Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NY c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 95

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. Y.
Représentante : Chantelle Yang (avocate)
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Jessica Grant (avocate)

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 juillet 2021 (GP-20-588)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 décembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 21 février 2022
Numéro de dossier : AD-21-317

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis la fin de la période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2001. Le versement de la pension commence en août 2017.

Aperçu

[2] La demanderesse, N. Y. (requérante), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la requérante n’avait pas une invalidité grave. Pour cette raison, elle a conclu que la requérante n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[3] La requérante soutient que la division générale a omis de tenir compte de ses problèmes de santé de façon cumulative. Elle fait valoir que si la division générale avait fait cela, elle aurait conclu qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas de page 1, à savoir le 31 décembre 2001. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de lui accorder une pension d’invalidité.

[4] L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social demande à la division d’appel de rejeter l’appel, peu importe qu’elle conclue ou non que la division générale a commis une erreur.

Question en litige

[5] La seule question à trancher est celle de savoir si la division générale a omis de tenir compte des problèmes de santé de la requérante de façon cumulative.

Analyse

[6] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale seulement si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte des problèmes de santé de la requérante de façon cumulative?

[7] La requérante soutient que la division générale a omis de tenir compte de ses problèmes de santé de façon cumulative. Le ministre fait valoir que la division générale a tenu compte de manière appropriée des problèmes de santé de la requérante de façon cumulative.

[8] La division générale a examiné les problèmes de santé de la requérante, notamment :

  • dépression et symptômes de l’humeur;
  • faiblesse bilatérale des jambes, spasmes aux poignets et au dos;
  • sclérose en plaques (SP);
  • problèmes cognitifs.

[9] La requérante affirme que la division générale était tenue d’examiner ces problèmes de santé collectivement.

[10] Pour faciliter la consultation de la décision de la division générale, j’utiliserai les mêmes sous-titres dans la présente décision.

Dépression et symptômes de l’humeur

[11] De ces troubles, la division générale a décidé que la dépression et les symptômes de l’humeur n’étaient pas présents à la fin de la PMA de la requérante. Toutefois, je remarque que, même si la requérante n’était pas atteinte d’un trouble psychiatrique majeur, une psychiatre l’a trouvée en détresse, ce qui a entraîné des sentiments de frustration, de tristesse et d’anxiétéNote de bas de page 3.

Sclérose en plaques

[12] À première vue, il semble que la division générale ait rejeté les affirmations de la requérante selon lesquelles elle est atteinte de SP. La division générale a écrit : « La preuve médicale confirme que la requérante est atteinte de SP. Je conteste celaNote de bas de page 4. »

[13] La division générale a fait remarquer que la Dre Myles, une neurologue, « a constaté que [les] antécédents [de la requérante] étaient évocateurs d’une SP, mais qu’il n’y avait pas suffisamment d’anomalies pour confirmer un diagnostic précisNote de bas de page 5. » En citant cet écrit, la division générale a donné à penser qu’elle n’était pas totalement convaincue que la requérante était atteinte de SP.

[14] Cependant, le terme « conteste » qu’emploie la division générale semble être une erreur typographique. La membre de la division générale a sans doute voulu dire : « Je ne conteste pas cela. » Le reste de la décision donne à penser que la division générale a reconnu que la requérante est atteinte de SP.

[15] La division générale a noté que la Dre Myles était d’avis que la SP de la requérante « avait été relativement inactive, avec des rechutes à trois ans et demi d’intervalleNote de bas de page 6 ». La division générale semble reconnaître que cela signifiait que la Dre Myles était prête à accepter que la requérante était atteinte de SP. La division générale a terminé son analyse en écrivant : « Bien qu’il puisse y avoir des périodes de rémission, je n’accepte pas un refus du ministre sur la base d’une période de rémission pour une maladie qui est cyclique avec poussées et rémissionsNote de bas de page 7. »

[16] La division générale a également souligné l’opinion du Dr Roberts, un neurologue que la requérante a vu en 1992, en 1998 et de nouveau en 1999. Le Dr Roberts était d’avis que la SP de la requérante était « bien connue et réelleNote de bas de page 8 ».

[17] Puis, à la section qu’elle a intitulée « Problèmes cognitifs », la membre de la division générale a dit qu’elle acceptait l’explication du Dr Roberts selon laquelle les problèmes de mémoire et les problèmes cognitifs de la requérante sont des symptômes de la SP. En d’autres termes, si les problèmes de mémoire et les problèmes cognitifs étaient des symptômes de la SP, la division générale devait avoir reconnu que la requérante est atteinte de SP.

[18] La division générale semblait reconnaître que, bien que la requérante soit atteinte de SP, elle n’avait pratiquement aucune incapacité résiduelle en 2001. En effet, la Dre Myles a constaté qu’au moment de l’évaluation en juin 2001, il n’y avait pratiquement aucune incapacité résiduelle et la maladie avait été relativement inactive, avec des rechutes à trois ans et demi d’intervalle.

Faiblesse bilatérale des jambes, spasmes aux poignets et au dos

[19] La requérante [sic] a reconnu que la requérante avait une faiblesse bilatérale des jambes, un dysfonctionnement des poignets, des spasmes au dos et un problème cognitif. La division générale a toutefois conclu que les éléments de preuve concernant la faiblesse et la douleur aux jambes de la requérante ne démontraient pas une invalidité grave qui l’empêcherait de travailler. La division générale a constaté ce qui suit :

  • la requérante n’a mentionné aucune faiblesse bilatérale des jambes dans sa demande de prestations d’invalidité de 2001;
  • son médecin de famille n’a pas précisé que des traitements ou interventions de spécialistes étaient requis pour ses jambes ou son dos;
  • elle a pris du baclofène pendant un mois seulement pour régler ses problèmes aux jambes;
  • la requérante a pu continuer à conduire;
  • la Dre Myles a indiqué que la requérante n’avait aucune incapacité physique en 2001. (En fait, la Dre Myles a noté que la requérante a signalé plusieurs symptômes physiques, notamment de la douleur au membre inférieur gauche irradiant de la cheville dans la jambe et la hanche et un déséquilibre léger.)

