Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : BH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 978

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : B. H.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 24 février 2021 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Brianne Shalland-Bennett
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 novembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 23 novembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-717

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, B. N., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a 57 ans. Elle a un diplôme en gestion hôtelière et un certificat en gestion et formation des adultes. Elle a suivi des cours de leadership pendant qu’elle travaillait. Elle a travaillé dans le domaine des ressources humaines et de l’administration. Le dernier poste qu’elle a occupé était celui de directrice des ressources humaines. Elle a cessé de travailler en septembre 2019 en raison de douleurs à l’œil gauche et d’un syndrome postcommotionnel.

[4] En septembre 2017, la requérante a été frappée au visage par une balle molle durant une partie de balle. À la suite de l’accident, elle a commencé à avoir des maux de tête et des douleurs à l’œil. En juin 2018, elle a eu un accident de voiture. En septembre 2018, elle a eu un autre accident de voiture. Ses maux de tête et ses douleurs à l’œil ont empiré après chaque accident. Depuis, elle ressent de la fatigue extrême et elle a des problèmes de concentration et de mémoire. Elle a aussi mal à l’épaule et au cou.

[5] En 2019, elle a tenté un retour progressif au travail avec des tâches modifiées. Elle a été autorisée à travailler de chez elle. Elle travaillait un jour sur deux selon un horaire réduit. Cependant, sa compagnie d’assurances ne pensait pas que la modification des tâches lui permettrait de travailler pendant bien longtemps parce que ses problèmes de santé ne s’amélioraient pas. Elle reçoit des prestations d’invalidité de longue durée depuis 2019.

[6] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 27 février 2020Note de bas page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a donc porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[7] Selon le ministre, la preuve médicale montre que la requérante ne sera peut-être pas capable de reprendre son emploi d’origine, mais qu’elle peut faire des travaux plus légers ou occuper un autre emploi. Il dit que la preuve médicale montre que son état de santé s’améliore et que ses problèmes de santé sont traitables et gérablesNote de bas page 2.

[8] La requérante n’est pas d’accord. Les douleurs à l’œil gauche et les maux de tête limitent ce qu’elle peut faire. Elle essaie de gérer ses problèmes de santé à l’aide de traitements, qui la soulagent un peu. Elle essaie de faire différentes activités, sans toutefois savoir si elle y arrivera avant de les essayer. Parfois, essayer une nouvelle activité l’empêchera de faire quoi que ce soit pendant deux semaines à cause des douleurs. Elle craint que ses problèmes de mémoire et de concentration ne s’aggravent. Elle a de la difficulté à s’imaginer pouvoir retourner au travail et gérer ses problèmes de santé en même temps.

Ce que la requérante doit prouver

[9] Pour gagner sa cause, la requérante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas page 3.

[10] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[11] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4.

[12] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de la requérante pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si la requérante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[13] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 5.

[14] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que la requérante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[15] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en date de l’audience.

L’invalidité est-elle grave?

[17] L’invalidité de la requérante n’est pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs éléments, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de la requérante nuisent bel et bien à sa capacité de travail, mais sans la faire disparaître complètement

[18] La requérante a des douleurs à l’œil gauche, elle présente un syndrome postcommotionnel et elle fait une dépression. Je ne peux cependant pas m’arrêter à ses diagnosticsNote de bas page 6. En fait, je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 7. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas page 8.

[19] Je conclus que la requérante n’a pas de limitations fonctionnelles.

Ce que la requérante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] La requérante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Voici ce qu’elle en dit :

  • Ses douleurs à l’œil sont constantes. Au repos, elle en évalue l’intensité à 2 ou 3 sur 10.
  • Parfois, elle a une sensation de brûlure à l’œil gauche.
  • S’il fait chaud, que le temps est pluvieux ou que la pression est basse, elle a mal à la tête et à l’œil gauche.
  • Le stress, la fatigue et le fait d’être trop occupée aggravent les douleurs à l’œil.
  • Elle est sensible à la lumière, y compris à celle des ordinateurs et des voitures.
  • Elle peut utiliser un ordinateur pendant de 20 à 30 minutes.
  • Si elle s’active beaucoup ou qu’elle est très tendue, elle a des maux de tête ou ressent des douleurs à la tête, au cou et à l’épaule.
  • Elle ne peut plus lire de livres parce que ça lui fatigue les yeux.
  • Elle a du mal à se concentrer et a des problèmes de mémoire. À plusieurs reprises au cours de l’audience, elle a cessé de parler au milieu d’une phrase. Sa fille lui a dit que sa famille s’inquiétait de sa mémoire à court terme.
  • Elle a besoin de 12 heures de sommeil, sinon ses problèmes de santé s’aggravent.
  • Sa dépression entraîne un manque d’énergie et la rend émotive.
  • Elle a une mauvaise journée une fois par semaine. Ces jours-là, elle ressent une fatigue extrême et peut à peine sortir du lit. Elle sent alors beaucoup de pression dans la tête et entend un fort tintement.

