Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 857

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. M.
Représentant : Norm Groleau
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 12 avril 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant·(requérant)
Représentant de l’appelant
Conjointe de l’appelant (soutien moral)
Date de la décision : Le 16 novembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-1450

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le requérant, R. M., n’a pas droit à une prolongation du délai pour demander la révision de la décision du 15 juillet 2020 concernant sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[3] Le requérant a demandé des prestations d’invalidité du Régime en janvier 2020. Le ministre a rejeté sa demande le 15 juillet 2020. Le requérant a demandé au ministre de réviser sa décision le 19 mars 2021. Le 12 avril 2021, le ministre a rejeté la demande de révision du requérant parce que celui-ci l’a présentée plus de 90 jours après qu’il ait reçu la décision du 15 juillet 2020.

Motifs de ma décision

Une partie requérante a 90 jours pour demander au ministre de réviser sa décision

[4] Une partie requérante en désaccord avec une décision du ministre a 90 jours pour lui demander de réviser sa décisionFootnote 1.

[5] Si la partie requérante attend plus de 90 jours avant de demander au ministre de réviser sa décision, sa demande de révision est considérée comme étant tardive.

Ce que le ministre doit prendre en considération lorsqu’une demande de révision est tardive

[6] Le ministre peut réviser une décision même si une demande de révision est tardive. Toutefois, il ne peut le faire que s’il est convaincuFootnote 2 :

  • qu’il existe une explication raisonnable justifiant la demande de prolongation du délai;
  • que la partie requérante a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[7] Les deux facteurs ci-dessus doivent être respectés. Cela signifie que si le requérant ne satisfait pas à l’un des facteurs, il ne peut se voir accorder une prolongation du délai pour demander une révision.

Le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaire

[8] La décision du ministre d’accorder ou de refuser une prolongation du délai pour demander une révision est considérée comme une décision discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaireFootnote 3.

[9] Cela signifie que le décideur ne doit pasFootnote 4 :

  • agir de mauvaise foi;
  • agir dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • prendre en compte un facteur non pertinent;
  • ignorer un facteur pertinent;
  • agir de manière discriminatoire.

Ce que je dois décider

[10] Je dois décider si la demande de révision du requérant était tardive. Dans l’affirmative, je dois également décider si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé au requérant une prolongation du délai pour demander une révision.

La demande de révision du requérant était tardive

[11] Je conclus que le requérant a demandé au ministre de réviser sa décision du 15 juillet 2020 plus de 90 jours après qu’elle lui ait été communiquée.

[12] La décision du 15 juillet 2020 a été envoyée à l’adresse postale du requérant. Au Canada, on reçoit habituellement le courrier dans un délai de 10 jours. Par conséquent, j’estime qu’elle lui a probablement été communiquée au plus tard le 27 juillet 2020Footnote 5. Le requérant avait jusqu’au 26 octobre 2020 pour demander une révisionFootnote 6.

[13] Le ministre n’a reçu la demande de révision du requérant que le 19 mars 2021. Par conséquent, elle est tardive (c’est-à-dire que le requérant l’a présentée plus de 90 jours après qu’il ait probablement reçu la décision du 15 juillet 2020).

Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[14] Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé au requérant une prolongation du délai pour demander une révision.

[15] Le ministre a rejeté la demande de révision du requérant parce qu’il a estimé que celui-ci n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour le retard et n’avait pas manifesté l’intention constante de demander la révisionFootnote 7.

[16] Rien n’indique que le ministre a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, ou de manière discriminatoire.

Le ministre n’a pas pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent

[17] Au cours de l’audience, l’avocat du requérant (représentant) a soutenu que le ministre avait ignoré des facteurs pertinents lors de l’examen de la demande du requérant. Plus précisément, le représentant et le requérant ont relevé trois facteurs que le ministre n’a pas pris en considération : la question de savoir si les restrictions liées à la COVID-19 avaient eu une incidence sur le retard du requérant, le fait que d’autres délais fédéraux aient été assouplis ou suspendus et la croyance du requérant que son appel de la décision de sa compagnie d’assurance portait aussi sur sa demande de prestations d’invalidité du Régime.

[18] J’estime que les observations du requérant ne sont pas convaincantes. Pour les motifs qui suivent, je juge que la preuve ne permet pas de conclure que le ministre a pris en compte des facteurs non pertinents ou a ignoré des facteurs pertinents.

• Restrictions liées à la COVID-19

[19] Le représentant n’a pas dit que les restrictions liées à la COVID-19 avaient effectivement retardé la demande de révision du requérant ou contribué à son retard. Il a affirmé qu’elles auraient pu affecter sa demande et qu’elles étaient donc pertinentes. Le représentant a soutenu que le ministre aurait dû en tenir compte. Je comprends que nous sommes tous plus conscients des restrictions liées à la COVID-19 et qu’elles jouent un rôle important dans nos vies. J’admets également que les actions et les décisions d’une partie requérante peuvent être affectées par de nombreux événements dans sa vie, y compris les restrictions liées à la COVID-19. Si j’accepte l’argument du représentant, le ministre devra prévoir et cerner les faits qui pourraient retarder la demande d’une partie requérante, même si cette dernière n’affirme pas que ces faits ont causé son retard ou y ont contribué.

[20] Il incombe à la partie requérante de demander une révision et de fournir une explication pour son retard. Le rôle du ministre est de décider si l’explication de la partie requérante est raisonnable. Le ministre peut demander des renseignements supplémentaires à la partie requérante si celle-ci n’a pas fourni les renseignements requis ou s’il estime que les renseignements sont insuffisants pour qu’il puisse examiner la demandeFootnote 8.

