Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 960

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. K.
Représentante : M. K.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 6 janvier 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : George Tsakalis
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 août 2021
Personne présente à l’audience : M. K.

Date de la décision : Le 24 septembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-726

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Décision

[1] Je rejette l’appel du requérant.

Aperçu

[2] D. K. est le requérant dans cette affaire. Il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 11 mai 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli sa demande. Le ministre lui a accordé une pension d’invalidité avec la date maximale de rétroactivité pour le début de son invalidité, qui était en février 2019. Le requérant a commencé à recevoir des versements de sa pension d’invalidité à compter de juin 2019Note de bas de page 1.

[3] Le requérant fait appel de la date de début du versement de sa pension d’invalidité. Il affirme qu’il n’était pas en mesure de demander la pension d’invalidité du RPC avant le mois de mai 2020. Il dit qu’il était atteint d’incapacité au sens du RPC depuis février 2008.

[4] Le prestataire affirme qu’il ne pouvait pas demander la pension d’invalidité avant le mois de mai 2020 en raison d’une grave incapacité mentale causée par un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et par une grave dépression.

[5] Le requérant est né en 1971. Ses troubles de santé ont commencé en février 2008, après avoir été menacé de mort alors qu’il travaillait comme conducteur d’autobus. Le requérant dit qu’il n’était pas en mesure de demander la pension d’invalidité à partir de février 2008 parce qu’il n’était pas tout à fait autonome à ce moment-là. Il avait besoin qu’on l’aide et qu’on le supervise au quotidien; la preuve médicale appuie la déclaration selon laquelle le requérant est atteint d’incapacité au sens du RPC. La représentante du requérant a soutenu qu’il n’était pas capable de prendre des décisions. C’est elle qui a rempli sa demande pour une pension d’invalidité parce qu’il n’était pas capable de le faire.

[6] Le ministre dit que le requérant n’était pas atteint d’incapacité au sens du RPC. Le requérant a pris 15 jours de congé de travail après avoir été menacé en février 2008. Il a continué de travailler comme conducteur d’autobus jusqu’en octobre 2008. Il a aussi travaillé pendant quatre mois en 2017 comme préposé à l’entretien. Bien que le prestataire a eu besoin de l’aide de sa représentante pour remplir nos formulaires, il les a quand même signés par lui-mêmeNote de bas de page 2.  

Ce que le requérant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, le requérant doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestationsNote de bas de page 3. La capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations est semblable à la capacité de former ou d’exprimer une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestationsNote de bas de page 4.

[8] La capacité doit être considérée dans le sens ordinaire du terme et évaluée sur le fondement de la preuve médicale et des activités de la personne. La disposition relative à l’incapacité du RPC est précise et ciblée. Elle n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demandeNote de bas de page 5. Je dois tenir compte de la capacité du requérant à prendre des décisions.

[9] Je dois examiner la preuve médicale ainsi que les activités du requérant, entre la date où il prétend ne plus avoir eu la capacité de présenter une demande et la date à laquelle il a réellement présenté sa demande de pension d’invalidité, afin d’appréhender la capacité qu’il possédait, au cours de cette période, de former et d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 6.

[10] Dans la présente affaire, la période d’incapacité qui doit être prise en compte est de février 2008 (lorsque l’incapacité présumée du requérant a commencé) au mois de mai 2020 (lorsque le requérant a demandé une pension d’invalidité du RPC).

[11] Les dispositions relatives à l’incapacité du RPC exigent également de la part du requérant qu’il démontre que, durant toute la supposée période d’incapacité, il était toujours incapable de former et d’exprimer l’intention de faire une demande d’invalidité du RPCNote de bas de page 7.

Questions que je dois examiner en premier

[12] On a tenu une conférence de règlement le 18 juin 2021. On a discuté du critère juridique relatif à l’incapacité lors de la conférence de règlement, ainsi que de questions procédurales.

[13] J’ai imposé un délai afin que les parties puissent présenter des observations avant l’audienceNote de bas de page 8. Le ministre n’a pas respecté le délai du 26 juillet 2021; ce n’est que le 26 août 2021 qu’il a présenté des observations au TribunalNote de bas de page 9. Le requérant a présenté des observations au Tribunal le 17, le 23, le 24 et le 25 août 2021Note de bas de page 10.

