Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 419

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1729

ENTRE :

D. S.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Connie Dyck
Date de l’audience par téléconférence : Le 10 juin 2021
Date de la décision : Le 27 juin 2021

Sur cette page

Décision

[1] La requérante (D. S.) n’a pas droit aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] La requérante était âgée de 46 ans en mai 2009 (la date à laquelle elle doit être invalide). Elle a présenté une demande de prestations d’invalidité en mai 2019Note de bas page 1. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle était incapable de travailler en raison d’une dystrophie sympathique réflexe et de la sclérose en plaques (SP). Elle affirme qu’elle ressent de la fatigue, qu’elle souffre d’anxiété et de dépression et qu’elle éprouve de la douleur. La requérante a affirmé qu’elle estimait qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé en avril 2013Note de bas page 2. Le ministre a rejeté la demande au stade initial et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision au Tribunal de la sécurité sociale.

L’historique des appels de la requérante

[3] La requérante a présenté une première demande de prestations d’invalidité en septembre 2004Note de bas page 3. Dans cette demande, elle a déclaré qu’elle était incapable de travailler en raison d’une dystrophie sympathique réflexe. Elle avait de la difficulté à marcher et à transporter et à atteindre des objetsNote de bas page 4.

[4] Le ministre a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’à l’étape de la révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision du ministre devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Un tribunal de révision a instruit l’appel de la requérante le 20 juillet 2006. Le tribunal de révision a conclu que la requérante n’était pas admissible aux prestations d’invalidité parce que la preuve était insuffisante pour décider que son état était assez « grave » pour satisfaire aux exigences du RPC. Le tribunal de révision a souligné qu’il y avait peu ou pas d’éléments de preuve médicale objectifs d’invaliditéNote de bas page 5.

Pourquoi l’historique des appels de la requérante est‑il important?

[5] L’historique des appels de la requérante est important en raison d’un principe juridique connu sous le nom de « principe de la chose jugée ». Ce principe signifie qu’une fois qu’un litige est tranché définitivement, il ne peut être instruit de nouveauNote de bas page 6.

[6] Étant donné qu’un tribunal de révision a déjà examiné l’admissibilité de la requérante aux prestations d’invalidité, je dois décider si le principe de la chose jugée s’applique à la décision rendue en 2006.

Analyse

Quand le principe de la chose jugée s’applique‑t‑il?

[7] Le principe de la chose jugées’applique aux tribunaux administratifs, comme le Tribunal de la sécurité sociale.Note de bas page 7 Pour que le principe s’applique, trois conditions préalables doivent être réunies :

  1. la question en litige doit être la même dans les deux instances;
  2. la décision censée donner lieu à l’application du principe de la chose jugée doit être finale;
  3. les parties doivent être les mêmes dans les deux instances.

Les trois conditions préalables à l’application du principe de la chose jugée

[8] En l’espèce, la décision du tribunal de révision était finale. La requérante n’a pas interjeté appel de cette décision. Les parties à l’instance devant le tribunal de révision étaient les mêmes que dans le présent appel.

[9] Cependant, le tribunal de révision n’a pas tranché la même question que celle dont je suis saisie. Le tribunal de révision devait se demander si la requérante était invalide au sens du RPC le 31 décembre 2007 ou avant cette date. La date de fin de la PMA de la requérante à la date de l’audition du présent appel est le 31 décembre 2008, avec un calcul au prorata du 1er janvier 2009 au 31 mai 2009.

L’application du principe de la chose jugée suppose l’exercice d’un certain pouvoir discrétionnaire

[10] La Cour suprême du Canada a permis aux décideurs de conserver un pouvoir discrétionnaire résiduel de ne pas appliquer le principe de la chose jugéeNote de bas page 8. Même si ce pouvoir discrétionnaire existe, je ne peux pas décider pour un motif quelconque que le principe de la chose jugée ne devrait pas s’appliquer. Mon objectif est de faire en sorte que l’application du principe de la chose jugée favorise l’administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d’une injustice concrèteNote de bas page 9.

