Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : EL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 705

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : E. L.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 17 juillet 2020 rendue par la ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Antoinette Cardillo
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 octobre 2021
Personne présente à l’audience : Requérante
Date de la décision : Le 25 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-21-355

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le principe de la chose jugée s’applique à la demande actuelle de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada qui a été présentée par la requérante en février 2020. La question de l’invalidité a donc déjà été tranchée et une décision définitive et exécutoire a été rendue le 27 août 2012. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Dans son avis d’appel estampillé le 10 février 2021Note de bas de page 1, la prestataire déclare qu’elle se bat pour ses prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada depuis plus de 13 ans. Elle a fourni tous les rapports médicaux et les états de rémunération de l’impôt exigés pour les années requises, soit de 2001 à 2004. Elle a contribué activement aux emplois qu’elle a occupés. Au début, on lui a dit qu’elle n’avait pas suffisamment de renseignements personnels pour être admissible, elle les a donc transmis. Par la suite, elle a été avisée qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements médicaux, elle les a donc transmis. Encore une fois, sa demande a été rejetée. Elle estime qu’elle a cotisé suffisamment pour être admissible.

[4] À l’audience, la requérante a déclaré qu’elle demandait des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada comme elle l’avait fait il y a 13 ans et qu’elle était invalide. Bien qu’une décision ait été rendue sur cette question, elle estime que son état de santé s’est aggravé. Elle a tenté de travailler au cours des dernières années, mais elle ne peut pas garder un emploi en raison de son état de santé. Les éléments de preuve médicale qu’elle a présentés ne constituaient pas de nouveaux éléments qu’elle n’avait pas présentés au moment de sa première demande. Il s’agit d’une preuve médicale à l’appui de l’aggravation de son état de santé au cours des dernières années.

[5] La ministre affirme que, lorsque la requérante avait satisfait pour la dernière fois aux exigences de cotisation pour être admissible à une prestation, la question de l’invalidité avait déjà été tranchée par la Commission d’appel des pensions. À la suite d’une audience qui a eu lieu le 18 juillet 2012, la Commission d’appel des pensions a établi que la requérante n’avait pas d’invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2007 ou avant, date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin. La Commission d’appel des pensions a conclu que la preuve médicale et les observations ne démontraient pas qu’elle avait une invalidité grave et prolongée, et l’appel a été rejeté le 27 août 2012. Une décision rendue par la Commission d’appel des pensions est définitive. Par conséquent, le Tribunal n’a pas la compétence d’examiner la question concernant l’invalidité en date du 31 décembre 2007 ou avant, moment où la période minimale d’admissibilité de la requérante a pris fin.

[6] Je dois décider si la question d’invalidité a été tranchée et s’il y a une décision définitive et exécutoire qui fait en sorte que le principe de la chose jugée doit être appliqué dans cette affaire.

Motifs de ma décision

[7] La période minimale d’admissibilité de la requérante a pris fin le 31 décembre 2007Note de bas de page 2. Même si la requérante avait des cotisations valides en 2012 et en 2013, sa période minimale d’admissibilité est toujours la mêmeNote de bas de page 3.

[8] La requérante a présenté sa première demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 13 juin 2008Note de bas de page 4. Sa période minimale d’admissibilité prenait fin le 31 décembre 2007. La demande a été refusée et la partie intimée a maintenu sa décision à la suite de la révision. La requérante a fait appel du refus devant le tribunal de révision, qui a rejeté l’appel le 25 janvier 2010Note de bas de page 5. La requérante a fait appel de la décision du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions, qui a rejeté l’appel le 27 août 2012Note de bas de page 6.

[9] Le 4 avril 2014Note de bas de page 7, la requérante a présenté une deuxième demande de prestations d’invalidité. La partie intimée a refusé la deuxième demande au motif que les questions en litige étaient chose jugée, car la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2007, demeurait la même. De plus, la partie intimée considérait qu’une décision avait déjà été rendue au sujet de l’invalidité et que les droits d’appel avaient tous été utilisés. La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal et, le 25 septembre 2015Note de bas de page 8, la division générale a sommairement rejeté son appel, estimant que celui-ci n’avait aucune chance raisonnable d’être accueilli. Le 22 décembre 2015, la requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division d’appel du Tribunal. Le 17 juin 2016Note de bas de page 9, la division d’appel a rejeté l’appel.

[10] Le 21 février 2020Note de bas de page 10, la requérante a présenté une troisième demande de prestations d’invalidité. La fin de la période minimale d’admissibilité était toujours le 31 décembre 2007. Cette demande a été rejetée initialement et à la suite d’une révision puisque la partie intimée a conclu que la demande était chose jugée, l’affaire avait déjà été réglée de façon définitive par la Commission d’appel des pensions le 27 août 2012.

[11] La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal le 10 février 2021. Elle estime qu’elle a cotisé suffisamment pour être admissible, qu’elle est invalide depuis les 13 dernières années et que son état s’est aggravé.

