Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : ZM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 658

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie appelante : Z. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 août 2021 (GP-21-841)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 5 novembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-352

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, Z. M. (requérante), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a établi que le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, avait correctement calculé la période de cotisation du requérant, qu’il a utilisée pour établir le taux de la pension de retraite du requérant. La division générale a conclu que le requérant n’avait pas droit à un taux plus élevé pour sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada.

[3] Le requérant fait valoir que le membre de la division générale était partial et n’a pas respecté les règles d’équité procédurale. Il fait également valoir que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait.

[4] Je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1 . Le fait d’avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendableNote de bas de page 2 .

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a fait preuve de partialité?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a fait plusieurs erreurs de fait concernant les cotisations du requérant au Régime de pensions du Canada?

Analyse

[6] La division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès avant d’autoriser une partie demanderesse à aller de l’avant avec son appel. Il existe une chance raisonnable de réussite si un certain type d’erreur est commisNote de bas de page 3 . La division générale doit avoir commis l’une des erreurs suivantes, c’est-à-dire qu’elle doit avoir :

  1. a) omis de s’assurer que le processus était équitable;
  2. b) omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) commis une erreur de droit;
  4. d) fondé sa décision sur une erreur de fait importante. (L’erreur doit avoir été commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans que la division générale ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance.)

[7] Une fois que la partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, elle peut passer à l’appel en tant que tel. La division d’appel décide alors si la division générale a commis une erreur et, dans l’affirmative, décide de la manière de corriger cette erreur.

Peut-on soutenir que le membre de la division générale a fait preuve de partialité?  

[8] Le requérant fait valoir que le membre de la division générale a fait preuve de partialité de deux façons :

Le membre de la division générale a hésité avant de le laisser contre-interroger la représentante du ministre

[9] Le requérant soutient que le membre de la division générale était partial parce qu’il a hésité avant de le laisser poser des questions à la représentante du ministre. Le requérant affirme que l’hésitation du membre a démontré un parti pris parce qu’il ne voulait pas obliger le ministre à produire ce qu’il considérait comme une preuve importante en faveur de la cause du requérant.

[10] Je ne trouve rien de fondé dans cette allégation. Le membre avait établi des règles de procédureNote de bas de page 4 , et il a estimé que le requérant ne les respectait pas. Le membre a rappelé au requérant qu’en général, il ne permettait pas de contre-interroger un témoin si ce dernier ne fournit pas d’éléments de preuveNote de bas de page 5 . De plus, une fois que les parties ont fini de présenter leurs éléments de preuve, cela met fin à toute possibilité de contre-interroger les témoins. Les parties passent ensuite aux arguments oraux.

[11] Malgré cela, le membre a permis au requérant de procéder à un contre-interrogatoire complet de la représentante du ministre. Il a permis le contre-interrogatoire, même si le ministre, à ce moment-là, avait déjà fini de présenter ses arguments oraux.

[12] Le critère permettant d’établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité consiste à se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, après avoir examiné les faits de manière réaliste et pratique. « Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?Note de bas de page 6  »

[13] Dans la présente affaire, le requérant a simplement rappelé aux parties les règles de procédure qu’il avait fixées. Le membre a alors accédé à la demande du requérant. Il a laissé le requérant aller de l’avant avec le contre-interrogatoire de la représentante du ministre, malgré le fait que cela allait à l’encontre des règles que le membre avait établies. Je ne vois pas en quoi cela témoigne d’un parti pris ou montre que le membre ne trancherait pas la question de manière équitable.

La division générale a déclaré que le requérant travaillait dans un autre pays

[14] Le requérant soutient que le membre de la division générale a fait preuve de partialité parce qu’il a écrit que le requérant travaillait dans un autre paysNote de bas de page 7 . Le requérant affirme que cette déclaration n’était pas nécessaire et qu’elle a été faite par pure malveillance. Le requérant affirme que, si le membre avait été équitable, il aurait cité tous les détails concernant les antécédents professionnels du requérant en Bosnie-Herzégovine. Le requérant a fourni les détails de ses antécédents professionnels dans sa demande à la division d’appel.

[15] Après avoir examiné le contexte et l’origine de la déclaration, je ne trouve rien d’inapproprié, et encore moins de malveillant dans la déclaration du membre selon laquelle le requérant a travaillé dans un autre pays. Le membre a écrit ce qui suit :

Je comprends que le requérant préfère qu’on indique « aucune donnée » plutôt qu’énumérer des cotisations nulles dans sa période cotisable, puisqu’il travaillait dans un autre paysNote de bas de page 8 .