[11] La Cour suprême du Canada a établi une liste de facteurs à prendre en considération au moment d’exercer un pouvoir discrétionnaire. Ces facteurs comprennent les suivants : a) le libellé du texte de loi (d’où vient le pouvoir de rendre la décision); b) l’objet de la loi; c) l’existence d’un droit d’appel; d) les garanties offertes aux parties dans le cadre de l’instance; e) l’expertise du décideur précédent; f) les circonstances ayant donné naissance à l’instance initiale; g) le risque d’injusticeNote de bas page 10.

[12] Il y a trois commentaires importants à faire au sujet de ces facteurs.

[13] Premièrement, cette liste de facteurs est ouverte. Cela signifie qu’il est possible que certains facteurs ne soient pas pertinents dans chaque cas. Cela signifie également qu’il est possible qu’il ne s’agisse pas des seuls facteurs à prendre en considération. En effet, la cour a reconnu qu’il est possible qu’il y ait d’autres facteurs à prendre en considération, comme lorsque des modifications sont apportées à la loi après l’instance initiale, ou que de nouveaux documents pertinents deviennent disponibles après que la première décision a été rendueNote de bas page 11.

[14] Deuxièmement, ces facteurs ne constituent pas une liste de contrôle ni un appel à une analyse mécanique. Toutefois, les décideurs doivent aussi aborder les facteurs favorables et défavorables à l’exercice du pouvoir discrétionnaireNote de bas page 12.

[15] Troisièmement, de tous les facteurs à prendre en considération, celui qui est considéré comme le plus important est le facteur du risque d’injusticeNote de bas page 13. Ce facteur exige que je prenne un recul et que je me demande si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’application du principe de la chose jugée dans le présent cas en particulier entraînerait une injustice.

Il s’agit d’un cas où l’application du principe de la chose jugée entraînerait une injustice

[16] J’ai expliqué la question de la chose jugée à la requérante et à son témoin à l’audience. J’ai expliqué que, si le principe de la chose jugée s’appliquait, j’étais liée par la décision précédente du tribunal de révision, que j’y souscrive ou non. Si le principe de la chose jugée s’appliquait, ma compétence se limitait à décider si la requérante est devenue invalide après le 20 juillet 2006. Après avoir entendu les témoignages de la requérante et de son témoin, j’ai décidé que l’application du principe de la chose jugée donnerait lieu à une injustice. Cela signifie que je peux tenir compte de l’ensemble de la preuve, y compris celle dont disposait le tribunal de révision précédent. Ayant conclu que le principe de la chose jugée ne devrait pas être appliqué en l’espèce, je dois décider si la requérante est devenue invalide le 31 décembre 2008 ou avant cette date, ou entre le 1er janvier 2009 et le 31 mai 2009.

[17] Les motifs pour lesquels je n’applique pas le principe de la chose jugée sont les suivants :

  • J’ai demandé à la requérante et à son témoin s’il y avait quelque chose au sujet de l’audience du tribunal de révision tenue en juillet 2006 qui était injuste pour la requérante. Le témoin a dit qu’on ne lui avait pas donné la possibilité de parler. Il a dit qu’il avait tenté d’expliquer les limitations de la requérante l’empêchant de lever le bras et de fermer le poing, mais que le tribunal de révision lui avait dit d’arrêter. Il a dit qu’on lui avait essentiellement dit d’arrêter de parler. Il m’a dit qu’il avait trouvé cela très troublant.
  • Le témoin m’a également dit que, lorsqu’il avait commencé à expliquer au tribunal de révision pourquoi la requérante était invalide, on lui avait dit qu’on estimait qu’elle pouvait effectuer un autre travail.
  • J’ai également examiné la décision du tribunal de révision. Le tribunal de révision a tiré la conclusion suivante : [traduction] « Le tribunal estime que son invalidité est prolongée, mais dispose d’une preuve insuffisante pour conclure que celle‑ci est assez “grave” pour satisfaire aux exigences de la Loi ».
  • Le tribunal a également souligné qu’il disposait de [traduction] « peu ou pas d’éléments de preuve médicale objectifs d’invalidité ». Il a mentionné et invoqué un seul élément de preuve médicale, qui remontait à trois ans avant l’audience et émanait du chirurgien orthopédiste. Le tribunal de révision a affirmé ce qui suit : [traduction] « évidemment, c’était il y a près de trois ans, et il est fort possible que sa situation se soit détériorée depuis ». La requérante a toutefois présenté une lettre de son médecin de famille, rédigée au cours du mois ayant précédé l’audience, que le tribunal de révision ne semble pas avoir prise en compteNote de bas page 14.
  • J’ai également tenu compte du fait que le tribunal de révision a rejeté l’appel principalement en raison d’une [traduction] « preuve insuffisante » et du fait qu’il y avait [traduction] « peu ou pas d’éléments de preuve médicale objectifs ». Or, la requérante a dit au tribunal de révision que son médecin était à l’étranger et n’était pas disponible. Rien n’indique dans la décision que la requérante s’est vu offrir un ajournement afin d’obtenir des renseignements médicaux de son médecin ou d’attendre son retour. J’estime que cela est particulièrement préjudiciable, car il s’agissait d’une raison impérieuse pour laquelle la décision était rejetée.

