Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 243

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : J. R.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 12 août 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 22 mars 2022
Numéro de dossier : GP-21-1808

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, J. R., n’est pas admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est une femme de 35 ans qui a une douleur chronique. La douleur a commencé après sa chute dans des escaliers en décembre 2018.Note de bas de page 1 Les régions touchées sont notamment son dos (en descendant vers la fesse), le côté droit de son cou et son épaule droite (en descendant le long de son bras)Note de bas de page 2.

[4] Au moment de sa blessure, l’appelante avait deux emplois. Elle travaillait 42 heures par semaine comme représentante du service à la clientèle de la City of Toronto [ville de Toronto], et elle travaillait sept à 10 heures par semaine comme professeure- assistante de chimie. Elle a cessé les deux emplois à la suite de sa blessure. Elle a arrêté de travailler pour la ville de Toronto en janvier 2019, et elle a cessé de travailler comme professeure- assistante à la fin avril 2019Note de bas de page 3.

[5] L’appelante a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada en juin 2019. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle ne peut pas travailler parce qu’elle ne peut pas se servir efficacement de son bras droit et parce qu’elle est incapable de se pencher, de faire un mouvement de torsion, de se tourner ou de rester assise pendant plus de cinq minutes à la fois. Elle a ajouté qu’elle a de la douleur névralgique dans le bras droit (qui est son côté dominant)Note de bas de page 4.

[6] Peu de temps après sa demande de prestations, l’appelante a reçu un diagnostic de fibromyalgieNote de bas de page 5.

[7] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande, à la fois au palier décisionnel initial et à celui de la révision.  

[8] L’appelante a porté la décision de révision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Une membre du Tribunal a instruit l’appel de l’appelante en mars 2021. Cette membre a rejeté l’appel parce qu’elle a conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave.

[10] L’appelante n’était pas d’accord avec cette décision; elle l’a donc portée en appel à la division d’appel du Tribunal, qui a accueilli l’appel. Il en a été ainsi parce que la division générale n’avait pas suffisamment motivé sa décision. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour un nouvel examen.

[11] Je suis maintenant saisie de l’appel.

[12] L’appelante affirme qu’elle est invalide parce que son invalidité est à la fois grave et prolongée. Elle dit qu’elle a plusieurs limitations qui l’empêchent de travailler.

[13] Le ministre affirme que l’appelante n’est pas invalide parce que même si elle a des limitations, elle devrait pouvoir effectuer un travail léger ou modifié.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai accepté des documents déposés en retard

[14] Lorsque j’ai planifié la présente audience, j’ai fixé les échéances de dépôt et de réponse au 18 janvier 2022 et au 18 février 2022, respectivement.

[15] Le ministre a déposé des observations le 22 février 2022Note de bas de page 6. Bien que ces observations aient été déposées en retard, j’ai décidé de les accepter au dossier. Elles étaient en retard de quelques jours seulement, et l’appelante a confirmé à l’audience qu’elle les avait lues.

Modification de la période minimale d’admissibilité

[16] Jusqu’aux observations les plus récentes du ministre, celui-ci disait que la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) de l’appelante était le 31 décembre 2021. La PMA est la date avant laquelle une partie appelante doit être réputée invalide. Les plus récentes observations du ministre précisent que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2022.

[17] Je n’ai pas pu vérifier le calcul de la PMA parce que les observations du ministre n’incluaient pas une copie à jour du registre des gains de l’appelante. De plus, le ministre ne s’est pas fait représenter à l’audience, bien qu’il ait affirmé précédemment qu’une personne y assisterait en son nomNote de bas de page 7.

[18] J’ai expliqué la question de la PMA à l’appelante. Je lui ai également expliqué qu’elle pouvait demander un ajournement s’il lui semblait important, dans le cadre de son affaire, de régler la question de la PMA avant l’audience. L’appelante a dit qu’elle irait de l’avant avec l’audience. Cette approche m’a semblé logique parce que l’appelante m’a dit que rien n’a changé concernant son invalidité entre le 31 décembre 2021 et la date de l’audience.

