déroulée dans une salle de conférence avec un auxiliaire de justice privé qui lui a posé des questionsNote de bas page 19. Des négociations ont eu lieu, et il a suivi le conseil de son avocat et a accepté l’offre de règlement. Le requérant a retenu les services d’un avocat, consulté l’avocat, a tenu compte et suivi des conseils juridiques, a participé à des négociations et a accepté un règlement. Ces faits appuient l’argument selon lequel le requérant ne satisfait pas à la disposition relative à l’incapacité.

[25] Le requérant a aussi affirmé ne pas avoir de procuration ni de directives médicales. La preuve montre qu’il participe activement à ses soins médicaux et qu’il prend des décisions concernant les traitements. Il s’occupe lui-même de ses finances et prend les décisions médicales qui le concernent. Il arrive souvent que quelqu’un le conduise à ses rendez-vous chez la médecin, mais il entre seul dans le bureau de la médecin. En février 2015, le requérant a dit à sa médecin qu’il aimerait voir un psychiatreNote de bas page 20. En août 2015, il a demandé à sa médecin de famille de remplir des documents pour luiNote de bas page 21. En août 2018, le requérant a dit à la Dre MacLeod qu’il voulait réduire la quantité de narcotiques qu’il consommaitNote de bas page 22. Il m’a dit qu’il ingère maintenant la moitié de la dose qu’il prenait à l’époque. Il prend maintenant seulement deux narcotiques par jour en plus de ses autres médicaments.

[26] Le requérant a dit au ministre en août 2019 qu’il avait mis fin à ses séances aux deux semaines avec Heather Cross (travailleuse de soutien autorisée) en février ou mars 2019 parce qu’il ne les trouvait pas utiles. Il m’a dit que sa santé mentale s’était détériorée après avoir mis fin aux séances, et qu’il a repris les séances depuis.

[27] En février 2015, la Dre MacLeod a suggéré au requérant de vérifier auprès des ministères des Anciens combattants, de l’Assurance-emploi ou des Services sociaux s’il pouvait obtenir une quelconque forme d’aideNote de bas page 23. Il m’a dit être allé à l’Assurance-emploi, mais qu’il n’était pas admissible. Il s’est aussi renseigné auprès du ministère des Anciens combattants. On lui a dit qu’il y avait une liste d’attente de deux ans pour consulter un professionnel en santé mentale. Le requérant a affirmé avoir obtenu de l’aide financière des Services sociaux pour l’aider à payer son loyer pendant deux ou trois mois en 2016.

[28] En juillet 2019, sa tante lui a parlé des prestations d’invalidité du RPC, et le requérant a fait une demande. Il a déclaré qu’il ne connaissait pas ces prestations jusque là. Cependant, un manque de connaissance quant à l’admissibilité à une pension d’invalidité ne relève pas de la portée de l’incapacitéNote de bas page 24.

[29] Malgré ses problèmes de santé et sa difficulté à les gérer, le requérant ne satisfait pas au critère relatif à l’incapacité. Il était capable de participer activement aux décisions quant à sa santé et à ses traitements; il a été capable de demander des prestations et de s’informer au sujet d’autres programmes d’aide; et il a retenu les services d’un avocat et a pris des décisions concernant des affaires juridiques. La preuve me montre qu’il n’y a pas eu de période d’incapacité avant juillet 2019 lorsque le requérant a fait sa demande de prestations d’invalidité du RPC.

[30] Je suis sensible à la situation du requérant, mais je dois appliquer la loi comme elle est énoncée dans la Loi sur le RPC. Je ne peux pas ignorer la loi pour des raisons de compassion ou des circonstances atténuantes.

Conclusion

[31] Le requérant n’était pas incapable de façon continue de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC avant juillet 2019. Puisqu’il ne satisfait pas au critère relatif à l’incapacité, je ne peux pas considérer qu’il a présenté sa demande avant cette date.

[32] L’appel est rejeté.

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