[18] Pour ces motifs, je conclus que l’application du principe de la chose jugée dans le présent cas en particulier constituerait une injustice.

[19] Ayant conclu que le principe de la chose jugée ne devrait pas être appliqué en l’espèce, je dois décider si la requérante est devenue invalide le 31 décembre 2008 ou avant cette date. Si je conclus qu’elle n’était pas invalide en date du 31 décembre 2008, je dois décider si elle est devenue invalide entre le 31 janvier 2009 et le 31 mai 2009.

Ce que la requérante doit prouver

[20] Pour avoir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2008. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas page 15.

[21] En 2009, les cotisations de la requérante étaient inférieures au montant minimum requis par le RPC. Ces cotisations peuvent néanmoins permettre à la requérante d’être admissible à une pension si elle est devenue invalide entre le 1er janvier 2009 et le 31 mai 2009Note de bas page 16.

[22] Le RPC définit les adjectifs « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 17. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 18.

[23] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Ce que dit la requérante au sujet de ses limitations fonctionnelles

[24] La requérante affirme que les limitations causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler de plusieurs façons.

[25] Elle a une douleur chronique, des spasmes musculaires, une mobilité réduite et des problèmes d’équilibre, de vision et d’élocution. Elle a également une dystrophie sympathique réflexe au bras gauche. Elle souffre d’anxiété et de dépression. Elle a expliqué qu’elle est très fatiguée la plupart du temps.

[26] La requérante a également dit qu’elle a de la difficulté à se concentrer sur des tâches. Elle ne peut accomplir de tâches ménagères. Elle affirme qu’elle compte sur sa famille et ses amis pour l’aider. Elle limite les relations sociales en raison de sa douleur, de sa dépression et de sa fatigueNote de bas page 19.

Motifs de ma décision selon laquelle l’invalidité de la requérante n’était pas grave

[27] La requérante souffre d’une dystrophie sympathique réflexe, d’un syndrome de douleur chronique, de la sclérose en plaques, d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), de fissures et de dépression. Toutefois, je ne dois pas me concentrer sur les diagnostics de la requéranteNote de bas page 20. Je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé et de leur incidence sur sa capacité de travailler. Je dois me concentrer sur la question de savoir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vie en date du 31 décembre 2008, ou si elle est devenue invalide en 2009 en date du 31 mai 2009Note de bas page 21.

[28] Je suis d’accord avec la requérante pour dire que la preuve médicale permet de conclure qu’elle avait des limitations fonctionnelles au niveau de la main et de la jambe gauches en date du 31 décembre 2008. Cependant, les éléments de preuve et ses efforts de travail permettent de conclure qu’elle avait une capacité de travail. Le témoignage de la requérante et la preuve médicale démontrent que la requérante était capable de travailler jusqu’en 2015, c’est‑à‑dire bien après la date de fin de sa PMA.

