Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 923

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 29 septembre 2020 (transmise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Tyler Moore
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante

Date de la décision : Le 21 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-20-2002

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, A. S., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a 55 ans. Elle a travaillé pour la dernière fois à temps plein comme contrôleuse fiscale de janvier 1991 à août 2017. Elle a précisé ne plus pouvoir travailler depuis janvier 2016 en raison de la perte de fonction de son épaule et de son bras droits et de la douleur qui y est associée, et d’une déchirure grave de la coiffe des rotateurs qui a dû faire l’objet d’une chirurgie. Elle est droitière.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 11 décembre 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La requérante affirme qu’elle a déjà subi deux interventions à l’épaule droite, sans succès. Elle est actuellement sur une liste d’attente pour subir une chirurgie de reconstruction de l’épaule droite. Elle a eu deux chirurgies à l’épaule droite dans les années 1990. Elle continue d’avoir une utilisation limitée de son bras et de sa main gauche, et l’état de son bras et sa main gauche se détériore, car elle compense. La requérante doute de pouvoir détenir un quelconque type de travail dans un contexte réaliste compte tenu de ses limitations fonctionnelles.

[6] Le ministre reconnaît que la requérante a des douleurs à l’épaule droite et au bras droit, ainsi qu’une perte d’amplitude de mouvement. La chirurgie de reconstruction devrait cependant améliorer ses capacités fonctionnelles. Les limitations qu’elle s’attend à avoir après la chirurgie pourraient limiter sa capacité à reprendre un emploi exigeant physiquement, mais on s’attend à ce que son état s’améliore et qu’elle soit capable de détenir un autre type d’emploi.

Ce que la requérante doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, la requérante doit démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2020. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[8] Le RPC définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si la requérante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraînera vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de la requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] J’estime que la requérante n’a pas démontré qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

[15] L’invalidité de la requérante n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion après avoir évalué plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

La requérante avait des limitations fonctionnelles, mais elles ne l’empêchaient pas d’effectuer quelque travail que ce soit

[16] La requérante souffre d’une déchirure chronique de la coiffe des rotateurs droite, d’asthme et d’hypertension. Son hypertension et son asthme sont stables et gérés de façon conservatrice à l’aide de médicaments. Je ne peux pas, cependant, me concentrer sur ses diagnosticsNote de bas de page 4. Je dois plutôt chercher à savoir si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 5. Pour ce faire, je dois examiner toutes les conditions médicales de la requérante (pas seulement la principale) et penser à la façon dont elles ont affecté sa capacité de travaillerNote de bas de page 6.

[17] J’estime que la requérante avait des limitations fonctionnelles, mais qu’elles ne l’ont pas empêché de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Ce que la requérante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[18] Dans l’ensemble, j’ai trouvé que la requérante n’était pas complètement franche dans son témoignage. Elle était inquiète, et son témoignage était quelque peu évasif. Par exemple, lorsqu’on lui a d’abord demandé si elle avait ou utilisait un ordinateur à la maison, elle a affirmé qu’elle n’utilisait pas d’ordinateur parce qu’elle n’en avait pas. Au fil des questions, son témoignage a changé et elle a reconnu qu’elle utilisait les ordinateurs de son fils et de sa fille à la maison. Pour cette raison, j’ai accordé plus de poids aux éléments de preuve médicale contenus dans le dossier d’audience.

[19] La requérante affirme que son état de santé a causé des limitations fonctionnelles qui ont affecté sa capacité de travailler. Elle affirme ce qui suit :

  • Elle n’a pas conduit depuis 2017 parce que son bras droit est faible lorsqu’elle tient le volant. Elle utilise les transports en commun.
  • Elle a de la difficulté à utiliser un couteau pour couper la nourriture avec sa main droite.
  • Elle doit compter sur sa sœur et sur sa fille adulte pour l’aider à faire l’épicerie et l’entretien de la maison. Sa sœur lui apporte de la nourriture et l’épicerie environ trois fois par semaine.
  • Avant la mise en place des restrictions liées à la COVID, elle allait prendre un café ou manger avec des amis ou des collègues environ une fois par semaine.
  • Elle aimait se rendre au centre commercial ou au cinéma avant les restrictions liées à la COVID.
  • Elle cuisinait une grande quantité de nourriture à la maison, ce qui lui permettait de tenir quelques jours.
  • Elle a arrêté de coudre en 2016, car c’était trop douloureux.
  • Elle accompagnait son fils en autobus à ses pratiques de baseball.
  • Elle comptait sur ses voisins pour pelleter la neige.