[20] La division générale a conclu que la requérante n’avait pas cessé de travailler en 1999 à cause de limitations reliées à ses jambes, à son dos ou à ses poignets. Elle a cessé de travailler en raison de problèmes cognitifs.

Problèmes cognitifs

[21] La division générale a conclu que la preuve médicale appuyait une légère déficience cognitive en 1999 et en 2018. La division générale semblait dire que la déficience cognitive de la requérante devait être légère depuis 1999.

Évaluation cumulative des problèmes de santé

[22] En résumé, la division générale a conclu que la requérante avait une SP, une légère déficience cognitive, une faiblesse bilatérale des jambes, un dysfonctionnement aux poignets et des spasmes au dos à la date de fin de la PMA. La division générale a jugé que ces problèmes de santé n’étaient pas graves. La division générale a conclu que la dépression et les symptômes de l’humeur de la requérante étaient apparus après la fin de la PMA.

[23] La requérante ne conteste pas les conclusions de la division générale selon lesquelles sa dépression et ses symptômes de l’humeur sont apparus après la fin de la PMA. Elle ne met pas en doute les conclusions de la division générale selon lesquelles elle avait une SP, une légère déficience cognitive, ainsi que d’autres problèmes médicaux à la date de fin de sa PMA. Elle affirme cependant que la division générale n’a pas tenu compte de ces problèmes de santé de façon cumulative. Elle soutient que si la division générale avait fait cela, elle aurait conclu qu’elle était atteinte d’une invalidité grave.

[24] Le ministre fait valoir que la division générale n’avait pas à écrire qu’elle avait tenu compte des problèmes de santé de la requérante de façon cumulative ou un libellé de ce genre, pourvu qu’elle ait effectivement tenu compte des problèmes de cette façon.

[25] Le ministre soutient qu’il ressort clairement des paragraphes 8, 40, et 41 de la décision de la division générale que cette dernière a tenu compte de l’ensemble des problèmes médicaux de la requérante de façon cumulative.

[26] Le paragraphe 8 dit ceci :

La requérante était atteinte de SP et de problèmes cognitifs au moment de sa PMA. Toutefois, le diagnostic de la requérante n’est pas l’élément sur lequel je dois me concentrer Note de bas de page 9. Je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vie Note de bas de page 10. Ainsi, je dois tenir compte de tous les problèmes de santé de la requérante (pas seulement du plus important) et évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 11.

[27] Voici les paragraphes 40 et 41 :

Les éléments de preuve médicale ne montrent pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité d’exercer toute occupation en date du 31 décembre 2001. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle a une invalidité grave.

Pour décider si une invalidité est grave, je dois parfois évaluer l’âge de la personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments permettent de faire une évaluation réaliste de sa capacité de travail. Dans la présente affaire, je n’ai pas à le faire parce que les limitations fonctionnelles de la requérante n’ont eu aucune incidence sur sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2001. Autrement dit, elle n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à ce moment-là.

[28] Le paragraphe 8 est loin de montrer une évaluation cumulative des problèmes de santé de la requérante. La division générale a dit qu’elle était obligée d’évaluer tous les problèmes de santé de la requérante, pas seulement les plus importants.

[29] Bien que la division générale ait clairement évalué chacun des problèmes de santé de la requérante, et pas seulement ses problèmes principaux, la division générale a également dû tenir compte de l’incidence globale de ces problèmes de santé sur la requérante collectivement. La division générale n’a pas dit qu’elle avait également évalué tous les problèmes de santé ensemble.

[30] Les paragraphes 40 et 41 donnent davantage à penser à une évaluation cumulative. On peut habituellement déduire que la division générale a considéré les problèmes de façon cumulative si la ou le membre a examiné si une partie requérante avait des limitations fonctionnelles et l’incidence globale qu’elles avaient sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[31] Cependant, il n’y a aucune analyse de ces limitations fonctionnelles et de la façon dont elles ont eu un effet cumulatif sur l’employabilité de la requérante. Sans une telle analyse, il ne ressort pas clairement que la division générale a tenu compte de la façon dont les effets cumulatifs des problèmes physiques, mentaux et cognitifs de la requérante ont eu sur sa fonctionnalité et son employabilité.

[32] La division générale devait tenir compte de la SP de la requérante, de sa déficience cognitive, de sa faiblesse bilatérale des jambes, de son dysfonctionnement des poignets et de ses spasmes au dos comme un tout et non de manière fragmentaire. Il n’est pas évident qu’elle l’ait fait.

[33] De plus, il ressort clairement de l’opinion du psychiatre de 1999 que la requérante avait des problèmes liés à l’humeur. Elle se sentait en détresse, ce qui a entraîné des sentiments de frustration, de tristesse et d’anxiété. Le psychiatre a écrit que ces symptômes correspondaient à une réaction normale dans sa situationNote de bas de page 12.

[34] Fait intéressant, le psychiatre était également d’avis que, dans le cas de la SP, la requérante pouvait remarquer des fluctuations de son humeur et de son niveau d’anxiété. Le psychiatre pensait aussi que la requérante risquait de développer une dépression si ses symptômes cognitifs ne s’amélioraient pas et si elle était incapable de retourner au travail.

[35] Le Dr Roberts croyait que des tests neuropsychologiques seraient bénéfiques. Cela aiderait à déterminer le niveau de dysfonctionnement mental de la requérante et pourrait peut-être donner une meilleure idée des caractéristiques dépressives non connues de sa maladieNote de bas de page 13.

[36] Bien que la requérante n’ait pas reçu de diagnostic de trouble psychiatrique majeur et que ses symptômes « correspondaient à une réaction normale dans sa situationNote de bas de page 14 », cela ne veut pas dire que ses symptômes liés à l’humeur n’ont pas pu avoir un effet, dans une certaine mesure, sur sa fonctionnalité à la fin de sa PMA.

