Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 548

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante (requérant) : T. W.
Représentante : Chantelle Yang
Partie intimée (ministre) : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du
27 mai 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et
du Développement social (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 17 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 18 août 2021
Numéro de dossier : GP-20-898

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le requérant, T. W., est admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les versements commencent à compter de janvier 2018. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] Le requérant a subi une crise cardiaque le 19 août 2015. Il est retourné travailler comme contrôleur pour X cinq jours plus tard. Toutefois, il a cessé de travailler le 28 octobre 2015, puisqu’il souffrait de douleurs à la poitrine, d’épuisement, et de problèmes de concentration. Le requérant n’est pas retourné sur le marché du travail depuis le 28 octobre 2015.  

[4] Le ministre a reçu la demande actuelle du requérant pour une pension d’invalidité du RPC le 17 décembre 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le requérant affirme qu’il est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de son insuffisance cardiaque congestive, laquelle cause de l’épuisement et déclenche des problèmes de concentration, des problèmes de mémoire et des douleurs à la poitrine.

[6] Le ministre affirme que la preuve médicale n’indique pas que les limitations du requérant étaient graves au point de le rendre incapable d’exercer un emploi peu exigeant et peu stressant qui correspond à ses capacités.

Ce que le requérant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 1 .

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée. »

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2 .

[10] Pour décider si l’invalidité du requérant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si le requérant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3 .

[12] Cela signifie qu’aucun rétablissement ne doit être prévu. L’invalidité du requérant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] Le requérant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que le requérant avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience. Je suis parvenu à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • Est-ce que l’invalidité du requérant est grave?
  • Est-ce que l’invalidité du requérant est prolongée?

Est-ce que l’invalidité du requérant est grave?

[15] L’invalidité du requérant est grave. J’ai examiné quelques facteurs pour parvenir à cette décision. J’explique ci-dessous ces facteurs.

Les limitations fonctionnelles du requérant nuisent à sa capacité de travailler

[16] Le requérant est atteint d’insuffisance cardiaque congestive et d’un anévrisme apical. Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur ses diagnosticsNote de bas de page 4 . Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5 . Je dois donc tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 6 .

[17] Je conclus que le requérant a des limitations fonctionnelles.

Ce que le requérant dit de ses limitations fonctionnelles

[18] Le requérant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Plus précisément, le requérant affirme que son insuffisance cardiaque congestive entraîne de l’épuisement et déclenche des problèmes de concentration, des problèmes de mémoire, des douleurs à la poitrine, de l’anxiété et de l’engourdissement aux doigts. Le requérant affirme aussi que ses troubles cognitifs lui causent du stress ce qui fait augmenter sa pression artérielle. 

[19] J’accepte le témoignage du requérant au sujet de ses limitations fonctionnelles puisque ses déclarations étaient détaillées, franches et raisonnablement cohérentes.   

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles du requérant

[20] Le requérant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 7 .

[21] La preuve médicale appuie ce que dit le requérant. Par exemple, le Dr Chao a recommandé en novembre 2015 que le requérant [traduction] « ne se présente plus au travail » étant donné l’augmentation de son niveau de stress et la pression sur son cœur (GD2-269). Le Dr Chao a aussi rapporté en août 2016 que le requérant souffrait de fatigue chronique et d’essoufflement quand il faisait des efforts physiques (GD2-236).

[22] D’autres éléments de preuve médicale appuyaient ce que dit le requérant. Par exemple, le Dr Burns a rapporté en août 2017 que le requérant souffrait d’épuisement (quand il faisait des efforts physiques), de membres glacés, de sensibilité au froid et de douleurs à la poitrine. Plus précisément, le Dr Burns n’a pas recommandé un retour progressif au travail (GD2-313).

[23] Finalement, la Dre Greiner a noté en juin 2017 que le requérant devait être en congé pour maintenir un rythme cardiaque lent et une pression artérielle basse. La Dre Greiner a expliqué que l’emploi du requérant était [traduction] « très stressant » de sorte qu’il était impossible pour lui de maintenir un rythme cardiaque lent et une pression artérielle basse (GD2-298). Je sais que le ministre a avancé que la preuve médicale au dossier n’indiquait pas que le requérant avait des limitations fonctionnelles, graves et continues nuisant à sa capacité de travailler. Néanmoins, j’accorde plus d’importance au rapport de la Dre Greiner. Ce rapport soutient que le travail du requérant faisait en sorte qu’il aurait été [traduction] « impossible d’atteindre » des objectifs tels que le maintien d’un rythme cardiaque lent et d’une pression artérielle basse.

