Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c ML, 2022 TSS 94

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Attila Hadjirezaie
Partie intimée : M. L.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 mai 2021 (GP-20-378)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelant
Intimé
Date de la décision : Le 23 février 2022
Numéro de dossier : AD-21-285

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

Aperçu

[2] M. L. est le requérant dans la présente affaire. Il a quitté son emploi comme briqueteur et contremaître en janvier 2019, à la suite d’un accident de motoneige.

[3] En juin 2019, le requérant a demandé une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Sa demande était fondée sur une paralysie partielle de son bras gauche.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a conclu que le requérant n’était pas admissible à une pension d’invaliditéNote de bas de page 1 . Le requérant a fait appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a conclu que le requérant était admissible à une pension d’invalidité à partir du mois de mai 2019.

[5] Le ministre fait maintenant appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le ministre soutient que la décision de la division générale contient plusieurs erreurs de droit.

[6] Le ministre a raison. Par conséquent, je suis en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC.

Questions en litige

[7] Voici les questions que je vais examiner dans cette décision :

  1. a) La division générale a-t-elle mal appliqué le critère juridique pour une invalidité grave?
  2. b) Si oui, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
  3. c) Le requérant est-il admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC?

Analyse

[8] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinente. Dans cette décision, j’examine surtout la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droitNote de bas de page 2 .

La division générale a mal appliqué le critère juridique pour une invalidité grave

[9] Le rôle de la division générale consistait à décider si le requérant était admissible à une pension d’invalidité aux termes du RPC. À cette fin, le requérant était dans l’obligation d’établir qu’il est atteint d’une invalidité grave, c’est-à-dire régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3 .

[10] D’abord, la division générale a noté que le requérant a repris un travail de briqueteur avec son employeur habituel. Normalement, cela l’empêcherait d’être admissible à une pension d’invaliditéNote de bas de page 4 .

[11] Toutefois, la division générale a conclu que l’employeur du requérant était bienveillantNote de bas de page 5 . En d’autres mots, les mesures d’adaptation offertes par l’employeur habituel du requérant dépassent ce qui peut être attendu d’un autre employeur dans un milieu concurrentiel. Ainsi, la capacité du requérant de faire ce travail ne prouve pas qu’il serait capable de travailler comme briqueteur ailleurs.

[12] Cependant, le ministre souligne que la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du requérant d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6 .

[13] Je suis d’accord avec les arguments du ministre.

[14] En effet, la décision de la division générale met un accent particulier sur la question de savoir si la capacité du requérant de travailler comme briqueteur chez son employeur habituel témoigne d’une capacité à travailler comme briqueteur pour un employeur différent.

[15] Par conséquent, la division générale a commis une erreur de droit en :

  • examinant la capacité du requérant à travailler en fonction de la bienveillance de son employeur;
  • omettant d’examiner la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir d’autres occupations véritablement rémunératrices.

[16] Je constate alors que la division générale a mal appliqué le critère juridique pour savoir si le requérant était atteint d’une invalidité grave aux termes du RPC.

Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[17] D’un côté, le ministre soutient que je suis en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[18] De l’autre côté, le requérant me demande de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Ainsi, il pourrait fournir des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de sa cause.

[19] J’estime que je dois rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Lors du processus devant la division générale, le requérant n’a pas été empêché de présenter ni ses éléments de preuve ni ses observations.

[20] De plus, je dois veiller à ce que les instances se déroulent de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 7 .

[21] Dans cette situation, je constate que j’ai les renseignements et l’autorité nécessaires pour prendre une décision finaleNote de bas de page 8 . Cela signifie que je peux décider si le requérant est admissible à une pension d’invalidité ou non.

Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité

[22] Pour être admissible à une pension d’invalidité aux termes du RPC, une personne doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée avant la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[23] Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le critère de gravité doit faire l’objet d’une analyse réalisteNote de bas de page 9 . Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de son état dans son ensemble et des éléments comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 10 .

[24] Je souligne également ces enseignements importants de la Cour d’appel fédérale :

  1. a) la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité de la partie demanderesse d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 11 ;
  2. b) c’est la capacité de travailler et non le diagnostic ou la description de la maladie qui détermine la gravité de l’invalidité aux termes du RPCNote de bas de page 12 ;
  3. c) dans les cas où il y a des éléments de preuve de capacité de travail, la partie demanderesse doit démontrer qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi et le conserver, mais que ses efforts ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 13 .