Ce que dit la preuve médicale

[29] La requérante doit soumettre des éléments de preuve médicale objectifs qui démontrent qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 mai 2009Note de bas page 22.

[30] La requérante a eu un accident de voiture en juillet 2001. Elle a été blessée aux poignets et à la cheville et a reçu un coup de fouet cervical. Elle a subi une intervention chirurgicale aux deux bras, et le bras droit (elle est droitière) est revenu à la normale. Son coup de fouet cervical s’est résorbé, mais elle a continué à ressentir des symptômes au poignet et au bras gauches. Elle a reçu un diagnostic de syndrome douloureux régional complexe et de dystrophie sympathique réflexe au bras gaucheNote de bas page 23.

Dystrophie sympathique réflexe

[31] En septembre 2001, le Dr Norris (anesthésiologiste) a indiqué que l’amplitude de mouvement de la main gauche de la requérante était réduite et qu’elle ne pouvait effectuer une extension complète de tous ses doigts. Elle avait une faible force de préhension et était incapable de saisir deux doigts. Il était d’accord avec le Dr McAllister pour dire que la requérante avait une dystrophie sympathique réflexe précoce. Il a souligné que son état s’améliorait dans une certaine mesure grâce à la physiothérapie et que l’Oxycocet lui procurait un soulagement de la douleur, mais qu’elle n’en prenait presque pas. Elle hésitait à en prendre en raison du risque de dépendance. Le Dr McAllister a expliqué les bienfaits de la médication dans ce type de situation. La requérante a accepté de prendre de l’Oxycocet toutes les quatre heures régulièrement. La requérante a également eu des anesthésies tronculairesNote de bas page 24. Le Dr Norris a indiqué que les anesthésies tronculaires agissaient sur la douleur et la dysesthésie.

[32] Dans un rapport d’évolution en ergothérapie rédigé en décembre 2001, il était indiqué que l’état de la requérante s’était amélioré quelque peu, mais qu’elle continuait à avoir une amplitude de mouvement réduite aux poignets et à la main gauche. Elle pouvait maintenant accomplir de façon autonome ou partiellement autonome la plupart des activités de la vie quotidienne. Toutefois, elle ne pouvait pas soulever d’objets lourds ni conduire une voitureNote de bas page 25.

[33] En octobre 2002, le Dr Lamontagne (spécialiste) a examiné la requérante venue le consulter pour une dystrophie sympathique réflexe. Il a affirmé que la dystrophie sympathique réflexe à la main gauche de la requérante se résorbait lentement tout en étant assez persistante. Il a indiqué que la requérante recevait des injections d’anesthésie tronculaire avec le Dr Norris, et que l’effet de ces injections se faisait sentir environ deux semaines. Il a indiqué qu’elle prenait très peu de médicaments antidouleur. Elle prenait de l’Oxycocet deux ou trois fois par jour les plus mauvais jours, mais pouvait s’en passer environ sept à dix jours après les injectionsNote de bas page 26.

[34] En juin 2004, le Dr Apostle (médecin de famille) a indiqué que la requérante souffrait d’une douleur chronique liée à la dystrophie sympathique réflexe. Il a indiqué qu’elle avait des lésions nerveuses au côté gauche ainsi que des crampes, de la douleur et de la faiblesseNote de bas page 27.

[35] En juin 2006, le Dr Apostle a affirmé que la douleur de la requérante constituait toujours un problème. Elle éprouvait une douleur persistante au côté gauche, la douleur étant plus forte dans son bras, mais aussi dans sa jambe. Elle avait besoin d’injections d’anesthésie tronculaire tous les deux mois et prenait de l’Oxycocet pour soulager la douleur. Le Dr Apostle a affirmé qu’il estimait que la requérante était inapte au travail en raison de son étatNote de bas page 28. Or, la requérante a pu retourner travailler comme cuisinière. J’ai conclu que ses efforts de travail constituent une preuve de capacité de travail. J’exposerai les motifs de cette conclusion plus loin dans la présente décision.