[37] Mis à part les problèmes liés à l’humeur de la requérante, y compris l’anxiété et des fluctuations possibles de son humeur et de son niveau d’anxiété, il fallait encore que la division générale tienne compte de ses autres problèmes de santé ensemble. Bien que la division générale se soit concentrée sur la SP, sur la déficience cognitive, sur la faiblesse bilatérale des jambes, sur le dysfonctionnement des poignets et sur les spasmes au dos de la requérante, celle-ci avait signalé d’autres symptômes à la Dre Myles.

[38] À titre d’exemple, la Dre Myles a noté que la vision de la requérante se détériorait. La perte de vision a commencé vers le début de 2001 et ne montrait aucun signe d’amélioration. La Dre Myles a décrit la perte de vision comme un symptôme distinct. La requérante a également signalé une [traduction] « fatigue marquée », entre autres symptômes.

[39] Par exemple, tandis qu’elle allait mieux certains jours, la requérante avait beaucoup de problèmes de vue. Sa vision devenait floue un œil à la fois. Elle a affirmé avoir perdu la majeure partie de la vision de son œil gaucheNote de bas de page 15.

[40] Pourtant, la division générale n’a fait référence à aucun de ces autres problèmes médicaux ni à aucun de ces éléments de preuve. On ne sait pas si la division générale a négligé ou a rejeté ces plaintes. Dans ce dernier cas, elle n’a pas expliqué pourquoi elle les a rejetées.

[41] Ces problèmes de santé méritaient d’être pris en considération parce qu’ils auraient pu avoir une incidence considérable sur la fonctionnalité et l’employabilité de la requérante. Ils auraient dû faire partie de l’analyse cumulative de la division générale.

[42] Je suis convaincue que la division générale n’a pas effectué une évaluation cumulative des problèmes de santé de la requérante et de leur incidence sur son employabilité. Cela comprenait des symptômes que la requérante a signalés en 2001 et dont la division générale ne semblait pas avoir tenu compte.

Réparation

[43] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 16. Je peux substituer ma propre décision à celle de la division générale ou renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen. Si je substitue ma propre décision, cela signifie que je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 17.

[44] Ni la requérante ni le ministre ne m’ont demandé de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Il n’y a pas grand-chose à gagner à renvoyer l’affaire à la division générale. La PMA est éloignée. Plus de dix ans se sont écoulés depuis la fin de la PMA de la requérante.

[45] La requérante a eu droit à une audience équitable. Elle était consciente de la cause qu’elle devait présenter. Elle a eu l’occasion de produire des témoins. Rien ne donne à penser qu’il y ait des lacunes dans les éléments de preuve ou qu’il soit nécessaire de les clarifier. Les parties ont produit tous les documents pertinents.

[46] Compte tenu de ces considérations, j’estime qu’il convient d’examiner la présente affaire et de rendre ma propre décision.

Arguments des parties

[47] La requérante me demande de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre selon elle. Elle affirme que la division générale aurait dû conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA le 31 décembre 2001, et que l’invalidité a perduré depuis.

[48] Le ministre soutient que, même si la division générale a commis des erreurs, cela ne modifie pas l’issue parce que la preuve ne permet pas d’établir que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2001.

Substituer ma propre décision

[49] Le ministre reconnaît que la requérante est actuellement gravement invalide. Cependant, le ministre affirme qu’aucun élément de preuve médicale ne montre que la requérante était atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa PMA. J’en suis venue à une conclusion différente.

[50] Le ministre se fonde sur l’opinion de la Dre Myles, neurologue. Elle a écrit que si la requérante était effectivement atteinte de SP, « sa maladie avait été relativement inactive, avec des rechutes à trois ans et demi d’intervalleNote de bas de page 18 ». En d’autres termes, la Dre Myles donnait à penser que le problème de santé de la requérante ne pouvait pas être aussi grave. En effet, la Dre Myles a conclu qu’il n’y avait « pratiquement aucune incapacité résiduelleNote de bas de page 19 ».

[51] Le ministre se fonde également sur l’opinion du médecin de famille. Ce dernier a rempli un formulaire le 27 février 2002 à l’intention du fournisseur d’assurance-invalidité de la requéranteNote de bas de page 20. Cela s’est produit deux mois après la fin de la PMA. Le médecin a vu la requérante ce jour-là.

[52] Le formulaire comprend deux questions concernant l’aptitude de la requérante pour un emploi à l’essai. Voici les questions :

[traduction]

12. La patiente ou le patient est-il un bon candidat pour une forme d’essai à l’emploi?

Pour son occupation          □ Oui       ☒ Non

Pour tout autre travail          ☒ Oui      □ Non

Veuillez fournir des commentaires ou d’autres détails que vous croyez pertinents à la capacité de la patiente ou du patient de retourner au travail.

[53] Le médecin de famille a répondu que la requérante n’était pas une bonne candidate pour une forme d’essai à l’emploi dans sa profession. Mais il jugeait qu’elle était une candidate appropriée pour tout autre travail, accompagné de [traduction] « restrictions d’ordre physique et mentalNote de bas de page 21 ». Le médecin n’a pas décrit ces restrictions.

[54] Le ministre affirme que la requérante devait démontrer qu’elle était incapable de travailler pour des raisons de santé. Toutefois, le ministre soutient que, lorsque des éléments de preuve comme le rapport du médecin de famille montrent que la requérante avait encore une capacité de travail, la loi exigeait qu’elle trouve un emploi convenant à son état de santé.

[55] Le ministre a reconnu que la requérante craignait que tout nouvel employeur découvre qu’elle est atteinte de SP, ce qui entraînerait son congédiement. Mais le ministre affirme que ses craintes ne la dispensaient pas de l’obligation de rechercher du travail qui convenait à son état.

[56] En bref, le ministre soutient que la requérante n’a pas satisfait à toutes les exigences pour être admissible à une prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[57] Je vais examiner les dossiers médicaux les plus importants. Les deux rapports médicaux sur lesquels le ministre se fonde sont parmi ceux qui se rapprochent le plus de la fin de la PMA. Pour cette raison, on leur accorderait normalement une grande importance.