[16] De toute évidence, le membre ne faisait que répéter les arguments du requérant pour expliquer pourquoi ses cotisations au Régime de pensions du Canada pour les années 1973 à 1996 devraient être modifiées de [traduction] « zéro » à [traduction] « aucune donnée ». Je ne vois pas comment le fait de reprendre les arguments du requérant pourrait amener une personne bien renseignée à conclure que le membre ne prendrait pas une décision équitable.

[17] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que le membre de la division générale a fait preuve de partialité.

Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale?

[18] Le requérant fait valoir que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale. Il dit que cela s’est produit lorsque le membre a hésité à répondre à une question du requérant qui voulait savoir s’il pouvait obtenir des réponses du ministre à certaines de ses questions en suspens. Le requérant affirme que l’hésitation du membre l’a choqué et déconcerté, au point de faire dérailler le fil de ses pensées et de ses questions. Il affirme que le membre aurait dû soutenir ses efforts pour recueillir tous les faits.

[19] Le requérant a posé sa question au cours des observations finales des partiesNote de bas de page 9 . La représentante du ministre a conclu son argumentation (qui consistait essentiellement à répondre aux questions du membre). La discussion s’est déroulée comme suit :

[traduction]

Requérant : Puis-je poser certaines questions à madame Hoffman avant de passer aux observations finales?

Membre : Euhh. Eh bien, c’est...

MinistreNote de bas de page 10  : Je suis d’accord avec ça si vous l’êtes aussi. C’est à vous de décider.

Membre : Juste pour vous donner le... généralement, monsieur [le requérant], juste pour que nous suivions la procédure. En général, si madame Hoffman a fourni des éléments de preuve, vous avez bien sûr le droit de l’interroger. Dans la présente affaire, il semble que nous soyons... Il s’agit d’une audience informelle, donc je vais l’autoriser. Tout ce que madame Hoffman a fait, c’est confirmer qu’elle a fourni des observations écrites et répondu aux questions que j’avais posées dans les observations, mais allez-y, monsieur [le requérant]. Si vous avez des questions, allez-y.

[20] Le requérant a ensuite posé des questions à la représentante du ministreNote de bas de page 11 . Ses questions portaient sur la possibilité d’exclure de la période de cotisation et de son état de cotisations les mois d’ [traduction] « invalidité légale ».

[21] Je n’ai pas détecté d’hésitation de la part du membre, mais même si le membre avait hésité avant de répondre à la question du requérant, il n’y a rien d’injuste du point de vue de la procédure pour un membre de prendre le temps nécessaire pour réfléchir à une réponse appropriée, même si une partie trouve cela choquant ou déroutant.

[22] Si le requérant laisse entendre que le membre aurait dû réagir à son choc et à sa confusion, rien n’aurait pu alerter le membre que le requérant était incapable de continuer. Le requérant n’a certainement pas semblé choqué ou confus. Il n’a pas bégayé ni hésité. Il a été capable de poser ses questions. De plus, il n’a pas exprimé ou indiqué qu’il ne pouvait pas continuer. De plus, vers la fin de l’audience, le membre a demandé au requérant s’il avait quelque chose d’autre à direNote de bas de page 12 . Le requérant a formulé ce qu’il a appelé [traduction] « son mot de la fin », mais à aucun moment il ne s’est opposé ou n’a demandé plus de temps.

[23] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale parce que le membre a « hésité » avant de répondre à la demande du requérant.

Peut-on soutenir que la division générale a fait plusieurs erreurs de fait concernant les cotisations du requérant au Régime de pensions du Canada?

[24] Le requérant fait valoir que la division générale a mal compris ou a négligé des faits ou des arguments importants, à savoir :

  • Au paragraphe 12 : Le requérant avait soutenu qu’il était atteint d’une [traduction] « invalidité légale » et qu’il n’avait donc pas pu cotiser au Régime de pensions du Canada de 1973 à 1996. Il soutient que le ministre aurait dû exclure de sa période de cotisation le nombre de mois compris dans cette période d’ [traduction] « invalidité légale », tout comme les clauses d’exclusion pour élever des enfants. Le requérant fait valoir que la division générale n’a pas abordé cette question parce qu’elle s’est plutôt concentrée sur le début de sa période de cotisation.
  • Au paragraphe 13 : Le requérant a soutenu que le Régime de pensions du Canada est discriminatoire à l’égard de ceux qui immigrent au Canada plus tard dans leur vie parce que leurs cotisations au Régime de pensions du Canada sont [traduction] « plus diluéesNote de bas de page 13  ». Il fait valoir que la division générale aurait dû en prendre note dans sa décision, de sorte que la représentante du ministre aurait pu demander une modification législative à des niveaux plus élevés.
  • Au paragraphe 14 : Le requérant affirme que ses cotisations pour les années 1973 à 1996 auraient dû être consignées comme [traduction] « aucune donnée » au lieu de [traduction] « zéro » cotisation.

