Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CI c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 917

Numéro de dossier du Tribunal: GP-21-513

ENTRE :

C. I.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale, section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Raymond Raphael
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 9 juin 2021
Date de la décision : Le 11 juin 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le délai dont dispose la requérante pour demander une révision du rejet de sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) ne doit pas être prolongé.

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du RPC de la requérante en juillet 2019Note de bas de page 1. La requérante a déclaré qu’elle était incapable de travailler depuis février 2017 en raison de plusieurs problèmes de santé. Ceux-ci comprenaient un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et des dépressions nerveuses constantes, des préoccupations récurrentes liées à des problèmes cardiaques et à des AVC, de l’hypertension et de l’arythmieNote de bas de page 2. Le ministre a rejeté la demande le 16 octobre 2019Note de bas de page 3. Le ministre n’a pas reçu la demande de révision de la requérante avant le 14 décembre 2020, soit après le délai de 90 joursNote de bas de page 4. Le 23 décembre 2020, le ministre a refusé de prolonger le délai accordé à la requérante pour demander une révisionNote de bas de page 5. Cette dernière a donc porté la décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

  1. Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé de prolonger le délai dont disposait la requérante pour demander une révision?
  2. Si la réponse est non, dois-je prolonger le délai en question?

Analyse

[3] La décision du ministre d’accueillir ou de rejeter une demande de révision tardive est discrétionnaire. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 6.

[4] Un pouvoir discrétionnaire est exercé de façon non judiciaire s’il est possible d’établir que la personne ayant rendu la décision :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de façon discriminatoireNote de bas de page 7.

[5] Il ne m’appartient pas de décider si le ministre a pris la bonne décision. Mon rôle est de vérifier s’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Il incombe à la requérante de prouver que le ministre n’a pas agi de façon judiciaire.

[6] J’ai présumé que la lettre de décision initiale du 16 octobre 2019 avait été envoyée à la requérante par la poste. Au Canada, on reçoit habituellement le courrier dans un délai de 10 jours. J’estime donc que la décision lui a été communiquée au plus tard le 28 octobre 2019Note de bas de page 8. Elle avait jusqu’au 27 janvier 2020 pour demander une révisionNote de bas de page 9. Le ministre n’a pas reçu sa demande de révision avant le 14 décembre 2020, soit plus d’un an après que la décision initiale lui a été communiquée.

[7] Comme le ministre n’a pas reçu la demande de révision de la requérante avant le 16 avril 2020, il peut seulement prolonger le délai pour demander une révision s’il est convaincu de ce qui suit :

  • il existe une explication raisonnable pour demander un prolongement du délai;
  • la partie requérante a démontré une intention continue de demander une révision;
  • la demande de révision a des chances raisonnables de succès;
  • accorder un délai plus long pour présenter la demande ne causerait aucun préjudice au ministreNote de bas de page 10.

[8] Il faut satisfaire aux quatre facteursNote de bas de page 11.

Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire

[9] Je dois d’abord établir si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Pour les raisons qui suivent, je conclus que non.

[10] Dans sa demande de révisionNote de bas de page 12, la requérante a affirmé qu’elle n’avait pas donné suite à la demande de révision parce qu’elle pensait que son état de santé s’améliorerait. Elle a également déclaré qu’elle se sentait dépassée par le processus d’appel et qu’elle [traduction] « l’avait mis de côté ». Elle était trop faible pour s’en occuper à ce moment-là. Elle n’était pas en état d’accomplir une tâche [traduction] « intimidante et accablante ». Elle était [traduction] « épuisée » et [traduction] « trop faible pour se battre ». En décembre 2020, son médecin de famille lui a demandé pourquoi elle n’avait pas fait appel de la décision. Cela l’a amenée à déposer la demande de révision.

[11] Dans sa décisionNote de bas de page 13 de refuser de prolonger le délai pour demander une révision, le ministre a dit que la requérante n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour son long retard à demander une révision. Il en est ainsi parce que les renseignements qu’elle a fournis n’ont pas permis d’établir des circonstances exceptionnelles ayant entraîné le retard. Toutefois, le ministre n’a fourni aucune raison pour cette conclusion. De plus, il a soumis la requérante à une norme trop élevée. Il ne faut pas assimiler une « explication raisonnable » à des « circonstances exceptionnelles ». Il se peut que de nombreuses explications raisonnables concernant le non-respect d’un délai n’impliquent aucune circonstance exceptionnelleNote de bas de page 14.