[14] La représentante du requérant a affirmé lors de l’audience qu’elle a eu le temps de répondre aux observations du ministre et qu’elle était d’accord pour procéder à l’audience le 26 août 2021.

[15] La représentante du requérant est la mère du requérant. Elle a témoigné au nom du requérant, car l’état de santé de ce dernier l’empêchait de le faire.

Motifs de ma décision

[16] J’estime que le requérant n’était pas atteint d’incapacité au sens du RPC avant le mois de mai 2020.

Le requérant n’a pas établi qu’il était atteint d’incapacité au sens du RPC de février 2008 à mai 2020

[17] La représentante du requérant a déclaré que le requérant vit seul depuis que son épouse et lui se sont séparés en 2016. La représentante le voit chaque jour. Son époux et elle achètent l’épicerie du requérant depuis 2016. Elle affirme que le requérant ne sort pas de la maison. Il dort le jour et reste éveillé toute la nuit. L’épouse du requérant s’occupait de ses finances avant 2016 et elle paye son hypothèque. Le requérant souffre de cauchemars et d’anxiété.            

[18] Le requérant ne veut pas prendre de rendez-vous médicaux. La représentante du requérant doit prendre des rendez-vous médicaux au nom du requérant. En juin 2018, on lui a diagnostiqué un mélanome malinNote de bas de page 11. Il refuse de suivre des traitements pour son cancer de la peau et cela a mis sa vie en danger.

[19] La représentante du requérant affirme que le requérant n’est pas capable de travailler. Il a essayé de travailler comme préposé à l’entretien de février à juin 2017. Mais cela n’a pas fonctionné. C’était l’idée de son épouse : elle voulait qu’il travaille et elle lui a trouvé cet emploi. Ce n’était pas l’idée du requérant de travailler. Il obéissait à ce que sa femme lui disait. Le requérant buvait pendant ses heures de travail. Son travail n’était pas satisfaisant et il a finalement été licencié.      

[20] La représentante du requérant affirme que le requérant ne peut pas prendre de décisions à l’extérieur de la maison. Il ne se soucie pas de ce qu’il signe; il ne comprend pas ce qu’il signe non plus. Elle a décidé de demander la pension d’invalidité du RPC après que le médecin de famille du requérant lui en ait parlé. Ce n’était pas l’idée du requérant de demander la pension d’invalidité.  

[21] La représentante affirme que le requérant ne s’est pas occupé de ses propres finances depuis février 2008. La représentante du requérant a pris des dispositions avec le directeur de la banque du requérant pour qu’elle puisse se servir de l’argent de la pension d’invalidité pour acheter de la nourriture.

[22] En octobre 2020, la représentante a été nommée comme mandataire dans la procuration du requérant. Il y avait un litige matrimonial entre le requérant et son ex-épouse. Les avocats de l’aide juridique ne voulaient pas discuter avec elle tant qu’elle n’était pas nommée comme mandataire dans la procuration. Elle agit également comme tuteur à l’instance.

[23] Ayant entendu la preuve de la représentante du requérant, j’accepte que ce dernier soit atteint de troubles médicaux. Toutefois, j’estime que la preuve n’établit pas que le requérant était atteint d’incapacité au sens du RPC avant le mois de mai 2020. 

[24] La représentante du requérant affirme qu’il ne se soucie pas de ce qu’il signe; il ne comprend pas ce qu’il signe non plus. Elle a rempli sa demande de pension d’invalidité du RPC; le requérant l’a simplement signée. Elle préparait les formulaires et indiquait au requérant où il devait signer. Toutefois, le fait que le requérant était en mesure de signer le formulaire de demande pour la pension d’invalidité du RPC montre qu’il a une certaine capacité à faire des choix dans sa vie.

