Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 703

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. A.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 15 août 2019 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Tyler Moore
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 septembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 19 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-19-1879

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, D. A., a cessé d’être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada après le 31 août 2012. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a 51 ans. Elle a demandé une pension d’invalidité du Régime pour la première fois en novembre 1993 après avoir cessé de travailler en mars 1991 comme pâtissière à cause du syndrome de fatigue chronique. En mai 1994, elle s’est vue accorder une pension d’invalidité dont le versement a commencé en août 1992. En avril 2003, elle a signalé un retour au travail. En mai 2003, on a décidé de continuer à lui verser sa pension d’invalidité. On lui a aussi rappelé qu’elle devait déclarer ses revenus.

[4] En juin 2017, le ministre de l’Emploi et du Développement social a réévalué l’admissibilité de la requérante à une pension d’invalidité en fonction de revenus d’entreprise qu’elle a gagnés entre 2004 et 2016 et qui n’avaient pas été déclarés.

[5] En janvier 2019, le ministre a décidé de mettre fin à la pension d’invalidité de la requérante. Il a fondé sa décision sur le fait qu’elle avait repris un emploi rémunérateur en mai 2012. Comme on ne peut s’attendre à ce qu’une personne conserve ses dossiers d’impôt sur le revenu pendant plus de huit ans, le ministre n’a pas examiné les revenus de la requérante antérieurs à 2011. La requérante a également complété une période de probation de trois mois du 1er juin 2012 au 31 août 2012. Sa pension a pris fin le 1er septembre 2012.

[6] La requérante soutient qu’il lui serait impossible de rembourser les versements de pension d’invalidité qu’elle a reçus après le 31 août 2012. Les conversations qu’elle a rapporté avoir eues avec Service Canada en 2004 et en 2007 lui avaient donné l’impression que c’était son revenu net et non son revenu brut qui était pris en compte. D’après ces conversations, elle avait exploité une petite entreprise.

[7] Le ministre affirme que la requérante a cessé d’être admissible à une pension d’invalidité du Régime après le 31 août 2012. Elle a pu trouver du travail malgré ses limitations. Elle a lancé sa propre entreprise d’aménagement paysager en 2004 dont elle a tiré un important revenu brut. Elle était propriétaire de l’entreprise, prenait des pauses au besoin et établissait son propre horaire de travail. On lui a aussi rappelé deux fois par année qu’elle devait déclarer ses revenus et retourner au travail pendant qu’elle recevait une pension d’invalidité. Rien ne porte à croire que ces avis n’ont pas pu être livrés. Le dossier ne contient également aucune trace d’une conversation entre la requérante et Service Canada en 2004. Il fait mention d’une conversation en 2007, mais le registre des appels indique que la requérante avait seulement appelé pour changer son adresse et discuter d’un feuillet T4 en double.

[8] La requérante a demandé au ministre de réviser sa décision de mettre fin à sa pension d’invalidité. Le ministre a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[9] La requérante a-t-elle cessé d’être invalide au sens du Régime après le 31 août 2012?

[10] Le Tribunal de la sécurité sociale a-t-il compétence pour examiner la décision du ministre selon laquelle la requérante doit rembourser les versements de pension d’invalidité qu’elle a reçus après le 31 août 2012?

Analyse

[11] Il incombe au ministre de prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la requérante a cessé d’être invalide parce qu’elle ne répondait plus aux critères d’admissibilité à une pension d’invalidité au moment où ses versements de pension d’invalidité ont pris finNote de bas de page 1 .

[12] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[13] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2 .

[14] Si la requérante était régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permettait de gagner sa vie, elle n’avait pas droit à la pension d’invalidité.

[15] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3 .

[16] Autrement dit, il ne doit pas y avoir de date de rétablissement prévue. Pour être prolongée, l’invalidité de la requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

Motifs de ma décision

[17] Je conclus que la requérante ne répondait plus aux critères d’une invalidité grave et prolongée après le 31 août 2012. Je suis parvenu à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de la requérante a-t-elle cessé d’être grave?
  • L’invalidité de la requérante a-t-elle cessé d’être prolongée?

