Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 856

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. B.
Représentante ou représentant : Paul Hosack
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 13 janvier 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2021
Personnes participant à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 29 novembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-848

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, C. B., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette son appel.

Aperçu

[3] La requérante a 59 ans. Même si elle reconnaît avoir un peu travaillé à son compte de la maison de 2008 à 2010, elle affirme que son dernier emploi remonte à juin 1993. Elle travaillait alors 20 heures par semaine comme brigadière. Elle avait arrêté de travailler le 7 juin 1993, quatre jours avant la naissance de son deuxième enfant. Elle dit que ses problèmes de santé ont commencé en 1983, avec l'apparition de sa douleur à l’articulation temporomandibulaire (ATM), soit une douleur à la mâchoire. La requérante présente maintenant de nombreux symptômes et problèmes physiques et mentaux.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 4 février 2020. Elle a dit avoir notamment les problèmes suivants : douleur chronique au dos; hernies discales; syndrome des jambes sans repos; bombements discaux; fracture à L-4; syndrome de traversée thoracobrachiale; syndrome piriforme; perte osseuse; arthrose; ostéoporose; lésions nerveuses permanentes à la jambe et au pied droits et aux mains; fatigue chronique; fibromyalgie; douleur à l’ATM; tension musculaire; migraines; côlon irritable; gain de poids; anxiété; perte de mémoire; manque de concentration; confusion; ménopause; hypertension artérielle; colonoscopies fréquentes; souffle cardiaque; sentiment de tristesse et de frustrationNote de bas page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande de pension. La requérante a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Dans son avis d’appel, la requérante a affirmé que le ministre avait ignoré le rapport médical du 31 janvier 2020 du docteur Johnson, et qu’il n’avait pas appliqué le bon critère établi par la Cour d’appel fédérale dans la cause Villani. Selon elle, la preuve confirme une invalidité graveNote de bas page 2. À l’audience, la requérante a dit qu’il n’était pas nécessairement impossible de conclure qu’elle était invalide à la fin de 2000 malgré le manque de documents précédant 2003. Elle a expliqué que les dossiers médicaux font référence à son état en 2000, et que la douleur chronique apparaît avant son diagnostic. Elle a aussi dit qu’elle était incapable de faire quoi que ce soit de façon régulière. Elle ne parvenait même pas à travailler à son compte selon ses propres conditions.

[6] Le ministre a dit que la requérante n’avait pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas page 3, soit à la fin de l’an 2000. Le ministre a signalé une capacité de travail postérieure à cette date, relevant notamment que la requérante avait gagné 15 648 $ en 2012 et pris soin de son petit-fils en 2016 à raison de 60 à 70 heures par semaine. Le ministre a aussi souligné l’insuffisance de la preuve jusqu’en 2004 et l'apparition de nombreux problèmes médicaux bien après 2000. L’aggravation de ses problèmes médicaux après sa PMA ne peut pas être prise en compte. Le ministre a aussi affirmé qu’elle aurait dû pouvoir s’ajuster à un emploi convenable, ou se recycler pour en occuper un.

Ce que la requérante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2000. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas page 4.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 5.

[10] Pour décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si la requérante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 6.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de la requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est probable à plus de 50 % qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2000.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

[15] La requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de la requérante ne nuisaient pas à sa capacité de travail à la fin de 2000

[16] Le médecin de famille de la requérante dit qu’elle est atteinte de douleur chronique au dos, d’une discopathie et d’une dysfonction bilatérale de l’ATMNote de bas page 7. Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas page 8. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles empêchaient la requérante de gagner sa vieNote de bas page 9. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas page 10.

[17] Je conclus que la requérante n’avait pas de limitations fonctionnelles nuisant à sa capacité de travailler à la fin de 2000.

