Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : RP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 393

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Parties appelante : R. P.
Représentant : George Santos
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 25 août 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 12 mai 2022
Numéro de dossier : GP-21-1781

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] R. P., l’appelant, n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est un homme de 48 ans qui s’est blessé à deux de ses doigts en travaillant à la ferme familiale en juillet 2018. Ses doigts (l’index et le majeur de sa main droite) se sont coincés entre une chaîne et un pignon de son chariot élévateur à fourcheNote de bas de page 1. Il a subi une chirurgie le jour même et s’est fait amputer le bout des deux doigtsNote de bas de page 2.

[4] L’appelant est retourné travailler quelques jours après l’accident et a continué à travailler le reste de la saison agricole de 2018. Une fois la saison agricole terminée à la fin de 2018, l’appelant a commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Il a reçu ces prestations jusqu’en mars ou en avril 2019Note de bas de page 3.

[5] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en mai 2019. Dans sa demande, il a déclaré qu’il était incapable de travailler en raison de sa dépression et de la douleur à sa main. Il a expliqué qu’il avait de la difficulté à se concentrer et à résoudre des problèmesNote de bas de page 4.

[6] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande tant au stade initial qu’à l’étape de la révision.

[7] L’appelant a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] L’appel de l’appelant a été entendu par un membre de la division générale en février 2021. Ce membre a décidé que l’appelant n’était pas admissible aux prestations d’invalidité parce qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2020.

[9] L’appelant a interjeté appel de la décision devant la division d’appel du Tribunal. En août 2021, un membre de la division d’appel a accueilli l’appel parce qu’il a établi que la division générale a commis des erreurs dans sa décision. La division d’appel a affirmé que la division générale a ignoré les problèmes de santé mentale de l’appelant quand elle a évalué s’il était atteint d’une invalidité grave. La division générale a aussi ignoré certains éléments de preuve quand elle a examiné s’il était raisonnable pour l’appelant de ne pas avoir cherché à obtenir un traitement médical adéquat. À titre de réparation, la division a renvoyé l’affaire à la division générale pour un réexamenNote de bas de page 5. 

[10] L’appelant affirme que sa blessure de juillet 2018 a causé une invalidité grave et prolongée. Il affirme qu’il ne peut pas travailler en raison d’une dépression grave, de l’anxiété, d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), d’une douleur chronique, d’une difficulté à dormir et d’une sensation de picotements et d’engourdissement des doigts.

[11] Le ministre affirme que la preuve ne démontre aucune pathologie ou déficience grave qui empêcherait l’appelant d’exercer un emploi convenable qui tiendrait compte de ses limitations. De plus, rien n’indique qu’il a tenté d’exercer un autre emploi.

Ce que l’appelant doit prouver

[12] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RPCNote de bas de page 6.

[13] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[14] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 7.

[15] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 8.

[16] L’appelant doit prouver sa thèse selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020.

Questions que je dois examiner en premier

Le ministre n’était pas représenté à l’audience

[17] Le matin de l’audience, le bureau du ministre a envoyé un courriel au Tribunal indiquant que [traduction] « le ministre n’est plus disponible pour assister à l’audience ». Outre les excuses pour le court préavis, le message ne contenait rien d’autreNote de bas de page 9.

[18] Le courriel ne disait pas clairement si le ministre voulait demander un ajournement ou s’il voulait que l’audience ait lieu malgré son absence. J’ai donc écrit au ministre pour lui demander des précisions. J’ai expliqué qu’en l’absence d’une demande formelle d’ajournement, faite avant ou durant l’audience, je présumerais que le ministre ne s’oppose pas à ce que l’audience ait lieu malgré son absenceNote de bas de page 10.

[19] Le ministre n’a pas répondu à ma lettre. Il n’a pas non plus envoyé de représentant à l’audience pour demander un ajournement.

[20] Au début de l’audience, j’ai expliqué ce qui se passait à l’appelant et à son représentant. Le représentant a demandé que l’audience se poursuive. Il a souligné que j’avais précédemment accordé un ajournement au ministre et a dit qu’un autre ajournement causerait du stress à l’appelant. Il a ajouté que le ministre avait déposé des observations écrites précisant sa position.