[19] Après l’audience, j’ai écrit au ministre et j’ai demandé une copie à jour du registre des gains de l’appelanteNote de bas de page 8. Le 8 mars 2022, le ministre a fourni le document, qui faisait état de gains au cours de l’année 2020Note de bas de page 9. Ainsi, la date de fin de la PMA de l’appelante est le 31 décembre 2022.

Ce que l’appelante doit prouver

[20] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le jour de l’audienceNote de bas de page 10.

[21] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[22] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 11.

[23] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 12.

Motifs de ma décision

[24] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

L’invalidité de l’appelante n’est pas grave

[25] J’accepte le fait que l’appelante a de la douleur et qu’elle a d’autres problèmes de santé, y compris des troubles de santé mentale. J’accepte également le fait que l’appelante a des limitations qui pourraient avoir une incidence sur les types d’emploi qu’elle peut occuper. Cependant, je ne peux pas conclure que l’invalidité de l’appelante est grave. Je vais expliquer pourquoi.

Les éléments de preuve concernant les limitations fonctionnelles de l’appelante ne sont pas fiables

[26] Je ne suis pas en mesure de saisir la nature des limitations fonctionnelles de l’appelante. Cela tient au fait que l’appelante a, à mon avis, surévalué ses limitations. Je pourrais donner divers exemples, mais je me concentrerai sur deux d’entre eux.

[27] Voici le premier exemple : lorsque l’appelante a demandé des prestations en juin 2019, elle a dit qu’elle peut [traduction] « difficilement » marcher un pâté de maisons (environ 100 mètres) sur un terrain platNote de bas de page 13. Cependant, quelques mois plus tard seulement, en août 2019, l’appelante a dit à un spécialiste (le Dr Mittal) qu’elle marche 30 minutes par jour sur un tapis roulant, deux à trois fois par semaineNote de bas de page 14. En octobre 2019, l’appelante a dit à un autre spécialiste (le Dr Shamis) qu’elle marche 20 à 30 minutes par jour et travaille un jour par semaine comme gardienne de sécuritéNote de bas de page 15.

[28] Voici le deuxième exemple : en septembre 2020, l’appelante a écrit au Tribunal et a fourni une longue liste de limitations qui l’empêchent de travailler. Ces limitations incluaient l’incapacité de porter son attention sur quelque chose et de rester concentrée, et une capacité de marcher [traduction] « gravement perturbée ». L’appelante a également laissé entendre qu’elle passe le plus clair de son temps à Toronto, où elle vit avec ses parents. Elle a écrit : [traduction] « Maintenant, je reste chez moi à attendre que mes médicaments fassent effet, pour m’asseoir et regarder mon neveu de quatre ans jouer avec ses dinosauresNote de bas de page 16 ».

[29] Ce que l’appelante n’a pas dit est qu’au moment où elle a écrit cette lettre, elle habitait, travaillait et étudiait à Victoria, en Colombie-Britannique. Elle était inscrite comme étudiante à temps plein à un programme de maîtrise en chimieNote de bas de page 17, et elle travaillait comme professeure-assistante et comme adjointe de recherche. Tout cela durait depuis janvier 2020Note de bas de page 18.

[30] J’ai examiné ce que les médecins ont dit concernant les limitations de l’appelante. Cependant, j’ai du mal à accepter toutes les limitations cernées dans les rapports médicaux.

[31] Premièrement, une bonne partie de ce qui est signalé se fonde simplement sur ce que l’appelante disait à ses médecins. En effet, sa maladie n’en est pas une que l’on peut mesurer de façon objective. Par exemple, en mai 2019, l’appelante a dit au Dr Ganty qu’elle ressent presque constamment une douleur fulgurante et cuisante qui descend le long de son bras droit. Le Dr Ganty a noté qu’une radiographie et une échographie récentes n’avaient révélé aucune pathologie pouvant expliquer les symptômes de l’appelante. Le Dr Ganty a ajouté qu’une IRM de janvier 2019 de la colonne thoracolombaire était presque normale sans aucune preuve de pathologie pouvant expliquer la douleur.

