Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 808

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-2625

ENTRE :

A. B.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Lianne Byrne
Requérant représenté par : Charu Mehta
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 3 février 2021
Date de la décision : Le 25 février 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] Le requérant a travaillé comme technicien d’entretien et de réparation jusqu’en décembre 2016. Il a arrêté de travailler en raison de blessures subies lors d’un accident de la route. Il a des douleurs au bas du dos, à l’épaule gauche, à la jambe gauche et au pied gauche. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 27 octobre 2017. Il a rejeté la demande une première fois, et il l’a rejetée de nouveau après révision. Le requérant a porté la décision découlant d’une révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour avoir droit à la pension d’invalidité, le requérant doit remplir les conditions énoncées dans le Régime de pensions du Canada. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du Régime au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité ( PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations que le requérant a versées au Régime. Je conclus que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2019.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé du requérant ont-ils entraîné chez lui une invalidité grave, c’est-à-dire était-il régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2019?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant semblait-elle aussi devoir durer pendant une période longue, continue et indéfinie au plus tard le 31 décembre 2019?

Analyse

[6] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 1 . Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La personne doit prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Autrement dit, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

[7] Le requérant a travaillé comme technicien chez X du 27 octobre 2008 au 15 décembre 2016. Dans le cadre de ses fonctions, il se rendait sur place pour entretenir et réparer les fournaises, les chauffe-eau et les chaudières de sa clientèle. Ce travail était très exigeant sur le plan physique. Le requérant devait souvent se pencher, s’accroupir, soulever des choses et se faufiler dans de petits espaces. Il devait aussi être alerte mentalement pour remplir ses tâches.

[8] Le requérant était capable de faire ce travail sans difficulté jusqu’à ce qu’il soit blessé dans un accident de la route le 11 mai 2016. Il a brièvement perdu connaissance lors de l’accident. Lorsqu’il s’est réveillé, il était désorienté et tout son corps était engourdi. Il avait mal au cou, au dos et sur le côté gauche (épaule, genou et cheville). Il avait aussi des engourdissements du côté gauche lorsqu’il restait assis pendant longtemps.

[9] Après trois ou quatre mois, il a essayé de reprendre le travail en faisant des tâches modifiées. Durant le premier mois, il travaillait dans un entrepôt. Il aidait les techniciennes et techniciens qui venaient chercher des pièces. Il a ensuite essayé de revenir aux travaux d’entretien légers. Il devait alors se rendre aux domiciles de la clientèle pour vérifier les fournaises. Il était incapable d’effectuer les travaux de réparation parce qu’il ne pouvait pas se plier, soulever des objets ou se faufiler dans de petits espaces.

[10] Le requérant devait demander l’aide d’une autre personne pour faire les réparations, ce qui frustrait à la fois la clientèle et les collègues du requérant. Ses collègues ignoraient ses demandes d’aide. Les clientes et les clients se choquaient. Il se sentait donc obligé de faire le travail lui-même. L’entreprise qui l’employait a fini par le congédier. Il était bouleversé de perdre son emploi.

[11] Depuis son accident de la route, il ressent des douleurs dans tout le corps, y compris des douleurs persistantes au dos et aux genoux. Il a des maux de tête constants, qui sont pires le matin. Le côté gauche de son corps est engourdi. Il se sent étourdi. Il fait une dépression et de l’anxiété et présente des symptômes de tristesse et d’irritabilité.

[12] En date du 31 décembre 2019, le requérant est capable de rester assis pendant 30 minutes avant de commencer à sentir les engourdissements. Il ne peut ni se plier ni soulever des objets lourds. Il a de la difficulté à se concentrer et à focaliser son attention. Il oublie souvent les choses et se fâche facilement. Il se sent incapable de travailler.

[13] Il fait de la physiothérapie une fois par semaine. Il a reçu des services de consultation psychologique, qu’il a trouvés utiles. Il continue de faire des exercices de relaxation. Il prend des médicaments contre la douleur, ce qui le soulage assez pour lui permettre de marcher un peu. Il prend du Tylenol Extra fort pour ses maux de tête, ce qui réduit ses douleurs pendant de une à deux heures. Il trouve la venlafaxine efficace pour améliorer son humeur. Il prend aussi des somnifères et des pilules pour sa tension artérielle.  

[14] Le 24 octobre 2017, le Dr Shezad Tesani, médecin de famille, remplit le rapport médical pour le Régime de pensions du Canada. À la suite de l’accident de la route, le requérant est atteint d’une entorse lombaire et d’une myalgie généralisée aux membres gauches. Il présente aussi un trouble de stress post-traumatique. Ses problèmes de santé sont censés s’améliorer davantage.

[15] Le Dr Tesani remplit un certificat d’invalidité le 6 mars 2017. Il y mentionne les douleurs au dos, à l’épaule gauche et au bas de la jambe gauche du requérant. Il est écrit que le requérant est totalement incapable de mener une vie normale. La durée prévue de l’invalidité est de 9 à 12 semaines.

[16] Le 3 avril 2017, le Dr Jack Hakoun, spécialiste de la médecine sportive, écrit que le requérant est atteint d’un syndrome fémoro-patellaire au genou gauche et d’une fasciite plantaire au pied gauche.

