Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 692

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : N. S.
Représentant : Steve Sacco
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 31 décembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : George Tsakalis
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 13 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-21-78

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] N. S., la requérante, a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Les paiements commencent en juin 2018. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] La requérante est née en 1979. Elle a étudié dans un collège communautaire et obtenu un certificat en administration de bureau. Elle a travaillé comme hôtesse de restaurant. Son dernier emploi était dans un centre d’appels. Elle ne travaille pas depuis novembre 2015, après avoir été blessée dans un accident de la route.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 30 mai 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a donc fait appel de cette décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La requérante affirme qu’elle ne peut pas travailler, peu importe le type d’emploi, en raison des blessures qu’elle a subies dans l’accident. Elle a un syndrome de douleur chronique, une fibromyalgie soupçonnée, une dépression et de l’anxiété.

[6] Le ministre affirme que la preuve médicale ne montrait pas que la requérante avait une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada.

Ce que la requérante doit prouver

[7] Pour que la requérante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de la requérante pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si la requérante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que la requérante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité tienne la requérante à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je juge que la requérante avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience, c’est-à-dire le 7 octobre 2021. Je suis arrivé à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de la requérante est-elle grave?
  • L’invalidité de la requérante est-elle prolongée?

L’invalidité de la requérante est-elle grave?

[15] L’invalidité de la requérante est grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de la requérante nuisent bel et bien à sa capacité de travail

[16] La requérante a des douleurs chroniques et elle fait une dépression et de l’anxiété. Cependant, je ne peux pas regarder seulement les diagnostics de la requéranteNote de bas de page 4. En fait, je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 6.

[17] Je juge que la requérante a des limitations fonctionnelles.

Ce que la requérante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[18] La requérante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Elle explique qu’elle n’est pas capable de travailler, peu importe le type d’emploi, depuis un accident de la route survenu en novembre 2015. De graves douleurs, une dépression et de l’anxiété l’empêchent de travailler. Elle n’a pas cherché d’emploi depuis novembre 2015. Elle touche des prestations d’invalidité de longue durée.

[19] La requérante croit que son état de santé s’est détérioré avec le temps. Elle a subi des effets secondaires après la prise de médicaments pour traiter ses problèmes physiques et psychologiques, y compris des maux d’estomac. Elle consulte encore régulièrement en physiatrie. Elle reçoit également des soins psychiatriques et psychologiques.

[20] La requérante affirme avoir des douleurs graves au cou, au dos, aux jambes et aux mains. Elle a la phobie de conduire. Elle a suivi un cours de désensibilisation à la conduite, mais sa compagnie d’assurance automobile a cessé de le payer. Elle a réussi à obtenir plus de financement de sa compagnie d’assurance automobile et prévoit reprendre le cours de désensibilisation à la conduite au printemps 2022. Actuellement, ses parents la reconduisent partout.

[21] La requérante affirme craindre la présence des autres. Elle passe une bonne partie de ses journées en position allongée. Une ou un psychiatre lui a recommandé de suivre des cours virtuels pour l’aider avec l’anxiété sociale et la dépression. Cependant, durant le cours, elle s’allonge et sa caméra est éteinte parce qu’elle ne veut pas qu’on la voie. Elle reçoit les conseils d’une personne qui fait du travail social. Elle est suivie en ergothérapie pour mieux gérer ses activités quotidiennes. Elle obtiendra des services d’orthophonie à un moment donné.

[22] La requérante dit qu’elle ne fait aucune tâche ménagère. Elle a récemment reçu du financement de la compagnie d’assurance pour qu’une personne offrant des services de soutien à la personne l’aide à prendre sa douche. Auparavant, c’est sa mère qui l’aidait à prendre sa douche. Il y a un banc dans la douche. Elle a fait installer des barres dans sa douche. Elle se sert d’une canne. Elle a dû emménager chez ses parents, qui ont une maison de plain-pied. La maison qu’elle partageait avec son mari avait trois étages et elle avait de la difficulté à composer avec les escaliers. C’est surtout sa mère qui s’occupe de son fils de sept ans.

[23] La requérante affirme qu’elle est inapte au travail. Elle aimait son dernier emploi au centre d’appels. Mais elle ne peut pas faire ce travail. Elle souffre de maux de tête et de douleurs graves. Ses douleurs sont constantes. Elle a du mal à se concentrer. Elle ne peut pas regarder un écran d’ordinateur pendant très longtemps. Taper au clavier lui donne des douleurs à la main et au poignet. Rester assise lui cause des douleurs. Elle a de la difficulté à faire plusieurs tâches en même temps. Elle n’a pas la mobilité nécessaire pour travailler comme hôtesse de restaurant.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[24] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au plus tard le 7 octobre 2021Note de bas de page 7.