[32] Je ne dis pas que les résultats d’imagerie de l’appelante sont incompatibles avec l’intensité de la douleur qu’elle signale. Je reconnais que la douleur de l’appelante ne peut être mesurée au moyen d’examens d’imagerie objectifs. Ce que je veux dire, c’est que les états de douleur sont fondés en grande partie sur des rapports subjectifs, et comme je l’ai déjà dit, je crois que l’appelante a tendance à surévaluer ses limitations.

[33] Deuxièmement, il y a des incohérences dans la façon dont les limitations sont présentées, et les incohérences ne sont pas expliquées. À titre d’exemple, le 31 mai 2019, la médecin de famille de l’appelante (la Dre Dunston) a écrit une lettre énonçant les mesures d’adaptation dont cette dernière aurait besoin pour un travail qu’elle envisageait de faire à la ville de Toronto (coordonnatrice des installations pour les camps d’été). La Dre Dunston a dit que l’appelante aurait besoin notamment de la possibilité de conduire (plutôt que de prendre l’autobus) pour se rendre aux excursions à l’extérieurNote de bas de page 19. Cependant, environ deux semaines plus tard, la Dre Dunston a rempli un rapport médical du Régime de pensions du Canada, dans lequel elle a dit que l’appelante ne peut pas conduireNote de bas de page 20.

[34] Troisièmement, les rapports ne traitent pas en profondeur des activités scolaires et professionnelles de l’appelante. Par exemple, en avril 2020 et en septembre 2020, la Dre Dunston a écrit que l’appelante est incapable de travaillerNote de bas de page 21. Cependant, la médecin de famille n’a pas abordé le fait que l’appelante était inscrite à un programme de maîtrise et qu’en réalité, elle travaillait.

Certains de ses traitements aident l’appelante

[35] En mars 2019, l’appelante a commencé les perfusions de lidocaïne et de kétamine. Les perfusions sont censées aider à contrôler la composante neuropathique de la douleurNote de bas de page 22.

[36] La preuve montre que ces traitements ont été utiles. En novembre 2019, le Dr Ganty a déclaré que la dernière perfusion de l’appelante avait apporté [traduction] « un soulagement important de la douleurNote de bas de page 23 ». Le Dr Ganty a dit la même chose en mars 2020, en mai 2020 et en juillet 2020Note de bas de page 24.

[37] L’appelante a dit que les perfusions aident seulement pendant environ quatre semaines, et qu’ensuite elle a de la difficulté jusqu’à sa prochaine perfusion. J’accepte que c’était peut-être le cas durant les premiers mois de perfusions. Je note, par exemple, que l’appelante a dit au Dr Ganty, le 2 octobre 2019, que les perfusions aident pendant environ quatre semaines et qu’ensuite la douleur [traduction] « revient en force ». Le Dr Ganty a rassuré l’appelante en affirmant que, comme on était en train d’ajuster sa dose, elle devrait obtenir un plus grand soulagement de la douleur pendant de plus longues périodesNote de bas de page 25.

[38] En effet, avec le temps, l’appelante a connu de plus longues périodes de soulagement.

[39] Premièrement, les rapports subséquents du Dr Ganty ne mentionnent aucunement que l’appelante était seulement soulagée pendant environ quatre semaines. Ces rapports sont datés du 27 novembre 2019Note de bas de page 26, du 4 mars 2020Note de bas de page 27, du 14 mai 2020Note de bas de page 28, du 8 juillet 2020Note de bas de page 29 et du 2 octobre 2020Note de bas de page 30. En fait, le 4 mars 2020, le Dr Ganty a déclaré que la dernière perfusion de l’appelante l’avait aidée pendant environ trois mois.

[40] Deuxièmement, l’appelante a écrit une lettre en avril 2021, et dans cette lettre, elle a reconnu que les perfusions durent plus de quatre semaines. Elle a dit qu’elles duraient pendant environ six à dix semainesNote de bas de page 31.

[41] Je sais que le Dr Ganty a récemment noté une période raccourcie de soulagement. En octobre 2021, il a dit que l’appelante faisait état de quatre semaines de soulagementNote de bas de page 32. Cependant, j’ignore s’il s’agit d’une chose qui peut être améliorée en faisant d’autres ajustements des dosages. Je sais, en tout cas, qu’en décembre 2021, la période de soulagement de l’appelante s’allongeait (cinq semaines cette fois)Note de bas de page 33, malgré le fait qu’elle n’avait pas obtenu une dose complète en octobre 2021.