[12] Comme je l’ai mentionné, je dois décider si la question de l’invalidité a été tranchée et s’il y a une décision définitive et exécutoire qui fait en sorte que le principe de la chose jugée doit être appliqué. Le principe de la chose jugée empêche qu’une nouvelle audience soit tenue ou que des questions déjà tranchées soient remises en litige.

[13] La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 11 a énuméré les trois conditions préalables suivantes pour déterminer si une affaire est chose jugée :

  1. a) la même question a fait l’objet d’une décision dans une procédure antérieure;
  2. b) la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion est définitive;
  3. c) les parties liées à cette décision judiciaire sont les mêmes que celles des procédures dans lesquelles la préclusion est soulevée.

[14] Dans l’arrêt Danyluk, la Cour suprême du Canada a également établi qu’il y a une analyse à deux volets pour établir si le principe de la chose jugée doit s’appliquer. Le premier volet consiste à vérifier si les trois conditions préalables ont été établies et si elles sont respectées. Le deuxième volet consiste à décider si, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire, le principe de la chose jugée doit être appliqué.

[15] La Cour suprême du Canada a énuméré sept facteurs pertinents pour décider si l’on peut avoir recours au pouvoir discrétionnaire, notamment :

  1. le libellé du texte de loi accordant le pouvoir de rendre l’ordonnance administrative;
  2. l’objet du texte de loi;
  3. l’existence d’un droit d’appel;
  4. les garanties offertes aux parties dans le cadre de la procédure administrative;
  5. l’expertise du décideur administratif;
  6. les circonstances ayant donné naissance à la procédure administrative initiale;
  7. le risque d’injustice. 

Premier volet – Les trois conditions préalables ont-elles été respectées?

Première condition préalable : Est-ce que la même question a fait l’objet d’une décision dans une procédure antérieure?

[16] La requérante a présenté deux demandes de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La troisième et actuelle demande de prestations d’invalidité de la requérante a été présentée en février 2020. Cette demande est fondée sur la même question que les deux demandes précédentes, à savoir si la requérante souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de la période minimale d’admissibilité en décembre 2007 ou avant.

Deuxièmecondition préalable : Est-ce que ladécision judiciaire invoquée comme créant la préclusion est définitive?

[17] La question de savoir si la requérante souffrait ou non d’une invalidité grave et prolongée le jour de la fin de sa période minimale d’admissibilité en décembre 2007 ou avant avait déjà été tranchée de façon définitive par la Commission d’appel des pensions le 27 août 2012. La décision de la Commission d’appel des pensions était définitive puisqu’il n’y avait pas de droit d’appel.

Troisième condition préalable : Est-ce que les parties liées à cette décision judiciaire sont les mêmes que celles des procédures dans lesquelles la préclusion est soulevée?

[18] Les parties en cause des deux premières demandes sont les mêmes que celles de la présente affaire, soit la requérante et la partie intimée.

[19] Je conclus que les mêmes éléments se trouvent dans le présent appel. La Commission d’appel des pensions a tranché en 2012 la même question, à savoir si la requérante avait une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2007 ou avant. La décision de la Commission d’appel des pensions était définitive puisqu’il n’y avait pas de droit d’appel. Les parties de la décision précédente sont les mêmes, bien que le nom de la partie intimée ait changé depuis 2012.

Deuxième volet – Devrais-je avoir recours au pouvoir discrétionnaire pour appliquer le principe de la chose jugée?

[20] J’ai examiné les facteurs énumérés dans la décision Danyluk et j’ai conclu que le libellé de la loi en vertu de laquelle la première décision a été rendue est le même que celui du présent appel; l’objet de la loi est le même; le processus d’appel était offert à la requérante dans les deux demandes précédentes et elle s’est prévalue du processus d’appel à plusieurs reprises; les décideurs avaient la même expertise que dans l’appel actuel puisque les questions ont été entendues par des tribunaux administratifs ayant une expertise en matière de législation du Régime de pensions du Canada; il n’y a pas d’injustice potentielle pour la requérante puisqu’elle connaissait le critère auquel elle devait satisfaire (l’invalidité doit être grave et prolongée en décembre 2007 ou avant) et qu’elle avait eu une possibilité raisonnable de satisfaire à ce critère, de présenter des éléments de preuve et des observations. On ne peut pas affirmer que la requérante a été privée de la possibilité de faire évaluer et juger adéquatement sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. 

[21] Par conséquent, en raison des facteurs pertinents énumérés dans Danyluk, je suis convaincue que les trois conditions préalables ont été remplies et que je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour appliquer le principe de la chose jugée aux circonstances de cette affaire. La requérante ne peut pas contester de nouveau une question qui a été tranchée de façon définitive dans une procédure antérieure.

[22] Le principe de la chose jugée s’applique à la demande actuelle de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada qui a été présentée par la requérante en février 2020, car la question de l’invalidité a été tranchée et la Commission d’appel des pensions a rendu une décision définitive et exécutoire le 27 août 2012.

Conclusion

[23] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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