[21] J’ai décidé de poursuivre l’audience malgré l’absence du représentant du ministre.

[22] Tout d’abord, je peux tenir une audience en l’absence d’une partie tant que je suis convaincue que celle-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 11. Je sais que le ministre a reçu l’avis d’audience parce qu’il a mentionné la date et l’heure de l’audience dans son courriel du 22 avril 2022. 

[23] Ensuite, je dois tenir une audience en l’absence d’une partie si j’ai précédemment accordé un ajournement à cette même partieNote de bas de page 12. J’avais accordé un ajournement au ministre en mars 2022Note de bas de page 13.

Motifs de ma décision

[24] Je me penche maintenant sur le bien-fondé de cet appel. Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020.

L’invalidité de l’appelant n’était pas grave en date du 31 décembre 2020

[25] Je reconnais que l’appelant a été gravement blessé en juillet 2018. Je reconnais aussi que l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui ont affecté sa capacité à travailler en date du 31 décembre 2020. Cependant, je ne suis pas en mesure de conclure que l’appelant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2020. Les motifs sont expliqués ci-dessous.

La preuve médicale n’appuie pas toutes les limitations fonctionnelles que l’appelant prétend avoir eues en date du 31 décembre 2020

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[26] Quand l’appelant a présenté une demande de prestations d’invalidité, il a déclaré qu’il avait de la difficulté à se concentrer et à résoudre des problèmesNote de bas de page 14. Il a affirmé qu’il avait une capacité « passable » à se concentrer pendant au moins 30 minutesNote de bas de page 15. Il a aussi affirmé que, la plupart du temps, il a une faible capacité à trouver ses mots quand il parle à quelqu’un, à trouver son chemin vers un endroit familier, à se rappeler ce qu’il est en train de faire, à lire un court message, à écrire un courriel et à additionner et soustraire, entre autresNote de bas de page 16.

[27] L’appelant a aussi déclaré que, la plupart du temps, il a une faible capacité à faire un certain nombre d’activités physiques, comme s’asseoir pendant au moins 20 minutes sur une chaise à dos droit, conduire une voiture, se pencher pour ramasser des sous par terre, tirer ou pousser une lourde porte pour l’ouvrir, ouvrir une boîte de conserve avec un ouvre-boîte manuel et utiliser son index pour appuyer les touches d’un clavier d’ordinateurNote de bas de page 17.

[28] En septembre 2020, l’appelant a subi une évaluation complète dans le cadre de l’Upper Extremity Specialty Program (UESP) [programme de services spécialisés pour les membres supérieurs] à Hamilton. Durant l’évaluation, l’appelant a affirmé qu’il était incapable de supporter le temps froid, de tenir certains outils et de soulever des objets de façon sécuritaire en raison de l’hypersensibilité à l’endroit de sa blessureNote de bas de page 18.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[29] L’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2020Note de bas de page 19.

[30] La preuve médicale confirme certains éléments de la version des faits de l’appelant.

[31] En mai 2019, le psychiatre de l’appelant (Dr Surapaneni) a déclaré que la concentration et la capacité d’attention de l’appelant semblaient faibles. Il a aussi affirmé que sa mémoire semblait mauvaise. Autrement, ses fonctions cognitives étaient légèrement affectéesNote de bas de page 20. Le Dr Surapaneni n’a pas expliqué comment il a évalué la concentration, la capacité d’attention et la mémoire de l’appelant, ou ce qu’il voulait dire par « semblaient faibles » et « semblait mauvaise ». Il n’a pas non plus précisé les autres fonctions cognitives qui étaient légèrement affectées.

