Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Citation : ML c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 905

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-378

ENTRE :

M. L.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Antoinette Cardillo
DATE DE L’AUDIENCE : 11 mai 2021
DATE DE LA DÉCISION : 31 mai 2021

Sur cette page

Décision

L’appelant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) à partir du mois de mai 2019 pour les motifs énoncés ci-après.

Aperçu

[1] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 19 juin 2019Note de bas de page 1 . Il est âgé de 38 ans et il a complété des études secondaires. Il a aussi un certificat d’opérateur de chariot élévateur télescopique décerné en octobre 2021. Sa demande est fondée sur une paralysie partielle de son bras gauche. L’appelant a dû quitter son emploi comme briqueteur et contremaitre. Il a indiqué qu’il ne pouvait plus travailler à partir du 18 janvier 2019 en raison d’un accident de motoneigeNote de bas de page 2 . Le ministre a rejeté la demande au stade initial et au terme d’un réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] La période minimale d’admissibilité (PMA) de l’appelant est le 31 décembre 2020. Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit satisfaire aux exigences qui sont énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit avoir été déclaré invalide au sens du RPC à la fin de la période minimale d’admissibilité ou avant la fin de cette période. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelant au RPC.

Questions en litige

[3] Est-ce que les conditions physiques de l’appelant peuvent être considérées comme une invalidité grave qui l’empêche régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2020?

[4] Est-ce que les conditions physiques de l’appelant peuvent être considérées comme une invalidité prolongée au 31 décembre 2020?

Analyse

[5] Pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 3 . Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle entraîne vraisemblablement le décès. L’invalidité doit être non seulement grave, mais aussi prolongée pour qu’une personne puisse être déclarée invalide au sens du RPC.

Invalidité grave

[6] Je détermine que l’appelant souffre d’une invalidité grave au 31 décembre 2020.

i. Rapports médicaux

[7] Un rapport daté du 11 février 2019Note de bas de page 4 du Dr Mohammed, neurochirurgien, a indiqué que les sensations dans l’avant-bras gauche de l’appelant s’étaient améliorées, mais il n’avait aucune sensation dans l’épaule gauche.

[8] Le 6 mai 2019Note de bas de page 5, Dre Boyd, chirurgienne plasticienne, a indiqué que l’appelant avait subi une opération de double transfert nerveux le 16 avril 2019. Après l’opération, il sentait moins bien son bras gauche. Cependant, l’évaluation de la force musculaire avait montré que la force des doigts, l’amplitude de flexion du poignet et la force du triceps étaient normales.

[9] Le rapport médical daté du 11 mai 2019Note de bas de page 6 du Dr Feldman, médecin de famille, a précisé que l’appelant avait eu un accident de motoneige en janvier 2019. Il avait eu des lésions aux nerfs près de la colonne vertébrale, au niveau du cou et du haut du dos, qui affectaient le bras et une partie de l’épaule gauche. Le Dr Feldman a indiqué que l’état de santé de l’appelant devrait s’améliorer dans un avenir rapproché.

[10] Le rapport de physiothérapie daté du 19 février 2021Note de bas de page 7 a indiqué que l’appelant avait subi une intervention chirurgicale au bras gauche et avait participé à un programme de rééducation. En raison de sa blessure et de la chirurgie, il avait des déficiences permanentes qui réduisaient sa mobilité et sa force. Il avait des secousses occasionnelles dans son bras gauche lorsqu’il effectuait des mouvements d’extension. Son pronostic était pauvre et les déficiences résiduelles dont il souffrait devraient persister.

[11] Une lettre non datée de l’employeur de l’appelant, B. Y., président de l’entreprise X, a indiqué que l’appelant avait été incapable de travailler de la fin de janvier 2019 à juillet 2020 en raison d’un accident de motoneige. Il avait toutefois repris le travail en juillet 2020 suite à des accommodements. Son travail comprenait des tâches qui ne dépassaient pas la hauteur de la poitrine et qui n’incluaient pas le montage et le démontage d’échafaudages. L’appelant faisait des tâches qu’il pouvait exécuter compte tenu de ses limitations physiques.

ii. Témoignage

[12] L’appelant a témoigné qu’il a eu un accident de motoneige en 2019. Son bras gauche n’était pas fonctionnel. Il a subi une chirurgie (transfert de nerfs) en avril 2019. Pendant deux ans, il n’avait presque pas de sensation dans son bras et il avait une motricité très limitée.