[18] J’estime que le ministre a établi qu’il est plus probable qu’improbable que la requérante ne répondait plus à la définition d’invalidité grave et prolongée après le 31 août 2012.

La requérante n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 1er septembre 2012

[19] L’invalidité de la requérante a cessé d’être grave au sens du Régime après le 31 août 2012. J’explique ci-dessous les facteurs que j’ai pris en considération.

[20] De 2000 à 2003, la requérante a travaillé à temps partiel dans une serre pour X. Elle a travaillé de façon saisonnière pour un de ses anciens enseignants en aménagement paysager. Cette entreprise a fermé ses portes de façon permanente en 2004.

[21] La requérante soutient qu’elle a appelé Service Canada en juillet 2004 après que quelques clients de X lui aient demandé de continuer à réaliser des travaux d’aménagement paysager pour eux. Elle a affirmé que Service Canada l’avait informée à l’époque qu’elle pouvait réaliser des travaux tant qu’elle ne gagnait pas plus que le seuil de revenu annuel. Il n’existe aucune trace de cette conversation de 2004. Le dossier comprend par contre la correspondance entre la requérante et Service Canada en 2003. Le ministre a alors rappelé à la requérante qu’elle devait déclarer ses revenus.

[22] Je dois décider si la requérante était capable de travailler régulièrement après le 31 août 2012. Pour que son invalidité ait continué à être grave, ses limitations fonctionnelles doivent l’avoir empêchée de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 4 .

[23] Le ministre soutient que la requérante a exploité une entreprise d’aménagement paysager à son compte appelée « X » à partir de juillet 2004. Le 13 mai 2003, elle a reçu une lettre l’informant qu’elle devait déclarer ses revenus dès qu’elle gagnait un revenu brut de 3900 $. C’était le seuil de revenu pour cette année-là. Ses revenus bruts de travail autonome étaient de 30 175 $ en 2012, de 36 348 $ en 2013, de 33 418 $ en 2014, de 33 923 $ en 2015 et 27 153,01 $ en 2016. Selon la requérante, ses revenus nets ne représentaient qu’environ le tiers de ses revenus bruts d’entreprise.

[24] La requérante a soutenu que son rôle dans son entreprise d’aménagement paysager était limité en raison de son état de santé. Après avoir lancé l’entreprise en 2004, sa clientèle avait augmenté grâce au bouche-à-oreille. Elle a dit qu’elle essayait de bâtir son entreprise pour ne pas avoir à compter sur le soutien du gouvernement. D’après son témoignage, elle a généralement travaillé plus de 20 heures par semaine jusqu’à la fin de 2016. En 2016-2017, elle a passé moins de temps à travailler sur son entreprise parce que ses parents étaient à l’hôpital et qu’elle leur rendait visite et les aidait régulièrement. Elle a essayé de conserver ses clients réguliers, mais elle a dû compter sur des amis et des membres de sa famille pour faire la majorité du travail physique à sa place. Elle n’a pas travaillé du tout après 2017. Son état de santé s’est détérioré en 2018 et elle pouvait à peine marcher.

[25] L’entreprise de la requérante était saisonnière et elle ne travaillait qu’entre avril et octobre-novembre. Elle achetait des matériaux d’aménagement paysager et des plantes en vrac, puis elle embauchait de jeunes ouvriers pour effectuer les travaux exigeants sur le plan physique. Elle concevait et entretenait les jardins de ses clients. Elle supervisait ses employées, leur donnait des instructions, s’occupait des tâches administratives et se rendait dans des centres de jardinage pour choisir des plantes et des arbres ainsi que pour commander des articles auprès de fermes forestières. Elle ne travaillait pas quand elle ne se sentait pas en état de le faire.

