Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SI c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 516

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. I. (requérante)
Représentant : Daniel J. Holland
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par le ministre de l’Emploi et
du Développement social le 11 mai 2020 (communiquée
par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Requérante
Représentant de la requérante
Date de la décision : Le 23 juillet 2021
Numéro de dossier : GP-20-909

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] S. I., la requérante, a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle sera versée à compter de mars 2018. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en janvier 2019Note de bas de page 1. Pour que la demande soit approuvée, la requérante doit avoir une invalidité qui est grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019.

[4] La requérante a 62 ans. Pendant 15 ans, son travail consistait à emballer des pâtisseries et des produits de boulangerie. Elle a cessé de travailler en novembre 2017 après un accident de voiture. À la suite de l’accident, elle a été hospitalisée et a suivi un traitement de réadaptation pendant deux mois. Elle affirme ne pas pouvoir retourner travailler à cause de douleurs au dos et au bassin. Les douleurs l’empêchent de se tenir debout et de marcher sans canne.

[5] Le ministre a refusé sa demande parce que la requérante a peut-être certaines limitations, mais la présence d’une pathologie ou d’une déficience grave, qui empêcherait la requérante d’effectuer un travail convenable, n’est pas démontrée par la preuve.

[6] La requérante n’était pas d’accord avec la décision du ministre. Elle a donc fait appel de la décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la requérante doit prouver

[7] Pour que la requérante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de la requérante pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si la requérante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que la requérante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité tienne la requérante à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je juge que la requérante avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019. Je suis arrivée à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de la requérante était-elle grave?
  • L’invalidité de la requérante était-elle prolongée?

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

[15] L’invalidité de la requérante était grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de la requérante nuisent bel et bien à sa capacité de travail

[16] La requérante a eu un accident de voiture en novembre 2017. Elle a subi des blessures physiques ainsi qu’une lésion du cerveau. Cependant, je ne peux pas regarder seulement les diagnostics de la requéranteNote de bas de page 5. En fait, je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 6.

[17] Je constate que la preuve montre que la requérante s’est rétablie de la lésion du cerveau. En février 2018, l’examen de son état mental n’a rien révélé de particulier. Le Dr Feinstein a précisé qu’il n’y avait ni dépression ni problèmes cognitifs. Il a dit que la requérante était essentiellement asymptomatiqueNote de bas de page 7.

[18] Toutefois, je conclus que la requérante a des limitations fonctionnelles qui découlent de ses blessures physiques.

Ce que la requérante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] La requérante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Voici ce qu’elle dit :

  • Elle a eu un accident de voiture en novembre 2017. Elle a subi des blessures à l’os de la hanche et au bassin. Cela lui donne des tensions dans les jambes et la hanche.
  • Elle peut difficilement rester debout plus de 20 minutes. Ses hanches et ses pieds deviennent tendus lorsqu’elle est debout trop longtemps. Sa capacité à marcher s’est quelque peu améliorée, mais elle a encore besoin d’une canne pour l’aider à garder son équilibre quand elle marche.
  • Elle a aussi une légère déficience cognitive (perte de mémoire) causée par une blessure à la tête. Elle a de la difficulté à se rappeler certaines choses, dont son numéro de téléphone à la maison ou les mots pour répondre à une question.
  • Elle compte sur les membres de sa famille pour accomplir les tâches ménagères, y compris cuisiner les repas. Elle est capable d’effectuer les tâches moins exigeantes comme plier le linge.
  • Elle a des douleurs au bas du dos et des problèmes aux intestins et à la vessie.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[20] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2019Note de bas de page 8. La preuve médicale confirme les dires de la requérante.

[21] La requérante a subi de nombreuses blessures, notamment une fracture du bassin, des blessures à la poitrine et une blessure au dos (fracture transversale de la vertèbre T4 du côté gaucheNote de bas de page 9 ). Elle a été hospitalisée pendant neuf jours. Elle a ensuite suivi un traitement de réadaptation pendant deux moisNote de bas de page 10.

[22] Un an après l’accident, la requérante avait encore des douleurs au bas du dos du côté droit et elle utilisait une canne pour marcher. Elle affirmait que ses douleurs empiraient quand elle se tenait debout et marchait. Le Dr Robinson (réadaptation) a déclaré que les douleurs que la requérante ressentait au bas du dos semblaient être de nature musculosquelettique. Il lui a recommandé de continuer à faire de la physiothérapie (ce qu’elle faisait depuis environ un an) et de l’exercice aérobiqueNote de bas de page 11.

[23] En février 2019, le Dr Selvananthan (médecin de famille) a écrit qu’en raison des fractures du bassin et de la vertèbre L4, la requérante continuait d’avoir des douleurs au dos et ne pouvait pas bouger normalement. Il a affirmé que la requérante était grièvement blessée. Ce rapport me montre que plus d’un an après l’accident, la requérante avait encore des douleurs au dos ainsi qu’une mobilité limitée, malgré la réadaptation et les traitements de physiothérapie et de chiropractie qu’elle continuait de suivre. Même s’il a écrit que la requérante se rétablissait lentement, le Dr Selvananthan était d’avis qu’il était impossible de savoir si la requérante pourrait un jour reprendre un travail quelconque.

[24] En juin 2019, la requérante ressentait des douleurs légères à modérées à l’épaule droite, ce qui limitait sa capacité de faire des gestes au-dessus de la têteNote de bas de page 12. Elle avait encore des douleurs légères à modérées au bas du dos. Celles-ci empiraient avec l’activité physique, en position debout ou si elle soulevait des objets. Le Dr Selvananthan lui a recommandé de se reposer et de poursuivre la physiothérapie.

