Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 424

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : D. N. (requérant)
Représentante ou représentant : Karen Crowell
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social.
Représentante ou représentant : Andrew Kirk

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 octobre 2021 (GP-20-1173)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 25 mai 2022
Numéro de dossier : AD-22-24

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Le requérant n’a pas droit à une pension d’invalidité.

Aperçu

[2] D. N. (requérant) a travaillé comme opérateur de machine. Il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en octobre 2018. Il est atteint de douleurs chroniques, de migraines, d’anxiété et de dépression. Le requérant a précisé qu’il ne pouvait plus travailler depuis mai 2013. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a porté la décision du ministre en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour bénéficier d’une pension d’invalidité, le requérant devait démontrer que son invalidité était grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Compte tenu de ses cotisations au Régime de pensions du Canada, sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2010.

[4] La division générale a décidé que le requérant n’avait pas droit à une pension d’invalidité parce que ses limitations fonctionnelles ne nuisaient pas à sa capacité de travailler. Elle s’est appuyée sur le fait que le requérant a repris un emploi à temps plein (mais avec des tâches allégées) en février 2012. Il a cessé de travailler en 2013 et ne travaille plus depuis. La division générale a conclu que même si le requérant croyait sincèrement qu’il ne pouvait pas travailler en raison de sa blessure, ses renseignements médicaux n’appuyaient pas cette conclusion.

[5] J’ai accordé au requérant la permission de faire appel de la décision de la division générale. J’ai conclu que l’on pouvait soutenir que la division générale avait commis une erreur de droit dans son analyse du caractère grave de l’invalidité du requérant. Le requérant demande la permission de faire appel de la décision de la division générale.

[6] Je dois décider si la division générale a commis cette erreur ou l’une des autres erreurs invoquées par le requérant. Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur. Je rejette donc l’appel.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de décider quand l’invalidité du requérant a commencé?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que le requérant n’avait pas de limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2010, étant donné qu’il avait eu une intervention chirurgicale pour sa blessure de 2008 en octobre 2010, après quoi il est resté en arrêt de travail jusqu’en février 2012?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de fournir une analyse des éléments de preuve médicale auxquels elle a fait référence en 2010, autre que de tirer une conclusion à ce sujet?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération et en n’analysant pas la situation personnelle du requérant?
  5. e) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en décidant que l’état de santé du requérant n’était pas grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité en se fondant sur son activité professionnelle après la fin de la période, sans examiner et expliquer pourquoi il ne s’agissait pas d’une vaine tentative de retour au travail?
  6. f) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve que le requérant a présentée au sujet de sa capacité régulière de détenir un emploi véritablement rémunérateur?

Analyse

Examen des décisions de la division générale

[8] La division d’appel ne donne pas au requérant ou au ministre l’occasion de plaider à nouveau sa cause depuis le début. En fait, la division d’appel examine la décision de la division générale pour décider si une erreur a été commise.

[9] Un tel examen repose sur le texte de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui énonce les « moyens d’appel ». Le fait de ne pas suivre l’analyse juridique exigée par le Régime de pensions du Canada et la jurisprudence constitue une erreur de droit. C’est l’un des moyens d’appelNote de bas de page 1.

Date de début du problème de santé

[10] La division générale n’a pas commis d’erreur au sujet de la date à laquelle le problème de santé du requérant a commencé.

[11] Le requérant soutient que la division générale n’a pas décidé de la date à laquelle son problème de santé a commencé et n’a pas compris que ses médecins étaient plus positifs (tout comme lui) quant à ses perspectives lorsqu’il a eu sa première intervention chirurgicale. Personne n’aurait pu savoir qu’au bout du compte, son opération échouerait.

[12] À mon avis, la division générale n’avait pas à choisir une date de début pour l’invalidité du requérant parce qu’elle devait seulement décider si celui-ci était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[13] Étant donné que la division générale a décidé que le requérant n’avait pas prouvé qu’il était invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date, elle n’a pas eu à décider quoi que ce soit d’autre au sujet du moment où les problèmes de santé du requérant ont commencé.