[12] Le ministre a également conclu que la demande de révision n’avait aucune chance raisonnable de succès. Il a affirmé que la requérante n’avait pas fourni de renseignement supplémentaire et n’avait pas expliqué pourquoi la décision était erronée. Le ministre a ignoré des facteurs pertinents. Premièrement, il n’était pas nécessaire que la requérante fournisse de nouveaux renseignements lorsqu’elle a présenté une demande. Différentes personnes qui font les évaluations médicales prennent les décisions initiales et de révision. Elles pourraient arriver à une conclusion différente en se fondant sur les mêmes renseignements médicaux. De plus, la requérante pourrait déposer des documents supplémentaires au cours de la révision. Deuxièmement, la requérante a donné des raisons pour lesquelles la décision était erronée. Elle a déclaré que les documents médicaux montrent clairement qu’elle est atteinte d’une invaliditéNote de bas de page 15.

[13] Comme j’ai conclu que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire, je dois maintenant décider s’il faut prolonger le délai de présentation de la demande de révision.

Le délai de présentation de la demande de révision ne doit pas être prolongé

[14] Si le délai pour demander une révision était prolongé, je suis convaincu que cela ne causerait aucun préjudice au ministre. Je suis également convaincu que la demande de révision a une chance raisonnable de succès. Toutefois, pour les motifs qui suivent, je conclus que la requérante n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle ait une explication raisonnable pour le retard et qu’elle avait l’intention continue de faire appel.

[15] La lettre d’octobre 2019 rejetant la demande de pension d’invalidité de la requérante fournissait des renseignements sur ce qu’elle devait faire si elle n’était pas d’accord avec la décision. Elle devait demander par écrit au ministre de réviser la décision dans les 90 jours suivant la réception de la lettre. Une pièce jointe à la lettre expliquait comment procéder pour ce faireNote de bas de page 16.

[16] La requérante n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard. À l’audience, elle a reconnu avoir reçu la lettre de décision indiquant que sa demande avait été refusée en octobre 2019. Elle a dit l’avoir mise de côté parce que c’était [traduction] « trop pour elle ». En janvier, son assureur a demandé une copie de la lettre de refus. Comme elle n’arrivait pas à la trouver, elle a demandé une copie à Service Canada et l’a envoyée à son assureurNote de bas de page 17. Son assureur n’a pas fait de suivi auprès d’elle concernant l’appel du refus. Il n’a pas insisté pour qu’elle fasse appel.

[17] Elle a tardé à demander une révision parce que le refus n’était [traduction] « pas si important » en raison de son état de santé [traduction] « grave ». Elle était atteinte d’un TSPT, de problèmes cardiaques et de troubles intestinaux. Elle se concentrait sur les urgences médicales et était toujours en [traduction] « mode survie ». Elle a demandé une révision après que son médecin de famille l’a invitée à le faire.

[18] Il ne s’agit pas d’une explication raisonnable du retard. La plupart des personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC ont de graves problèmes de santé. La requérante a choisi de ne pas faire appel parce qu’elle estimait qu’il était plus important de s’occuper de son état de santé. Cependant, rien ne l’empêchait de faire les deux. Elle a été capable d’écrire à Service Canada pour demander une autre copie de la décision de refus. Elle a ensuite été en mesure de l’envoyer à son assureur. Elle a été en mesure de faire la demande de révision après que son médecin de famille l’ait invitée à le faire.

[19] La requérante n’a pas non plus établi qu’elle avait l’intention continue de demander une révision. Elle a seulement décidé de le faire à la demande de son médecin de famille en décembre 2019. Cela a eu lieu plus d’un an après la réception de la décision de refus.

[20] La requérante a seulement pu établir deux des facteurs énoncés au paragraphe 7 dans la présente. Puisque les quatre facteurs doivent être établis, le délai pour présenter la demande de révision ne devrait pas être prolongé.

[21] Ma décision porte seulement sur la question de savoir si le délai accordé à la requérante pour demander une révision de la décision de refus devrait être prolongé. Elle ne porte pas sur la question de savoir si la requérante satisfait aux exigences pour recevoir une pension d’invalidité du RPC. Il ne décide pas si elle est en mesure de satisfaire aux exigences de la pension d’invalidité du RPC. Elle peut décider de présenter une nouvelle demande de pension d’invalidité du RPC.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté.

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