Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 934

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 20 novembre 2020
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Thomas Vulpe
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : S. B. (appelant/requérant)
H. B. (épouse de l’appelant/du requérant)
Date de la décision : Le 15 décembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-340

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant, S. B., n’est pas admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada avant mars 2019. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 24 février 2020Note de bas page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social lui a accordé des prestations d’invalidité le 4 mai 2020. Les versements ont commencé en mars 2019. Il s’agit de la rétroactivité maximale permise par le Régime de pensions du Canada.

[3] L’appelant a demandé que ses prestations d’invalidité soient versées à compter de janvier 2016. Il a présenté une déclaration d’incapacité le 22 juillet 2020Note de bas page 2. Le ministre a rejeté sa demande d’incapacitéNote de bas page 3. L’appelant a demandé une révision de cette décision, mais le ministre l’a refusée.

[4] L’appelant a donc fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le Tribunal a tenu une conférence préparatoire à l’audience avec l’appelant, son épouse et une représentante du ministre le 8 juillet 2021. La conférence visait à expliquer les dispositions du Régime de pensions du Canada relatives à l’incapacitéNote de bas page 4.

[6] Une audience a eu lieu le 5 octobre 2021. À la suite de l’audience, le Tribunal a autorisé l’appelant à fournir une déclaration d’incapacité réviséeNote de bas page 5. Le ministre a également fourni des observations révisées le 13 décembre 2021Note de bas page 6.

Ce que je dois décider

[7] L’appelant est-il admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada avant mars 2019?

[8] Il s’agit notamment de décider si l’appelant a satisfait au critère relatif à l’incapacité, c’est-à-dire s’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande avant février 2020.

Motifs de ma décision

[9] J’ai décidé que le ministre avait raison de commencer à verser les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada de l’appelant en mars 2019. L’appelant ne satisfaisait pas au critère relatif à l’incapacité, de sorte que ses prestations d’invalidité ne pouvaient pas être versées avant cette date. J’ai rendu cette décision en examinant les questions suivantes.

Le ministre avait le droit de commencer les versements en mars 2019

[10] Les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada peuvent être versées à compter du quatrième mois qui suit le mois où la personne est devenue invalideNote de bas page 7. De plus, une personne ne peut être considérée comme étant invalide plus de 15 mois avant que le ministre ait reçu sa demandeNote de bas page 8.

[11] Le 24 février 2020, le ministre a reçu la demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada de l’appelant. Novembre 2018 représente 15 mois avant la date de la demande de février 2020. Le ministre a jugé que l’appelant est considéré comme étant devenu invalide en novembre 2018. Mars 2019 représente quatre mois après novembre 2018. Le ministre a commencé à verser les prestations d’invalidité à l’appelant en mars 2019. Il a bien suivi la disposition énoncée dans le Régime de pensions du Canada.

[12] En résumé, le ministre avait raison de commencer à verser les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada à l’appelant en mars 2019.

La disposition relative à l’incapacité ne s’applique pas à l’appelant

[13] Le Régime de pensions du Canada prévoit une exception à la règle sur la rétroactivité. C’est ce qu’on appelle la disposition relative à l’incapacitéNote de bas page 9. Lorsqu’elle s’applique, cela signifie que la demande de prestations du Régime de pensions du Canada d’une personne peut être traitée comme si elle avait été présentée avant qu’elle ne le soit.

[14] Pour être en mesure d’invoquer la disposition relative à l’incapacité, l’appelant devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande entre janvier 2016 et février 2020. J’ai beaucoup de sympathie pour l’appelant. Je sais qu’il a des problèmes et des défis considérables en matière de santé. Toutefois, il ne satisfait pas au critère relatif à l’incapacité. Voici pourquoi.

[15] Il n’est pas facile de prouver l’incapacité. Il importe peu si l’appelant ne savait pas qu’il devait présenter une demande ou s’il ne pouvait pas remplir le formulaire de demande. Il devait être incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Ce n’est pas différent d’avoir la capacité de former l’intention de faire d’autres choix pertinents dans la vieNote de bas page 10.

[16] Pour décider si l’appelant satisfaisait au critère relatif à l’incapacité, j’ai dû examiner la preuve médicale ainsi que les éléments de preuve concernant ses activités pendant la période où il affirme ne pas avoir été en mesure de présenter une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas page 11.

La preuve médicale n’appuie pas une conclusion d’incapacité

[17] J’estime que ni les déclarations d’incapacité ni la preuve médicale n’appuient une conclusion d’incapacité.