[17] Le 24 avril 2017, Ashad Mahmood, psychothérapeute, et le Dr Tony Toneatto, psychologue, signalent que la douleur physique, le stress et l’anxiété du requérant continuent de nuire à tous les aspects de son fonctionnement. Il ressent des douleurs aiguës au cou, à l’épaule gauche, au genou gauche, à la cheville gauche, à la poitrine et au bas du dos. Il est aussi atteint d’un trouble de stress post-traumatique et d’un trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive. Il est aux prises avec un trouble du sommeil, de la colère et de l’irritabilité. Dans des notes d’évolution datées du 11 septembre 2017, il est écrit que le requérant a fait des progrès importants en thérapie et qu’il se sent plus en mesure de gérer les douleurs, la dépression et l’anxiété. Un traitement supplémentaire est recommandé.

[18] Le 9 mai 2017, M. Fabio Salerno, psychologue clinicien, écrit que le requérant a un léger trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive. D’un point de vue purement psychologique, le requérant ne présente aucune limitation fonctionnelle en ce qui concerne la régulation de l’humeur et de l’anxiété.

[19] Le 29 mai 2018, M. Salerno note que le requérant continue de présenter une série de symptômes psychologiques qui nuisent à la régulation de son humeur et son anxiété ainsi qu’à son sommeil et à son fonctionnement social. Il est atteint d’un léger trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive.

[20] Le 31 mai 2019, la Dre Kelly McCutcheon, psychologue, déclare qu’il répond aux critères d’un trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive ainsi qu’à ceux d’une phobie spécifique concernant les déplacements en véhicule. Il a des symptômes dépressifs et anxieux liés à la persistance de ses douleurs et de ses problèmes physiques.

[21] J’ai pris en compte le fait que pour évaluer si une invalidité est « grave », il ne s’agit pas de savoir si la personne a des déficiences graves, mais si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. La question n’est pas de savoir si la personne est incapable de faire son travail habituel, mais plutôt si elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2 .

[22] Dans la présente affaire, le requérant a déclaré qu’il se sent incapable de retourner au travail. La personne qui le représente a fait valoir qu’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice qui est réelle et importante. Elle a souligné que le requérant est atteint de déficiences et de limitations à la fois physiques et psychologiques.

[23] J’admets que les problèmes de santé du requérant l’empêchent de retourner exercer à temps plein son emploi de technicien, qui est physiquement exigeant, mais je suis d’accord avec le ministre pour dire que le requérant peut essayer de faire un autre travail qui respecte ses limitations.

[24] J’ai tenu compte du fait que, dans un rapport daté d’avril 2017, M. Mohmood et le Dr Toneatti soulignent que le requérant a fait des progrès importants en thérapie et qu’il se sent plus en mesure de gérer les douleurs, la dépression et l’anxiété. Le dossier ne contient aucun rapport médical faisant état d’une détérioration de la santé du requérant après la date de ce rapport.

[25] Dans un rapport rédigé en octobre 2017, le Dr Tesani note l’entorse lombaire, la myalgie généralisée aux membres gauches et le trouble de stress post-traumatique du requérant. Rien dans le rapport du Dr Tesani n’indique que les problèmes de santé du requérant l’empêcheraient d’essayer un autre travail qui respecte ses limitations.

[26] En mai 2018, M. Salerno écrit que le requérant a un léger trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive. En mai 2019, la Dre McCutcheon écrit qu’il a certains symptômes dépressifs et anxieux en raison de ses douleurs constantes. Cependant, rien ne montre que ces limitations l’empêcheraient de faire un autre travail qui respecte celles-ci.

[27] Je conclus donc que des preuves appuient l’existence d’une capacité de travail. Lorsque la capacité de travail est établie, la personne doit démontrer que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 3 . Dans la présente affaire, le requérant est retourné faire des travaux légers à temps plein vers le mois d’août ou de septembre 2016. Au départ, il était capable de travailler, car il n’avait qu’à s’asseoir sur une chaise toute la journée pendant que les techniciennes et techniciens venaient chercher les pièces nécessaires. Cependant, un mois plus tard, il est retourné faire des travaux d’entretien légers. On lui mettait de la pression pour qu’il fasse des réparations, pour lesquelles il devait se pencher, s’accroupir, soulever des choses et se faufiler dans de petits espaces. Il a arrêté de travailler en décembre 2016. Il n’a pas tenté de trouver un autre emploi ni de se recycler depuis.

[28] Je dois évaluer le volet « grave » du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 4 . Ainsi, pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Dans la présente affaire, j’ai tenu compte du fait que le requérant avait 57 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Il est capable de parler et de comprendre l’anglais. Il a un diplôme universitaire qu’il a obtenu en Inde. Il possède également un certificat de technicien d’appareils électroménagers et un certificat de qualification délivrés au Canada. Il travaille comme technicien d’entretien et de réparation depuis 2008.

[29] Malgré son âge, le requérant est très instruit. Il parle couramment l’anglais. Compte tenu de ses caractéristiques personnelles, j’estime qu’il n’était pas incapable de travailler dans un contexte réaliste à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Même si je reconnais qu’il n’a pas pu retourner exercer un emploi exigeant sur le plan physique, rien ne l’aurait empêché d’essayer un travail plus léger qui tiendrait compte de ses restrictions. Il n’a pas tenté d’occuper un autre emploi depuis qu’il a cessé de travailler chez X. Par conséquent, il n’a pas démontré que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de ses problèmes de santé.

[30] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui veut dire que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et pas seulement des déficiences les plus importantes ou de la déficience principaleNote de bas de page 5 . Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des problèmes de santé du requérant, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.