Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 289

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante (requérante) : A. D.
Partie intimée (Ministre) : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 16 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 janvier 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 12 janvier 2022
Numéro de dossier : GP-21-1150

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, A. D., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi j’ai rejeté l’appel.

Aperçu

[3] La requérante avant 46 ans lorsqu’elle a cessé de travailler comme vendeuse au détail (décoratrice) dans un magasin de peinture et de papier peint en octobre 2014. Elle a subi une opération à l’œil droit en février 2006 et a fini par perdre la vue dans cet œil. La requérante est retournée travailler comme vendeuse au détail en 2006, 2007 et 2008. Elle a choisi de ne pas travailler en 2009 et 2010. La requérante est ensuite retournée travailler comme vendeuse au détail en 2011, 2012 et 2014. Elle n’a occupé aucun emploi depuis octobre 2014.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 29 janvier 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La requérante dit qu’à la fin de 2010, elle avait des migraines, des problèmes de perception de la profondeur, de désorientation, de dépression, de digestion ainsi que de douleur sciatique.

[6] Le ministre affirme qu’il est possible qu’il y ait eu une progression de la maladie de l’œil de la requérante, et que celle-ci ait besoin d’une autre opération à l’œil en 2021. Toutefois, le ministre dit qu’à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) de la requérante (et à la date calculée au prorata potentielle), la requérante n’avait aucune déficience invalidante grave à l’œil puisqu’elle aurait eu une bonne vision à l’œil gauche et que son glaucome était aux stades précoces en 2013 (après la date de fin de sa PMA).

Ce que la requérante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité qui était grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2010. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[8] Le ministre a tenu compte de la rémunération que la requérante a obtenue en 2011 pour effectuer le calcul au prorata. Si la requérante n’était pas invalide au moment où sa PMA a pris fin en décembre 2010, elle doit prouver qu’elle est devenue invalide avant la date calculée au prorata du 30 juin 2011Note de bas de page 2.

[9] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave lorsqu’elle rend une partie requérante régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[11] Cela signifie que je dois examiner tous les problèmes de santé de la requérante pour établir quelle incidence ils ont sur sa capacité à travailler. Je dois également tenir compte de différents facteurs (comme son âge, son niveau de scolarité ainsi que son expérience de travail et de vie). Cela me permettra de dresser un portrait « réaliste » de la gravité de son invalidité. Si la requérante est régulièrement capable d’occuper un emploi qui lui permet de gagner sa vie, elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[13] Cela signifie qu’il ne peut pas y avoir de date prévue de rétablissement pour l’invalidité de la partie requérante. Il faut aussi que l’on s’attende à ce que l’invalidité empêche la partie requérante de retourner sur le marché du travail pendant longtemps.

[14] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit atteinte d’une invalidité.

Motifs de ma décision

[15] J’estime que la requérante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2010, ou à la date calculée au prorata du 30 juin 2011.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

[16] L’invalidité de la requérante n’était pas grave. Je suis arrivé à cette conclusion en examinant plusieurs facteurs que j’aborderai plus bas.

Les limitations fonctionnelles de la requérante n’avaient pas d’incidence sur sa capacité à travailler à la fin de sa PMA ou à la date calculée au prorata

[17] La requérante a eu un décollement de la rétine dans l’œil droit en 2066 et une opération en février 2006. La requérante a ensuite appris qu’elle avait une cataracte traumatique à l’œil droit, pour lequel elle a subi une opération au laser en 2008. Toutefois, je ne peux pas me concentrer uniquement sur le diagnostic de la requéranteNote de bas de page 5. Je dois plutôt évaluer si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 6. Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé de la requérante (pas seulement le principal) et réfléchir aux répercussions qu’ils ont sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 7.

[18] J’estime que la requérante n’avait pas des limitations fonctionnelles invalidantes à la fin de sa PMA le 31 décembre 2010 ou à la date calculée au prorata du 30 juin 2011.

Ce que dit la requérante au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] La requérante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité à travailler. Elle dit que lorsqu’elle travaillait au magasin de peinture, elle devait parfois retourner à la maison plus tôt parce qu’elle avait des migraines. Elle dit également qu’elle a commencé à avoir de la difficulté à soulever des choses en raison de douleur au dos. De plus, la requérante affirme avoir des problèmes de vue et de perception de la profondeur.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de la requérante

[20] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles avaient une incidence sur sa capacité à travailler au plus tard le 31 décembre 2010, ou à la date calculée au prorata du 30 juin 2011Note de bas de page 8.

[21] La preuve médicale n’appuie pas ce que la requérante affirme pour les raisons suivantes :

[22] Premièrement, le Dr Igbinovia a posé les diagnostics suivants chez la requérante en février 2020 : douleurs chroniques au bas du dos, anxiété, dépression, migraines et reflux gastro-œsophagien (voir les pages GD2-278 et GD2-282 du dossier d’appel). Toutefois, le Dr Igninova [sic] a précisé que ces problèmes de santé étaient tous asymptomatiques depuis 2017-2018. Je comprends que la requérante a expliqué qu’elle a été impliquée dans un accident de voiture en 2017 et que son état de santé s’est détérioré. Néanmoins, l’accident de voiture s’est produit environ six ans et demi après la fin de la PMA de la requérante et la date calculée au prorata.