[25] Durant la période minimale d’admissibilité de la requérante (décembre 2019), elle a subi une évaluation de réadaptation effectuée par une ergothérapeuteNote de bas de page 13. La requérante avait encore des douleurs au bas du dos, aux épaules et au cou. Elle ressentait des douleurs et des faiblesses aux jambes et à la hanche. Elle avait des problèmes d’incontinence liés à la vessie et aux intestins ainsi que certaines difficultés cognitivesNote de bas de page 14. Les douleurs de la requérante empiraient en position assise ou debout et quand elle marchait et se penchait. Ses problèmes d’incontinence persistaient depuis l’accident de voiture. La requérante a expliqué qu’elle avait des « accidents » soudains et intermittents.

[26] La preuve médicale confirme que les blessures physiques de la requérante, principalement ses blessures au dos et à la hanche, l’empêchaient d’effectuer tout type de travail au plus tard le 31 décembre 2019. Elle est incapable de s’asseoir, de se tenir debout ou de marcher sans aide et sans aggravation de ses douleurs.

[27] Je vais maintenant vérifier si la requérante a suivi les conseils médicaux.

La requérante a suivi les conseils médicaux

[28] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, il faut suivre les conseils des médecinsNote de bas de page 15. Une personne qui ne respecte pas les conseils doit fournir une explication raisonnable. Il me faut aussi examiner les effets potentiels des conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 16.

[29] La requérante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 17. Le Dr Robinson et le Dr Selvanathan ont recommandé du repos et de la physiothérapieNote de bas de page 18. La requérante reçoit régulièrement des traitements de physiothérapie et de chiropractie depuis plus de trois ans. Elle prend les médicaments recommandés par son médecin. Parmi ceux-ci, mentionnons le Sandoz Pregabalin, le Tylenol Extra fort et un aérosol antidouleurNote de bas de page 19.

[30] Malgré ces traitements, la requérante continue de ressentir des douleurs en position assise ou debout et quand elle marche.

[31] À présent, je dois décider si la requérante est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 20.

La requérante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[32] Lorsque je décide si la requérante peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques telles que :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[33] Ces éléments m’aident à décider si la requérante est capable de travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 21. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’elle peut travailler.

[34] Je juge que la requérante est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[35] En décembre 2019, la requérante avait 60 ans. Elle est à l’âge de la retraite et son âge nuirait à ses possibilités d’obtenir un emploi ou de se recycler. Elle a fait sa 10e année au Sri Lanka, sans plus. Elle n’a pas fait d’études ou suivi de formation au Canada. Elle n’a aucune compétence en informatique.

[36] À l’époque de l’accident, la requérante travaillait dans une boulangerie. C’est le seul emploi qu’elle a occupé au Canada depuis qu’elle a immigré en 1990. Elle a travaillé pour la même entreprise pendant 15 ans. Son travail consistait à prendre les commandes et les plateaux de pain et de pâtisseries, puis à les placer sur les étagères ou dans les camions. Il s’agissait d’un travail physique où elle devait se tenir debout, marcher, se pencher, soulever des choses et transporter des objets lourds. Compte tenu de ses problèmes de santé physique depuis novembre 2017, elle n’a acquis aucune compétence transférable dans le cadre de cet emploi.

[37] La requérante ne parle ni ne comprend l’anglais. Le tamoul est sa langue maternelle. Elle m’a expliqué qu’elle pouvait travailler à la boulangerie parce que ses collègues et la personne qui dirige l’entreprise parlaient tamoul.

[38] La requérante n’a aucune compétence transférable, car ses limitations physiques l’empêchent de s’asseoir ou de se tenir debout pendant plus de 20 minutes et rendent l’usage d’une canne nécessaire pour maintenir son équilibre et marcher. Elle a reçu une instruction sommaire au Sri Lanka. Elle ne parle pas anglais et elle a atteint l’âge de la retraite. Toutes ces caractéristiques nuisent à ses possibilités de retourner travailler ou de se recycler. Je juge que la requérante n’est pas en mesure de travailler dans un contexte réaliste.

[39] Je conclus que l’invalidité de la requérante était grave au plus tard le 31 décembre 2019.

L’invalidité de la requérante était-elle prolongée?

[40] L’invalidité de la requérante était prolongée.

[41] Les problèmes de santé de la requérante ont commencé en novembre 2017. Ses fractures du dos et du bassin continuent de lui donner des douleurs dès qu’elle fait quoi que ce soit, notamment lorsqu’elle se tient debout, reste assise et marche. Une intervention chirurgicale n’est pas une option pour elle et on ne s’attend pas à ce que ses problèmes de santé s’améliorentNote de bas de page 22. Ils vont fort probablement durer indéfinimentNote de bas de page 23.

[42] Je conclus que l’invalidité de la requérante était prolongée au plus tard le 31 décembre 2019.

Début du versement de la pension

[43] L’invalidité de la requérante est devenue grave et prolongée en novembre 2017, quand elle s’est blessée au bassin et au dos, ce qui a entraîné des douleurs et des limitations fonctionnelles lorsqu’elle est debout ou assise et quand elle marche.

[44] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 24. Ainsi, la pension sera versée à compter de mars 2018.

Conclusion

[45] Je conclus que la requérante a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[46] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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