Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : GS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 673

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 12 février 2021 (communiquée par Service Canada)Minister of Employment and Social Development reconsideration decision dated February 12, 2021 (issued by Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 octobre 2021
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-21-830

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] G. S., le requérant, a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Les paiements commencent en avril 2019. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] Le requérant est un ancien préposé du SkyTrain. Il a 59 ansNote de bas de page 1 . Il a occupé ce poste d’août 2011 à octobre 2017Note de bas de page 2 . Le requérant a écrit qu’il ne pouvait plus travailler dès novembre 2017. Il a précisé que la raison pour laquelle il ne pouvait plus travailler était une arthroplastie totale (chirurgie de remplacement) des deux genouxNote de bas de page 3 . Le requérant a expliqué qu’il devait porter des attelles de genou pour aller marcher ou faire de l’activité physique.

[4] Le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 5 mars 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a donc porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le requérant affirme qu’après le remplacement de ses deux genoux, il ne peut plus marcher ni rester debout pendant de longues périodes. Il dit qu’il n’a pas la capacité de travailler à quelque titre que ce soit.

[6] Selon le ministre, même si le requérant a des limitations fonctionnelles, il est tout de même capable de travailler en position assise.

Ce que le requérant doit prouver

[7] Pour que le requérant gagne sa cause, il doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 4 .

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5 .

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé du requérant pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder ses antécédents (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si le requérant est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 6 .

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que le requérant se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité tienne le requérant à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] Le requérant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je juge que le requérant avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 15 octobre 2021. Je suis arrivé à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité du requérant est-elle grave?
  • L’invalidité du requérant est-elle prolongée?

L’invalidité est-elle grave?

[15] L’invalidité du requérant est grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles du requérant nuisent à sa capacité de travail

[16] Le requérant a subi une chirurgie de remplacement des deux genoux à la suite d’un œdème sous-chondral (enflure sous le cartilage).

[17] Cependant, je ne peux pas regarder seulement le diagnostic du requérantNote de bas de page 7 . En fait, je dois surtout vérifier s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 8 . Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 9 .

[18] Je juge que le requérant a des limitations fonctionnelles.

Ce que le requérant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] Selon le requérant, son problème de santé a entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail.

[20] Le requérant dit que son problème aux deux genoux lui cause de grosses douleurs et un manque d’équilibre. Dans sa demande de révision, il a écrit qu’il s’est fait remplacer le genou gauche en juin 2019. Il a déclaré que ses douleurs se sont améliorées, mais qu’il a perdu beaucoup de sensibilité dans la région de la rotule. Il a également fait remarquer qu’il ne peut pas mettre de poids sur sa rotule. Son amplitude de mouvement le limite à la marche et à des flexions de base. Il a écrit qu’il ne peut ni s’accroupir ni faire une flexion complète du genou. Ses mouvements sont limités lorsqu’il descend les escaliers et les monter est difficile pour lui.

[21] Le requérant a écrit qu’il avait de la difficulté à s’accroupir et à se pencher. Pour ce qui est de l’activité physique, il peut seulement faire des exercices doux. Il m’a dit qu’avant, il faisait beaucoup d’activité physique. Maintenant, il peut nager et faire du vélo, c’est à peu près tout.

[22] Le requérant m’a expliqué que s’il va marcher ou se tenir debout, il doit porter des chaussures d’athlétisme à la semelle épaisse. Il m’a dit qu’il utilise des bandages de compression. Il ne peut pas courir. Il peut conduire pendant 20 minutes avant de devoir sortir de sa voiture pour s’étirer brièvement. Le requérant m’a dit qu’il ne peut plus faire de sport. Il ne peut pas travailler sur son véhicule sans prendre un tabouret.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles du requérant

[23] Le requérant doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 15 octobre 2021Note de bas de page 10 .

[24] La preuve médicale confirme les dires du requérant. Il a subi une chirurgie de remplacement des deux genoux. Le requérant s’est fait remplacer le genou droit le 12 mai 2019Note de bas de page 11 .

[25] Il a été noté que le requérant présentait des douleurs persistantes aux deux genoux en mars 2018Note de bas de page 12 .

[26] Les rapports chirurgicaux de l’époque indiquent que le requérant avait une assurance modérée du cartilage de la facette médiale de la patella (rotule), sans toutefois présenter d’enflure importante sous le cartilage. Un amincissement plus important du cartilage portant du compartiment médial, y compris des zones de perte totale de l’épaisseur, ainsi que l’enflure ou les changements kystiques sous le cartilage et les petits ostéophytes périphériques ont été soulignés. L’intégrité du cartilage du compartiment latéral est relativement maintenueNote de bas de page 13 . Cet élément montre clairement que le requérant avait des déficiences importantes aux genoux et qu’il avait besoin d’une intervention chirurgicale.