[25] La représentante a dit que le requérant a travaillé quelques mois en 2017. C’était l’idée de son épouse : elle voulait qu’il travaille. Cependant, le requérant a choisi de travailler, ce qui montre qu’il avait une certaine capacité au sens du RPC. La représentante a aussi confirmé que le requérant conduisait lorsqu’il travaillait en 2017. Le requérant fait du ménage à la maison, et s’il le souhaite, il peut s’habiller. La représentante a aussi confirmé que le requérant a accepté de suivre certains traitements médicaux après 2008.    

[26] Ayant examiné la preuve fournie par la représentante du requérant, je suis convaincu qu’il n’était pas atteint d’une incapacité. Tenant compte de ce qu’elle a dit au sujet des activités du requérant depuis le mois du février 2008, je ne crois pas que la preuve a établi une incapacité au sens du RPC.     

Les documents n’appuient pas la conclusion selon laquelle le requérant avait une incapacité au sens du RPC de février 2008 au mois de mai 2020

[27] Le médecin de famille du requérant a rempli une déclaration et un certificat d’incapacité, ainsi qu’un rapport à l’appui du présent appelNote de bas de page 12. Le médecin de famille du requérant a déclaré que l’incapacité du requérant avait commencé en février 2008 et était continue. Le requérant souffrait du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de dépression depuis février 2008. Le requérant souffrait d’anxiété et avait de la difficulté à se concentrer. Il ne pouvait pas payer ses factures par lui-même. Il ne pouvait pas prendre de décisions et son jugement était altéré. Le requérant comptait sur sa représentante pour payer ses factures et gérer ses affaires.  

[28] Cependant, la Cour fédérale a affirmé qu’une déclaration d’incapacité n’est pas le facteur déterminant lorsqu’on décide si une personne est atteinte d’incapacité au sens du RPCNote de bas de page 13.

[29] Ayant examiné les documents du dossier, j’estime que le requérant avait la capacité de former et d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC.

[30] La preuve médicale a montré que le requérant a consulté un psychologue en novembre 2008. Le psychologue a confirmé qu’une personne maniant un fusil avait menacé le requérant lorsqu’il travaillait comme conducteur d’autobus en février 2008. Le requérant a pris un congé de travail d’un mois. Il est retourné au travail, mais il a dû s’absenter en raison de son niveau de stress en octobre 2008. Le requérant souffrait de symptômes graves liés au TSPT et ne pouvait pas travaillerNote de bas de page 14.

[31] Le requérant a reçu des conseils psychologiques en 2009 pour sa dépression et son TSPTNote de bas de page 15. Il a également consulté des psychiatres en 2009 et a pris des médicaments antidépresseursNote de bas de page 16. Je ne vois rien dans la preuve qui démontre que le requérant ne pouvait pas consentir à un traitement médical.

[32] Le médecin de famille du requérant a rempli le formulaire du Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées en novembre 2010Note de bas de page 17. Le médecin a déclaré que le TSPT du requérant entraînait une anxiété grave qui affectait la concentration, le jugement et la capacité de résolution de problèmes du requérant. Le requérant ne pouvait pas travailler. Le médecin de famille a dit que le requérant n’avait pas la capacité de vivre de façon autonome sans supervision quotidienne et sans le soutien d’autres personnes. Cependant, le médecin a également dit que le requérant n’avait pas de déficience grave de la mémoire. Il a également dit que le requérant avait la capacité et la perspicacité de prendre ses médicaments par lui-même, ce qui montre que le requérant avait la capacité de faire des choix au quotidien.      

[33] Les documents montrent que le requérant est devenu père en 2011Note de bas de page 18. Le médecin de famille du requérant a rempli un Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées en avril 2014; il a indiqué que le requérant souffrait d’un trouble panique et avait de la difficulté à se concentrer. Il n’était pas capable de sortir de sa maison et n’avait pas un bon jugement.  

[34] L’employeur du requérant a rempli un questionnaire pour le ministre qui confirme que le requérant a travaillé comme préposé à l’entretien dans une école de février à juin 2017. Le requérant a travaillé à temps plein. Toutefois, le requérant a été licencié avant la fin de son contrat. Il est arrivé que le requérant soit enivré au travail et que son père doive aller le chercherNote de bas de page 19.