L’opinion du 20 juin 2001 de la neurologue, selon laquelle la requérante n’avait « pratiquement aucune incapacité résiduelle » était inexacte

[58] La Dre Myles était d’avis que la requérante n’avait pratiquement aucune incapacité résiduelle lorsqu’elle l’a vue au milieu de 2001. Et si la requérante était atteinte de SP, la maladie était relativement inactive, les rechutes étant séparées de trois ans et demi. Il y a cependant deux lacunes flagrantes dans l’opinion de la neurologue :

  1. i. La Dre Myles n’avait pas un portrait médical global.
  2. ii. Les conclusions de la Dre Myles ne concordaient pas avec les dossiers médicaux et avec les antécédents qu’elle a obtenus auprès de la requérante.

[59] Je vais commenter chacun de ces éléments.

La Dre Myles n’avait pas un portrait médical global

[60] La Dre Myles a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’anomalies, et elle n’était donc pas prête à confirmer un diagnostic de SP, malgré les antécédents cliniques de la requérante. La Dre Myles est allée jusqu’à dire que les antécédents étaient évocateurs de la SP.

[61] L’absence d’« anomalies objectives » semble avoir teinté l’opinion de la Dre Myles quant à la gravité de l’invalidité de la requérante. Pourtant, elle n’avait pas un portrait médical global.

[62] Si la Dre Myles avait eu une copie de tous les dossiers médicaux disponibles, elle aurait pu confirmer que la requérante était atteinte de SP et qu’elle avait des limitations.

[63] La Dre Myles a indiqué qu’elle n’avait pas de copie de résultats d’IRM. L’IRM de septembre 1992 a révélé des lésions cérébrales. La radiologiste a trouvé que c’était caractéristique d’une maladie démyélinisanteNote de bas de page 22. Si la Dre Myles avait eu une copie de cette IRM du cerveau de la requérante à l’époque, elle aurait probablement dû accepter que la requérante est atteinte de SP. L’état clinique de la requérante appuyait également un tel diagnostic.

[64] Un tomodensitogramme a été effectué le 16 novembre 1999. La Dre Myles n’était pas non plus au courant des constatations du tomodensitogramme.

[65] La radiologiste a écrit que les résultats montraient une atrophie modérée du lobe frontal et temporal bilatéralNote de bas de page 23. La radiologiste n’a pas expliqué l’importance de ces constatations, mais elles pourraient expliquer le dysfonctionnement cognitif de la requérante.

[66] Tout comme l’IRM du cerveau de 1992, une plus récente, prise en décembre 2018, a également montré de multiples lésions. La radiologiste a confirmé que les lésions multiples correspondaient à des antécédents cliniques de SPNote de bas de page 24.

[67] En effet, dans une lettre subséquente datée du 28 août 2007, il est indiqué qu’à un moment donné, la Dre Myles a reçu une copie de l’IRM de 1992. C’est alors qu’elle a été prête à accepter que la requérante était atteinte de SPNote de bas de page 25.

Les conclusions de la Dre Myles ne concordaient pas avec les dossiers et les antécédents de la requérante

[68] La Dre Myles a conclu que, si la requérante était effectivement atteinte de SP, la maladie avait été relativement inactive au cours des trois dernières années et demie et il n’y avait pratiquement pas d’incapacité résiduelle. Pourtant, sa conclusion ne concordait pas avec les antécédents qu’elle avait obtenus auprès de la requérante. La conclusion était également incompatible avec les dossiers médicaux.

[69] La requérante a décrit ses symptômes à la Dre Myles. Elle a signalé un dysfonctionnement cognitif (y compris des problèmes de mémoire à court terme), des douleurs, une fatigue marquée, des spasmes au dos, des problèmes de fonctionnement de la vessie et d’équilibre. Sa vision s’était également détériorée au cours des six mois précédents. La Dre Myles a noté ces plaintes.

[70] La Dre Myles a également souligné que la requérante avait de la difficulté à déterminer quand ses symptômes avaient commencé. La Dre Myles a décidé qu’il y avait eu une période de trois ans et demi de SP relativement inactive. Cela coïncide avec le moment où la requérante a subi une diminution de la vision et un engourdissement du visage.

[71] Cependant, la requérante a vu le Dr Roberts de nouveau après sa perte de vision en décembre 1997. Son médecin de famille l’a renvoyée consulter le Dr Roberts en août 1999. Cette fois-ci, il s’agissait d’une évaluation de la perte de mémoire et de la diminution des capacités mentales. La requérante a également signalé un engourdissement du visage et une vision floue.

[72] Lorsque la requérante a revu le Dr Roberts en août 1999, elle a décrit qu’elle avait fait des erreurs au travail au moins depuis l’année précédente. Elle travaillait pour une institution financière. L’employeur avait des préoccupations importantes au sujet de plusieurs aspects du rendement. Elle avait fait des erreurs répétées, ce qui était inhabituel. L’employeur lui a demandé de faire évaluer ses capacités mentales et de se prévaloir d’une assurance-invalidité de courte et de longue duréeNote de bas de page 26. La requérante a compris que son employeur lui demandait de démissionnerNote de bas de page 27.

[73] Le Dr Roberts a déclaré dans son rapport qu’il mènerait d’autres enquêtes. Il a suggéré que le médecin de famille fasse une évaluation psychologique si les tests étaient négatifs. Cela permettrait d’évaluer formellement la mémoire de la requérante.

[74] Le médecin de famille de la requérante a rédigé un rapport daté du 20 août 1999. Il a écrit que la requérante avait [traduction] « une perte de mémoire et était facilement confuseNote de bas de page 28 ». Il lui a posé un diagnostic de SP et de démence légère, secondaire à la démyélinisation associée à la SP.

[75] En novembre 1999, la requérante a vu un psychiatre, à la demande de son fournisseur d’assurance-invalidité. Le psychiatre a également décelé une déficience cognitiveNote de bas de page 29. La requérante a donné des antécédents de diminution de la concentration et de difficulté avec la mémoire à court terme.