[18] Je juge que les déclarations d’incapacité ne justifient pas une conclusion d’incapacité pour les deux raisons suivantes :

  • l’état de santé décrit par le médecin ne correspond pas au fait qu’une personne est incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations du Régime de pensions du Canada;
  • l’incapacité est décrite comme étant continue; toutefois, l’appelant s’est livré à des activités qui ne concordent pas avec une conclusion d’incapacité pendant la période d’incapacité déclarée.

[19] Le Dr Neumann a rempli une déclaration d’incapacité le 22 juillet 2020Note de bas page 12 et a fourni une déclaration révisée le 3 novembre 2021Note de bas page 13 à la demande de l’appelant. Dans les deux cas, le Dr Neumann affirme que la principale incapacité invalidante de l’appelant est la rupture bilatérale de la coiffe des rotateurs, qui n’a pas été entièrement traitée avec la chirurgie.

[20] Il ne fait aucun doute que l’appelant est atteint d’un important trouble invalidant qui a entraîné une douleur considérable et limité ses activités quotidiennes. L’appelant avait également des problèmes de prostate et une hernie, ce qui a nécessité une intervention chirurgicale. Il a aussi d’autres problèmes de santé, éprouve de vives douleurs et prend des analgésiques. Il semble être atteint de dépression et avoir été traité pour ce problème de santé. Le ministre a convenu que l’appelant est invalide. Toutefois, une invalidité n’est pas la même chose qu’une incapacitéNote de bas page 14.

[21] Malgré la déclaration du Dr Neumann, j’estime qu’un diagnostic médical d’une rupture bilatérale de la coiffe des rotateurs ne décrit pas un problème de santé qui rendrait l’appelant incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander des prestations. Il n’y a pas de preuve médicale que cet état physique ou l’un des autres problèmes ou traitements a nui à la capacité de l’appelant de penser et de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada entre janvier 2016 et février 2020.

[22] L’incapacité doit également être continueNote de bas page 15. L’appelant a demandé des prestations d’invalidité du Régime en février 2020Note de bas page 16. Il a signé le formulaire; ce n’est pas une représentante autorisée ou un représentant autorisé qui a rempli sa demande. Aucune procuration n’existe ou n’existait pour l’appelant. L’appelant a aussi signé sa demande de révision, reçue le 12 novembre 2020Note de bas page 17, et son avis d’appel du Tribunal, reçu le 11 février 2021Note de bas page 18. De plus, l’appelant a démontré qu’il était pleinement en mesure de participer à la conférence préparatoire à l’audience le 8 juillet 2021 et à l’audience le 5 octobre 2021. Il a participé à toutes ces rencontres pendant la période présumée d’incapacité continue.

[23] Le Dr Neumann précise dans les déclarations du 22 juillet 2020 et du 3 novembre 2021 que l’incapacité de l’appelant a commencé le 5 janvier 2016 et est continue. J’estime que l’appelant ne peut pas à la fois être atteint d’une incapacité de janvier 2016 à juillet 2020 ou à novembre 2021 (de façon continue) et se livrer à de nombreuses activités qui ne correspondent pas à une incapacité continue.

[24] Pour ces motifs, j’accorde très peu de poids à la déclaration d’incapacité du Dr Neumann comme appui à une conclusion d’incapacité de l’appelant.

[25] L’appelant affirme que les douleurs constantes et les analgésiques l’ont rendu incapable de présenter une demande plus tôt. Il ajoute que son état d’esprit émotionnel et psychologique l’a empêché de demander des prestations plus tôt. La preuve médicale n’appuie pas la conclusion selon laquelle la douleur ou le traitement de la douleur a empêché l’appelant de présenter une demande. Encore une fois, je reconnais que l’appelant a connu d’énormes difficultés en raison de son état invalidant, mais je ne peux pas conclure que ces problèmes de santé l’ont empêché de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.

[26] Je dois également examiner les activités de l’appelant entre janvier 2016 et février 2020 pour voir ce qu’elles révèlent au sujet de sa capacité.

Les activités de l’appelant n’appuient pas une conclusion d’incapacité

[27] L’appelant a assisté à de nombreux rendez-vous médicaux dans le cadre de son diagnostic et de son traitement de divers problèmes de santé de janvier 2016 à février 2020. Il a également reçu des traitements médicaux pour d’autres problèmes, ce qui a nécessité des rendez-vous et des décisions concernant ses soins et son rétablissementNote de bas page 19.

[28] Le fait d’assister à ces rendez-vous et de participer aux décisions concernant ses soins médicaux ne correspond pas à une conclusion d’incapacité en vertu du Régime de pensions du Canada.