[36] En janvier 2008, la requérante a eu un autre accident de voiture. Le lendemain, elle avait un torticolis du côté gauche ainsi que de l’inconfort au bras, à la jambe et à la hanche gauches. Le Dr Apostle a indiqué qu’il s’agissait uniquement de blessures aux tissus mous et s’est contenté de donner des conseilsNote de bas page 29.

[37] En décembre 2008, la requérante est tombée et s’est blessée au dos et à l’épaule droite. En février 2009, le Dr Apostle a prescrit de la physiothérapie. Une radiographie de l’épaule droite n’a révélé aucune fracture ou dislocation. Il a également renouvelé son ordonnance de Percocet pour qu’elle puisse prendre quatre comprimés par jour pour sa douleur chroniqueNote de bas page 30.

[38] La preuve médicale en date de mai 2009 démontre que la requérante avait de la douleur chronique et des limitations du côté gauche résultant d’un accident de voiture survenu en juillet 2001. Il y avait eu une certaine amélioration grâce à la physiothérapie, à la chirurgie et aux injections d’anesthésie tronculaire. La blessure à la main droite de la requérante s’était résorbée. Sa douleur à la main et au bras gauches était contrôlée avec des injections d’anesthésie tronculaire et la prise occasionnelle d’Oxycocet, comme l’a souligné le Dr Lamontagne. Même si elle avait toujours certaines limitations, la requérante était encore capable de travailler, comme le démontrent ses efforts pour travailler en 2011 et en 2012.

Maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)

[39] En octobre 2006, la requérante a souffert d’une toux persistante accompagnée d’un enrouement intermittentNote de bas page 31. Une radiographie thoracique s’est révélée normale. On lui a prescrit un antitussif et un ajustement a été apporté à son ordonnance d’Advair (aérosol-doseur). Selon le Dr Apostle, la requérante souffrait d’une inflammation chronique des voies aériennes supérieures, qui devrait se résorber avec le temps.

[40] Aucun autre élément de preuve médicale ne permet de conclure que la toux ou les difficultés respiratoires de la requérante ont nécessité d’autres interventions médicales jusqu’en avril 2012, c’est‑à‑dire presque trois ans après la fin de sa PMA.

[41] Le témoin de la requérante (M.) a affirmé qu’il y avait un problème de filtration de l’air dans la cuisine de l’immeuble du Young Men’s Christian Association (YMCA) où la requérante a travaillé comme cuisinière en 2011 et en 2012. Cela a rendu la requérante très malade et a eu un effet défavorable sur sa MPOC.

[42] En avril 2012, la requérante a eu une exacerbation aiguë de sa MPOCNote de bas page 32. Le Dr Apostle lui a prescrit du Prednisone et du Biaxin. Il a affirmé, en mai 2012, qu’elle semblait aller mieux et qu’elle n’était certainement plus dans la même situation qu’en avril 2012. L’exacerbation aiguë de sa MPOC s’était résorbée. Le Dr Apostle lui a recommandé de cesser de fumer. En juillet 2012, la requérante allait mieux sur le plan clinique, mais elle ressentait encore des symptômes. Le Dr Apostle a ajusté sa médicationNote de bas page 33. En août 2012, le Dr Apostle a affirmé que la MPOC de la requérante s’améliorait lentement, mais qu’elle continuait à fumer. Il a indiqué qu’elle avait des laryngites épisodiques et qu’un examen clinique n’avait rien révélé d’autreNote de bas page 34.

[43] Le Dr Vance (médecin de famille) a souligné, en janvier 2019, que la MPOC de la requérante était demeurée stable grâce au Spiriva et à l’Advair. Elle prenait du Ventolin environ une fois par semaine en moyenne. Elle continuait à fumerNote de bas page 35.

[44] Bien que l’environnement de travail de la requérante ait causé une exacerbation aiguë de sa MPOC, grâce aux médicaments, son état s’est amélioré et est demeuré stable.