[76] En mars 2000, le médecin de famille a écrit à l’assureur, indiquant qu’un suivi auprès d’une ou d’un neurologue serait bénéfique pour la requéranteNote de bas de page 30. Le médecin de famille s’est référé aux suggestions de gestion du Dr Roberts. On ne sait pas ce que ces suggestions auraient pu être, à part peut-être une évaluation neuropsychologique. Le Dr Roberts ne semble pas avoir fait d’autres recommandations de traitementNote de bas de page 31. Il ne semble pas avoir revu la requérante après 1999.

[77] En février 2001, le médecin de famille a rédigé une autre déclaration. Il a décrit les symptômes de la requérante. Le requérant avait une [traduction] « faible énergie; une déficience cognitive légère à modérée; une faiblesse croissante des membres inférieursNote de bas de page 32 ». Le pronostic était le suivant [traduction] : « stabilisation avec déficience qui se poursuit ». Le médecin estimait que la requérante ne pouvait pas remplir les fonctions de son dernier emploi, ou exercer des fonctions exigeantes physiquement ou mentalement.

[78] Le médecin de famille a rédigé un rapport médical du Régime de pensions du Canada en juillet 2001. Il a déclaré que la requérante avait de la faiblesse, de la fatigue et une déficience cognitiveNote de bas de page 33.

[79] La requérante a demandé une pension d’invalidité en juillet 2001Note de bas de page 34. Dans le questionnaire accompagnant la demande, elle a écrit qu’elle avait cessé de travailler en 1999 à cause de ses problèmes de mémoire, de concentration, de vision et de fatigue. Elle devenait confuse et facilement contrariée. Parfois, elle avait de la difficulté à poursuivre une conversation. Elle mélangeait les mots. Elle a également constaté que sa force physique allait et venait. Certains jours étaient bons, d’autres nonNote de bas de page 35.

[80] Le rapport médical du Régime de pensions du Canada rempli par le médecin de famille de la requérante indique qu’elle avait de la faiblesse, de la fatigue et une déficience cognitiveNote de bas de page 36.

[81] En janvier 2002, la requérante a demandé au ministre de réviser sa demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 37. C’était peu de temps après la fin de la PMA. La requérante a décrit comment elle se sentait à ce moment-là.

  • Elle avait de la difficulté à marcher et à se tenir debout. Le baclofène soulageait la douleur palpitante, mais elle avait toujours une douleur lancinante. Au jour le jour, elle ne savait pas combien de temps sa jambe allait tenir. Une fois, sa jambe gauche ne bougeait pas. Elle a dû s’accrocher à une étagère pour se soutenir.
  • Fatigue.
  • Ses problèmes de vision allaient et venaient; elle avait donc de fréquents maux de tête. Elle avait de la difficulté à lire à cause de sa vision. Elle devenait [traduction] « très fatiguée » lorsqu’elle lisait.
  • Les changements de température (p. ex., prendre une douche chaude) pouvaient faire en sorte qu’elle ait un voile noir devant les yeux, qu’elle se sente faible et qu’elle tombe.
  • Elle avait de la faiblesse dans les bras; elle pouvait donc prendre beaucoup de temps pour faire des choses comme se laver les cheveux.
  • Problèmes de mémoire.

[82] Enfin, dans le rapport médical du Régime de pensions du Canada de novembre 2003, le médecin de famille a signalé que la SP de la requérante avait été inactive jusqu’en 1999. En d’autres termes, la maladie était active depuisNote de bas de page 38.

[83] Il ressort clairement des rapports médicaux de 1999 à 2001 qu’il était inexact de dire que la requérante n’avait « pratiquement aucune incapacité résiduelle » ou que sa SP était « relativement inactive » entre 1997 et le milieu de 2001.

[84] La preuve démontre de façon flagrante que la SP de la requérante était active. La preuve montre également que la requérante a éprouvé des symptômes de SP à la fin de sa PMA. Les symptômes comprenaient une déficience visuelle, une déficience cognitive, y compris une perte de mémoire et une confusion facile, des problèmes d’équilibre, une fatigue marquée, des troubles du sommeil, une faiblesse croissante des membres inférieurs et de la douleur. Comme la requérante l’a indiqué dans sa lettre de janvier 2002, son état de santé était imprévisible d’un moment à l’autre.

[85] Habituellement, on se fie à un rapport comme celui de la Dre Myles parce qu’elle l’a rédigé vers la fin de la PMA de la requérante. Toutefois, ses conclusions selon lesquelles la requérante n’avait pratiquement aucune incapacité résiduelle et que sa SP était relativement inactive sont incompatibles avec les dossiers et les antécédents que la requérante lui a fournis. Pour cette raison, j’estime que son rapport n’est pas une mesure fiable de la gravité de l’invalidité de la requérante.

[86] Comme le rapport de la Dre Myles n’est pas fiable, il faut lui accorder peu de poids ou de considération au moment de décider si la requérante était gravement invalide à la fin de sa PMA. Je n’accepte pas ses conclusions selon lesquelles la SP de la requérante a été relativement inactive au cours des trois ans et demi précédents et qu’il n’y avait pratiquement aucune incapacité résiduelle au milieu de 2001.

Les médecins conviennent que la déficience cognitive de la requérante l’a rendue inapte à son emploi antérieur

[87] Les médecins conviennent que l’état de santé de la requérante la rendait inapte à occuper son ancien emploi d’administratrice de prêts à temps partiel ou à temps pleinNote de bas de page 39. Le psychiatre était d’avis que :

[traduction]

Les déficits cognitifs de la [requérante] l’empêcheraient de fonctionner de façon appropriée. Ce qui est également problématique, c’est qu’elle ne comprend pas les erreurs qu’elle commet. Les erreurs entraîneront des difficultés pour les clients et la banque. De plus, le fait de la placer dans un milieu de travail où elle commettra ces erreurs pourrait lui coûter son emploi. Autrement dit, personne ne profiterait du fait qu’elle travaille avec ses déficits actuels. Les facteurs précis qui la touchent à l’heure actuelle comprennent des problèmes de mémoire, des problèmes de prise de décisions et des problèmes de fonctionnement cognitif. Les compétences verbales et mathématiques semblent touchéesNote de bas de page 40.