Période de cotisation

[25] Le requérant affirme que la division générale aurait dû se concentrer sur le fait qu’il était en situation d’ [traduction] « invalidité légale », plutôt que sur le moment où sa période de cotisation a commencé. Le requérant n’avait pas le statut juridique lui permettant de travailler au Canada. Il ne pouvait donc pas cotiser au Régime de pensions du Canada. Il affirme que ces mois devraient être retirés de la période de cotisation. Essentiellement, il dit que la période de cotisation ne devrait commencer qu’à partir du moment où il avait légalement le droit de travailler.

[26] Cela peut sembler injuste pour le requérant. Toutefois, il n’y a aucun fondement juridique pour appuyer ses arguments visant à exclure des mois de sa période de cotisation alors qu’il n’avait pas le statut légal pour travailler. Le Régime de pensions du Canada ne comporte aucune disposition permettant l’exclusion ou la suppression de ces mois. Le requérant fait référence au fait que les mois d’invalidité et d’éducation des enfants sont exclus de la période de cotisation, mais le Régime de pensions du Canada prévoit spécifiquement ces exclusions.

[27] Bien que le requérant affirme effectivement que la période de cotisation ne devrait commencer qu’à partir du moment où il avait légalement le droit de travailler, le Régime de pensions du Canada établit clairement le moment où une période de cotisation commence. Celle-ci commence soit le 1er janvier 1966, soit lorsque le cotisant atteint l’âge de dix-huit ansNote de bas de page 14 . Il n’est pas possible d’ajuster la date de début de la période de cotisation, même si un cotisant ne peut pas cotiser au Régime de pensions du Canada parce qu’il vivait à l’extérieur du Canada.

[28] Je ne suis pas convaincue que l’appel du requérant a une chance raisonnable de succès sur ce point.

Demande de modification législative

[29] Le requérant affirme que la division générale aurait dû noter le fait que les immigrants qui arrivent au Canada plus tard dans leur vie ont moins de chances de cotiser au Régime de pensions du Canada. Je constate cependant que la division générale a pris note des arguments du requérant à cet égard.

[30] Si le requérant veut que des modifications soient apportées au Régime de pensions du Canada, il existe d’autres moyens plus appropriés qu’un appel devant la division générale. La division générale n’est pas tenue de faire des recommandations de modifications législatives au nom d’une partie. En effet, la division générale n’a pas lieu de faire cela. Fondamentalement, son rôle en tant qu’arbitre est simplement d’examiner la preuve et d’interpréter la loi, d’appliquer la loi aux faits, puis d’arriver à une décision.

[31] On ne peut pas soutenir que la division générale aurait dû prendre note de ce que le requérant considère comme des lacunes dans le Régime de pensions du Canada, ou qu’elle aurait dû recommander des modifications au Régime de pensions du Canada pour corriger ces « lacunes ».

« Aucune donnée » ou « zéro » cotisation.

[32] Le requérant fait valoir que ses cotisations pour les années 1973 à 1996 auraient dû être consignées comme [traduction] « aucune donnée » au lieu de [traduction] « zéro » cotisation. Essentiellement, il affirme que la division générale a commis une erreur de fait en acceptant qu’il ait eu [traduction] « zéro » cotisation pour ces années.

[33] Le requérant n’a pas de cause défendable sur ce point. La division générale n’a pas commis d’erreur de fait. Elle s’est appuyée sur la preuve qui lui avait été soumise. L’état des cotisationsNote de bas de page 15 établit clairement que le requérant avait des cotisations de [traduction] « 0,00 $ » pour les années 1973 à 1995. Comme l’a noté la division générale, le requérant n’a tout simplement pas versé de cotisations au Régime de pensions du Canada pour la période de 1973 à 1996.

[34] Quoi qu’il en soit, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le fait que le relevé indiquait [traduction] « 0,00 $ » ou un autre chiffre, le cas échéant. Rien ne dépendait du fait que les cotisations étaient à « 0 » ou à « aucune donnée », car la division générale a finalement décidé que le calcul de la période de cotisation ne dépendait pas de ce que les cotisations étaient. La division générale a également rejeté à juste titre les arguments du requérant selon lesquels il avait le droit d’exclure ces mois de sa période de cotisation.

Conclusion

[35] Le requérant n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis des erreurs de droit ou de fait, ou qu’elle n’aurait pas respecté les règles d’équité procédurale. Il n’a pas non plus de cause défendable à l’encontre de la partialité du membre. La permission d’en appeler est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant. Cela met fin à l’appel du requérant devant la division d’appel.

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