Limitations fonctionnelles

[14] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait concernant les limitations fonctionnelles du requérant pendant la période minimale d’admissibilité. Une partie de l’analyse sur les limitations du requérant porte à confusion, mais cela ne constitue pas une erreur de fait. Même si la division générale a commis une erreur au sujet des limitations fonctionnelles du requérant avant la fin de la période minimale d’admissibilité, cette erreur n’est pas importante à la lumière des autres conclusions de la division générale (elle ne peut pas changer l’issue de la décision).

Ce que la division générale a conclu au sujet des limitations fonctionnelles du requérant

[15] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles, la division générale a conclu ce qui suitNote de bas de page 2 :

  • Le requérant n’avait pas de limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2010, date de fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 3.
  • À la fin de sa période minimale d’admissibilité, le requérant était en arrêt de travail pour se remettre d’une intervention chirurgicale.
  • Le requérant « croit sincèrement » que ses limitations nuisent à sa capacité de travailNote de bas de page 4.
  • La preuve médicale ne « confirme pas la version des faits du requérant » en date du 31 décembre 2010. Elle montre qu’il avait des symptômes et certaines limitations à la suite de son accident survenu en 2008, mais elle ne montre pas qu’il avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2010, soit à la date de fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 5.

Le requérant soutient que la division générale a commis une erreur de fait au sujet de ses limitations fonctionnelles

[16] Le requérant fait valoir qu’il était clair qu’il était atteint d’un problème de santé grave qui l’a empêché de travailler à partir de 2008. Il avait clairement des limitations fonctionnelles à la fin de sa période minimale d’admissibilité : il se remettait d’une opération chirurgicale à ce moment-là. Il était incapable de soulever quoi que ce soit et il a compris qu’il ne devait pas faire le ménage ni le jardinage.

Le ministre soutient qu’il n’y a pas d’erreur de fait et que la division générale a simplement souligné l’absence de preuve médicale concernant les limitations fonctionnelles

[17] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait au sujet des limitations du requérant et que la conclusion de la division générale était très précise : la division générale a conclu que le requérant avait des limitations, mais que la preuve médicale ne démontrait pas que ces limitations ne nuisaient pas à sa capacité de travailler à la fin de la période minimale d’admissibilité.

[18] Le ministre souligne le fait que le Règlement sur le Régime de pensions du Canada exige que les parties requérantes fournissent des rapports médicaux et des preuves médicales afin d’être admissibles à une pension d’invalidité. Le ministre affirme que [traduction] « la preuve médicale doit prouver la gravité du problème de santé du [requérant] avant la fin de sa [période minimale d’admissibilité]Note de bas de page 6 ».

Les conclusions de la division générale concernant les limitations fonctionnelles du requérant portent à confusion, mais il n’y a pas d’erreur de fait parce que les conclusions ne sont pas déterminantes

[19] À mon avis, l’analyse de la division générale concernant les limitations fonctionnelles du requérant porte quelque peu à confusion, mais ne représente pas une erreur de fait.

[20] Il me semble que la référence au fait que le requérant n’a pas de limitations fonctionnelles est une erreur, puisque la division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • le requérant avait effectivement certaines limitations fonctionnelles avant la fin de sa période minimale d’admissibilité;
  • la preuve médicale concernant cette période n’a pas démontré qu’il avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

[21] Toutefois, il n’est pas nécessaire que les éléments de preuve médicale établissent eux-mêmes ces limitations s’ils démontrent l’existence d’un problème de santé grave pendant la période en question. Le requérant avait plutôt besoin d’éléments de preuve médicale démontrant qu’il était atteint d’un problème de santé grave au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 7. Le requérant peut établir les limitations fonctionnelles qu’il a connues après son intervention chirurgicale et avant la fin de la période en combinant les éléments de preuve médicale portant sur son problème de santé et ses propres preuves concernant ses limitations fonctionnelles.