Fissure

[45] La requérante a consulté le Dr Apostle, en octobre 2007, pour une douleur rectale, l’évacuation des selles, des saignements et du mucus, dont elle souffrait depuis quatre ou cinq mois. Le Dr Apostle lui a prescrit des médicamentsNote de bas page 36. En février 2008, elle éprouvait toujours de la douleur lors de l’évacuation des selles. Elle a été envoyée au Dr Mossing (chirurgien généraliste) pour un examenNote de bas page 37. Le Dr Mossing a diagnostiqué chez la requérante une fissure anale chronique. Il a prescrit un traitement conservateurNote de bas page 38.

[46] En mai 2008, la requérante s’est vu prescrire un onguent. Le Dr Mossing prévoyait que l’onguent ferait effet en huit à dix semaines. Il a affirmé que la requérante ressentirait un soulagement immédiat si l’onguent fonctionnait. Il a affirmé que, si ce traitement conservateur n’était pas efficace, une sphinctérotomie latérale serait prévueNote de bas page 39. La requérante n’est pas retournée voir le Dr Mossing et aucun élément de preuve médicale n’indique que d’autres traitements ont été nécessaires jusqu’en avril 2016, c’est‑à‑dire bien après la fin de sa PMA.

[47] En novembre 2016, le Dr Banks a indiqué que la requérante éprouvait une douleur abdominale intermittente et était constipée. Elle a subi une colonoscopie et une fissure antérieure a été retirée. La douleur et la constipation de la requérante se sont considérablement atténuéesNote de bas page 40.

Dépression

[48] La requérante a de longs antécédents de dépression. On lui a prescrit du Paxil en 2001. Elle a cessé de prendre du Paxil pendant une courte période, mais ses symptômes de dépression ont augmenté. Elle a recommencé à prendre du Paxil pour contrôler sa dépression. Elle a dit au Dr Vance, en avril 2016, que le Paxil était très bénéfique et qu’elle se débrouillait bienNote de bas page 41. La dépression de la requérante est contrôlée à l’aide de médicaments depuis plusieurs années. La requérante a consulté un conseiller pendant une courte période après le décès de son mari. Elle n’est pas suivie par un psychiatre ou un conseiller et ne suit pas une thérapie.

Sclérose en plaques (SP)

[49] Le Dr Jacqmin (chirurgien orthopédiste) a indiqué, en octobre 2003, que le membre inférieur gauche de la requérante présentait un signe neurologique de sensation hyperesthésique ainsi qu’une perte de réflexe au niveau du genou et de la cheville. Il a affirmé qu’il pouvait s’agir d’un signe précurseur de la sclérose en plaquesNote de bas page 42. Toutefois, il a indiqué que la requérante ne s’appuyait pas sur une canne et se portait plutôt bien. Il a affirmé qu’elle était capable de s’occuper d’elle‑même, de ses enfants et de sa maison. Elle était capable de conduire une voiture. Elle était capable de faire son épicerie, mais avait besoin d’aide pour soulever des objets lourdsNote de bas page 43.

[50] En avril 2016, le Dr Kucher (neurologue) a affirmé qu’après avoir procédé à l’examen de la requérante et des IRM, il était d’avis que celle‑ci ne souffrait pas de la SP à ce moment‑là. Les examens réalisés en octobre 2017 révélaient que la requérante ne satisfaisait pas aux critères diagnostiques de la SPNote de bas page 44. En mai 2018, le Dr Casserly a toutefois indiqué que la requérante avait de multiples lésions de la substance blanche périventriculaire pouvant correspondre à la SP, mais dans l’ensemble un fardeau lié au changement relativement légerNote de bas page 45. Elle a affirmé que la requérante n’avait pas eu de rechutes ni de déficits progressifs et que ses symptômes étaient assez stablesNote de bas page 46.

[51] L’état de la requérante semble s’être aggravé en novembre 2018. Une IRM a révélé que de nouvelles lésions s’étaient récemment développées au niveau du tronc cérébral et de la moelle épinière de la requérante. Un diagnostic de SP a été poséNote de bas page 47.