[21] Le ministre peut demander plus de renseignements, mais il n’est pas tenu de le faire. Le ministre n’a pas demandé de renseignements supplémentaires et, compte tenu des faits du présent appel, cela semble raisonnable. Le requérant avait déjà fourni les renseignements requis et présenté des observations au sujet des facteurs que le ministre devait prendre en considération.

[22] Le représentant du requérant a écrit au ministre pour obtenir une prolongation de délai pour demander une révision de la décision du 15 juillet 2020. Il a reconnu que la demande était tardive, a affirmé que le requérant avait toujours eu l’intention de demander la révision et a expliqué pourquoi il y avait eu un retard. Le représentant a également donné des détails sur les efforts déployés par le requérant pour retenir ses services afin de donner suite à sa demande. Il a abordé les facteurs pertinents dans ses observations.

• Autres délais fédéraux assouplis ou suspendus

[23] Le représentant a fait valoir que le ministre aurait dû tenir compte du fait que d’autres délais prescrits par la loi fédérale, comme les délais de production des déclarations de revenus, ont été assouplis ou suspendus. Il n’a pas suggéré que les délais fixés par le Régime de pensions du Canada avaient également été assouplis ou suspendus. Les tribunaux administratifs sont créés par voie législative et ne disposent que des pouvoirs qui leur sont conférés par leur loi habilitante. Cela signifie que les règles et les délais qui figurent dans le Régime de pension du Canada et les règlements qui en découlent s’appliquent à l’appel du requérant. Je ne peux pas les modifier ou y déroger, ni demander au ministre de les modifier ou d’y dérogerFootnote 9.

• Explication supplémentaire du requérant

[24] Pendant son témoignage, le requérant a expliqué pourquoi il n’avait pas envoyé sa demande de révision plus tôt. Sa compagnie d’assurance l’avait forcé à demander des prestations d’invalidité du Régime. Au moment où sa demande de prestations d’invalidité du Régime a été rejetée, il faisait appel d’une décision de sa compagnie d’assurance au sujet de prestations d’invalidité de longue durée. Il a supposé que cet appel porterait également sur ses prestations d’invalidité du Régime puisque son assureur l’avait obligé à en demander. Par conséquent, il n’avait demandé une révision que lorsqu’on lui avait dit que l’appel contre la décision de son assureur ne porterait pas sur ses prestations d’invalidité du Régime. Le requérant n’a pas expliqué cela au ministre lorsqu’il a présenté sa demande tardive. Par conséquent, le ministre n’a pas pu tenir compte de cette explication.

[25] Même si j’estime que l’explication du requérant est raisonnable, je ne peux pas m’immiscer dans la décision du ministre. Mon rôle n’est pas de déterminer le résultat de l’analyse du ministre ou de rendre une décision différente. Mon rôle est de décider si le pouvoir discrétionnaire du ministre a été exercé de façon judiciaire.

[26] La loi dit que lorsqu’une demande de révision est tardive, le ministre peut accorder une prolongation du délai pour demander une révision s’il est convaincu qu’il existe une explication raisonnable justifiant la demande de prorogation du délai et que la partie requérante a manifesté l’intention constante de demander la révisionFootnote 10.

i. Explication raisonnable

[27] Le représentant a expliqué qu’il a seulement été embauché en janvier 2021 et qu’il a présenté la demande en mars 2021. Lorsqu’il a présenté la demande, il a reconnu le fait qu’elle était tardive. Le représentant a demandé au ministre de tenir compte du fait qu’il avait seulement été embauché en janvier 2021 ainsi que de l’état de santé du requérant qui avait causé son retard ou y avait contribué. Le représentant n’a pas fourni d’autre explication pour le retard et n’a pas affirmé qu’il y avait d’autres faits pour l’expliquer.

[28] Le ministre a tenu compte de la lettre du représentant au moment de décider si l’explication du requérant était raisonnable. Il a décidé qu’elle ne l’était pas. Dans sa lettre au ministre, le représentant n’a pas fourni de faits supplémentaires pour démontrer pourquoi le requérant n’avait pas retenu ses services avant l’expiration du délai de 90 jours ou pourquoi il n’avait présenté la demande du requérant qu’environ deux mois plus tard. Le représentant n’a présenté aucun autre fait qui pouvait expliquer le retard.

ii. Intention constante du requérant

[29] Le ministre a affirmé que rien n’indiquait que le requérant avait communiqué avec le ministère pour demander une révision. Le ministre n’a pas mentionné d’autres façons dont le requérant aurait pu manifester une intention constante. Il a seulement souligné la lettre du représentant expliquant que le requérant avait communiqué avec lui en janvier 2021. Le ministre a naturellement examiné ce facteur brièvement puisque le requérant n’a pas fourni de preuve des efforts qu’il a déployés pour demander une révision jusqu’à la fin du délai de 90 jours lorsqu’il a retenu les services de son avocat.

Conclusion

[30] Rien n’indique que le ministre a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier ou de manière discriminatoire. Le ministre a tenu compte de tous les facteurs pertinents. Rien n’indique non plus que le ministre ait pris en compte des facteurs non pertinents. La décision de refuser au requérant une prolongation du délai pour demander une révision a été prise de façon judiciaire.

[31] Le requérant n’a pas droit à une prolongation du délai pour demander une révision de la décision du 15 juillet 2020.

[32] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.