[25] La preuve médicale appuie ce que la requérante dit au sujet de ses déficiences fonctionnelles. La preuve médicale montre que la requérante a été blessée dans un accident de la route en novembre 2015. Elle a reçu des traitements de physiothérapie.

[26] En mars 2016, un psychiatre lui a diagnostiqué une dépression majeureNote de bas de page 8. Elle avait des maux de tête et de la difficulté à se concentrerNote de bas de page 9. Il était difficile pour elle de se tenir debout et de marcherNote de bas de page 10.

[27] En avril 2016, la requérante a vu un neurologue en raison de maux de tête, d’engourdissements, de picotements et de faiblesse aux membres. Le neurologue pensait que la requérante avait des maux de tête associés à un coup de fouet cervical, des douleurs radiculaires au cou du côté gauche et des symptômes laissant croire à un syndrome des jambes sans reposNote de bas de page 11.

[28] Dans un rapport datant de juin 2016, une ergothérapeute a écrit que la requérante a obtenu un piètre résultat à un test de mémoire. L’ergothérapeute a noté que les douleurs au cou et au dos de la requérante avaient empiré. La requérante ressentait aussi des engourdissements et des fourmillements à la main droite et sa capacité à soulever des objets était réduiteNote de bas de page 12.

[29] Dans une note clinique rédigée en octobre 2016, la médecin de famille de la requérante a écrit que celle-ci éprouvait des douleurs au cou accompagnées d’engourdissements s’étendant au bras gauche. La médecin de famille a déclaré que la requérante suivait des traitements de massothérapieNote de bas de page 13.

[30] En 2017, la médecin de famille de la requérante a écrit que la requérante était atteinte du syndrome algique myofascialNote de bas de page 14. Elle a précisé que la requérante avait des douleurs dans tout le corps et qu’elle prenait un médicament contre l’anxiétéNote de bas de page 15. La requérante avait de la difficulté à tolérer les médicaments antidouleurs et elle dormait malNote de bas de page 16. La médecin de famille a informé la compagnie d’assurance que la requérante ne répondait pas au traitement. Elle ne savait pas si d’autres traitements pouvaient aider la requéranteNote de bas de page 17.

[31] La requérante a reçu un traitement d’ergothérapie en 2017. Elle a fait installer des barres d’appui dans sa baignoire et sa douche. L’ergothérapeute a fait remarquer que la requérante avait de la difficulté à accomplir ses activités de la vie quotidienne, y compris faire les courses. L’ergothérapeute a abordé avec la requérante les stratégies pour se ménager, y compris acheter en plus petites quantitésNote de bas de page 18.

[32] La requérante a vu un physiatre en mars 2017. Il lui a diagnostiqué un trouble à symptomatologie somatiqueNote de bas de page 19.

[33] La requérante a vu une neurologue en mai et en novembre 2017. La neurologue soupçonnait la présence d’un syndrome de douleur chronique. Elle croyait que la requérante avait besoin d’une approche multidisciplinaire pour traiter ses douleurs chroniquesNote de bas de page 20.

[34] En septembre 2017, la requérante a vu un médecin dans une clinique de la douleur. Il lui a diagnostiqué des migraines chroniques et un syndrome myofascial au cou. Il pensait que la requérante faisait peut-être de la fibromyalgie. Il croyait que la requérante aurait pu bénéficier d’un blocage nerveuxNote de bas de page 21.

[35] En novembre 2017, la requérante a subi une évaluation neuropsychologique. Le neuropsychologue ne croyait pas que la requérante avait une lésion cérébrale. Il a toutefois noté que les fonctions cognitives de la requérante avaient été compromises à la suite de l’accident de la route survenu en novembre 2015. Il était d’avis que la requérante ne pouvait pas reprendre l’emploi qu’elle exerçait avant l’accidentNote de bas de page 22.

[36] En février 2018, la médecin de famille de la requérante a rempli un rapport médical pour le ministreNote de bas de page 23. Elle a déclaré que la requérante ressentait encore des douleurs aux bras, aux jambes, au dos, au cou et au visageNote de bas de page 24.

[37] La requérante a vu un physiatre en août 2018. Il a noté que la requérante avait reçu des services de consultation psychologique. La requérante avait encore des douleurs et son niveau d’énergie était faibleNote de bas de page 25.

[38] En août 2018, une travailleuse sociale a noté que la requérante avait été incapable de conduire sur l’autoroute. La travailleuse sociale croyait que la requérante avait besoin de plus de consultation psychologiqueNote de bas de page 26.

[39] En janvier 2019, la requérante a consulté un physiatre. Il a écrit que la requérante avait encore des douleurs au dos, aux genoux, aux épaules et aux poignets. Il croyait que le problème de santé de la requérante s’était stabiliséNote de bas de page 27.

