Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 902

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 2 juin 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Lazure
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 23 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-20-1225

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, D. B., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique la raison pour laquelle je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante avait 50 ans à la date de l’audience. Elle avait terminé son secondaire. Elle avait aussi suivi un cours d’informatique en 1993, mais a précisé qu’elle n’avait pas été en mesure de maintenir ces compétences, car elle n’avait jamais eu l’occasion de les pratiquer.

[4] La requérante a parlé de son expérience de travail et son curriculum vitae est aussi au dossierNote de bas page 1. Après avoir terminé son secondaire, elle a travaillé comme commis de cuisine dans deux restaurants, comme préposée à l’entretien pour une entreprise de nettoyage, et comme vendeuse dans une boutique de vêtements. La requérante a aussi dit qu’elle avait travaillé dans une ferme à peler des oignons. Le dernier emploi qu’elle a occupé était comme caissière dans une épicerie.

[5] La requérante a reçu un diagnostic de la maladie de Crohn au début des années 1990Note de bas page 2. Elle a aussi dû composer avec de la douleur aux hanches et aux jambes causées par l’ostéoarthrite, qui l’a amenée à subir deux arthroplasties de la hanche. La requérante a dit avoir des problèmes liés au sommeil, dont l’apnée du sommeil.

[6] La requérante a cessé de travailler comme caissière dans une épicerie lorsque la pandémie a commencé en avril 2020. Elle n’a pas travaillé depuis.

[7] La requérante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 19 octobre 2018, qui est la date à laquelle le ministre a reçu sa demandeNote de bas page 3. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] La requérante estime que « ça suffit » et qu’elle est fatiguée de se pousser depuis plusieurs des années. Elle juge ne plus être capable de travailler en raison de ses divers problèmes de santé, dont la maladie de Crohn, la douleur et le manque d’énergie.

[9] Le ministre affirme que la maladie de Crohn de la requérante est stable, que rien ne révèle la présence de problèmes psychologiques importants, et que le niveau de fonctionnement de la requérante devrait avoir augmenté après sa plus récente opération, lui permettant de faire certains types de travail, même si ce n’est qu’à temps partiel. Le ministre soutient que la requérante a encore une certaine capacité à travailler.

Ce que la requérante doit prouver

[10] Pour que la requérante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité qui était grave et prolongée à la date de l’audienceNote de bas page 4.

[11] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[12] Une invalidité est grave lorsqu’elle rend une personne incapable régulièrement de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 5.

[13] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de la requérante pour évaluer quelle incidence ils ont sur sa capacité à travailler. Je dois également tenir compte de ses antécédents (dont son âge, son niveau de scolarité ainsi que son expérience de travail et de vie). Cela me permet de dresser un portrait réaliste de l’invalidité et d’établir si elle est grave. Si la requérante est régulièrement capable de faire un type de travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[14] Une invalidité est prolongée si elle durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle entraînera vraisemblablement le décèsNote de bas page 6.

[15] Cela signifie qu’il ne peut y avoir une date prévue de rétablissement pour l’invalidité de la requérante. On doit s’attendre à ce que l’invalidité empêche la requérante de retourner sur le marché du travail pendant longtemps.

[16] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[17] Je juge que la requérante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience.

L’invalidité de la requérante est-elle grave?

[18] J’estime que l’invalidité de la requérante n’est pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que voici :

[19] La requérante affirme qu’elle est atteinte de la maladie de Crohn, qu’elle a de la douleur causée par l’ostéoarthrite et un manque d’énergie. Je ne peux cependant pas m’arrêter aux diagnostics de la requéranteNote de bas page 7. En fait, je dois plutôt vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 8. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leur incidence sur sa capacité à travaillerNote de bas page 9.

[20] Je conclus que la requérante n’a pas de limitations fonctionnelles qui la rendraient régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice.

La requérante croit avoir des limitations fonctionnelles en raison de ses problèmes de santé.

[21] La requérante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler :

  • elle est atteinte de la maladie de Crohn depuis l’adolescence;
  • la maladie de Crohn est imprévisible (p. ex., elle peut manger quelque chose et bien aller, puis manger la même chose le lendemain et avoir la diarrhée);
  • elle ne peut pas manger la plupart des fruits et des légumes, ce qui signifie qu’elle manque de nutriments;
  • elle dit que son niveau d’énergie est très faible et qu’elle veut toujours dormir;
  • elle doit s’absenter du travail parce qu’elle est toujours épuisée;
  • elle est atteinte d’ostéoarthrite depuis encore plus longtemps qu’elle n’a la maladie de Crohn et, au fil des ans, elle a eu beaucoup de douleur;
  • elle dit faire de l’apnée du sommeil et avoir de la difficulté à dormir à cause de la douleur;
  • elle est épuisée parce que ça fait des années qu’elle se pousse. Elle dit « je n’en peux plus » et « ça suffit », et elle croit ne plus être capable de travailler.

Je n’étais pas convaincu que les problèmes de santé de la requérante l’empêchent de travailler et que les éléments de preuve médicale appuient ses affirmations.