[26] Pendant la saison morte, la requérante ne travaillait pas. Elle a passé chaque saison morte avec ses parents dans une roulotte qu’ils possédaient en Californie. Elle y rendait visite à des amis dans sa voiturette de golf, jouait un peu au golf et aidait ses parents à s’acquitter de leurs tâches. Ses parents sont tombés malades après 2009 et elle les a aidés autant qu’elle le pouvait. Ils ont vendu la roulotte en 2018 après le décès de son père.

[27] Si une personne déclarée invalide aux termes du Régime recommence à travailler, elle en informe sans délai le ministreNote de bas de page 5 . La requérante a confirmé qu’elle recevait des communications régulières de Service Canada qui énonçaient ses responsabilités en matière de déclaration de revenus. Malheureusement, rien n’indique qu’elle ait informé Service Canada lorsque son statut d’emploi est passé d’employée à temps partiel de X à propriétaire de sa propre entreprise d’aménagement paysager en 2004. Encore une fois, le dossier mentionne qu’elle a eu des contacts avec Service Canada en 2003, mais c’était avant qu’elle lance sa propre entreprise.

[28] Je reconnais que l’état de santé de la requérante est chronique et qu’elle continue d’avoir des limitations. Elle a fait valoir qu’elle n’a pas été en mesure de travailler depuis 2017. Elle souffre de fatigue chronique, de fibromyalgie, de douleurs musculaires, du syndrome du colon irritable et de douleurs attribuables à une scoliose. En mars 2018, elle a perdu sa mobilité et était à peine capable de marcher.

[29] La requérante n’a pas pris de médicaments régulièrement entre 2012 et 2017. Elle est atteinte du syndrome du côlon irritable et ses options de médicaments étaient donc limitées. Elle a essayé la digitopuncture, la chiropractie, la prolothérapie et un peu de physiothérapie. Elle a commencé une thérapie pour sa scoliose en 2018. Elle nageait dans la piscine de ses parents pour faire de l’exercice pendant l’été. Elle vivait seule dans une maison et s’occupait de l’entretien ménager. Sa maison n’était pas aussi propre qu’elle l’aurait souhaité. Elle pouvait conduire.

[30] Je reconnais que la requérante a reçu l’aide d’employés et d’amis pour gérer son entreprise d’aménagement paysager. Je conclus cependant qu’elle a gagné des revenus bruts véritablement rémunérateurs entre au moins 2012 et 2017. La requérante a affirmé qu’elle consacrait au moins 20 heures par semaine à son entreprise et qu’elle partageait son temps entre la supervision, les achats et commandes de produits, le travail avec les clients et les travaux d’aménagement paysager lorsqu’elle se sentait en état d’en faire.

[31] Selon la preuve dont je dispose, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que la requérante était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après le 31 août 2012.

Le Tribunal ne peut pas réviser la décision d’un ministre concernant le remboursement de pension

[32] Lorsqu’une personne a reçu des versements de pension auxquels elle n’a pas droit, le ministre peut, dans certaines circonstances, faire remise de ou partie des versements qu’elle a reçus auxquels elle n’avait pas droitNote de bas de page 6 .

[33] Je n’ai pas compétence en tant que membre du Tribunal pour réviser une décision du ministre concernant la remise d’un trop-payéNote de bas de page 7 . Le seul recours dont dispose la requérante dans cette affaire est de demander à la Cour fédérale de procéder à un contrôle judiciaire de la décision du ministre.

[34] Le ministre peut faire remise de tout ou partie du trop-payé, mais je ne peux pas le faire.

Conclusion

[35] Je conclus que la requérante a cessé d’être admissible à une pension d’invalidité du Régime après le 31 août 2012. Elle ne répondait plus aux critères d’une invalidité grave. Elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Puisque j’ai conclu que son invalidité ne répondait plus à la définition d’une invalidité grave, je n’ai pas eu à me demander si elle était toujours prolongée.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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