[32] En septembre 2020, les évaluateurs de l’UESP ont affirmé que l’appelant n’avait pas de limitations liées à sa tolérance à s’asseoir, se tenir debout, marcher ou monter des escaliersNote de bas de page 21. Cependant, il présentait des limitations pour les activités suivantesNote de bas de page 22 :

Activity Limitation
Lifting from floor to waist Medium (10-20 kg), occasionally
Lifting from waist to shoulder Light (5-10 kg), occasionally
Lifting above shoulder Light (5-10 kg), occasionally
Pushing / pulling Medium (10-20 kg), occasionally
Repetitive bending / twisting Occasional with right hand
Gripping and Pinching Occasional with right hand
Environmental Exposurex Cold
Vibration Exposure Right arm

[33] En octobre 2020, le Dr Surapaneni a affirmé que l’appelant se plaignait de problèmes de mémoire et avait tendance à égarer des chosesNote de bas de page 23.

[34] Habituellement, le médecin de famille d’une partie appelante a des renseignements utiles sur ses limitations fonctionnelles. Ce n’est pas le cas ici. En avril 2020, le médecin de famille de l’appelant (Dr Ghesquiere) a écrit qu’il a vu l’appelant pour la dernière fois en décembre 2017 pour un problème d’insomnie. Le Dr Ghesquiere a affirmé qu’il avait examiné le dossier de l’appelant et n’avait rien vu au sujet d’une invalidité. Il n’avait donc pas de suggestion de traitement et n’était pas au courant de la demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 24. Curieusement, le Dr Ghesquiere n’a pas mentionné le fait qu’il a envoyé l’appelant en consultation chez le Dr Surapaneni en 2019.

Les incohérences dans la preuve et leur effet sur la crédibilité

[35] L’appelant a parfois fourni des éléments de preuve incohérents. Cela me porte à remettre en question la fiabilité de ses déclarations. Je vais fournir deux exemples.

[36] Premièrement, l’appelant n’est pas cohérent en ce qui concerne la date où sa dépression a commencé. Quand il a présenté une demande de prestations d’invalidité en 2019, il a indiqué qu’il était atteint de grave dépression [traduction] « depuis de nombreuses annéesNote de bas de page 25 ». Il a aussi affirmé qu’il a commencé à voir le Dr Surapaneni en 2013Note de bas de page 26. En mars 2021, l’appelant a dit aux évaluateurs de l’UESP qu’il consultait le Dr Surapaneni avant sa blessure pour des raisons personnellesNote de bas de page 27. Cependant, à l’audience, l’appelant a affirmé qu’il était [traduction] « fort comme un bœuf » avant sa blessure de juillet 2018 et qu’il n’avait aucun problème de santé. Quand il a été questionné au sujet de sa dépression, il a affirmé qu’il y a de nombreuses années, il avait été déprimé après le décès de sa sœur, mais que cela avait duré seulement une ou deux semaines et qu’il s’était senti mieux après. Il a insisté sur le fait qu’il était [traduction] « en très bonne santé » avant son accident. Il a aussi expliqué que sa dépression a débuté lentement après son accident. Il pense qu’il est devenu déprimé et anxieux parce qu’il ne pouvait plus faire les mêmes choses qu’avant à la ferme. L’appelant a affirmé que sa dépression a continué de se détériorer jusqu’en mars 2019, où il a demandé de l’aide à son médecin de famille.

[37] Le régime des pensions du Canada ne s’intéresse pas à la causalité. Par conséquent, quand il est question d’admissibilité, il n’est pas pertinent de savoir si la dépression de l’appelant a commencé avant ou après son accident de juillet 2018. Cependant, mon exemple ne concerne pas ce qui a causé la dépression. Il concerne plutôt l’incohérence dans les éléments de preuve de l’appelant au sujet du début de sa dépression.

[38] Deuxièmement, l’appelant a fourni des renseignements incohérents au sujet de certaines de ses limitations. Je vais mettre l’accent sur les limitations suivantes : dormir, conduire et se présenter aux rendez-vous médicaux.