[13] Il a pris de la morphine pour la douleur et l’inflammation. Il a aussi fait beaucoup de physiothérapie et il continue encore d’en faire. La douleur s’est apaisée donc il n’a plus besoin de prendre des médicaments.

[14] Il a recommencé à travailler en juillet 2020. Son ancien employeur a accepté de le réembaucher, toutefois, il est limité dans ses tâches de briqueteur. Il ne fait pas de préparation ; il travaille avec un bras ; il ne peut travailler seul ; et il ne peut faire du travail que jusqu’à la hauteur de sa taille. Il y a des jours, dépendant des tâches, il ne finit pas ses journées puisqu’il ne peut continuer avec ses restrictions. Il ne fait pas non plus le même salaire qu’avant son accident. Il a expliqué qu’il n’y a pas un autre employeur qui l’engagerait avec ses restrictions. Son employeur l’a réembauché parce qu’il le connaissait comme un bon employé et lui a offert des mesures d’adaptation. L’appelant a dit que ses heures de travail ne sont plus les mêmes. Avant son accident, il faisait jusqu’à 60 heures semaine fréquemment, maintenant il ne réussit pas à faire des pleines journées. Son salaire aussi n’est plus le même, il gagne environ $800 par semaine, ce qui est beaucoup moindre que son salaire avant l’accident. Il a rajouté qu’il a toujours fait un travail physique et ne peut faire un autre emploi avec les limitations de son bras gauche.

[15] L’appelant a aussi expliqué qu’il est très limité dans ses tâches quotidiennes, il ne peut faire grand-chose et il a besoin d’aide.

iii. Position du Ministre

[16] Le Ministre a soumis que bien qu’il soit reconnu que l’appelant ait un usage limité de son membre supérieur gauche, il ne nécessite pas l’utilisation d’appareils d’assistance et son bras dominant n’est pas touché. De plus, l’appelant n’avait signalé aucune autre déficience sur le plan physique.

iv. Capacité résiduelle de travailler

[17] J’ai pris en considération tous les rapports médicaux ainsi que le témoignage de l’appelant. Selon la preuve, l’appelant a un usage très limité de son bras et de son épaule gauche depuis son accident de motoneige en janvier 2019. Il ressort de la preuve qu’avant sa chirurgie en avril 2019, il avait des sensations dans son avant-bras gauche, toutefois, après sa chirurgie, il avait moins de sensations, mais plus de force des doigts, d’amplitude de flexion du poignet et la force du triceps étaient normales. Son médecin de famille avait anticipé une amélioration en 2019, mais le rapport de physiothérapie en 2021 indique que malgré la chirurgie et un programme de rééducation, l’appelant a des déficiences permanentes et que son pronostic est pauvre.

[18] Je ne peux donc nier les limitations de l’appelant liées à son bras et à son épaule gauche comme indiqué dans les rapports médicaux et selon son témoignage et que cette condition existait à sa PMA du 31 décembre 2020.

[19] Fait important, l’appelant travaille pour son employeur de plusieurs années. À première vue, il peut sembler que le fait que l’appelant occupe un emploi stable depuis juillet 2020 témoigne de sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Lors de son témoignage, l’appelant a dit qu’il gagnait environ $800 par semaine. En 2018, avant son accident, son revenu était de $55 900. La position du Ministre est que bien que l’appelant ne puisse exécuter certains des aspects physiques de son ancien travail, les preuves soutiennent qu’il continue à travailler selon ses capacités.

[20] Je ne suis pas d’accord. Selon moi, cela ne prouve pas que l’appelant est capable de travailler. Je dis cela parce qu’il s’agit d’un emploi dans le cadre duquel il bénéficie de mesures d’adaptation importantes.