[42] L’appelante a également dit que les perfusions n’atténuent pas toute sa douleur. Elle a dit qu’elles soulagent seulement la douleur névralgique persistante. Ce peut être le cas, mais cela demeure important. Je dis cela sachant que l’un des spécialistes de l’appelante a indiqué que les perfusions seraient le traitement le plus bénéfique pour sa maladieNote de bas de page 34.

[43] Un autre traitement ayant été utile à l’appelante est la thérapie que lui procure le Dr Ong, chiropraticien, pour sa douleur à la mâchoire. L’appelante a expliqué que sa douleur est causée par une dislocation de son articulation temporo-mandibulaire. Ce traitement a commencé dans les environs du mois de juin 2021Note de bas de page 35 et se poursuit à ce jour. Pendant l’audience, l’appelante a reconnu que ces traitements aident. Les rapports du Dr Ong disent la même chose. À titre d’exemple, en octobre 2021, le Dr Ong a écrit que la mâchoire de l’appelante est en meilleur état que lorsqu’elle a commencé le traitementNote de bas de page 36.

Il y a encore des traitements que l’appelante peut essayer

[44] À partir de 2021, l’appelante a commencé à se plaindre de douleur au genou. En février 2021, elle a dit à la Dre Dunston que cela durait depuis environ trois semaines, et qu’elle se demandait si cela avait un lien avec la randonnée qu’elle faisait en terrain accidentéNote de bas de page 37. En juin 2021, l’appelante a dit à la Dre Dunston qu’elle avait de la douleur au genou droit et qu’il se bloquait depuis une semaineNote de bas de page 38. La médecin a envoyé l’appelante passer une IRM, qui a révélé une déchirure du ménisque médialNote de bas de page 39. La Dre Dunston a expliqué que le genou a peu de chances de guérir et elle a renvoyé l’appelante à un chirurgienNote de bas de page 40.

[45] L’appelante a vu le chirurgien (le Dr Mehdian) en septembre 2021 et il lui a recommandé de se faire opérer. Il a également noté que l’appelante a accepté d’aller de l’avant avec l’opérationNote de bas de page 41. Cependant, elle a dû changer d’avis parce qu’elle a dit à l’audience qu’elle avait décidé de ne pas subir l’intervention. Elle reçoit plutôt des injections de plasma riche en plaquettes chez un naturopatheNote de bas de page 42. Cela me donne à penser que la douleur au genou de l’appelante est gérée. Si elle s’aggrave, alors la chirurgie demeure une option.

[46] Je passe maintenant à la santé mentale de l’appelante. Elle est atteinte d’anxiété et de dépression. En janvier 2022, elle a fait l’objet d’une évaluation psychologique. L’appelante a une copie de l’évaluation, mais a choisi de ne pas la soumettre en tant que preuve. Elle a expliqué que l’une des raisons pour lesquelles elle ne l’a pas présentée est qu’elle craignait que le ministre [traduction] « renverse » ce que le médecin avait écrit.

[47] Comme je n’ai pas de copie de l’évaluation, je ne sais pas quels traitements la ou le psychologue a recommandés ni si cette personne a dit quoi que ce soit concernant l’utilité d’un traitement pour résoudre les symptômes de l’appelante et améliorer sa fonctionnalité.

[48] L’appelante a vu un thérapeute (M. Phillips) de mai 2020 à décembre 2021, quand elle a dû cesser de le voir à cause de questions de compétence. (L’appelante était retournée en Ontario et M. Phillips est en Colombie-Britannique.) L’appelante a dit que mis à part une somme de 500 $, elle a payé toutes les séances qu’elle a eues avec M. Phillips, et que le montant s’élevait à environ 7 000 $. C’est une grosse somme d’argent, et cela me porte à croire que ces séances ont été utiles. Malheureusement, j’ai seulement un rapport de M. Phillips et il date de septembre 2020, alors que l’appelante étudiait et travaillait à l’université. Je ne sais pas quels progrès l’appelante a accomplis (du point de vue de M. Phillips) grâce aux séances de consultation de septembre 2020 à décembre 2021.