[88] Les symptômes de la requérante ont clairement eu une incidence sur son travail antérieur. En effet, sa déficience cognitive — sa mémoire, sa prise de décision, sa concentration et son état confus — lui a coûté son emploi d’administratrice de prêts.

[89] La requérante était manifestement inapte à son emploi antérieur. Toutefois, pour satisfaire aux exigences en matière d’invalidité du Régime de pensions du Canada, la requérante devait être régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur, et pas seulement son emploi antérieur. Ou, comme l’a dit la Cour d’appel fédérale, son invalidité devait l’empêcher de gagner sa vieNote de bas de page 41.

[90] Le Dr Roberts et le psychiatre se sont concentrés sur l’aptitude de la requérante au travail d’administratrice de prêts à temps partiel ou à temps plein. Ni le Dr Roberts ni le psychiatre n’a précisément abordé la question de savoir si la requérante pouvait rechercher d’autres possibilités d’emploi dans les limites de ses capacités.

Le médecin de famille était d’avis que la requérante pouvait effectuer d’autres tâches

[91] Dans son rapport médical du 3 juillet 2001, le médecin de famille a indiqué qu’il avait vu la requérante pour la dernière fois en mai 2001. Il a écrit que l’examen au bureau avait été normal. Même si elle avait des limitations, comme la faiblesse, la fatigue et une déficience cognitive, il était d’avis qu’elle [traduction] « allait bien actuellementNote de bas de page 42 ».

[92] Le médecin de famille n’a pas noté tous les symptômes, comme la perte de vision, que la requérante éprouvait. Plus important encore, il n’a pas expliqué pourquoi il croyait que la requérante allait bien si elle éprouvait de la faiblesse et de la fatigue, ainsi qu’une déficience cognitive.

[93] Le médecin de famille a rédigé un rapport deux mois après la fin de la PMA. Il était d’avis que, même si la requérante avait des restrictions physiques et mentales non précisées, elle était apte à d’autres tâchesNote de bas de page 43. Il n’a pas dit quel autre travail elle pouvait faire selon lui, à quelles limitations elle faisait face, ou si elle aurait besoin de mesures d’adaptation, le cas échéant.

Ce qu’est une invalidité grave selon le Régime de pensions du Canada

[94] Le médecin de famille de la requérante a déclaré que cette dernière pouvait faire du travail autre qu’à titre d’administratrice de prêts. Toutefois, le critère d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’est pas de savoir si une requérante ou un requérant est apte à occuper un autre emploi. Bien qu’il y ait une composante d’employabilité au critère, l’emploi doit être véritablement rémunérateur. Autrement dit, une personne doit pouvoir gagner sa vie grâce à cet autre emploiNote de bas de page 44.

[95] De plus, le critère relatif à l’invalidité a une dimension de régularité. Selon l’article 42(2)(a)(i) du Régime de pensions du Canada, une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[96] Comme la Cour d’appel fédérale l’a maintenu dans une affaire intitulée VillaniNote de bas de page 45, chacun des mots de l’article 42(2)(a)(i) du Régime de pensions du Canada doit avoir un sens. Lorsqu’on l’interprète de cette façon, une partie demanderesse est gravement invalide si elle est « incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératriceNote de bas de page 46 ».

[97] Dans une affaire intitulée AtkinsonNote de bas de page 47, la Cour d’appel a souligné que la prévisibilité est essentielle à la régularité. C’est un point de vue ayant été adopté dans d’autres affaires, notamment BalkanyiNote de bas de page 48 et RiccioNote de bas de page 49.Dans l’affaire Riccio, la Cour d’appel a conclu que le terme « régulièrement » correspond à la réalité selon laquelle les employés, même les employés à temps partiel, « sont censés se présenter au travail aux dates et aux heures prévuesNote de bas de page 50 ».

[98] De plus, lorsqu’on examine les occupations hypothétiques pour lesquelles une partie requérante est considérée comme apte, on doit également réfléchir à sa situation particulière. Cela comprend la prise en compte de facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 51. C’est le critère de « Villani ».

L’état de santé et la situation de la requérante

[99] Les éléments de preuve médicale précédant la fin de la PMA révèlent les faits suivants :

  • Pendant plusieurs mois en 1992, elle a ressenti de la faiblesse à la main droite et une perturbation sensorielle à la jambe gauche. Une IRM a révélé des lésions. Le Dr Roberts a diagnostiqué une maladie démyélinisante chez la requérante.
  • À la fin de 1997 et au début de 1998, la requérante avait une perte de vision à l’œil gauche, ce qui la rendait incapable de lire. Elle a également connu une fatigue accrue et une légère perte d’équilibreNote de bas de page 52.
  • Au milieu de 1999, la requérante a commencé à éprouver une perte de mémoire et était facilement confuse. Ses capacités mentales étaient réduites et sa vision était floue. Son médecin de famille lui a aussi diagnostiqué une légère démence. Elle avait fait des erreurs au travail. Elle a déclaré que son employeur lui avait demandé de démissionner et de faire évaluer ses capacités mentales. Le Dr Roberts a ensuite décrit ces symptômes comme une perte globale de la fonction mentale en partie liée à la SPNote de bas de page 53. En septembre 1999, le Dr Roberts lui a posé un diagnostic d’hypothyroïdieNote de bas de page 54.
  • En novembre 1999, la requérante a vu un psychiatre à la demande de son assureur. Elle avait des problèmes de mémoire et de la difficulté à prendre des décisions et à suivre des procédures de routine. Elle n’était pas consciente des difficultés cognitives ayant mené à des erreurs. D’autres personnes, y compris de la clientèle, ont constaté ses déficiencesNote de bas de page 55. Le psychiatre a noté que les compétences verbales et mathématiques étaient touchées. Il était d’avis que la requérante était susceptible de développer une dépression secondaire.
  • En 2000, le médecin de famille de la requérante a convenu qu’un suivi auprès d’une ou d’un spécialiste serait bénéfique pour elleNote de bas de page 56. Il croyait à tort que la requérante continuait de consulter un neurologue.
  • - Au début de 2001, le médecin de famille a noté la faible énergie de la requérante sa déficience cognitive légère à modérée et la faiblesse croissante de ses membres inférieurs. La requérante ne retournerait pas au travail, tant que sa dysfonction cognitive ne serait pas réglée. Le médecin de famille a déterminé qu’elle était incapable d’accomplir des tâches exigeantes sur le plan physique ou mentalNote de bas de page 57. Le médecin de famille était d’avis qu’elle pouvait généralement s’attendre à une perte progressive de ses fonctions, mais qu’elle se portait bien à ce moment-làNote de bas de page 58.
  • La requérante a vu la Dre Myles au milieu de 2001. La requérante a signalé une détérioration de sa vision au cours des six mois précédents, sans amélioration. Elle a également signalé des problèmes de mémoire à court terme, une fatigue marquée, des douleurs aux membres inférieurs gauches rayonnant de la cheville vers la jambe et la hanche, un léger déséquilibre, des spasmes au dos et des troubles du sommeil. Sans avoir vu les examens diagnostiques, la Dre Myles n’était pas prête à confirmer le diagnostic de SP, même s’il lui semblait que la prestataire souffrait d’une maladie rémittente récurrenteNote de bas de page 59.
  • La Dre Myles a recommandé un programme d’exercice pour améliorer le sommeil et la douleur, mais comme elle a constaté que la requérante n’avait pas d’incapacité résiduelle, elle a déclaré que celle-ci n’était pas admissible à une immunomodulation.
  • Cependant, la Dre Myles a eu tort de conclure que la requérante n’avait aucune incapacité résiduelle, alors que celle-ci a signalé qu’elle présentait plusieurs symptômes de SP.
  • En décembre 2001, la requérante a eu des radiographies du bassin, de la hanche gauche, du genou gauche, de la cheville gauche et du bas du dos. Il y avait un rétrécissement dans la région L5-S1 et des lippes ostéophytiques dans les segments L3-L4 et L2-L3 de la colonne. Le rétrécissement et les lippes ostéophytiques pourraient expliquer les maux de dos de la requérante.