[22] Je n’étais pas convaincu que les problèmes de santé de la requérante la rendaient effectivement incapable régulièrement de détenir toute occupation véritablement rémunératrice.

[23] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler à la date de l’audience.

[24] En ce qui concerne la maladie de Crohn, je remarque que les cotisations au RPCNote de bas page 10 de la requérante montrent qu’elle a travaillé toute sa vie malgré ce diagnostic. Je note également qu’un rapport de la Dre Laurie Malenfant daté du 16 septembre 2019 précise que sa maladie de Crohn est bien contrôlée ([traduction] « son Crohn semble quand même bien contrôléNote de bas page 11 »). Je n’ai rien vu dans le dossier médical qui me porterait à croire que sa maladie de Crohn s’est aggravée au point où elle pourrait maintenant l’empêcher de travailler.

[25] Pour ce qui est de l’ostéoarthrite de la requérante, les commentaires ci-dessus concernant sa maladie de Crohn s’appliquent également à son ostéoarthrite. La requérante a travaillé toute sa vie malgré son ostéoarthrite (y compris après une première arthroplastie de la hanche) et rien dans le dossier médical n’indique que son état s’est aggravé au point qu’il peut maintenant l’empêcher de travailler. En fait, je remarque que la requérante a déclaré à l’audience que son état s’était amélioré depuis sa deuxième arthroplastie de la hanche.

[26] Quant au manque d’énergie de la requérante, il n’y a malheureusement rien dans la preuve médicale qui le corrobore. La requérante a fait valoir qu’elle ne pouvait pas manger de fruits ou de légumes en raison de sa maladie de Crohn et qu’elle manquait donc de nutriments. Cependant, elle peut manger certains fruits et légumes, et il n’y a aucune preuve de malnutrition ou d’effets de cette situation dans le dossier médical.

[27] En ce qui concerne le sommeil de la requérante, elle a admis à l’audience qu’il s’était amélioré depuis qu’elle utilisait un appareil de ventilation en pression positive continue.

[28] La requérante a eu des problèmes de santé mentale par le passé, notamment une tentative de suicide en mars 2019, mais elle a précisé à l’audience qu’elle n’était pas déprimée. Il n’y a effectivement rien dans la preuve médicale qui montre que la dépression est encore un problème à ce jour.

[29] Lorsqu’on lui a demandé à l’audience si elle pouvait faire un travail plus sédentaire, la requérante a répondu : [traduction] « Je pourrais, oui, mais je ne fais pas confiance à mon cerveau. J’ai de la difficulté à me concentrer et il y a des jours où j’ai de la difficulté à fonctionner, comme aujourd’hui […] ». Encore une fois, rien dans la preuve médicale n’indique que la requérante a des problèmes cognitifs.

[30] Enfin, ce que la requérante a dit à l’audience au sujet des raisons pour lesquelles elle a cessé de travailler et elle ne travaille pas actuellement m’a fait réfléchir. La requérante a déclaré qu’elle a d’abord cessé de travailler en raison de la COVID-19, au tout début de la pandémie, parce que son employeur ne voulait pas qu’elle travaille avec un masque et qu’elle est immunodéprimée. Je crois que je peux prendre connaissance d’office du fait que la situation est passée et que les membres du personnel sont non seulement autorisés à travailler avec des masques, mais qu’ils sont toujours encouragés à le faire à ce jour.

[31] La requérante a ensuite déclaré que [traduction] « le temps que la pandémie commence à s’améliorer […] je n’étais plus capable d’endurer ma hanche, car elle me faisait trop mal ». Je remarque également que ce témoignage portait sur sa deuxième arthroplastie de la hanche et je crois qu’il s’agit de la douleur juste avant ou après l’opération.

[32] Enfin, la requérante a dit qu’en mai de cette année, elle était sur le point de reprendre le travail, mais qu’elle s’était blessée en trébuchant dans un cimetière. La requérante n’a donc pas pu retourner au travail en mai. Toutefois, dans son témoignage, la requérante attribue le fait de ne pas être retournée au travail plus récemment à son manque d’énergie. Comme il a été mentionné plus haut, il n’y a aucune preuve de cela dans le dossier médical.

[33] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve (notamment la preuve médicale) ne démontre pas que la requérante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler à la date de l’audience. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle est atteinte d’une invalidité grave.

[34] Enfin, pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, il faut généralement tenir compte de ses caractéristiques personnelles. C’est ce qui permet d’évaluer sa capacité à travailler sous un angle réalisteNote de bas page 12.

[35] Toutefois, je n’ai pas à le faire dans la présente affaire parce que je ne crois pas que les limitations fonctionnelles de la requérante la rendent incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Autrement dit, elle n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au plus tard à cette dateNote de bas page 13.

Conclusion

[36] Je conclus que la requérante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC, car elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Étant donné ma conclusion sur la gravité de l’invalidité, je n’ai pas eu à évaluer si elle était prolongée.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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