[20] La requérante a affirmé qu’elle vivait dans une maison en rangée de trois étages avec son fils de 14 ans et sa fille adulte, lorsque cette dernière n’était pas à l’université. Elle a décrit une journée typique du mois de décembre 2020. Elle se levait le matin, elle se préparait et faisait le déjeuner, elle reconduisait son fils à l’arrêt d’autobus, elle lisait un peu, elle regardait la télévision, elle allait marcher, elle faisait certaines tâches dans la maison, et elle utilisait parfois l’ordinateur de son fils ou de sa fille. Elle cuisinait un peu, elle faisait l’épicerie et la lessive. Elle trouvait difficile de faire la lessive, car elle était empilée et devait l’atteindre. Elle allait à l’église quelques fois par mois et allait à des séances d’aquathérapie avant l’imposition des restrictions liées à la COVID.

Ce que la preuve médicale dit au sujet des limitations fonctionnelles de la requérante

[21] La preuve médicale appuie le fait que la requérante avait des limitations, mais que les traitements n’avaient pas tous été essayés. Par exemple :

  • En avril 2018, le Dr Hall, chirurgien orthopédique, a rapporté qu’en raison de ses limitations, la requérante ne peut pas effectuer de travaux pour lesquels elle doit placer ses bras au-dessus de la tête, soulever des poids, pousser ou tirer avec vigueur; il précisait qu’elle pouvait soulever des objets de 10 lb ou moins seulement.
  • En décembre 2018, le Dr Hall a noté que les chirurgies antérieures à l’épaule n’ont pas réussi. La dernière chirurgie de reprise de la requérante s’est déroulée en août 2017, soit le moment où elle a arrêté de travailler. Le Dr Hall a recommandé une chirurgie de reconstruction de la coiffe des rotateurs droite. Il a précisé qu’après la chirurgie, elle aurait des restrictions permanentes au travail.

[22] Je dois souligner que la preuve médicale au dossier portait principalement sur l’état de son épaule droite. Il n’y avait aucune mention de limitations fonctionnelles de l’épaule ou du bras gauche qui auraient eu une incidence sur sa capacité de travailler au 31 décembre 2020.

[23] Je vais ensuite examiner si la requérante a suivi les conseils des médecins.

La requérante n’a pas épuisé toutes les options de traitement

[24] La requérante a suivi les conseils médicaux dans l’ensemble, mais la chirurgie de reconstruction de l’épaule qui devrait améliorer la fonction de son épaule et de son bras droit n’a pas encore été effectuéeNote de bas de page 7. La requérante a affirmé ce qui suit :

  • Elle a suivi des traitements de physiothérapie jusqu’en 2018, quand son médecin lui aurait conseillé d’arrêter les séances, car cela ne l’aidait pas.
  • Elle a pris du Tramadol pour la dernière fois environ un mois avant l’audience, et elle prenait de l’Oxycontin une ou deux fois par semaine. Elle prenait également des médicaments pour l’hypertension et utilisait un inhalateur pour l’asthme occasionnellement.
  • Elle a fait de l’aquathérapie jusqu’à ce que les restrictions liées à la COVID soient mises en place.
  • Elle est sur la liste d’attente pour la chirurgie de reconstruction de son épaule droite par le Dr Hall. Ce dernier prévoyait le rétablissement de sa fonction dans les six à neuf mois suivant la chirurgie.
  • Une consultation avec un neurologue était prévue le lendemain de l’audience pour évaluer un tremblement de la main et du bras gauches qui venait de commencer. Selon la requérante cependant, le tremblement a commencé il y a quelques mois seulement.