[23] Deuxièmement, la Dre Tong (ophtalmologiste) n’a pas déclaré que la requérante avait une déficience invalidante en raison de son opération à l’œil droit en 2006. De plus, la requérante est retournée au travail après avoir eu son opération à l’œil en 2006, 2007 et 2008. Je reconnais que la requérante a déclaré qu’elle a éprouvé des problèmes de vue et de perception de la profondeur après son opération en 2006. Je comprends également qu’il s’agissait d’une période difficile pour la requérante. Cependant, les rapports médicaux appuient l’observation du ministre selon laquelle la requérante avait une vision raisonnablement bonne dans l’œil gauche et que son glaucome en était aux premiers stades en 2013 (soit après la fin de sa PMA). De plus, la Dre Tong a déclaré en janvier 2013 que la requérante était en bonne santé (voir la page GD2-192 du dossier d’appel).

[24] Troisièmement, la Dre Gerber (psychiatre) a diagnostiqué chez la requérante, en septembre 2017, un trouble dépressif majeur (épisode unique) et un trouble de la douleur associé à un trouble psychologique et à un problème de santé général. La Dre Gerber a expliqué précisément que l’accident de voiture de la requérante en juin 2017 lui avait causé des douleurs chroniques, de l’anxiété et de la dépression (voir les pages GD2-67 à GD2-108 du dossier d’appel). Je reconnais que l’état de santé de la requérante s’est aggravé après son accident de voiture. Toutefois, l’accident de voiture de la requérante en juin 2017 s’est produit bien après la fin de sa PMA et la date calculée au prorata potentielle.

[25] En résumé, la preuve ne démontre pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de travailler au plus tard le 31 décembre 2010, ou à la date calculée au prorata du 30 juin 2011. Par conséquent, la requérante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave.

[26] Pour décider si une invalidité est grave, il faut généralement que je tienne compte des caractéristiques personnelles de la partie requérante. Cela me permet d’évaluer sa capacité de travail de façon réalisteNote de bas de page 9. Je n’ai pas à le faire dans la présente affaire parce que les limitations fonctionnelles de la requérante n’ont pas eu d’incidence sur sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2010, ou à la date calculée au prorata du 30 juin 2011.

[27] Cela signifie que la requérante n’a pas prouvé que son invalidité était grave au plus tard à la fin de sa PMA ou à la date calculée au prorataNote de bas de page 10.

Observations supplémentaires de la requérante

[28] Je comprends que la requérante a eu de la difficulté à retourner à son emploi de vente au détail en 2006. La requérante a déclaré qu’elle avait des migraines, des problèmes de vue et de perception de la profondeur, et de la difficulté à soulever des choses. Pourtant, la requérante a continué de travailler et de gagner un revenu en 2006, 2007 et 2008 (voir la page GD3-5 du dossier d’appel). De plus, la requérante a travaillé après la fin de sa PMA (et la date calculée au prorata). Par exemple, la requérante a travaillé comme vendeuse au détail en 2012 (et a gagné 10 725 $). De plus, la requérante est retournée au travail en 2014. Cependant, la requérante a expliqué que l’employeur l’avait congédiée à ce moment-là parce qu’il n’y avait pas suffisamment de clients anglophones à servir.

[29] Je reconnais également que la requérante n’a déclaré aucune rémunération pour les années 2009 et 2010. Lors de l’audience, la requérante a été franche à ce sujet lorsqu’elle a expliqué qu’elle avait pris la décision personnelle de rester à la maison en 2009 et 2010. Elle n’a pas dit qu’elle ne pouvait pas travailler durant ces années. Elle a plutôt expliqué qu’en raison de ses circonstances personnelles, elle avait décidé de rester à la maison à ce moment-là.

 [30] Je constate également que la requérante a expliqué les circonstances entourant la fin de son emploi de vendeuse en octobre 2014. La requérante a déclaré qu’elle n’avait pas quitté son emploi à ce moment-là, mais que l’employeur l’avait informée que son emploi était redondant et qu’il n’y avait pas suffisamment de clients anglophones à servir. De plus, la requérante a expliqué qu’en septembre 2014, l’état de santé de son époux s’était détérioré et qu’elle avait décidé de rester à la maison et de devenir son [traduction] « aidante naturelle non rémunérée ».

[31] Enfin, j’aimerais aborder le témoignage de la requérante selon lequel elle s’est opposée au « délai » qui lui a été imposé pour démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Plus précisément, la requérante a expliqué qu’il n’était pas [traduction] « correct » que la date de fin de sa PMA soit 2010 et qu’elle s’y opposait par principe. Je reconnais que la requérante était mécontente et contrariée au sujet de la date de fin de sa PMA. Cependant, la requérante n’a pas dit que le calcul du ministre était inexact, mais seulement qu’il n’était pas juste pour les parties demanderesses. En bref, la requérante n’a pas expressément contesté la date de fin de sa PMA, mais elle s’est seulement opposée à l’injustice à laquelle font face les parties demanderesses qui attendent pour présenter une demande de pension d’invalidité du RPC.

[32] Enfin, je félicite la requérante de son témoignage franc à l’audience. Plus précisément, la requérante a expliqué qu’elle avait pris la décision personnelle de ne pas travailler en 2009 et en 2010. De plus, la requérante a affirmé sans détour qu’en octobre 2014, elle a pris la décision personnelle de rester à la maison et de devenir l’aidante naturelle non rémunérée de son époux.

Conclusion

[33] Je conclus que la requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave à la fin de sa PMA en décembre 2010 ou à la date calculée au prorata de juin 2011. Puisque j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave à la fin de sa PMA (et à la date calculée au prorata), je n’ai pas eu à établir si elle était prolongée.

[34] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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