Ce que la requérante dit de ses limitations fonctionnelles

[18] La requérante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

[19] Durant l’audience, la requérante a expliqué que ses problèmes à l’ATM avaient commencé en décembre 1983. Puis c’est vers 1986 que sont apparus ses problèmes de dépression. Ils ont duré jusque dans les années 1990. Elle prenait alors des médicaments contre l’anxiété et la dépression. Après la naissance de sa fille en 1993, elle a commencé à avoir des migraines et des maux de dos. La requérante dit ne pas avoir repris son emploi de brigadière parce qu’elle n’arrivait pas à rester debout longtemps. Il lui était aussi trop pénible de prendre la voiture, d’y entrer et d’en sortir, pour quatre heures de travail par jour. Elle a dit qu’elle pouvait seulement rester debout pendant 20 minutes en 1993, et que son endurance avait diminué au fil du temps. Elle a dit que son syndrome de traversée thoracobrachiale, sa fibromyalgie et son arthrose avaient été diagnostiqués dans les années 1990. Elle a aussi souffert d’endométriose et d’une tumeur au côlon durant la même décennie.

[20] Durant cette période, la requérante avait pu prendre soin de ses deux jeunes enfants, nés en 1992 et 1993. Elle a toutefois dit qu’elle en avait seulement été capable grâce à l’aide de sa meilleure amie (qui habitait en haut de chez elle), de son époux, de sa mère et de ses beaux-parents. En 1994, elle n’arrivait plus à prendre dans ses bras son fils de deux ans. Elle a dit qu’elle préparait la plupart des repas, mais que des amis l’aidaient à faire ses tâches ménagères. Elle arrivait à faire un peu de courses à la fois, mais pas une épicerie complète. Ses différents symptômes physiques avaient aussi mené à une dépression, parce qu’elle avait le sentiment d’être un poids pour les autres.

[21] La requérante a également décrit ses capacités fonctionnelles en 2000. Elle a dit qu’elle pouvait marcher la distance d’un pâté de maisons pour se rendre au dépanneur. Si elle marchait plus loin, la douleur et la fatigue l’empêchaient de revenir chez elle. Elle éprouvait de l’inconfort quand elle était assise. Selon les jours, elle aurait pu être assise dans un fauteuil de bureau pendant 30 minutes. Elle cuisinait encore pour sa famille, mais faisait seulement des repas dont la préparation nécessitait 20 minutes ou moins. La plupart des jours, elle devait faire une sieste d’environ 90 minutes parce qu’elle était épuisée. Elle ne sortait pas pour socialiser. Elle a dit qu’elle demeurait incapable en 2000 de reprendre son emploi de brigadière ou même un emploi à temps partiel. Même si le Vioxx avait permis de soulager ses migraines, ses autres problèmes perduraient.

[22] L’époux de la requérante a aussi témoigné à l’audience. Il a décrit des limitations fonctionnelles semblables vers 2000. Elle était incapable de rester assise une heure. Il a dit qu’elle ne pouvait parcourir aucune distance à pied. Elle était incapable de rester debout assez longtemps pour travailler comme brigadière. Elle était [traduction] « essentiellement confinée à la maison » en 2000. Ses problèmes étaient principalement physiques, et elle était surtout affectée par sa douleur au dos et à la jambe. Ses migraines la forçaient aussi à rester dans une pièce sombre. Il faisait l’essentiel des tâches ménagères à la fin de l’an 2000.

Commentaires sur la preuve

[23] Plus de 20 ans se sont écoulés depuis le 31 décembre 2000. C’est un facteur dont je dois tenir compte quand j’évalue un témoignage livré en 2021. Je remarque aussi certaines incohérences dans la preuve [traduction] « rétrospective ». La requérante a affirmé qu'après 1993, elle avait seulement travaillé de 2008 à 2010, à son compte et de la maison. En 2020, elle a dit qu’elle avait fait ce travail de mars 2008 à juin 2010Note de bas page 11. Par contre, je constate que d’autres emplois sont objectivement mentionnés dans la preuve.

[24] En novembre 2005, elle avait notamment dit au docteur Dost, neurologue, que sa jambe la gênait [traduction] « 20 mois plus tôt… au travailNote de bas page 12. » À l’audience, la requérante a affirmé qu’elle avait ainsi fait référence au travail ménager. J’ai de la difficulté à le croire. Selon moi, aucune raison crédible ne justifiait que le docteur Dost omette cette spécification, surtout en considérant que la requérante avait dit [traduction] « au travail » et non [traduction] « en travaillant ». Un autre exemple renvoyait à mars 2011, bien après la fin supposée de son travail. La requérante avait alors dit au docteur Kamath, algologue, qu’elle avait un magasin en ligne sur eBayNote de bas page 13.