[49] Les lacunes dans la preuve provenant des professionnels de la santé mentale sont préoccupantes parce qu’il existe un lien entre les maladies physiques et les problèmes de santé mentale de l’appelante. En novembre 2019, le Dr Mittal a écrit que la douleur de l’appelante est compliquée par de la détresse émotionnelle et de l’insomnieNote de bas de page 43. 

[50] En ce qui concerne l’insomnie, l’appelante a dit qu’elle avait fait l’objet d’une étude du sommeil à la fin de 2021. Je n’ai pas de copie de ce rapport; et j’ignore donc les recommandations qui ont été faites, le cas échéant.

Il y a des éléments de preuve qui montrent une certaine capacité à travailler

[51] Comme je l’ai déjà dit, j’admets que l’appelante a une douleur chronique et une fibromyalgie. J’accepte également qu’elle ait d’autres troubles, y compris la dépression et l’anxiété. Cependant, cela ne signifie pas que l’invalidité de l’appelante est grave.

[52] À mon avis, la capacité de travail est avérée. L’appelante a déménagé en Colombie-Britannique et a poursuivi une maîtrise en chimie tout en travaillant en même temps comme professeure- assistante et adjointe de recherche. Elle a fait cela sur une longue période (de janvier 2020 à avril 2021, bien qu’avec des interruptions reliées à la pandémie). Elle a également fait tout cela pendant la période au cours de laquelle elle signalait une douleur et des symptômes de santé mentale débilitants.

[53] Je trouve également important que l’appelante continue de chercher et de postuler des emplois. L’appelante a dit qu’elle est toujours une employée de la ville de Toronto et qu’elle est en mesure de postuler des emplois internes. Elle affirme ne pas avoir réussi parce qu’elle ne satisfait pas aux exigences des emplois pour lesquels elle a postulé. Par exemple, elle a postulé des emplois dans le traitement de l’eau et dans le traitement des eaux usées, mais elle a échoué aux évaluations relatives à ces postes.

[54] Le fait que l’appelante continue de chercher du travail et qu’elle présente des demandes d’emploi indique qu’elle croit avoir une capacité de travail.  

[55] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte de divers facteurs, dont son âge, son niveau d’éducation, ses aptitudes linguistiques et son expérience de travail et de vie. Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 44?

[56] Je pense qu’il est réaliste de dire que l’appelante peut travailler. Elle a seulement 35 ans, et il lui reste donc de nombreuses années avant l’âge habituel de la retraite. Elle parle aussi couramment l’anglais. Elle est instruite; elle a un certificat en conditionnement physique et en gestion du mode de vie (juin 2010) et un diplôme universitaire en chimie (juin 2018)Note de bas de page 45. Enfin, elle a de l’expérience comme représentante du service à la clientèle et à titre de professeure-assistante et d’adjointe de recherche. Tous ces emplois donnent des compétences transférables.

[57] Je remarque aussi que la Dre Dunston a indiqué en juin 2019 qu’elle s’attendait à ce que l’appelante soit en mesure de faire un travail qui n’est pas d’ordre physique, comme de la gestion ou de la supervisionNote de bas de page 46. Je sais que la Dre Dunston a changé son opinion par la suite et a affirmé que l’appelante ne pouvait pas travailler, mais son opinion a changé après que l’état de l’appelante a commencé à s’améliorer lors du traitement. De plus, comme je l’ai déjà dit, il est difficile de savoir pourquoi la Dre Dunston a déclaré en avril et en septembre 2020 que l’appelante ne pouvait pas travailler, alors que, dans les faits, elle travaillait et était aux études à ce moment-là.

L’appelante n’a pas essayé de trouver un emploi convenable et de le garder

[58] S’il est réaliste qu’elle travaille, l’appelante doit montrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi. Elle doit aussi montrer que ses efforts ont échoué à cause de sa santéNote de bas de page 47. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles (c’est-à-dire avec des mesures spéciales)Note de bas de page 48.