[52] Or, ce n’est pas la date du diagnostic qui détermine une affection incapacitante. Bien que la requérante ait reçu un diagnostic officiel de SP en 2018 seulement, elle présentait des symptômes faisant penser à la SP bien avant la fin de sa PMA. Toutefois, elle avait relativement peu de limitations fonctionnelles, comme l’a indiqué le Dr Jacqmin. De plus, la requérante a déclaré que, depuis 2015, [traduction] « les choses n’ont fait qu’empirer ». Elle a expliqué au Dr Casserly que ses jambes l’ont soudainement lâchée pendant qu’elle se rendait de sa chambre à la salle de bain. Elle a affirmé que depuis cet incident, ses symptômes sensoriels se sont aggravés et elle a commencé à avoir des crampes dans la jambe gaucheNote de bas page 48. Cette affirmation est étayée par le rapport du Dr Kucher rédigé en avril 2016. Il a indiqué que la requérante avait bel et bien des engourdissements et des picotements du côté gauche qui s’aggravaient au début de 2015, et qui s’étaient améliorés, sans toutefois se résorber totalement.

[53] J’ai examiné l’état de santé de la requérante dans son ensemble. Toutefois, la preuve médicale ne démontre pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 mai 2009. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2008, ou qu’elle est devenue invalide entre le 1er janvier 2009 et le 31 mai 2009.

La situation personnelle et les efforts de travail de la requérante

[54] Pour décider si la requérante peut travailler, je ne dois pas seulement tenir compte de ses problèmes de santé et de leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois aussi prendre en compte son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vieNote de bas page 49. Ces facteurs m’aident à décider si la requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste. La requérante n’avait que 46 ans au moment de sa PMA. Elle a une douzième année et a suivi un cours de secrétariat. Elle a travaillé dans un magasin de vente au détail de 1987 à 1998, date à laquelle le magasin a fermé ses portesNote de bas page 50. Son âge, son niveau d’instruction et ses antécédents de travail lui donnent des compétences transférables.

[55] Je me suis demandé si le revenu de la requérante en 2011 pouvait être considéré comme un revenu d’emploi, ce qui pourrait démontrer qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après sa PMA. L’occupation « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas page 51. Un état de compte du cotisant fait état de l’historique des gains de la requérante après la PMANote de bas page 52. En 2011, ses gains ont été de 12 034 $. Même si le montant total de ses gains en 2011 est inférieur de 1 806 $ au montant prévu relativement à une occupation véritablement rémunératrice, cela ne constitue pas en soi une preuve d’incapacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Cette décision doit être prise en tenant compte de l’ensemble de la preuve, notamment des éléments de preuve médicale ainsi que des détails de l’emploiNote de bas page 53. J’estime que les motifs qui suivent permettent de conclure que les efforts de la requérante pour travailler au YMCA constituent une preuve de capacité de travail.

[56] En novembre 2019, A. A., du Young Men’s Christian Association (YMCA), a affirmé que, de janvier 2011 à avril 2012, la requérante avait travaillé comme cuisinière dans un service de garde, préparant des repas et des collations santé pour les enfants. Elle croyait que la requérante avait quitté cet emploi en raison d’une maladie. La requérante a confirmé que ses symptômes de MPOC étaient la principale raison pour laquelle elle avait cessé de travailler. La requérante effectuait des heures normales de travail à temps partiel (cinq heures par jour), car c’était tout ce qui s’offrait à elle. A. A. a affirmé que la qualité du travail de la requérante était satisfaisante et qu’elle pouvait répondre aux exigences de l’emploi, sans l’aide des autres.

[57] La requérante a expliqué qu’elle avait tout de même besoin de l’aide des autres. Elle a affirmé qu’elle travaillait dans la cuisine, là où se trouvait la salle de repos. Lorsqu’elle avait besoin d’aide pour soulever des objets lourds, égoutter des pâtes dans une passoire et peler des pommes de terre, elle demandait de l’aide à un collègue qui était en pause. Même si la requérante avait besoin d’aide pour soulever des objets lourds, cela ne l’empêchait pas d’occuper un emploi plus convenable qui n’exigeait pas de soulever de tels objets. La requérante a affirmé qu’elle était la seule personne responsable de la préparation des collations du matin, des repas du midi et des collations de l’après‑midi. Elle faisait la cuisine et le nettoyage, coupait les légumes et effectuait le travail de préparation. Elle faisait l’épicerie, mais avait parfois de l’aide de son fiancé le matin pour décharger les sacs. Elle a affirmé qu’il lui arrivait environ quatre à cinq fois par mois de ne pas se présenter au travail en raison de ses problèmes de santé.