Dormir : En septembre 2020, l’appelant a dit aux évaluateurs de l’UESP qu’il avait de la difficulté à dormir avant sa blessure et qu’il avait encore un sommeil perturbé. Il était incapable de dire combien d’heures il dormait en moyenne en septembre 2020, mais il a affirmé qu’avant sa blessure, il dormait environ six à sept heures par nuitNote de bas de page 28. Par contre, à l’audience, l’appelant a témoigné qu’il dormait tout le temps après avoir arrêté de travailler. Quand l’appelant a été questionné au sujet de ce qu’il faisait de son temps en 2019, il a réitéré qu’il dormait la majeure partie de la journée.

Conduire : En juin 2019, l’appelant a affirmé qu’il avait une « faible » capacité à conduireNote de bas de page 29. Cependant, en septembre 2020, l’appelant a dit aux évaluateurs de l’UESP qu’il n’avait aucune difficulté à conduire depuis sa blessureNote de bas de page 30.

Rendez-vous médicaux : En septembre 2020, l’appelant a nié avoir des difficultés à se présenter à ses rendez-vous médicauxNote de bas de page 31. Par contre, le mois suivant, l’appelant a dit au Dr Surapaneni qu’il mélangeait les dates de ses rendez-vousNote de bas de page 32.

Les rapports du Dr Surapaneni ne sont pas très utiles

[39] Il ne fait aucun doute que le Dr Surapaneni appuie la demande de prestations de l’appelant. Il a entre autres déclaré que l’appelant était atteint d’une invalidité physique et mentale et ne pouvait occuper aucun emploiNote de bas de page 33. En novembre 2020, il a affirmé que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée résultant d’un grave accident survenu en juillet 2018Note de bas de page 34.

[40] Malgré les opinions bien arrêtées du Dr Surapaneni, je ne trouve pas ses rapports très utiles.

[41] Premièrement, les rapports du Dr Surapaneni semblent mettre l’accent sur les diagnostics de l’appelant. Un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 35. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vie en date du 31 décembre 2020Note de bas de page 36. Même s’il a affirmé que l’appelant avait des problèmes de concentration, d’inattention et de mémoire, le Dr Surapaneni a rarement expliqué quelles étaient ses limitations fonctionnelles ou les raisons pour lesquelles ses diagnostics le rendaient incapable de travailler. Dans le rapport médical du RPC de mai 2019, le Dr Surapaneni a simplement indiqué que les limitations fonctionnelles de l’appelant étaient ses doigts amputés (à la main droite)Note de bas de page 37. À d’autres occasions, le Dr Surapaneni a mentionné des symptômes tels qu’une sensation d’engourdissement et de douleur au bout des doigts, mais il n’a pas précisé l’effet de ces symptômes sur sa capacité fonctionnelle. J’ai donc de la difficulté à comprendre les raisons pour lesquelles le Dr Surapaneni a conclu que l’appelant était incapable de travailler.

[42] Deuxièmement, le premier rapport d’évaluation du Dr Surapaneni en mai 2019 contenait des renseignements erronés. Je ne sais pas si ceux-ci ont influencé son opinion sur les diagnostics et sur le traitement. Par exemple, en mai 2019 (presque un an après son accident) le Dr Surapaneni a écrit que l’accident de l’appelant est arrivé [traduction] « il y a de nombreuses années » et que [traduction] « depuis quatre ans », l’appelant se plaint d’une sensation d’engourdissement, de difficulté à dormir et de cauchemarsNote de bas de page 38. Un autre exemple : le Dr Surapaneni a déclaré que l’appelant n’avait pas d’antécédents de toxicomanieNote de bas de page 39. Cependant, les notes cliniques du Dr Ghesquire indiquent que l’appelant a des antécédents d’utilisation de cocaïne (en 2008) et qu’il était allé en Colombie-Britannique pour une cure de désintoxicationNote de bas de page 40. Le Dr Ghesquire a aussi mentionné l’utilisation de cocaïne dans sa demande de consultation au Dr SurapaneniNote de bas de page 41. Durant l’audience, l’appelant a confirmé ses antécédents d’utilisation de cocaïne, mais il a affirmé qu’il avait fait une cure de désintoxication en 2010 (non en 2008).