[25] Les dossiers fiscaux de la requérante montrent un revenu d’entreprise net de -2 519 $ pour 2011Note de bas page 14, ce qui laisse croire que ses activités professionnelles s’étaient poursuivies après juin 2010. Ces dossiers indiquent aussi un revenu de 15 648 $ en 2012Note de bas page 15. La requérante et son époux ont tous deux affirmé que ce revenu provenait du crédit d’impôt pour personnes handicapées que l’Agence du revenu du Canada lui avait accordé en 2012. Ils ont expliqué qu’il s’agissait d’un crédit rétroactif remontant jusqu’à 2002, et qu’un revenu unique de 15 648 $ avait été compté pour 2012. Par contre, les crédits d’impôt à effet rétroactif ne fonctionnent pas de cette façon. Chaque crédit est applicable à l’année d’imposition pour lequel il est accordé. Quoi qu’il en soit, un remboursement d’impôt n’est pas considéré comme un revenu, car il a déjà été assujetti à l’impôtNote de bas page 16. Je note aussi que de l’impôt avait été prélevé sur son revenu de 2012, ce qui laisse penser que ce revenu provenait d’un emploi ou d’un investissementNote de bas page 17.

[26] Dans le même ordre d’idées, la requérante a dit durant l’audience qu’elle avait seulement travaillé comme brigadière et commis chez un nettoyeur à sec et fait différents emplois de bureau au bas de l’échelle, et [traduction] « un seul quart » comme serveuse. Pourtant, lors de l’audience, son époux a dit qu’elle avait déjà travaillé comme livreuse de pizza. Même si je n’y accorde pas beaucoup de poids, il avait aussi dit qu’[traduction] « elle était gestionnaire de bureau quand [il] l’avai[t] rencontrée ». Un tel emploi n’est pas exactement un emploi au bas de l’échelle.

[27] D’autres éléments de preuve fournis par la requérante étaient difficiles à accepter. Je l’ai interrogée sur une note clinique de juillet 2004 du docteur Kursell, médecin de famille. La note expliquait que la requérante n’avait [traduction] « pas le temps de faire de l’exerciceNote de bas page 18. » La requérante a répondu qu’elle avait [traduction] « de graves problèmes », et que ceux-ci restreignaient donc sa capacité à faire de l’exercice. Elle a aussi dit que le docteur Kursell [traduction] « avait très peu de tact avec ses patients. » Ses réponses n’éclairent aucunement le contenu de la note.

[28] Il est aussi difficile d’accepter son explication à la note clinique de mars 2011 du docteur Miller, médecin de famille. Le docteur Miller a écrit que la requérante [traduction] « aidait sa belle-mère à construire un appartementNote de bas page 19. » La requérante a dit qu’elle ne faisait que [traduction] « l’accueillir chez elle pour lui offrir une tasse de thé et du soutien. » Un peu comme sa réponse concernant l’exercice, j’ai trouvé cette réponse difficile à croire, compte tenu de la formulation utilisée dans la note. Comme pour la preuve des docteurs Dost et Kamath, j’estime très improbable que les notes des docteurs Miller et Kursell soient inexactes.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[29] La requérante semble croire sincèrement que des limitations fonctionnelles l’empêchaient de travailler en 2000. Cependant, la preuve ne corrobore pas sa version des faits. La première preuve objective est une note clinique datant de novembre 2003. Cette note atteste que la requérante a reçu un vaccin contre la grippe ce jour-làNote de bas page 20. Tous les autres éléments de preuve datent au plus tôt de 2004.