[40] En avril 2019, la requérante a consulté un psychiatre. Il a noté que la requérante avait de la difficulté à se concentrer. Il a écrit qu’elle faisait de l’anxiété liée à la conduiteNote de bas de page 28.

[41] En mai 2019, une travailleuse sociale a écrit au ministre. Elle a dit que la requérante présentait des limitations importantes sur les plans physique, cognitif, psychologique et social. La requérante avait besoin de l’aide de ses parents pour s’occuper de son jeune fils. Elle a également noté que la requérante était sensible au bruitNote de bas de page 29.

[42] En décembre 2019, une ergothérapeute a confirmé que la requérante avait emménagé chez ses parents. Les parents de la requérante s’occupaient de son enfant et donnaient des soins personnels à la requéranteNote de bas de page 30.

[43] La requérante a subi de nombreuses évaluations médicales en 2020 et en 2021 pour voir si elle avait une « déficience invalidante » au sens de la loi ontarienne sur l’assurance automobile.

[44] Dans un rapport rédigé en mars 2020, un physiatre a déclaré qu’après l’accident de la route, les problèmes psychologiques de la requérante venaient compliquer ses plaintes relatives à la douleur. Le physiatre a déclaré que la requérante ne pouvait occuper aucun emploi étant donné la grande étendue de ses douleurs et la réduction de sa tolérance fonctionnelleNote de bas de page 31.

[45] Dans un rapport d’août 2020, on peut lire qu’un neuropsychologue a diagnostiqué chez la requérante un trouble dépressif majeur et un trouble de stress post-traumatiqueNote de bas de page 32.

[46] Un médecin a rédigé un rapport en septembre 2020. Il y précise que la requérante a une déficience invalidante découlant d’une déficience marquée ou extrême causée par un trouble mental ou comportementalNote de bas de page 33.

[47] Un psychiatre a rédigé deux rapports en juin 2021. Il y écrit que la requérante a une déficience invalidante sur le plan psychiatrique à cause des blessures qu’elle a subies dans l’accident de la route. [Il] ajoute que les symptômes de la requérante s’aggraventNote de bas de page 34.

[48] La requérante a continué de recevoir un traitement psychiatrique en 2021. La psychiatre a déclaré que la requérante avait un trouble anxieux généralisé accompagné d’agoraphobie et de crises de panique. La requérante avait des douleurs persistantes à l’estomac. Elle a reçu un diagnostic de gastriteNote de bas de page 35.

[49] Un ergothérapeute a également noté que la requérante utilisait une canne dans un rapport rédigé en juin 2021Note de bas de page 36.

[50] La preuve médicale appuie le fait que la requérante a de la difficulté à se tenir debout, à marcher, à se concentrer, à dormir et à conduire, ce qui l’empêche de faire des tâches ménagères, de s’occuper de son enfant et de travailler au centre d’appels en date du 7 octobre 2021.

[51] Je vais maintenant vérifier si la requérante a suivi les conseils médicaux.

La requérante a suivi les conseils médicaux

[52] Pour recevoir une pension d’invalidité, il faut suivre les conseils des médecinsNote de bas de page 37. Une personne qui ne respecte pas les conseils doit fournir une explication raisonnable. Il me faut aussi examiner les effets potentiels des conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 38.

[53] Je juge que la requérante a suivi les conseils de ses médecins. Elle a fait des suivis auprès de sa médecin de famille. Elle a consulté des psychiatres, des physiatres, des neurologues et des psychologues dans le but de traiter ses problèmes de santé physique et psychologique. Elle a consulté des travailleuses et travailleurs sociaux et des ergothérapeutes. Elle a pris des antidouleurs et des antidépresseurs, mais elle a souvent éprouvé des effets secondaires importants. Elle a essayé la physiothérapie et la massothérapie. Elle s’est rendue dans des cliniques de la douleur. Malgré cela, elle continue de ressentir de graves douleurs et elle fait une dépression et de l’anxiété. Elle reçoit encore des traitements psychiatriques.

[54] La requérante s’est vu offrir des injections pour contrer la douleur. Elle a cependant refusé cette option de traitement parce qu’elle avait peur des seringues. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à cet élément. Je suis d’accord avec l’argument du représentant juridique de la requérante, soit que les injections auraient seulement soulagé la douleur de façon temporaire et n’auraient pas réglé ses problèmes de santé physique.

La requérante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[55] Lorsque je décide si la requérante peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte des caractéristiques telles que :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[56] Ces éléments m’aident à décider si la requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 39.

[57] Je juge que la requérante est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Elle a seulement 43 ans. Elle a fait des études postsecondaires et comprend l’anglais. Elle a déjà travaillé avec des ordinateurs. Ses antécédents de travail et son expérience de vie laissent croire qu’elle peut exercer divers emplois. Toutefois, je demeure convaincu qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 7 octobre 2021.