[43] Troisièmement, certaines des opinions du Dr Surapaneni ne correspondent pas à celles d’autres médecins. Par exemple, en mai 2020, le Dr Surapaneni a affirmé qu’aucune amélioration n’était possible en raison de la douleur constante au bout des doigts de l’appelant et du phénomène de douleur fantômeNote de bas de page 42. De même, en octobre 2020, le Dr Surapaneni a affirmé que l’appelant a atteint le rétablissement maximal, mais il a aussi affirmé que seul le temps nous dira si l’état de l’appelant peut s’améliorerNote de bas de page 43. Cependant, en septembre 2020, les évaluateurs de l’UESP croyaient qu’il était possible pour lui de se rétablir davantage. Ils ont tout de même reconnu qu’un rétablissement complet n’était pas probable compte tenu du temps qui s’était écoulé depuis la blessure. Afin de permettre un meilleur rétablissement, les évaluateurs ont recommandé un programme de traitement fonctionnel de désensibilisation avec un thérapeute de la mainNote de bas de page 44. Il m’est difficile d’accorder la priorité à l’opinion du Dr Surapaneni, car les évaluateurs de l’UESP sont des spécialistes des troubles liés aux membres supérieurs et semblent avoir fait une évaluation complète de l’état de la main de l’appelant et de sa capacité fonctionnelle.

Les limitations physiques de l’appelant ne l’auraient pas empêché de travailler en date du 31 décembre 2020

[44] Je reconnais que l’appelant avait des limitations qui auraient restreint les types d’emplois qu’il aurait pu occuper en date du 31 décembre 2020. Cependant, je suis incapable de conclure que ses limitations étaient si importantes qu’elles l’ont empêché de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Les limitations décrites dans le rapport de l’UESP sont conformes à une capacité à travailler. Même les évaluateurs de l’UESP ont recommandé un retour au travail, mais pas un travail physiquement exigeant comme celui que l’appelant faisait avant sa blessure.

[45] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’éducation, ses aptitudes linguistiques et son expérience de travail et de vie.

[46] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 45?

[47] Les caractéristiques personnelles de l’appelant ne révèlent pas une incapacité de travailler dans un contexte réaliste. En décembre 2020, l’appelant était seulement âgé de 47 ans. Il lui restait donc de nombreuses années avant d’atteindre l’âge habituel de la retraite. L’appelant a aussi un bon niveau d’éducation : il a terminé un programme de deux ans en génie électrique à DeVry Institute of Technology [Institut de technologie DeVry] (1994 à 1996). L’appelant maîtrise au moins une des deux langues officielles au Canada. En ce qui concerne son expérience de travail, je reconnais que la plupart de ses emplois lui demandaient de soulever des charges, de se servir de sa main droite à répétition et parfois de travailler dans le froid. Ses expériences de travail comprennent l’installation de systèmes de sécurité pour ADT, des travaux d’électricité et du travail agricole exigeant. Cependant, ses tâches de travail n’ont pas toutes été laborieuses. En d’autres mots, ses emplois demandaient aussi des compétences pour faire des tâches moins pénibles comme les relations avec la clientèle, répondre au téléphone (l’appelant a affirmé le faire encore à la ferme) et former et superviser du personnel. De plus, le recyclage demeure une option, surtout en considérant que l’appelant est relativement jeune.

L’état de santé de l’appelant l’a empêché de terminer le traitement physique de l’UESP

[48] L’appelant a été évalué par l’UESP de nouveau en novembre 2020 et en mars 2021. En novembre, l’UESP a encore une fois recommandé un traitement de désensibilisation avec un thérapeute de la main. L’appelant a commencé le programme le 12 novembre 2020, mais a arrêté après seulement deux séances en raison de son anxiété et de sa dépressionNote de bas de page 46.