[30] À l’audience, la requérante a reconnu le manque de preuve jusqu’à la fin 2000. Elle a toutefois affirmé que de nombreux documents produits subséquemment font référence à son état de santé avant la fin de 2000. Voici ces références :

Date Page au dossier Nature de la référence
18 mars 2004 GD1-401 Douleur intermittente au dos depuis 12 ans
13 février 2005 GD1-408 Douleur au dos durant la deuxième grossesse; diagnostic simultané du syndrome de traversée thoracobrachiale
28 mars 2006 GD1-436 Changements mineurs (tomodensitogramme) expliquant la douleur au dos
25 février 2007 GD1-485 Admission à l’hôpital pour dépression à 25 ans
12 juin 2008 GD1-24 Ostéoporose grave à la colonne (et légère à la hanche)
13 novembre 2008 GD1-33 Douleur chronique toujours présente; douleur chronique à l’ATM
8 mars 2011 GD1-101 Dépression chronique
10 mars 2011 GD1-102 Douleur à l’ATM depuis ses 21 ans; fibromyalgie [traduction] « de longue date »; [traduction] « douleur de longue date »

[31] J’expliquerai plus tard pourquoi ces références ne sont pas utiles. Cela étant dit, ce tableau médical laisse effectivement penser que la requérante avait certains problèmes médicaux à la fin de 2000Note de bas page 21.

[32] Toutefois, l’existence de problèmes médicaux à la fin de 2000 ne suffit pas, en soi, à corroborer les limitations fonctionnelles qu’elle disait avoir à la fin de 2000. Elle a dit qu’elle avait travaillé jusqu’à la naissance de son deuxième enfant, en juin 1993. Par contre, sa douleur à l’ATM et au dos et sa dépression auraient commencé plus tôt, ce qui laisse fortement penser que ces problèmes ne suffisaient pas à la rendre incapable de travailler. Cela est particulièrement vrai pour sa douleur à l’ATM, qui était présente depuis 1982 : elle avait touché en 1982 un revenu beaucoup plus important que dans le passé, et avait versé chaque année des cotisations au RPC de 1982 à 1991Note de bas page 22.

[33] Même si ses cotisations au RPC ne révèlent aucun emploi formel après 1993Note de bas page 23, la requérante a dit qu’elle avait été la principale responsable de ses enfants (nés en mars 1992 et juin 1993) jusqu’à leurs sept ans au moinsNote de bas page 24.

[34] J’ai également tenu compte de décisions contraignantes de la Cour fédérale, en particulier en ce qui concerne la nécessité d’une preuve médicale. La requérante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2020Note de bas page 25.

[35] Certaines des références au tableau médical sont beaucoup trop vagues pour conclure que des limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler à la fin de 2000. Par exemple, une [traduction] « dépression chronique » en 2011 ne me permet aucunement de connaître ses limitations fonctionnelles à la fin de 2000. Il en est de même pour la référence de 2011 à sa fibromyalgie de [traduction] « de longue date ».

[36] La référence à une douleur [traduction] « intermittente » au dos est également problématique. Sans preuve le corroborant, on pourrait tout autant penser qu’on parle d’une douleur de courte durée qui se manifeste à quelques années d’intervalle. Quand la requérante a dit avoir une douleur intermittente au dos lors de son hospitalisation de 2004, il s’agissait d’une douleur qui s’était aggravée dans les sept à dix jours précédentsNote de bas page 26. Enfin, il n’est pas du tout clair si cette douleur au dos l’empêchait de faire de l’activité physique ou si elle avait été causée par de l’activité physique. En fait, quand il l’avait traitée à l’hôpital en 2004, son médecin de famille lui avait recommandé de devenir plus activeNote de bas page 27.

[37] Au bout du compte, je ne trouve pas que les références au tableau médical soient convaincantes. D’abord, il s’agit strictement du compte rendu de la requérante. J’ai du mal à accorder beaucoup de poids à une preuve [traduction] « médicale » se limitant à la description faite par un patient lui-même. La situation pourrait être différente si les références à compter de 2004 étaient fondées sur des documents objectifs produits plus tôt par des professionnels de la santé.