[22] La preuve médicale, à elle seule, n’a pas besoin d’établir la gravité de l’invalidité, ce qui implique d’examiner l’ensemble des problèmes de santé et de décider s’il y avait des limitations fonctionnelles qui faisaient en sorte que le requérant était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. Le traitement, les efforts de travail et la situation personnelle du requérant sont également pertinents pour établir si une invalidité est grave au sens du Régime de pensions du Canada.

[23] Cependant, même si la division générale n’a pas bien décrit les limitations fonctionnelles du requérant avant la fin de la période minimale d’admissibilité, l’erreur n’est pas déterminante : elle n’est pas susceptible de changer l’issue de la décision.

[24] Indépendamment des limitations fonctionnelles à la fin de la période minimale d’admissibilité, le requérant est retourné au travail à temps plein en gagnant un revenu véritablement rémunérateur pendant plus d’un an à partir de 2012, soit des années après la fin de la période en question.

[25] L’activité professionnelle du requérant donne à penser que, quelles que soient ses limitations en 2010, son invalidité n’était pas continue (ou prolongée). La division générale a noté ce travail en lien avec les limitations fonctionnelles du requérantNote de bas de page 8.

[26] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de fait. Le requérant a livré un certain témoignage sur ses limitations fonctionnelles durant la période minimale d’admissibilité. Il a témoigné à propos du fait que, après l’opération, il est seulement retourné travailler en 2012. Il a déclaré qu’il s’est reposé, qu’il a essayé de se rétablir et qu’il a participé à des séances intenses de physiothérapie pendant 17 mois. Il a expliqué qu’il avait perdu sa force de préhension et qu’il avait des douleursNote de bas de page 9.

[27] Cependant, la division générale a conclu que ces limitations ne signifiaient pas qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je n’interviendrai pas dans cette conclusion. Le requérant recevait des prestations d’invalidité de longue durée à ce moment-là, mais les exigences de ce programme sont différentes de celles prévues au titre du Régime de pensions du Canada. Il est clair que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui faisaient en sorte qu’il ne pouvait pas retourner exercer son ancien emploi. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada à ce moment-là.

Analyse des données probantes de 2010

[28] La division générale n’a pas commis d’erreur en faisant référence à des éléments de preuve médicale sans fournir une analyse de ceux-ci.

[29] La division générale a déclaré que les éléments de preuve médicale n’étayaient pas l’allégation selon laquelle le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 10. À l’appui de cette déclaration, la division générale a cité des pages d’éléments de preuve dans les notes de bas de page.

[30] La question est de savoir si la division générale a commis une erreur en tirant cette conclusion sans analyser la moindre preuve.

[31] Le ministre soutient que la division générale avait peu d’analyse à faire parce qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve médicale » expliquant l’état de santé du requérant à la fin de 2010Note de bas de page 11.

[32] Les éléments de preuve auxquels la division générale a fait référence à l’appui de sa conclusion ne comprenaient qu’un seul document datant de 2010. Il s’agissait d’un résumé par un physiothérapeute de l’état de santé du requérant après l’intervention chirurgicale. Il a déclaré qu’il y avait une diminution de la douleur, une diminution de la force avec une certaine amélioration, et quelques fissures au niveau du cou du requérant qui ne lui causaient aucune limitation.

[33] Le reste des rapports sur lesquels la division générale s’est appuyée datent de 2011. Il s’agissait de rapports de physiothérapie datant du 11 février 2011 jusqu’au moment où le requérant est retourné au travail. Ces rapports démontraient ce que le ministre appelle une [traduction] « amélioration constante ».

[34] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur. Un examen plus approfondi des éléments de preuve auxquels la division générale a fait référence appuie l’argument du ministre. La division générale n’avait pas besoin de fournir une analyse plus poussée de ces documents, car ils n’apportaient pas beaucoup de preuves de l’existence d’une invalidité grave avant la fin de la période minimale d’admissibilité.