[29] Dans son témoignage, l’appelant a insisté sur le fait que son épouse et ses enfants répondaient à toutes les questions et prenaient toutes les décisions concernant ses soins et son traitement à tous les rendez-vous médicaux pendant la période d’incapacité présumée. Je ne trouve pas cet argument crédible ou vraisemblable.

[30] En août 2017, l’appelant a pris rendez-vous avec le Dr ChinNote de bas page 20. Lors de ce rendez-vous, le Dr Chin a discuté des options de traitement avec l’appelant. Les notes de ce rendez-vous sont assez détaillées, et le médecin ne laisse pas entendre que l’appelant n’a pas participé aux décisions relatives à ses propres soins et traitements. Au contraire, les notes de ce rendez-vous font état d’une discussion approfondie des options sur la façon de procéder, qui comprend deux options principales. Dans ses notes, le médecin parle clairement à l’appelant en prenant le temps d’examiner les options. Ils discutent également d’un voyage en Inde pour voir comment les choses évoluent, car le traitement est quelque peu au point mort. Je conviens avec le ministre que la participation de l’appelant à ce rendez-vous ne concorde pas avec une conclusion d’incapacité.

[31] En plus des nombreux rendez-vous médicaux, l’appelant a fait l’objet d’une évaluation des capacités fonctionnelles en novembre 2018Note de bas page 21. Il a participé activement aux différentes activités d’évaluation. Cette évaluation comprend une série de tâches qui exigent que l’appelant se conforme aux instructions et fournisse des réponses aux questions concernant ses limitations fonctionnelles. Je conviens avec le ministre que la capacité de l’appelant à participer à cette évaluation ne concorde pas avec une conclusion d’incapacité.

[32] Lorsque j’ai mentionné à l’appelant ces rendez-vous comme preuve de sa capacité, son épouse et lui ont expliqué qu’elle s’occupait de tous ses soins, assistait à tous ses rendez-vous médicaux et parlait en son nom. Je suis certain que l’appelant a bénéficié d’une aide considérable pour gérer certains aspects de sa vie pendant cette période. Toutefois, son épouse n’aurait pas pu remplir l’évaluation des capacités fonctionnelles en son nom. Je ne trouve pas non plus crédible que l’appelant n’ait pas discuté de ses propres soins médicaux avec le Dr Chin, compte tenu de la preuve dont je dispose.

[33] Le critère relatif à l’incapacité est rigoureux, et j’estime que les activités de l’appelant décrites ci-dessus ne concordent pas avec une conclusion d’incapacité en vertu du Régime de pensions du Canada.

L’appelant a déclaré qu’il ne savait pas qu’il pouvait présenter une demande

[34] À au moins trois reprises, l’appelant et son épouse ont fait la déclaration suivante : [traduction] « si nous avions été au courant des prestations d’invalidité du [Régime de pensions du Canada], nous aurions présenté une demandeNote de bas page 22 ». Je suis d’accord avec le ministre pour dire qu’un manque de connaissance des prestations n’est pas la même chose que le fait de ne pas avoir la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations. La loi est très claire à cet égardNote de bas page 23. Dans les trois cas, l’appelant et son épouse ont fait ces déclarations spontanément.

[35] Lorsque j’ai demandé à l’appelant et à son épouse pourquoi ils avaient fait ces déclarations, ils ont répondu que ce n’était pas ce qu’ils voulaient dire. L’appelant n’a pas répondu directement à ma question, mais a plutôt expliqué la douleur et les défis liés à son état et à de nombreux problèmes de santé à l’époque, qui sont tous deux reconnus comme des faits. J’estime que leurs déclarations sont un aveu direct de leur déception à l’égard du fait qu’ils n’étaient pas familiers avec les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada et que, pour cette raison, l’appelant n’avait pas présenté de demande plus tôt.

Conclusion

[36] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Il a énormément souffert de ses problèmes invalidants. Je comprends qu’il croit que son état de santé et sa situation l’ont empêché de présenter une demande plus tôt. Cependant, la loi sur l’incapacité est étroitement définie comme le fait d’avoir la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Malheureusement, je ne peux pas l’aider. J’ai appliqué la loi telle qu’elle est énoncée dans le Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas l’ignorer pour des raisons de compassion.

[37] Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant n’était pas continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité entre janvier 2016 et février 2020. Comme il ne répond pas au critère relatif à l’incapacité, je ne peux pas considérer qu’il a présenté une demande avant février 2020. Le versement des prestations ne peut pas commencer avant mars 2019.

[38] L’appel est rejeté.

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