[58] Je n’ai pas estimé que l’employeur de la requérante était un employeur bienveillant. La jurisprudence, y compris la décision Atkinson c CanadaNote de bas page 54 , indique que le fait de fournir des mesures d’adaptation à un employé ne fait pas nécessairement d’un employeur un employeur bienveillant. Pour qu’un employeur soit considéré comme bienveillant, les mesures d’adaptation doivent dépasser ce qui est attendu dans le milieu de travail. Un niveau élevé de preuve est exigé à l’égard du concept d’employeur bienveillant. La prise de mesures d’adaptation courantes par un employeur ne fait pas de lui un employeur « bienveillant »Note de bas page 55. En l’espèce, le travail de la requérante était productif. La requérante recevait un salaire concurrentiel et l’on attendait d’elle qu’elle accomplisse les fonctions du poste. L’aide de collègues pour soulever des objets lourds a été mise à sa disposition, quand elle en avait besoin. Il ne s’agit pas d’une mesure d’adaptation qui dépassait ce qui est attendu d’un employeur dans un milieu de travail concurrentiel.

[59] La requérante a déclaré que sa MPOC s’était aggravée en raison de la filtration de l’air inadéquate dans l’immeuble. Même si elle avait certaines limitations physiques, elle était capable de faire son travail jusqu’à ce qu’elle ait une exacerbation aiguë de sa MPOC. Il en est fait état dans les notes cliniques du Dr ApostleNote de bas page 56. Toutefois, le Dr Apostle a indiqué que, grâce au traitement, l’état de la requérante s’était amélioré et, en janvier 2019, le Dr Vance a affirmé que l’état de la requérante était stable grâce aux médicamentsNote de bas page 57. La requérante n’est cependant pas retournée travailler au YMCA.

[60] Elle a postulé un emploi dans une charcuterie située près de chez elle. Elle m’a dit que cet emploi n’exigeait pas de soulever des objets lourds et qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel, où elle commençait ses journées l’après‑midi, ce qui convenait à son état. Elle a affirmé que son employeur était au courant de ses problèmes de santé et savait qu’il était possible qu’elle manque quelques jours de travail parce qu’elle était malade ou pour des rendez‑vous. Malheureusement, la charcuterie a fermé ses portes peu de temps après avoir ouvert. La requérante m’a dit qu’elle n’avait pas postulé d’autres emplois parce qu’elle avait décidé de rester à la maison avec ses enfants.

[61] Je conclus que les emplois de la requérante au YMCA et à la charcuterie constituent une preuve de capacité de travail. Son emploi à la charcuterie ne l’obligeait pas à soulever des objets lourds et cet emploi n’a pas pris fin en raison de ses problèmes de santé.

[62] Si la requérante a une certaine capacité de travail dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a tenté d’obtenir ou de conserver un emploi. Elle doit également démontrer que ses tentatives de travail ont été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas page 58. Ce n’est pas le cas dans le présent appel. La requérante a cessé de travailler en raison d’une exacerbation aiguë de sa MPOC, qui s’est résorbée grâce au traitement. Elle a trouvé un emploi plus convenable (moins exigeant sur le plan physique) et cet emploi a pris fin, mais non pas en raison de son état de santé.

[63] Je conclus que la situation personnelle et les efforts de travail de la requérante permettent de conclure qu’elle pouvait travailler dans un contexte réaliste. Je conviens que l’état de la requérante s’est aggravé en 2015 et, bien qu’elle ne soit peut‑être plus capable de travailler aujourd’hui, là n’est pas la question dont je suis saisie.

Conclusion

[64] Je conclus que la requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave en date du 31 décembre 2008 ou du 31 mai 2009. Ayant conclu que l’invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à me demander si elle était prolongée.

[65] L’appel est rejeté.

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