[59] Le ministre affirme que l’appelante n’a pas essayé d’occuper des emplois respectant ses limitationsNote de bas de page 49. Je suis d’accord.

[60] L’appelante a fait des efforts pour travailler. Cependant, ses efforts ne montrent pas que son état de santé l’empêche de gagner sa vie.

[61] L’appelante est retournée travailler à la ville de Toronto pendant une courte période après s’être blessée en décembre 2018. Cela ne me montre pas que l’appelante ne pouvait pas occuper cet emploi. Elle a fait cette tentative avant de recevoir un traitement de façon durable. De plus, la preuve montre que l’appelante voulait un bureau lui permettant de se tenir debout, mais son employeur ne voulait pas lui en fournir un. Je ne sais pas si l’appelante aurait pu travailler si elle avait pu utiliser un bureau permettant de travailler debout.

[62] L’appelante a tenté, à deux reprises, de travailler comme gardienne de sécurité. Les deux emplois étaient dans des bars. L’appelante a dit avoir fait la première tentative des environs de septembre 2019 à la fin novembre 2019, sans toutefois travailler tous les jours. Elle a fait la seconde tentative en septembre 2021, mais pour seulement deux fins de semaine, et elle n’a pas travaillé tous les jours. Ces emplois ne respectent pas les limitations de l’appelante. Elle a dit que l’emploi de septembre 2021 exigeait qu’elle se tienne debout pendant huit heures et qu’elle monte et descende des escaliers.

[63] Il semble également que le travail de recherche de l’appelante à l’University of Victoria [université de Victoria] ait été exigeant physiquement. L’appelante a écrit, par exemple, qu’être chimiste nécessite des tâches répétitives impliquant les bras, les épaules et le torseNote de bas de page 50. Cette description est incompatible avec les limitations que l’appelante avait signalées précédemment en ce sens qu’elle a dit à un spécialiste qu’elle est incapable de faire toute forme d’activité répétitive et prolongée qui atteint ou dépasse le niveau des épaulesNote de bas de page 51.

[64] Malgré cela, l’appelante n’a pas montré que ses efforts aux études ont échoué à cause de son état de santé. En effet, elle a fourni des renseignements incohérents sur ce qui s’est passé.

[65] D’une part, l’appelante a dit qu’à cause de sa maladie, elle ne pouvait pas avoir un bon rendement à l’université et que, par conséquent, elle a été [traduction] « mutée à l’extérieur du programmeNote de bas de page 52 ». Elle a ajouté que sa maladie avait causé de nombreux trous de mémoire et rendait difficile la compréhension de connaissances de baseNote de bas de page 53.

[66] D’autre part, l’appelante a dit avoir obtenu 70 % dans ses cours. Elle a expliqué qu’elle a échoué parce que le programme de maîtrise exige 80 % pour réussir.

[67] Je n’ai aucune preuve de l’école qui confirme que l’appelante a obtenu 70 % dans son programme. La preuve indique toutefois que l’appelante croit avoir eu un rendement supérieur à ce que révèlent ses résultats. En avril 2021, par exemple, l’appelante a dit au Dr Ganty qu’elle contestait les mauvaises notesNote de bas de page 54. Cela dit, même si l’appelante a obtenu 70 % dans ses cours, je vois mal en quoi ce résultat indique un trouble cognitif important. La capacité d’obtenir des résultats de 70 % dans un programme scientifique de maîtrise, tout en composant avec une douleur chronique, est remarquable et montre de l’acuité mentale. S’ajoute à cela le fait que l’appelante ne recevait pas de perfusions régulières quand elle était en Colombie-Britannique. L’intensité de sa douleur devait donc être supérieure à ce qu’elle aurait été en suivant un traitement régulierNote de bas de page 55.

[68] Je remarque aussi que certaines des difficultés que l’appelante a connues à l’école n’étaient pas tellement dues à son état de santé, mais plutôt à un conflit personnel ou professionnel avec d’autres étudiants et un professeurNote de bas de page 56.

Conclusion

[69] L’appelante n’est pas admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[70] L’appel est rejeté.

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