Situation personnelle

[35] La division générale n’a pas commis d’erreur en ne prenant pas en compte la situation personnelle du requérant avant de décider que son invalidité n’était pas grave.

Prise en compte de la situation personnelle du requérant

[36] Pour décider si une invalidité est grave, la division générale prend en compte les problèmes de santé et la situation personnelle de la personne (comme son âge, sa capacité à communiquer en anglais, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de la vie)Note de bas de page 12. La prise en compte de la situation personnelle de la personne est importante, et on l’appelle parfois « l’approche réaliste », car elle est axée sur l’employabilité d’une partie requérante.

[37] La prise en compte de la situation personnelle du requérant n’est pas strictement requise dans chaque appel. Cependant, il existe des situations dans lesquelles une partie requérante peut faire état d’un problème de santé grave qui a une incidence sur sa capacité à exercer son ancien emploi, mais qui laisse ouverte la question de savoir si elle pourrait être en mesure d’exercer un autre emploi. Parfois, c’est en examinant la situation personnelle de la personne qu’il devient évident que se recycler ou trouver un autre travail n’est pas une option réelle pour la personne en raison de facteurs autres que son problème de santé en soi.

La division générale n’a pas tenu compte de la situation personnelle du requérant

[38] La division générale n’a pas tenu compte de la situation personnelle du requérant, déclarant que bien que cela soit habituellement requis, elle n’avait pas à le faire dans le présent appel, car « aucune limitation fonctionnelle n’empêchait le requérant de travailler en date du 31 décembre 2010. Autrement dit, il n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave à cette époque-làNote de bas de page 13. »

[39] La division générale s’est appuyée sur la décision Giannaros pour affirmer qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte de la situation personnelle d’une personne lorsque la preuve ne démontre pas l’existence d’une invalidité graveNote de bas de page 14.

Le ministre soutient que la division générale n’avait pas à tenir compte de la situation personnelle du requérant

[40] Le ministre soutient que la division générale n’avait pas à tenir compte de la situation personnelle du requérant parce que les [traduction] « éléments de preuve médicale limités » en date de la période minimale d’admissibilité n’appuyaient pas une conclusion d’invalidité grave à ce moment-là et que le requérant était en mesure de retourner au travail. Dans un tel cas, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la situation personnelle.

[41] Le ministre s’appuie sur la décision Kiriakidis de la Cour d’appel fédérale. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de ne pas analyser la situation personnelle du requérant. En effet, le requérant a travaillé après la fin de la période minimale d’admissibilité, et la preuve médicale a démontré qu’il se débrouillait « assez bienNote de bas de page 15 ».

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte de la situation personnelle du requérant

[42] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de la situation personnelle du requérant, bien que les raisons données par la division générale pour justifier cette approche aient été quelque peu insuffisantes.

[43] Dans la plupart des cas, la prise en compte de la situation personnelle est une partie nécessaire de l’analyse qui vise à décider si une invalidité est grave au sens du Régime de pensions du Canada. Les raisons pour lesquelles on omet cette partie de l’analyse doivent être claires.

[44] La division générale s’est appuyée sur la décision Giannaros pour affirmer qu’il n’était pas nécessaire de tenir compte de la situation personnelle du requérant.

[45] Toutefois, l’affaire Giannaros était différente de l’appel du requérant. Elle comprenait les éléments suivants :

  • Une analyse approfondie de la preuve médicale. La Commission d’appel des pensions a conclu qu’aucun médecin n’avait déclaré que la requérante était incapable de travailler.
  • La preuve médicale indiquait que le pronostic était juste.
  • Les médecins ont conseillé à la requérante de retourner au travail à deux reprises.
  • La requérante n’a pas fait d’efforts raisonnables pour suivre les recommandations de traitement.

[46] Je ne suis pas convaincue que la situation du requérant ressemble à celle de l’affaire Giannaros. Le requérant recevait des prestations d’invalidité de longue durée à la fin de la période minimale d’admissibilité. Il se remettait d’une intervention chirurgicale. Aucun médecin ne lui avait dit de retourner au travail à ce moment-là, et il suivait les recommandations de traitement.