[100] Lorsque la requérante a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, elle a expliqué pourquoi elle avait cessé de travailler. Elle avait des problèmes de mémoire, de fatigue constante, de concentration et de visionNote de bas de page 60. Elle a signalé qu’elle devenait confuse et facilement contrariée. Parfois, elle avait de la difficulté poursuivre une conversation. Elle mélangeait les mots. Elle a également constaté que sa force physique allait et venait. Certains jours étaient bons, d’autres nonNote de bas de page 61. Elle se plaignait de spasmes au dos et d’étourdissements.

[101] Lorsque le ministre a rejeté sa demande, la requérante lui a demandé une révisionNote de bas de page 62. Elle a signalé que ses problèmes de vision allaient et venaient; elle avait donc de fréquents maux de tête. Elle avait de la difficulté à lire, ce qui la fatiguait. Elle se demandait comment on pouvait s’attendre à ce qu’elle fasse un type de travail donné de façon régulière, alors qu’elle ne pouvait pas prévoir comment elle irait d’un jour à l’autre. Elle ne savait pas quand sa jambe allait tenir, sans se dérober, ou quand elle aurait besoin de se reposer.

[102] La requérante a souligné que même son employeur, un groupe diversifié de services financiers, n’était pas préparé ou n’était pas disposé à lui offrir un autre emploi, même si elle travaillait pour l’entreprise depuis plus de 20 ans et qu’elle était une employée très respectée jusqu’à ce que ses problèmes de santé surgissent.

L’invalidité de la requérante était grave et continue de l’être

[103] La requérante avait 41 ans à la fin de sa PMA. Elle a fait des études secondaires. Elle a travaillé seulement dans le secteur financier et pour un seul employeur (son employeur initial a fusionné avec une autre institution financière). Elle a commencé à travailler comme commis au courrier, puis elle est devenue secrétaire aux hypothèques. Ensuite, elle a commencé à travailler comme administratrice des prêts. Elle a occupé ce poste pendant environ 15 mois, lorsque son employeur lui a demandé de se prévaloir d’une assurance-invalidité de courte durée et de consulter un médecin. La requérante n’a pas travaillé depuis.

[104] Compte tenu de ces facteurs, les études et l’expérience de travail de la requérante ont limité les occupations hypothétiques auxquelles elle était apte.

[105] De toute évidence, la requérante était inapte à faire tout ce pour quoi elle avait de la formation ou de l’expérience de travail. C’était principalement en raison de sa perte de vision et de sa déficience cognitive, ce qui, selon elle, la rendait facilement confuse et parfois incapable de lire. Sa déficience cognitive a aussi nui à sa mémoire à court terme et à sa capacité de suivre des procédures de routine. Il est évident que la requérante aurait été incapable de s’acquitter de tâches administratives ou de bureau.

[106] Le médecin de famille de la requérante croyait que cette dernière se portait bien en 2001 et qu’au début de 2002, elle était apte à d’autres tâches, avec des restrictions physiques et mentales.

[107] Cependant, les dossiers médicaux de la requérante pour 2001 et pour le début de 2002 montrent que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle détienne une occupation véritablement rémunératrice pendant une période durable. Même si elle passait de bonnes journées, son état était imprévisible dans l’ensemble. La requérante avait à la fois des problèmes physiques et cognitifs. Cela comprenait la perte de vision, la faiblesse des extrémités, le déséquilibre, la fatigue et les problèmes cognitifs. Son état variait d’un jour à l’autre et d’un mois à l’autre.

[108] Les problèmes de santé de la requérante — considérés séparément — peuvent ne pas avoir été graves à la fin de 2001. Cependant, si on les examine ensemble, en tenant compte de leur nature imprévisible quant au moment où ils pourraient survenir, la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[109] Son médecin de famille a dit qu’elle aurait pu chercher d’autres possibilités d’emploi en dehors de son domaine professionnel. Cependant, cela aurait exigé un employeur bienveillant qui tiendrait compte de la nature imprévisible de son invalidité. Elle ne pouvait pas prévoir quand elle pourrait perdre sa vision ou son équilibre, et encore moins savoir si elle pouvait compter sur ses capacités cognitives.