[21] J’ai jugé que la requérante était honnête lorsqu’elle décrivait ce qu’elle vit. J’admets qu’elle croit sincèrement que ses problèmes de santé l’empêchent de travailler, peu importe l’emploi. Cependant, ses limitations montrent qu’elle a une certaine capacité lui permettant d’exercer un autre emploi. Lorsqu’elle marche, elle peut faire 10 000 pas sans douleur. Elle n’a pas de difficulté à accomplir la plupart des tâches ménagères. Les seules choses qu’elle ne fait pas sont le nettoyage des planchers et les tâches où elle doit se pencher. Elle a appris à gérer ses douleurs. Si elle a une journée chargée, elle doit se reposer le lendemain. La plupart du temps, elle sait ce qu’elle peut et ne peut pas faire. Si elle essaie quelque chose de nouveau, elle ne peut pas savoir comment ses problèmes de santé réagiront.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[22] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travail au plus tard à la date de l’audienceNote de bas page 9.

[23] Le ministre soutient que la preuve médicale de la requérante montre qu’elle a une capacité de travailNote de bas page 10. Je suis d’accord. La preuve médicale appuie aussi ce que la requérante dit au sujet de ses limitations.

[24] La médecin de famille de la requérante, la Dre Bourne, a recommandé que la requérante cesse de travailler en septembre 2019 à cause de la fatigue, des maux de tête, des douleurs, de la photophobie et des problèmes de concentration découlant du syndrome postcommotionnel et du traumatisme subi par la requérante. Elle ne savait pas quand cette dernière pourrait retourner au travailNote de bas page 11. En janvier 2021, la Dre Bourne a déclaré que les symptômes de la requérante sont persistants. Elle estime que les problèmes de santé de la requérante diminuent sa qualité de vie et sa capacité de travailNote de bas page 12.

[25] En juillet 2019, la Dre Valentin, neurologue, a déclaré que les douleurs à l’œil, la fatigue et l’irritabilité empêchaient la requérante de retourner travailler comme avant l’accidentNote de bas page 13.

[26] En 2021, la Dre Valentin affirme que les capacités cognitives de la requérante se sont améliorées par rapport à 2019. La requérante a des problèmes physiques, émotionnels et cognitifs qui perdurent et qui constituent de graves déficiences. La docteure ne croit pas que la requérante puisse occuper un poste que son historique d’emploi, son expérience et sa formation lui auraient permis de faire. Elle a diagnostiqué chez la requérante un trouble dépressif majeur dont les symptômes sont graves. Elle ne pense pas que la requérante se soit rétablie autant que possibleNote de bas page 14.

[27] En 2021, le Dr Bodenstein, psychologue, a déclaré que la requérante présentait un trouble du sommeil, un syndrome postcommotionnel et un trouble de l’adaptation. La plupart du temps, la douleur de la requérante va de 1 à 3 sur 10. Elle n’avait aucun problème à s’occuper d’elle-même et à faire des tâches ménagères. Elle décrivait son avenir comme étant [traduction] « cinquante-cinquanteNote de bas page 15 ».

[28] En 2021, le Dr Tam, physiatre, a déclaré que la requérante avait atteint le rétablissement maximal. Dans son évaluation, la requérante a indiqué que son état physique s’était amélioré d’environ 50 à 60 %. Selon lui, la requérante serait incapable d’avoir un horaire à plein temps même si des mesures d’adaptation étaient mises en place. Il pensait que la requérante pourrait tenter de réorienter vers le travail l’énergie qu’elle consacrait à la conduiteNote de bas page 16.

[29] En 2021, le Dr Liu, chiropraticien, a évalué ses capacités fonctionnelles. Au cours de l’évaluation, les maux de tête et les douleurs à l’œil de la requérante ont empiré. Ce sont les principaux facteurs qui l’empêchent de travailler à plein temps. Il pensait qu’elle serait capable de faire un travail peu exigeant sur le plan physiqueNote de bas page 17.