Le requérant n’est pas atteint d’une invalidité grave

[25] Le requérant vit des séquelles importantes à la suite d’un accident de motoneige qui a eu lieu en janvier 2019. En mai 2019, le médecin de famille du requérant était d’avis que celui-ci était inapte à tout travail à la suite de son accidentNote de bas de page 14 .

[26] Le requérant a subi une opération de double transfert nerveux en avril 2019. L’état du requérant s’est quelque peu amélioré après son opération. Cependant, l’opération n’a pas apporté tous les bénéfices espérés.

[27] Par conséquent, le requérant a des déficiences permanentes qui réduisent sa mobilité et sa force dans son bras gauche, soit son bras non dominantNote de bas de page 15 .

[28] De plus, le requérant affirme qu’il a toujours fait un travail physique et qu’il ne pourrait jamais faire un travail de bureau.

[29] Dans ses observations supplémentaires, le requérant précise qu’il ne demande pas une pleine pension d’invalidité, mais une compensation pour la perte de salaire et le manque d’heures de travail en raison de son état de santéNote de bas de page 16 . De plus, il refuse de faire un travail moins exigeant qui pourrait nuire à sa santé mentale et être moins payant.

[30] Malheureusement, la loi ne permet pas le paiement partiel d’une pension d’invalidité au titre du RPC. En outre, les observations du requérant expliquent comment des raisons largement personnelles, plutôt que médicales, l’empêchent de chercher un autre travail.

[31] Bien que je reconnaisse les limitations du requérant, j’estime qu’il conserve une capacité de travail. Pour arriver à cette conclusion, je m’appuie surtout sur les éléments suivants :

  • à la date de la présentation de sa demande de pension d’invalidité, le requérant avait 36 ans;
  • il est titulaire d’un diplôme d’études secondaires;
  • il possède une expérience de travail importante dans le secteur de la construction;
  • dans sa demande de pension, le requérant qualifie de bonnes ou excellentes ses capacités à se tenir debout, à marcher, à monter ou à descendre un escalier, à s’agenouiller, à s’accroupir, à rester assis et à conduireNote de bas de page 17 ;
  • le requérant n’a noté aucun problème important de comportement, d’émotion, de communication et de réflexionNote de bas de page 18 ;
  • le rapport du physiothérapeute du requérant indique que celui-ci pourrait faire un travail dans la limite de ses capacitésNote de bas de page 19 ;
  • le requérant a repris son travail comme briqueteur en juillet 2020 avec certaines mesures d’adaptationNote de bas de page 20 ;
  • le requérant a déclaré devant la division générale qu’il pourrait faire le travail de contremaître, sauf que la compagnie pour laquelle il travaille n’est pas assez grande pour justifier un tel posteNote de bas de page 21 .

[32] Je reconnais que le requérant bénéficie d’importantes mesures d’adaptation au travail. Cependant, sa capacité de faire un travail comme briqueteur témoigne de sa capacité à effectuer un travail différent qui serait mieux adapté à ses limitations.

[33] Je constate alors que le requérant possède des compétences transférables et doit être en mesure de se trouver un emploi plus convenable à ses limites. L’âge du requérant, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie viennent tous à l’appui de cette conclusion.

[34] Selon la preuve au dossier, j’estime que le requérant conserve une capacité résiduelle de travail. Avant d’être admissible à une pension d’invalidité, il devait donc faire des efforts pour se trouver un emploi dans la limite de ses capacités. Toutefois, il n’a jamais essayé de se trouver un travail différent.

[35] Par conséquent, le requérant n’a pas établi qu’il est régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice. À ce sujet, je souligne qu’il y a de nombreux emplois (même en excluant le travail de bureau) qui sont moins exigeants que celui de briqueteur et que le seuil d’une occupation véritablement rémunératrice est actuellement inférieur à 17 000 $Note de bas de page 22 .

[36] Je sympathise avec la situation du requérant. Il a donné de bonnes raisons pour expliquer pourquoi il continue son travail de briqueteur. Cependant, je n’ai pas d’autre choix que d’appliquer la définition très restrictive du RPC concernant la notion d’une invalidité grave. Malheureusement, cette définition ne regroupe pas toutes les personnes atteintes de déficiences sérieuses et prolongéesNote de bas de page 23 .

[37] En somme, je constate que le requérant n’est pas atteint d’une invalidité grave et n’est pas non plus admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC.

Conclusion

[38] J’accueille l’appel du ministre. J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit qui justifie mon intervention dans cette affaire. J’estime également qu’il s’agit d’un cas où il convient de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du RPC.

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