[47] Le cas du requérant ressemble davantage à l’affaire Kiriakidis. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’était pas déraisonnable de sauter l’analyse de la situation personnelle alors que le requérant se débrouillait assez bien après la fin de la période minimale d’admissibilité et qu’il travaillait.

[48] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte de la situation personnelle du requérant. Elle a décidé que le retour au travail du requérant après la fin de la période minimale d’admissibilité démontrait qu’il avait une certaine capacité de travail. Cela, combiné à l’absence d’éléments de preuve au sujet des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient d’occuper un emploi véritablement rémunérateur, signifiait que la division générale n’avait pas à tenir compte de la situation personnelle du requérant.

Activité professionnelle

[49] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en se concentrant trop sur l’activité professionnelle du requérant après la fin de la période minimale d’admissibilité sans réfléchir et expliquer pourquoi il ne s’agissait pas d’une vaine tentative de retour au travail.

Analyse du travail du requérant par la division générale

[50] La division générale a conclu que le requérant était capable de travailler en partie grâce aux éléments de preuve médicale en date de la période minimale d’admissibilité et aux faits concernant le retour au travail du requérant bien après la fin de la période en question en 2012Note de bas de page 16.

[51] La division générale a constaté que lorsque le requérant est retourné au travail, il était encore opérateur de machine et que ses tâches étaient censées être plus légères. Il a commencé à avoir de la douleur et des migraines six mois après son retour au travail. Il prenait des médicaments la nuit pour pouvoir travailler le jour. Il a cessé de travailler en mai 2013 à cause de la douleur et n’est pas retourné au travail par la suite. Il a dit que son médecin ne lui avait pas recommandé de reprendre le travailNote de bas de page 17.

[52] La division générale a souligné que le requérant travaillait à temps plein du 27 février 2012 au 29 mai 2013. Son emploi était véritablement rémunérateur. La division générale a précisé que lorsque le requérant a demandé une pension d’invalidité, il a déclaré qu’il estimait qu’il ne pouvait plus travailler à compter de mai 2013, soit bien après la fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 18.

[53] La division générale a également tenu compte des renseignements fournis par l’employeur du requérant au sujet de son travail, y compris le fait que son assiduité et son travail étaient satisfaisants (dans un rôle pour les personnes ayant des restrictions médicales) et qu’il avait cessé de travailler pour des raisons médicalesNote de bas de page 19.

[54] Le requérant a déclaré que son chirurgien n’approuvait pas son retour au travail, mais que l’avis du médecin de l’employeur [traduction] « l’avait emporté » sur l’opinion du chirurgienNote de bas de page 20. Il a déclaré que les six premiers mois de travail n’étaient pas si mal, mais que ses symptômes (maux de dos, maux de tête, douleurs dans les bras) avaient réapparus et que les médecins lui avaient dit [traduction] « de s’y faire et d’endurer ». Le requérant a dit avoir développé une hernie en tentant de protéger son cou lorsqu’il travaillait. Il a cessé de travailler en mai 2013, et son médecin lui a dit de ne pas retourner au travail.

Retour au travail et notion de vaine tentative de retour au travail

[55] La preuve qu’une partie requérante a travaillé après la fin de la période minimale d’admissibilité peut démontrer qu’elle a une certaine capacité de travail, mais pas dans tous les cas.

[56] Par exemple, un travail effectué par une partie requérante peut être une « vaine tentative » qui ne démontre aucune capacité de travail. La Cour fédérale a conclu qu’il n’y a pas de distinction claire entre le travail qui établit la capacité et le travail qui est une vaine tentative. Un retour au travail qui ne dure que quelques jours serait une vaine tentative, mais la Cour fédérale a déjà déclaré que deux années de rémunération correspondant à ce que la partie requérante gagnait auparavant n’en seraient pas uneNote de bas de page 21.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’évaluer si le retour au travail a été une vaine tentative

[57] À mon avis, compte tenu de l’ensemble de la décision, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Elle a tenu compte de la durée du travail du requérant, du revenu qu’il gagnait, de son rendement et de la raison pour laquelle il avait cessé de travaillerNote de bas de page 22.