[30] La preuve médicale montre que la requérante a des limitations qui l’empêchaient de faire son ancien travail en date de l’audience.

[31] Je vais maintenant vérifier si la requérante a suivi les conseils médicaux.

La requérante a suivi les conseils médicaux

[32] La requérante a suivi les conseils médicaux.

[33] Pour recevoir une pension d’invalidité, il faut suivre les conseils des médecinsNote de bas page 18. Une personne qui ne respecte pas les conseils doit fournir une explication raisonnable. Il me faut aussi examiner les effets potentiels des conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas page 19.

[34] La requérante a suivi les conseils médicauxNote de bas page 20. Voici les éléments que j’ai considérés :

  • Elle fait de la physiothérapie et de la massothérapie et reçoit des massages craniosacraux.
  • En mars 2021, M. Gannon, massothérapeute agréé, a déclaré que la massothérapie soulage les symptômes de la requérante de façon temporaire. La massothérapie empêche les symptômes de s’aggraver et aide la requérante à gérer les douleurs et la tensionNote de bas page 21. La requérante est d’accord.
  • Elle porte des lunettes teintées. Celles-ci diminuent la lumière éblouissante des ordinateurs et aident à gérer sa sensibilité à la lumière.
  • Elle prend de la nortriptyline pour l’aider à dormir. Si elle ne prend pas ce médicament, elle a du mal à dormir.
  • Elle a consulté une psychothérapeute. Cette dernière lui a recommandé d’écouter son corps quand il lui dit de ralentir. La requérante affirme que c’est ce qu’elle fait.

La requérante peut travailler dans un contexte réaliste

[35] Lorsque je décide si la requérante peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques telles que :

  • son âge
  • son niveau d’instruction
  • ses aptitudes linguistiques
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[36] Ces éléments m’aident à décider si la requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas page 22.

[37] Je juge que la requérante peut travailler dans un contexte réaliste. Elle a 57 ans. Son âge peut nuire à sa capacité de trouver un emploi. Cela dit, je pense qu’elle a des compétences transférables qui lui permettraient de se recycler ou de trouver un autre emploi. Elle parle couramment anglais. Elle est instruite et a amélioré ses compétences tout en travaillant. Elle peut s’asseoir, se tenir debout, marcher et faire des tâches ménagères. Je pense que ces caractéristiques sont des éléments qui auraient un effet positif sur sa capacité à essayer un autre type d’emploi, pas seulement son emploi régulier.

La requérante n’a pas essayé de trouver et de conserver un emploi convenable

[38] Si la requérante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit montrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas page 23. Trouver et garder un emploi, c’est aussi se recycler ou chercher un emploi qu’elle peut exercer dans le respect de ses limitations (c’est-à-dire grâce à des mesures d’adaptation spécialesNote de bas page 24).

[39] Selon le ministre, il n’y a aucune preuve que la requérante a tenté de faire un autre travail qui tenait compte de ses problèmes de santéNote de bas page 25.

[40] Je suis d’accord. La requérante n’a pas essayé de travailler.

[41] J’ai demandé à la requérante pourquoi elle n’avait pas fait d’efforts pour travailler. Voici ce qu’elle a dit :

  • Elle a encore un emploi et reçoit des prestations d’invalidité de longue durée grâce à son ancien emploi.
  • Elle ne se voit pas conduire 1,5 heure pour aller travailler et revenir à la maison.
  • Elle ne se voit pas travailler à temps partiel ou à temps plein.
  • Si elle ne dort pas pendant 12 heures, elle ne croit pas être capable de travailler.
  • Elle ne sait pas quelles activités vont aggraver son état de santé. Elle dit que ça varie et qu’elle le sait seulement quand elle essaie l’activité.
  • Elle ne sait pas quand une journée [traduction] « commotionnelle » surviendra. Elle ne sait pas à quelle fréquence elle devrait s’absenter pour une journée de maladie. Elle ne croit pas qu’elle serait une employée fiable.
  • Elle n’a pas essayé d’occuper un emploi moins exigeant ou à temps partiel ou de faire un autre travail.

[42] Je suis sensible à la situation de la requérante, mais je dois respecter la loi. Elle doit démontrer qu’elle a essayé de travailler, mais qu’elle en a été incapable en raison de son problème de santéNote de bas page 26. Elle n’a fait aucune tentative. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’elle avait une invalidité grave en date de l’audience.

Conclusion

[43] Je conclus que la requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Comme j’ai tiré cette conclusion, il n’est pas nécessaire de vérifier si l’invalidité est prolongée.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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