[49] En mars 2021, les évaluateurs de l’UESP ont affirmé qu’il n’y avait pas de changement cliniquement significatif depuis l’évaluation de l’appelant en septembre 2020 en ce qui concerne son amplitude du mouvement, sa force, ou sa douleur ou ses capacités perçues. Ils ont répété qu’ils s’attendaient à un changement après le traitement et encouragé l’appelant à suivre le programme de désensibilisationNote de bas de page 47. Cependant, ils ont aussi affirmé que les problèmes de santé mentale de l’appelant le restreignaient dans son rétablissement, donc ils ont recommandé une évaluation psychologique afin d’établir un traitement approprié. D’ici là, ils ont reporté le traitement physiqueNote de bas de page 48.

Je n’ai pas assez de renseignements sur les évaluations de la santé mentale de l’appelant

[50] Je sais qu’en date du 31 décembre 2020, les problèmes de santé de l’appelant affectaient ses capacités fonctionnelles et les efforts déployés pour une thérapie de la main. Cependant, je n’ai pas assez de renseignements sur les problèmes de santé mentale de l’appelant pour évaluer leur impact sur sa capacité à travailler. Certaines raisons expliquent cela.

[51] Premièrement, comme je l’ai déjà expliqué, je trouve que les rapports du Dr Surapaneni ne sont pas très utiles.

[52] Deuxièmement, à la demande de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail (WSIB), l’appelant a subi une évaluation psychologique et ce rapport semble suggérer qu’un traitement pourrait l’aider. Je n’ai pas de copie du rapport, et quand je l’ai demandé au représentant de l’appelant, il a répondu qu’il a essayé d’en obtenir une copie, en vain. Quoi qu’il en soit, j’ai quelques renseignements à propos du contenu du rapport parce que la WSIB a écrit au Dr Surapaneni à son sujet. En réponse, le Dr Surapaneni a cité ce que la WSIB avait dit. La citation est la suivanteNote de bas de page 49 :

[traduction]
[…] dans le cadre du suivi médical, R. P. a subi une évaluation psychologique à la clinique spécialisée de la WSIB. La clinique a établi un diagnostic de trouble d’adaptation, mais a indiqué qu’il ne remplissait pas tous les critères pour un trouble dépressif majeur, un TSPT ou un trouble à symptomatologie somatique. Afin de traiter le trouble d’adaptation, la clinique spécialisée a suggéré des traitements qui servent à améliorer le fonctionnement psychologique de R. P. Étant donné qu’il suit actuellement un traitement avec vous et il préfère continuer uniquement avec vous, je vous écris pour vous transmettre les suggestions de traitement pour que vous puissiez établir si vous êtes en mesure d’offrir le service en question. Si vous ne le pouvez pas, veuillez m’en aviser le plus tôt possible pour que je puisse trouver un autre fournisseur de soins.

[53] Troisièmement, le Dr Surapaneni a refusé de fournir le traitement demandé parce qu’il croit que c’est sans espoirNote de bas de page 50. Cependant, l’appelant avait récemment commencé un traitement avec un autre spécialiste de la santé mentale — un psychologue. L’appelant a affirmé qu’il avait commencé des séances d’une heure avec le psychologue (dont il ne pouvait pas se rappeler le nom de familleNote de bas de page 51) en décembre 2021 et qu’il y participe toujours toutes les deux semaines.

[54] Je n’ai aucun rapport du psychologue, donc c’est difficile pour moi de savoir si l’appelant bénéficie de ce traitement et quels en sont les bénéfices. Cependant, j’ai raison de croire que le traitement est utile. L’appelant a témoigné que ses séances avec le psychologue l’aident beaucoup. De plus, quand j’ai demandé à l’appelant si le psychologue lui a donné une rétroaction quant à son progrès au long du traitement, il a répondu que le psychologue lui a dit qu’il s’améliorait et qu’il avait remarqué un changement important depuis la première séance.

[55] Le représentant soutient que les séances avec le psychologue sont une solution temporaire. Je ne sais pas si c’est le cas. Je n’ai simplement pas la preuve médicale pour le confirmer.

Conclusion

[56] Je conclus que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2020 et qu’il n’est donc pas admissible à une pension du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[57] L’appel est rejeté.

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