[58] Je ne crois pas que la requérante puisse effectuer un travail physique, quel qu’il soit, en date du 7 octobre 2021 parce qu’elle a de la difficulté à marcher et à soulever des objets.

[59] Je ne crois pas qu’elle puisse faire un travail sédentaire en date du 7 octobre 2021 en raison de ses déficiences, dont les difficultés de concentration. Je ne crois pas que la requérante puisse travailler avec un ordinateur parce qu’elle a de la difficulté à rester assise et à se concentrer. Je ne crois pas qu’elle puisse conduire un véhicule dans le cadre de son travail en raison de l’anxiété, du manque d’énergie et de la difficulté à rester assise. J’admets que sa capacité à mener ses activités quotidiennes était réduite en date du 7 octobre 2021. Je constate qu’elle est atteinte d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada depuis novembre 2015, soit quand elle a cessé de travailler.

[60] Je ne suis pas d’accord avec le ministre lorsqu’il affirme que la preuve médicale ne démontre pas que l’invalidité est grave au sens du Régime.

[61] La requérante a des douleurs chroniques et elle fait une dépression et de l’anxiété. De tels problèmes de santé peuvent être difficiles à prouver, car il n’y a pas vraiment de façon de mesurer le niveau de douleur d’une personne et les troubles psychologiques peuvent être très subjectifs. Bon nombre de ces affaires se résument à la crédibilité de la requérante ou du requérant.

[62] Je juge que la requérante était une témoin crédible. Elle avait une solide éthique de travail. Elle était motivée à l’idée de retourner au travail et a essayé de multiples traitements pour se rétablir, mais rien n’a fonctionné. Je suis convaincu que la requérante pourrait travailler, mais qu’elle ne peut exercer aucun type d’emploi.

[63] La requérante a subi de nombreuses évaluations à la demande de sa compagnie d’assurance automobile dans le but de savoir si elle avait une « déficience invalidante ». Le critère juridique d’une « déficience invalidante » aux termes du régime d’assurance automobile de l’Ontario fait référence à des critères diagnostiques précis qui permettent de vérifier si une personne a droit à un plus grand nombre de prestations pour les soins médicaux, la réadaptation et les soins auxiliaires. Le critère d’une « déficience invalidante » est différent de celui d’une pension d’invalidité du Régime. J’accorde tout de même beaucoup d’importance aux évaluations de la « déficience invalidante ». Les médecins qui ont évalué la requérante n’ont pas douté de la gravité de ses symptômes. Les médecins ont admis qu’elle avait des déficiences manifestes la rendant inapte au travail. Je ne vois aucune raison de douter de leurs conclusions.

[64] Je conclus que l’invalidité de la requérante était grave au plus tard le 7 octobre 2021.

L’invalidité de la requérante est-elle prolongée?

[65] L’invalidité de la requérante est prolongée.

[66] Les problèmes de santé de la requérante ont commencé en novembre 2015. Ils sont toujours présents et vont fort probablement durer indéfinimentNote de bas de page 40.

[67] En 2016, la médecin de famille de la requérante a émis un bon pronostic de rétablissement et l’a encouragée à retourner sur le marché du travailNote de bas de page 41. Toutefois, la médecin de famille a changé d’avis. Dès 2017, elle a informé la compagnie d’assurance invalidité que la requérante n’avait pas répondu au traitement et qu’elle ne voyait pas quoi faire d’autre pour aider la requéranteNote de bas de page 42. En 2018, la médecin de famille a émis un pronostic incertain au sujet de la requérante dans le rapport médical qu’elle a rédigé pour le ministreNote de bas de page 43.

[68] En avril 2019, un psychiatre a déclaré que le pronostic des symptômes psychiatriques de la requérante dépendait de la résolution de ses douleursNote de bas de page 44. Toutefois, les douleurs de la requérante ne sont jamais disparues. En mars 2020, un physiatre a formulé un pronostic sombre au sujet de la requéranteNote de bas de page 45.

[69] La requérante suit encore des traitements pour gérer ses problèmes de santé physique et mentale. Elle reçoit maintenant des services de soutien à la personne pour s’occuper de ses soins personnels.

[70] Je suis convaincu que le traitement de la requérante est axé sur la gestion de ses problèmes de santé, et non sur la guérison.

[71] Je juge également que ses médecins n’envisagent pas son retour au travail.

[72] Je conclus que l’invalidité de la requérante est prolongée en date du 7 octobre 2021.

Début du versement de la pension

[73] La requérante avait une invalidité grave et prolongée en novembre 2015, quand elle a cessé de travailler.

[74] Cependant, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre reçoit sa demande de pension. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 46.

[75] Le ministre a reçu la demande de la requérante en mai 2019. Cette dernière est donc considérée comme invalide depuis février 2018.

[76] Le paiement de sa pension commence en juin 2018.

Conclusion

[77] Je conclus que la requérante a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[78] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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