[110] La requérante aurait pu être en mesure de se présenter au travail à la plupart des dates et heures prévues, mais elle aurait été incapable de répondre régulièrement aux exigences d’un emploi, même si elles n’étaient pas particulièrement exigeantes physiquement ou mentalement. La requérante avait à la fois des troubles cognitifs — confusion, troubles de la mémoire, déficits verbaux et mathématiques — et des problèmes physiques, comme une perte de vision et des problèmes de déséquilibre.

[111] Je dois aborder deux autres questions : (1) le respect des recommandations de traitement et (2) les résultats de test normaux.

Respect des recommandations de traitement

[112] Les dossiers médicaux indiquent que la requérante n’a pas fait l’objet de beaucoup d’examens médicaux ou de traitements en 2000 et en 2001 pour sa SP. L’absence de traitement indique habituellement que l’état de santé d’une personne n’est pas si grave.

[113] Cependant, le Dr Roberts n’a fait aucune recommandation de traitement particulière pour la SP de la requéranteNote de bas de page 63. Il partageait l’avis du psychiatre selon lequel des tests neuropsychologiques seraient bénéfiques. Ces tests serviraient à déterminer le niveau de dysfonctionnement mental de la requérante et pourraient peut-être donner une meilleure idée des caractéristiques dépressives non reconnues de sa maladie.

[114] Toutefois, il ne semble pas que le Dr Roberts ou le psychiatre ait communiqué cette recommandation à la requérante. Ni le fournisseur d’assurance-invalidité ni le médecin de famille n’ont pris les dispositions nécessaires pour qu’elle passe un test neuropsychologique.

[115] La Dre Myles a indiqué que si elle avait pu confirmer la SP, elle aurait recommandé un immunomodulateur (c.‑à‑d. une pharmacothérapie). Mais le médecin de famille a constaté qu’il n’y avait pas de traitement efficace pour la SPNote de bas de page 64. Autrement, il considérait que la requérante se conformait aux recommandations de traitement. À cet égard, je signale que la requérante assistait à des réunions de groupes de soutien aux personnes atteintes de SP chaque moisNote de bas de page 65. J’estime qu’elle s’est conformée aux recommandations qu’elle a reçues.

Résultats de test normaux

[116] La division générale a donné à penser que la requérante ne pouvait pas être atteinte d’une invalidité grave si son fonctionnement cognitif était normal en 2018Note de bas de page 66. Le médecin de famille a aussi signalé que la requérante n’avait pas non plus de déficit moteur brut à ce moment-làNote de bas de page 67. La division générale semblait donner à penser que la requérante exagérait son état ou qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité à l’époque.

[117] Pourtant, le fait de se fier aux résultats d’un test à un moment donné ne tient pas compte de la nature rémittente récurrente de la maladie de la requérante. Il est clair, d’après les antécédents cliniques généraux et les preuves médicales recueillies sur plusieurs années, que la déficience cognitive de la requérante est réelle. Il existe une preuve médicale objective irréfutable selon laquelle la requérante a de multiples lésions cérébrales, ce qui confirme la SP.

[118] Le fait que la requérante ait pu être apte en décembre 2018 n’a pas diminué la gravité de son incapacité. C’était simplement le reflet de la nature imprévisible de la maladie. En effet, la membre de la division générale l’a reconnu lorsqu’elle a expliqué pourquoi elle n’a pas accepté le refus de la demande de la requérante par le ministre. La membre a déclaré qu’elle n’acceptait pas le refus du ministre parce qu’il était « fondé sur une période de rémission pour une maladie qui est cyclique avec poussées et rémissionsNote de bas de page 68 ».

[119] J’accepte que la requérante est atteinte d’une invalidité grave depuis la fin de sa PMA et qu’elle l’est toujours.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[120] La preuve montre également que l’invalidité de la requérante est prolongée. En juillet 2001 et de nouveau en novembre 2003, le médecin de famille a déclaré que, normalement, la requérante pouvait s’attendre à une perte progressive de ses fonctionsNote de bas de page 69. Cela a été prouvé.

[121] L’état général de la requérante s’est détérioré depuis la fin de sa PMA. En novembre 2003, le médecin de famille a signalé que la requérante avait constaté un déclin de la fonction cognitive. En juillet 2004, le médecin de famille a consigné une exacerbation des symptômes sur deux ans. La faiblesse de la jambe gauche de la requérante, par exemple, était devenue constante, et sa vision s’était légèrement détérioréeNote de bas de page 70.

[122] Même la Dre Myles a déclaré qu’elle s’attendait à ce que, si la requérante avait une déficience cognitive, la maladie [traduction] « aurait progressé considérablement au fil du temps » depuis 1992, année où la requérante [traduction] « avait une très légère incidence de la maladieNote de bas de page 71 ».

[123] Le pronostic de la requérante était [traduction] « mauvaisNote de bas de page 72 » et [traduction] « défavorableNote de bas de page 73 ». Le médecin de famille était d’avis que l’état de la requérante ne s’améliorerait probablement pas, car il n’y avait pas de traitement efficace pour la SPNote de bas de page 74.

Versement d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada

[124] La requérante a présenté quatre demandes de pension d’invalidité. Elle a déposé sa première demande en juillet 2001. Toutefois, son appel actuel concerne sa demande du 25 juillet 2018. Je dois donc utiliser la date de la demande de juillet 2018 pour décider de la date réputée d’invalidité de la requérante.

[125] Selon la demande qu’elle a présentée le 25 juillet 2018Note de bas de page 75, la requérante peut être réputée invalide au titre de l’article 42(2)(b) du Régime de pensions du Canada au plus tôt en avril 2017.

[126] Si la date réputée de l’invalidité est en avril 2017, au titre de l’article 69 du Régime de pensions du Canada, la pension d’invalidité est payable quatre mois plus tard, c’est-à-dire à compter d’août 2017.

Conclusion

[127] J’accueille l’appel. La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité est grave et prolongée depuis la fin de sa période minimale d’admissibilité. Le versement de la pension commence en août 2017.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.