[25] En décembre 2010, la requérante avait recours aux médicaments rarement et de façon conservative, et elle attendait la chirurgie qui devait améliorer son état.

[26] Je dois maintenant décider si la requérante a la capacité régulière de détenir d’autres types de travail. Pour que son invalidité soit considérée comme grave, ses limitations fonctionnelles doivent l’avoir empêchée de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 8.

Le travail de la requérante dans un contexte réaliste

[27] Pour décider si la requérante est capable de travailler, je dois non seulement tenir compte de son état de santé et de ses incidences sur ce qu’elle peut effectuer, mais également d’autres facteurs :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses expériences antérieures de travail et de vie.

[28] Ces facteurs m’aident à décider si la requérante peut travailler dans un contexte réaliste; autrement dit, s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 9.

[29] Je juge que la requérante peut travailler dans un contexte réaliste. Elle avait 54 ans et elle maîtrise l’anglais. Elle a complété trois ans d’université en administration et en gestion de l’information. Elle a travaillé dans le domaine de la comptabilité comme perceptrice d’impôts et vérificatrice de l’impôt. Elle a de bonnes aptitudes en informatique. J’estime qu’elle a de nombreuses compétences transférables. Je reconnais également qu’elle a des limitations fonctionnelles liées à son épaule et à son bras droits, mais elle a fait peu d’efforts pour trouver un autre type d’emploi ou pour se recycler.

La requérante n’a pas essayé de trouver et de conserver un emploi convenable

[30] Si la requérante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver un emploi et de le conserver. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont été infructueux en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 10. Trouver et conserver un emploi comprend le recyclage ou la recherche d’un emploi qui tient compte de ses limitations (autrement dit, un emploi comportant des mesures d’adaptation)Note de bas de page 11.

[31] Après sa chirurgie à l’épaule droite de janvier 2016, la requérante a repris son ancien emploi. Elle a dit qu’il est très difficile pour elle de travailler à temps plein à l’ordinateur. Elle a épuisé toutes ses journées de vacances et de maladie. Elle a poursuivi jusqu’à ce qu’elle cesse de travailler pour subir sa chirurgie à l’épaule en août 2017.

[32] La requérante a expliqué que son travail exigeait l’utilisation soutenue d’un ordinateur portable. Elle devait également visiter des clients hors site pour examiner leurs dossiers comptables. Cela signifiait qu’elle devait porter un sac avec elle qui pesait jusqu’à 40 lb. Elle devait conduire fréquemment et sur de longues distances pour rencontrer les clients. Entre sa chirurgie à l’épaule en 2016 et la chirurgie de reprise lorsqu’elle a cessé de travailler en août 2017, la seule modification qui a été apportée à son travail était qu’elle n’avait pas à se déplacer pour rencontrer les clients. Elle a continué à devoir travailler sur son ordinateur portable toute la journée.

[33] La requérante reçoit des prestations d’invalidité à long terme par l’intermédiaire de son employeur depuis août 2017. Elle n’a pas cherché un autre travail convenable ni tenté de se recycler. Je reconnais que la requérante n’était peut-être pas en mesure d’effectuer un travail à temps plein en utilisant un ordinateur portable, mais ses efforts limités pour tenter de détenir un autre travail n’ont pas réussi à me convaincre qu’elle était régulièrement incapable de travailler au 31 décembre 2020.

[34] Par conséquent, je ne peux pas conclure que la requérante avait une invalidité grave au 31 décembre 2020.

Conclusion

[35] J’estime que la requérante n’est pas admissible à une pension du RPC parce que son invalidité ne correspond pas à la définition de l’adjectif « grave ». Il restait des options de traitements qui auraient pu atténuer sa situation. De plus, elle n’a pas tenté de détenir un autre travail. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à me demander si elle était prolongée.

[36] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.