[24] La preuve médicale indique que les problèmes de concentration du requérant, ses problèmes de mémoire, son épuisement, ses douleurs à la poitrine, son anxiété et l’engourdissement de ses doigts l’empêchaient d’exercer son travail habituel au plus tard à la date de l’audience.

[25] Je vais maintenant chercher à savoir si le requérant a suivi les conseils médicaux.

Le requérant a suivi les conseils médicaux

[26] Le requérant a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 8 . Par exemple, le Dr Burns a rapporté que le requérant a très bien respecté tous les traitements et toutes les modifications à son style de vie qu’on lui a recommandés (GD2-315). De plus, j’accepte le témoignage du requérant selon lequel il prend régulièrement ses médicaments sur ordonnance parce que ses déclarations étaient franches et confirmées par le rapport du Dr Burns.

[27] À présent, je dois chercher à savoir si le requérant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 9 .

Le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[28] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si le requérant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[29] Ces facteurs m’aident à savoir si le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 10 .

[30] Je conclus que le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[31] Premièrement : Le requérant a essayé de faire du bénévolat, mais il a dû arrêter ses efforts il y a deux ans parce que ses problèmes de santé l’empêchaient de travailler plus d’heures. Plus précisément, le requérant a arrêté de faire du bénévolat au « Rotary Club » parce que les heures de bénévolat sont passées de deux heures par mois à dix heures par mois. Je sais que le ministre a dit que les activités du requérant (dont son bénévolat) indiquaient qu’il était en mesure de travailler dans les limites de ses capacités. Toutefois, le fait que le requérant a décidé d’arrêter de faire du bénévolat au « Rotary Club » démontre qu’il ne pouvait que travailler un nombre minimal d’heures de bénévolat par mois.

[32] Deuxièmement : On ne peut simplement pas ignorer le fait que le requérant vit depuis août 2015 avec une insuffisance cardiaque congestive. Par exemple, le requérant a essayé de retourner travailler une semaine après sa crise cardiaque en août 2015. Toutefois, il a compris au fil des deux mois suivants que son état de santé nuisait à sa mémoire et à sa concentration, ce qui augmentait son niveau de stress au travail. Je sais que le ministre a dit que le niveau d’éducation et les antécédents de travail du requérant font en sorte qu’il avait des compétences transférables vers un autre type de travail. Toutefois, les limitations fonctionnelles du requérant faisaient en sorte que n’importe quel type de travail augmentait son niveau de stress. En bref, peu importe l’emploi qu’il exercerait, le niveau de stress du requérant augmenterait sa pression artérielle, ce qui pourrait entraîner un malaise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral.

[33] Je conclus que l’invalidité du requérant était grave au plus tard à la date de l’audience.

Est-ce que l’invalidité du requérant est prolongée?

[34] L’invalidité du requérant est prolongée.

[35] Les troubles de santé du requérant ont commencé en août 2015 lorsqu’il a subi une crise cardiaque. Ces troubles de santé ont continué depuis cette date et continueront probablement indéfinimentNote de bas de page 11 . J’estime que l’invalidité du requérant était prolongée au plus tard à la date de l’audience pour les raisons ci-dessous.

[36] Premièrement : Le rapport du Dr Chao citait la Dre Takhar qui a affirmé que les troubles de santé du requérant étaient [traduction] « peu susceptibles de s’améliorer » (GD2-236).

[37] Deuxièmement : La Dre Greiner a affirmé que l’insuffisance cardiaque congestive du requérant continuerait probablement à se dégrader graduellement (GD2-298).

[38] Troisièmement : J’ai été convaincu, suite au témoignage du requérant au sujet de son invalidité, que ses troubles de santé ne s’amélioraient pas et allaient probablement continuer indéfiniment.

Début du versement de la pension

[39] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en novembre 2015 lorsque le Dr Chao a écrit que le requérant ne pouvait pas se présenter au travail. Par contre, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 12 .

[40] Le ministre a reçu la demande actuelle du requérant en décembre 2018. Cela signifie que l’on considère qu’il est devenu invalide en septembre 2017.

[41] Les versements de la pension commencent à compter de janvier 2018.

Conclusion

[42] J’estime que le requérant est admissible à la pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité est grave et prolongée.

[43] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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