[21] J’estime que l’appelant est capable d’exécuter son travail uniquement parce que son employeur est bienveillant. Un employeur bienveillant est un employeur prêt à modifier les conditions d’un emploi et ses attentes à l’égard d’une personne en tenant compte de ses limitations. Un employeur bienveillant est prêt à accepter un rendement, un résultat ou un produit considérablement moindre de la part de cette personne que celui qu’il attend des autres employés. De plus, les mesures d’adaptation offertes par un employeur bienveillant dépassent ce qui est attendu d’un employeur dans un milieu de travail concurrentielNote de bas de page 8 . Le fait pour une personne de travailler pour un employeur qui lui offre des mesures d’adaptation et qui n’a pas les mêmes attentes envers elle qu’envers les autres employés ne prouve peut-être pas que cette personne est vraiment capable de travailler. En l’espèce, l’employeur accepte que l’appelant fasse le travail en fonction de ses capacités et il n’a pas les mêmes attentes envers lui qu’envers ses autres employés.

[22] La définition de « grave » porte sur la capacité d’un appelant de travailler dans un milieu de travail valorisant et concurrentiel. Un employeur ne devrait pas avoir à composer avec les absences occasionnelles d’une personne et à lui offrir des mesures d’adaptation en créant un environnement de travail flexible pour permettre à cette personne d’avoir un emploi qu’elle ne pourrait autrement exercer dans un milieu de travail concurrentiel normal. Compte tenu de sa flexibilité quant aux heures de travail, du rendement moindre que l’employeur attend de lui et des mesures d’adaptation qu’il lui offre, l’employeur de l’appelant répond à la définition d’un employeur bienveillant. Pour ces raisons, j’estime que les efforts déployés par l’appelant pour travailler ne prouvent pas qu’il est capable de travailler.

[23] Je détermine que l’appelant travaille pour un employeur bienveillant et que le travail qu’il accomplit n’est pas représentatif du travail qu’il serait appelé à accomplir pour un autre employeur. L’appelant a déclaré que son employeur est très accommodant et qu’il est disposé à laisser l’appelant faire le travail dans les limites de ses capacités. La capacité de l’appelant à travailler pour un employeur bienveillant ne peut être confondue avec sa capacité à travailler de façon générale dans un milieu de travail concurrentiel. Je dois évaluer le volet du critère ayant trait à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 9 . Lorsque je considère que l’appelant doit quitter son emploi lorsqu’il ne peut poser des briques plus haut que sa poitrine, qu’il ne fait pas comme les autres employés le montage et le démontage d’échafaudages, qu’il travaille avec un bras, qu’il ne peut travailler seul, et que dans sa vie personnelle, il est incapable d’accomplir des tâches ménagères, je ne crois pas que l’appelant soit capable de travailler dans un contexte réaliste.

[24] Lorsque la capacité à travailler est démontrée, une personne doit prouver que les efforts déployés pour trouver et conserver un emploi se sont avérés infructueux à cause d’un problème de santéNote de bas de page 10 . Pour les raisons énoncées, je ne considère pas que l’appelant a la capacité de travailler.

[25] Finalement, bien que l’appelant n’a que 38 ans et qu’il a complété ses études secondaires, il n’a pas suivi d’autres cours. Il a expliqué lors de son témoignage que le certificat d’opérateur de chariot élévateur télescopique lui a été décerné suite à une brève explication du fonctionnement de la machine. Il a toujours fait un travail physique. Même s’il serait possible pour l’appelant de se recycler dans un autre domaine, puisqu’il ne peut travailler qu’avec un seul bras, il a besoin d’aide pour effectuer des tâches, il serait incapable de fonctionner dans un cadre professionnel avec ses limitations. L’appelant demeure régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Invalidité prolongée

[26] L’invalidité de l’appelant est aussi prolongée vu les rapports médicaux depuis son accident de motoneige en janvier 2019 qui démontrent que sa condition ne s’est pas améliorée, et qu’il a des déficiences résiduelles et des limitations de son bras et épaule gauche. Suite à la prise de médicaments, bien que la douleur s’est estompée, il demeure limité dans l’utilisation de son bras gauche malgré des sessions depuis deux ans de physiothérapie.

Conclusion

[27] Je conclus que l’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2019 lorsqu’il a été victime d’un accident de motoneige. La pension d’invalidité est payable à compter du quatrième moisNote de bas de page 11 qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commenceront en mai 2019.

[28] L’appel est accueilli.

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