Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Citation : YY c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 704

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : Y. Y.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 9 mars 2020 rendue par la Ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Antoinette Cardillo
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 8 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-20-876

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Y. Y., l’appelant, n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est âgé de 57 ans. Il est titulaire d’un diplôme universitaire et il a obtenu deux certificats (programme pour les enseignants postsecondaires (février 2008) et programme de formation des formateurs (mai 2009)). Il a arrêté de travailler comme superviseur en décembre 2018 en Arabie Saoudite. Il a demandé une pension d’invalidité du RPC le 23 mai 2019Footnote 1. L’appelant a affirmé ne plus être capable de travailler depuis 2012. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (Ministre) a rejeté sa demande. L’appelant a donc fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] L’appelant fonde sa demande de prestations d’invalidité sur de graves problèmes de motricité, un manque d’équilibre causé par une différence de trois (3) centimètres entre ses deux jambes, des douleurs musculaires chroniques, du diabète, des étourdissements, des migraines chroniques, des difficultés respiratoires, de la dépression et des effets secondaires liés à sa pression artérielle.

[5] Le Ministre affirme que bien que l’appelant a certaines limitations, la preuve n'a révélé aucune pathologie grave qui I’aurait empêché d’exercer une activité professionnelle qui lui convenait compte tenu de ses limitations. Une imagerie diagnostique effectuée avant la date de fin de sa PMA n'a révélé aucune anomalie grave et, à ce jour, ses traitements ont été conservateurs. Même s’il a été diagnostique avec du diabète et de I’hypertension artérielle, ce diagnostic remonte à 2012, soit après sa dernière date d’admissibilité, et son médecin de famille a déclaré que les problèmes de santé de son patient étaient maitrisés grâce à son traitement pharmacologique. Il a également été diagnostiqué avec des troubles dépressifs. Le Ministre a essayé de recueillir plus de renseignements, mais ceux qu'il a obtenus n’ont démontré aucun problème de santé grave lors de la dernière date d’admissibilité de l’appelant, en décembre 2008. Aussi, l’appelant a continué d'occuper un emploi qui convenait à ses limitations jusqu’en décembre 2018 en Arabie Saoudite, soit bien après sa dernière date d’admissibilité.

Ce que l’appelant doit prouver

[6] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2008. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RPCFootnote 2.

[7] Le RPC définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[8] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceFootnote 3.

[9] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[10] Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraînera vraisemblablement le décèsFootnote 4.

[11] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[12] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités.

Question que je dois examiner en premier

[13] J’ai donné l’opportunité à l’appelant de faire des soumissions après l’audience puisqu’il n’avait pas eu la chance de prendre connaissance des soumissions du Ministre. Il ne pouvait pas ouvrir les documents électroniquement. L’appelant avait jusqu’au 27 septembre 2021 pour déposer des soumissions, il n’a toutefois rien soumis.

[14] Aussi, l’appelant m’a demandé pendant l’audience de faire preuve de compassion et de considérer l’aspect humain de sa situation. Malheureusement, je ne peux appliquer les principes d’équité ni prendre en considération des situations particulières pour passer outre aux exigences prévues par le RPC. Je dois interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2008.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[16] L’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2008. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant ne nuisent pas à sa capacité de travail

[17] L’appelant est atteint de plusieurs problèmes de santé. Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéFootnote 5. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieFootnote 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerFootnote 7.

[18] Je conclus que l’appelant n’avait pas de limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2008.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.  Il explique qu’il a depuis la naissance une jambe plus courte que l’autre. Il a donc toujours dû faire plus d’efforts que les autres pour accomplir ses tâches. Au fil du temps, cette condition lui a causé des problèmes de santé au niveau du dos, des jambes, du cou et autres. Il a toutefois été capable de gérer sa santé jusqu’en 2006. À ce moment-là, à cause de ses conditions médicales, il a dû arrêter de travailler et en 2007, lorsqu’il allait mieux, il a commencé à se chercher un emploi. Cependant, le marché du travail était difficile au Canada et il n’a pas réussi à se replacer. Une opportunité s’est toutefois présentée en 2007 en Arabie Saoudite (enseignement de l’anglais et préparation d’un curriculum en anglais pour la formation de professionnels dans divers domaines (financier, gestion, ou autre)). Il a quitté le Canada en novembre 2007 sur un visa pour une période de trois mois. Il est par la suite revenu au Canada pour faire la procédure d’embauche au niveau de l’ambassade à Ottawa. Ce processus a pris environ trois mois et il est reparti pour l’Arabie Saoudite ayant un contrat de longue durée à partir du mois d’avril ou mai 2008. Le contrat était renouvelable aux deux ans. L’appelant a aussi précisé qu’il s’était déclaré comme non-résident pendant son séjour de travail en Arabie Saoudite.