[35] J’estime que les efforts de travail du requérant en 2017 démontrent qu’il avait la capacité de faire des choix. La représentante du requérant a déclaré que c’était sa femme qui a eu l’idée qu’il travaille. Mais elle a aussi fourni des observations écrites dans lesquelles elle déclarait que le requérant a accepté cet emploi parce que son épouse l’a laissé en 2017 et parce qu’il n’avait ni argent ni avenirNote de bas de page 20. Cette observation laisse entendre que le requérant a choisi de retourner travailler.

[36] Le requérant a consulté une psychiatre en mai 2018Note de bas de page 21. La psychiatre a accepté de voir le requérant et sa représentante afin de confirmer le diagnostic du TSPT. La psychiatre a dit que le requérant et sa mère l’avaient informée qu’une nouvelle loi avait été adoptée qui permettait de considérer le TSPT comme une maladie professionnelle pouvant être couverte par la commission des accidents du travail. Ce commentaire de la psychiatre laisse entendre que le requérant a pris la décision et avait la conscience de poursuivre une demande d’indemnisation des travailleurs.

[37] La preuve médicale montre que le requérant a suivi un traitement pour son cancer de la peau en juin 2018. Il n’y a rien dans le dossier qui laisse entendre que le requérant était incapable de consentir à un traitement médicalNote de bas de page 22.

[38] Le médecin de famille du requérant a rempli un autre Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées en mars 2019. Le médecin a dit que le TSPT et la dépression du requérant nuisaient à son fonctionnement mental, sa capacité de résolution de problèmes, sa prise de décision et son jugementNote de bas de page 23. Toutefois, j’estime que ce formulaire n’établit pas que le requérant avait une incapacité au sens du RPC. Ceci est dû au fait que le médecin de famille a déclaré que le requérant pouvait prendre des décisions et émettre des jugements appropriés dans des situations quotidiennesNote de bas de page 24.

[39] Dans sa demande d’invalidité du mois de mai 2020, le requérant a affirmé qu’il était en mesure de s’occuper de ses besoins personnels. Elle indiquait également que le requérant était capable de nettoyer sa maison, de faire sa lessive et de laver sa vaisselle quand il allait bien. Le requérant a dit que son état médical nuisait à son jugement et à sa capacité de résolution de problèmesNote de bas de page 25.

[40] J’accepte que le requérant a de graves problèmes de santé qui l’empêchent de travailler. Il a aussi un Crédit d’impôt pour personnes handicapées. Mais le critère de l’incapacité du RPC est fondé sur la question de savoir si la partie requérante est capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations. Ayant examiné la preuve et tenu compte des activités du requérant de février 2008 au mois de mai 2020, je suis d’accord avec le ministre pour dire que le requérant n’était pas atteint d’une incapacité au sens du RPC.

[41] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le requérant était parfois capable de conduire, de faire des courses, et de se présenter aux rendez-vous médicaux de février 2008 à mai 2020. Le requérant a consenti à suivre des traitements médicaux et à prendre des médicaments. Son médecin de famille a confirmé que le requérant pouvait prendre des décisions et émettre des jugements dans des situations quotidiennes à compter de mai 2019. Le requérant est devenu père en 2011. Il a travaillé en 2017.

[42] Je suis également d’accord avec le ministre pour dire que même si la représentante du requérant a rempli des formulaires et des lettres au nom du requérant, ce dernier a signé plusieurs formulaires. Le requérant a signé sa demande de prestations d’invalidité du RPC, des formulaires et des lettres de consentement, une demande de révision de la décision du ministre, un avis d’appel au Tribunal de la sécurité sociale et une procurationNote de bas de page 26. La représentante du requérant a dit qu’il signait simplement les documents qu’elle lui disait de signer. Cependant, le fait de signer des formulaires montre qu’il avait la capacité de prendre des décisions en son propre nom.

[43] Je conclus donc que la preuve n’a pas démontré que le requérant avait une incapacité continue de former ou d’exprimer une intention de demander des prestations de février 2008 à mai 2020. Cela signifie que le requérant n’avait pas d’incapacité au sens du RPC, et donc que le ministre a pris la bonne décision en accordant au requérant une pension d’invalidité du RPC avec des paiements commençant en juin 2019.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

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