[58] Selon moi, la décision de la division générale donne à penser que la durée du travail était trop longue pour qu’il s’agisse d’une vaine tentative de retour au travail, même s’il avait été préférable que la division générale fasse une déclaration claire. Je ne peux pas conclure que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de mentionner l’expression « vaine tentative ». La division générale a inclus de l’information sur la nature du travail et les symptômes que le requérant présentait dans le cadre de ce travail.

[59] J’estime que la division générale a répondu directement à la question de savoir si le travail était une vaine tentative, mais qu’elle n’a pas fourni cette analyse expressément étant donné que la rémunération du requérant et la durée de son emploi ne différaient pas de ce que la Cour a indiqué dans la décision Monk comme étant le genre de travail qui ne correspond pas à une vaine tentative.

[60] Je comprends qu’il y a de nombreuses différences entre le genre de vaine tentative de retour au travail qui dure quelques jours et le délai de deux ans dont parle la Cour d’appel fédérale dans la décision Monk. Cependant, le retour au travail du requérant correspond davantage à la situation de deux ans qu’à une brève tentative de retour au travail sur une période de quelques jours.

Capacité régulière d’occuper un emploi véritablement rémunérateur

[61] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’examiner la preuve du requérant quant à savoir s’il était régulièrement capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

[62] Pour qu’une invalidité soit grave, le requérant doit être régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Chaque partie de cette définition a un sens. La prévisibilité est essentielle pour évaluer si une personne travaille régulièrementNote de bas de page 23. La question de savoir si le requérant était régulièrement capable était importante.

[63] Le requérant a été absent du travail à partir du moment où il s’est blessé en septembre 2008 jusqu’à ce qu’il tente de retourner au travail en 2012. À la fin de la période minimale d’admissibilité, il se remettait d’une intervention chirurgicale.

[64] Le requérant avait des limitations à la fin de la période minimale d’admissibilité, mais la division générale a conclu que ces limitations ne signifiaient pas qu’il était régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Lorsqu’il est retourné au travail en 2012, la division générale a cité des éléments de preuve qui donnaient à penser que le requérant était régulièrement capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur pendant cette période. La division générale a notamment précisé que le travail était à temps plein et qu’il n’y avait pas de problème d’assiduité.

[65] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Une grande partie de la preuve fournie par le requérant au sujet du fait qu’il n’était pas régulièrement capable de travailler faisait référence à des limitations fonctionnelles qu’il avait après avoir cessé de travailler en 2013, soit après la fin de la période minimale d’admissibilité. Le requérant a expliqué pourquoi il n’était pas régulièrement capable de travailler à la fin de la période en question (il participait à des séances intenses de physiothérapie et avait beaucoup de douleur). Cependant, la division générale a examiné la preuve médicale et le travail qu’il a effectué après la fin de la période minimale d’admissibilité et a décidé que le requérant était régulièrement capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Je n’interviendrai pas dans ces conclusions.

Mot de la fin

[66] Pour terminer, les questions que j’ai examinées portent principalement sur la gravité de l’invalidité du requérant. Comme la division générale n’a pas conclu que l’invalidité était grave au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité, il n’était pas nécessaire de décider si elle était prolongée.

[67] Il convient toutefois de souligner qu’au moins certaines des raisons pour lesquelles la division générale a conclu que l’invalidité n’était pas grave auraient un lien avec la question de savoir si l’invalidité était prolongée. Par exemple, le travail effectué après la période minimale d’admissibilité est pertinent à la question de savoir si l’invalidité était prolongée.

[68] Je suis également consciente des arguments du ministre au sujet d’autres éléments de preuve au dossier qui donnent à penser que le requérant était capable de travailler jusqu’en 2017Note de bas de page 24.

Conclusion

[69] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.