[27] La preuve médicale confirme que les douleurs aux genoux empêchaient le requérant de marcher, de se pencher, de s’accroupir et de travailler comme préposé du SkyTrain avant le 15 octobre 2021.

[28] Je vais maintenant vérifier si le requérant a suivi les conseils médicaux.

Le requérant a suivi les conseils médicaux

[29] Le requérant a suivi les conseils médicaux.

[30] Pour recevoir une pension d’invalidité, il faut suivre les conseils des médecinsNote de bas de page 14 . Une personne qui ne respecte pas les conseils doit fournir une explication raisonnable. Il me faut aussi examiner les effets potentiels des conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 15 .

[31] Le requérant a suivi les conseils de ses médecinsNote de bas de page 16 . Il a subi quatre opérations chirurgicales pour soulager ses douleurs aux genoux. Malheureusement, elles n’ont pas permis de soulager son problème de santé. Le requérant se retrouve plutôt avec des genoux instables et des douleurs lorsqu’il bouge.

[32] À présent, je dois décider si le requérant est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, les limitations fonctionnelles du requérant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 17 .

Le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[33] Lorsque je décide si le requérant peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques telles que :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[34] Ces éléments m’aident à décider si le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 18 .

[35] Je juge que le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[36] À première vue, le requérant est limité seulement par sa mobilité physique. Il n’a aucune déficience cognitive et pourrait probablement travailler en position assise. Je dois toutefois tenir compte de sa situation personnelle.

[37] Le requérant a occupé seulement deux types d’emploi. Il a d’abord déménagé à Vancouver après une année d’études collégiales. De là, il a commencé à travailler comme chasseur à l’hôtel Vancouver Pan Pacific. Il a occupé cet emploi pendant 30 ans. Après avoir travaillé dans le secteur de l’hôtellerie comme chasseur, puis comme portier, il a obtenu un emploi à SkyTrain. Dans le cadre de ses fonctions à SkyTrain, il était responsable de la surveillance des voitures de train pour en assurer la sécurité et la propreté. Aucun de ses emplois n’était sédentaire. Ni l’un ni l’autre n’exigeait l’utilisation d’un ordinateur. Le requérant n’a aucune compétence transférable en dehors de son travail de chasseur dans un hôtel et de préposé de SkyTrain.

[38] SkyTrain est un grand employeur de compétence provinciale. Son personnel compte environ 2 000 membres et le requérant était représenté par un syndicat. C’est un élément important parce que comme il est un employé syndiqué, il y a eu une tentative poussée de trouver un poste adapté à ses besoins. Autrement dit, un poste qui lui convenait compte tenu de ses déficiences fonctionnelles. Il m’a dit que la compagnie qui lui fournit une assurance-invalidité de longue durée et son syndicat ont essayé de trouver un poste de bureau pour lui. Mais comme il n’avait pas de connaissances en informatique et qu’il est relativement âgé, ni l’une ni l’autre n’a été en mesure de l’intégrer dans un nouveau poste. Les deux organismes ont aussi établi qu’en raison de son âge, le requérant ne pouvait pas se recycler. J’accorde beaucoup d’importance à ces éléments. Il m’est apparu évident que si l’un des grands employeurs de la province dont le personnel est syndiqué était incapable d’accommoder le requérant dans un poste où il serait assis, alors qu’il s’agit d’une obligation, il serait très peu probable qu’une autre employeuse offre à un homme de 59 ans une occasion semblable.

[39] Dans un contexte réaliste, je suis convaincu que le requérant n’a aucune chance de trouver un emploi véritablement rémunérateur.

[40] Je conclus que l’invalidité du requérant était grave au plus tard le 15 octobre 2021.

L’invalidité est-elle prolongée?

[41] L’invalidité du requérant est prolongée.

[42] Le problème de santé du requérant est apparu en 2017, lorsqu’il a dû cesser de travailler en raison de douleurs aux deux genoux. Nous sommes maintenant en 2021. Il a subi plusieurs interventions chirurgicales, mais il a encore des douleurs aux genoux et il ne peut pas rester debout ou marcher pendant très longtemps. Son chirurgien lui a dit qu’il ne pouvait plus rien faire pour l’aider. Les problèmes aux deux genoux vont fort probablement persister indéfinimentNote de bas de page 19 .

[43] Je conclus que l’invalidité du requérant est prolongée en date du 15 octobre 2021.

Début du versement de la pension

[44] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en novembre 2017, lorsqu’il ne pouvait plus travailler.

[45] Cependant, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre reçoit sa demande de pension. Il y a ensuite un délai d’attente de 4 mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 20 .

[46] Le ministre a reçu la demande en mars 2020. Le requérant est donc considéré comme invalide depuis décembre 2018.

[47] Le versement de sa pension débute en avril 2019.

Conclusion

[48] Je conclus que le requérant a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car il est atteint d’une invalidité grave et prolongée.

[49] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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