[38] La requérante a aussi dit que le ministre avait ignoré le rapport médical du 31 janvier 2020 du docteur JohnsonNote de bas page 28. Par contre, le docteur Johnson n’avait pas été en mesure d’y préciser la date d’apparition de ses problèmes de santé. Il pouvait simplement dire que deux de ses problèmes étaient [traduction] « de longue date » et existaient avant qu’elle ne devienne sa patiente. Le docteur Johnson a affirmé qu’il avait seulement traité la requérante pendant un an ou deux, à compter d’août 2017Note de bas page 29. Cette preuve est trop vague pour aider la requérante.

[39] Il m’est d’autant plus difficile de me fier entièrement au témoignage de la requérante vu l’absence d’une preuve médicale objective précédant la fin de 2000. Comme je l’ai noté plus tôt, j’ai décelé des incohérences et d’autres problèmes dans la preuve rétrospective qu’elle et son époux ont fournie.

[40] À mon avis, la preuve, y compris le tableau médical, ne démontre pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles nuisant à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2000. Bien qu’elle avait des problèmes de santé, je ne suis pas convaincu qu’ils donnaient lieu à des limitations fonctionnelles. La requérante n’a donc pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave.

[41] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, il faut généralement tenir compte de ses caractéristiques personnelles.

[42] Sa capacité de travail est ainsi évaluée sous un angle réaliste. Ce principe a été établi par la Cour d’appel fédérale dans la décision VillaniNote de bas page 30.

[43] Par contre, il ne sert à rien d’appliquer cette analyse ici, puisqu’aucune limitation fonctionnelle n’empêchait la requérante de travailler en date du 31 décembre 2000. Autrement dit, elle n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à la date requiseNote de bas page 31.

Jurisprudence citée par la requérante

[44] Par l’intermédiaire de son représentant, la requérante a reconnu que le manque de preuve précédant novembre 2003 pourrait être problématique. On m’a exhorté à tenir compte d’anciennes décisions de la Commission d’appel des pensions. Même si ces décisions ne sont pas contraignantes, elles peuvent effectivement s’avérer convaincantes.

[45] La première décision est la cause McDonaldNote de bas page 32. Dans cette décision, on explique que les problèmes de santé physique et mentale d’une personne doivent être considérés d’un point de vue cumulatif pour décider de son invalidité au sens du RPC. Je suis d’accord avec le principe qui sous-tend la décision McDonald. Cela dit, je ne vois pas comment elle pallie le manque de preuve médicale précédant 2003 dans le cas de la requérante.

[46] La deuxième décision est CurnewNote de bas page 33. La requérante affirme qu’il est dit dans Curnew que la douleur chronique ne commence pas au moment où un médecin la nomme. Par conséquent, sa douleur chronique avait pu apparaître avant la fin de 2000, même si les médecins l’ont seulement diagnostiquée plus tard. Cet aspect de la décision Curnew est basé sur Thompson, une autre décision que la requérante a citéeNote de bas page 34.

[47] Encore une fois, j’accepte le principe qui sous-tend Curnew. Il se peut effectivement que la requérante souffrait de douleur chronique en 2000, même si le diagnostic est seulement tombé plus tard. Cela étant dit, l’absence de preuve médicale objective précédant novembre 2003 demeure un problème. Je suis obligé de suivre les décisions de la Cour fédérale, notamment celles de l’affaire DeanNote de bas page 35, rendues en 2020, où a été confirmée une décision de la Cour d’appel fédérale. Cette décision précédente confirmait l’obligation de fournir une preuve médicale objective de l’invalidité datant de la PMA (qui, ici, prend fin le 31 décembre 2000)Note de bas page 36.

[48] La requérante a aussi dit qu’elle avait fait des efforts pour obtenir les dossiers médicaux créés avant 2003. Elle a dit que ces dossiers avaient fini par être jetés. Je reconnais qu’il est très difficile, voire impossible, d’obtenir des dossiers médicaux ayant plus de 20 ans. Toutefois, il était aussi question de dossiers médicaux non disponibles dans la décision Dean, et qui dataient de plus de 20 ans. Dans Dean, la Cour fédérale n'a pas voulu faire fi du besoin d’une preuve médicale objectiveNote de bas page 37.

Conclusion

[49] Je conclus que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2000 et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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