[20] Il a obtenu des renouvellements de 2008 à 2018. Il a travaillé à temps plein jusqu’en 2016 et par la suite, à temps partiel jusqu’en juillet 2018. En 2016, ses problèmes de santé se sont accentués, son employeur lui a donc offert de travailler à temps partiel. Il a arrêté de travailler en 2018 en raison de ses problèmes de santé et aussi parce que son contrat de travail n’a pas été renouvelé.

[21] À partir de 2016, ses problèmes de santé se sont aggravés graduellement, douleur au bassin, à la colonne vertébrale, au cou, migraine cervicale, troubles de vision. Il prenait des médicaments et il a fait de la physiothérapie pendant de longues périodes. Son médecin a commencé à imposer des arrêts de travail. Ses absences lui ont causées problème avec son employeur.  

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[22] Selon son témoignage, l’appelant croit sincèrement que ses limitations fonctionnelles l’empêchent de travailler. Toutefois, l’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2008Footnote 8.

[23] Selon la preuve médicale au dossier, l’appelant avait des douleurs au cou, aux genoux et des problèmes de mobilité entre 2003 et 2008Footnote 9.

[24] Une imagerie par résonance magnétique datée du 30 novembre 2005Footnote 10 a révélé une spondylose cervicale à plusieurs niveaux.

[25] Une imagerie diagnostique des genoux datée du 3 octobre 2008 a révélé de légères anomalies, mais il n'y avait aucune trace de fracture ni de dislocation aiguë.

[26] Dans un rapport daté du 31 mai 2019Footnote 11, Dr Chaudhary, médecin de famille, a indiqué que l’appelant avait une inégalité de longueur des membres inférieurs depuis la naissance. La jambe gauche de ce dernier était plus courte que la droite, ce qui lui causait des douleurs au cou, au dos et aux genoux. L’appelant avait été diagnostiqué avec du diabète, de I’hypertension, une dyslipidémie et un reflux gastro-cesophagien en 2012. L’appelant souffrait aussi de migraines. Selon le Dr Chaudhary, ces conditions médicales empêchaient l’appelant de fonctionner et de travailler.

[27] Un rapport du Dr FongFootnote 12, chiropraticien, daté du 10 janvier 2020 indique que l’appelant avait eu des traitements réguliers entre 2004 et 2007. L’imagerie diagnostique effectuée en décembre 2019 montrait des anomalies modérées des disques cervicaux. II a noté que l’appelant était en train de suivre un traitement d’ajustement chiropratique qui I’aiderait probablement à soulager ses douleurs au cou et au bas du dos.

[28] Un rapport du Dr Ahmad Abdulmajid MohieddeenFootnote 13 daté du 22 décembre 2019 indique que l’appelant était un patient à l’hôpital de Al Manaa en Arabie Saoudite de 2008 à 2019. Il souffrait de douleurs chroniques, migraine, diabète, dépression, hypertension et dyslipidémie.

[29] Bien que la preuve médicale révèle que l’appelant avait des problèmes de santé, elle ne révèle pas la présence de limitations fonctionnelles qui ont empêché l’appelant de travailler en date du 31 décembre 2008. L’appelant a montré la capacité de travailler de 2007 à 2018. L’appelant n’a donc pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2008.

[30] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, il faut généralement tenir compte de ses caractéristiques personnelles.

[31] Sa capacité de travailler est ainsi évaluée sous un angle réalisteFootnote 14.

[32] Par contre, il n’est pas nécessaire d’appliquer cette analyse ici, puisqu’aucune limitation fonctionnelle n’empêchait l’appelant de travailler en date du 31 décembre 2008. Autrement dit, il n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave à la date requiseFootnote 15.

L’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste

[33] Je conclus que l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste.

[34] L’appelant a déclaré à l’audience et sur sa demande de prestations d’invaliditéFootnote 16 qu’il s’est trouvé un emploi en Arabie Saoudite. Il a travaillé de novembre 2007 jusqu’en décembre 2018.  L’appelant aurait peut-être pu bénéficier de ses années de contributions en Arabie Saoudite s’il y avait eu un accord de sécurité sociale entre le Canada et ce pays; il n’y a pas d’entente et de toute façon, il s’est déclaré comme un non-résident lorsqu’il travaillait en Arabie Saoudite.

[35] Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’appelant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2008.

Conclusion

[36] Je conclus que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et qu’il n’est donc pas admissible à une pension du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il n’est pas nécessaire de décider si son invalidité est prolongée.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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