Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : HS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 976

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : H. S.
Représentante ou représentant : Ashwin Ramakrishnan
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 3 septembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lianne Byrne
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 31 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-20-1661

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le requérant, H. S., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada payable à compter de décembre 2018. La présente décision explique les raisons pour lesquelles j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] Le requérant avait 51 ans en date du 31 décembre 2017. Il a travaillé dans le secteur de la construction jusqu’en juin 2016. Il a cessé de travailler en raison de son arthrose aux genoux, et des douleurs, des enflures et des problèmes de mobilité qui en découlaient. Il n’a repris aucun emploi depuis.

[4] Le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 12 novembre 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a donc fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le requérant affirme être atteint d’une invalidité grave et prolongée. La preuve médicale montre que son invalidité est permanente. Compte tenu de son état de santé, de son niveau d’instruction, de sa formation et de ses compétences, aucun employeur ne l’embaucherait dans un contexte réaliste. Même si le requérant trouvait du travail, il serait incapable de l’exercer sur une base régulière. Il n’est pas en mesure de détenir une occupation rémunératrice depuis 2016.

[6] Le ministre affirme que le requérant n’a pas établi qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2017 et de façon continue par la suite. Il existe une preuve que le requérant est capable de travailler. Le ministre ne conteste pas le fait que le requérant est incapable d’effectuer le travail physique qu’il faisait dans son emploi précédent. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il serait incapable d’exercer un autre type d’emploi. Rien ne prouve qu’il ait déjà essayé d’occuper un autre type d’emploi.

Ce que le requérant doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2017. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la partie requérante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Je dois donc examiner tous les problèmes de santé du requérant pour déterminer l’effet qu’ils ont sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de certains facteurs, dont son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents professionnels et son expérience de vie. Je pourrai ainsi brosser un portrait « réaliste » de sa situation et décider si son invalidité est grave. Si le requérant est régulièrement capable d’exercer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. L’invalidité du requérant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] Le requérant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est atteint d’une invalidité.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2017. J’ai rendu la présente décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité du requérant était-elle grave?
  • L’invalidité du requérant était-elle prolongée?

L’invalidité du requérant était-elle grave?

[15] L’invalidité du requérant était grave. J’ai tiré cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles du requérant nuisent à sa capacité de travail

[16] Le requérant est atteint d’arthrose aux deux genoux. Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 4. Je dois plutôt décider si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous les problèmes de santé du requérant (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 6.

[17] Je conclus que le requérant a des limitations fonctionnelles.

Ce que le requérant pense de ses limitations fonctionnelles

[18] Le requérant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Il a toujours occupé des emplois exigeants sur le plan physique. Dernièrement, il a travaillé à temps plein de janvier 2013 à juin 2016 chez X dans le secteur de la construction, en s’occupant notamment du cimentage, du forage de trous, du meulage et du charpentage. Il devait utiliser un marteau perforateur et monter et descendre des collines en transportant du bois.

[19] Les problèmes aux genoux du requérant sont apparus vers 2013. Ils lui causaient beaucoup de douleur. Comme ses genoux enflaient, il portait des jeans amples pour travailler. Il pouvait ainsi recouvrir ses genoux de bandages. Ses symptômes se sont aggravés au fil du temps. Il a cessé de travailler en juin 2016 en raison de son arthrose aux genoux.

[20] Depuis décembre 2017, l’état des genoux du requérant a empiré. Il a de la difficulté à marcher et utilise une canne. Il dépend de son épouse pour le reconduire.

[21] Ses médecins lui ont tous dit qu’il ne peut pas retourner travailler. Le requérant a parlé d’emplois plus légers à son médecin de famille, le Dr Jack Sussman. Toutefois, le Dr Sussman ne l’a pas autorisé à reprendre le travail. Le requérant s’est informé auprès de son employeur à propos de tâches plus légères, mais celui-ci ne voulait rien avoir à faire avec lui.

[22] Outre ses douleurs aux genoux, le requérant a mal à la hanche compte tenu de l’état de ses genoux. Il a aussi trois hernies, est atteint d’apnée du sommeil grave, a pris du poids en raison de ses problèmes de mobilité et a des essoufflements.

[23] Les médecins que le requérant a consultés lui ont tous dit qu’il n’y avait plus rien à faire pour ses genoux. Ils lui ont aussi dit qu’il ne pouvait pas retourner au travail. Le requérant a besoin d’une arthroplastie totale des deux genoux.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles du requérant

[24] Le requérant doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2017Note de bas de page 7.

[25] La preuve médicale confirme la version des faits du requérant. Le rapport médical du Régime de pensions du Canada a été rempli le 23 octobre 2019 par le Dr Ewaen Igbinidu, médecin de famille. Le requérant a de l’arthrose aux deux genoux, ce qui limite grandement ses mouvements. Il a une capacité limitée à marcher et d’autres comorbidités, comme l’obésité, qui compliquent son état.

[26] Le 1er décembre 2015, le Dr Barry Cayen, chirurgien orthopédiste, a écrit que les douleurs du requérant au genou droit sont plus intenses que celles au genou gauche, et ce depuis de nombreuses années. Un traitement non chirurgical était recommandé pour son genou droit alors qu’il continuait de travailler dans le secteur de la construction lourde. Lorsqu’il serait en mesure d’obtenir un emploi avec des tâches plus légères, il pourrait avoir une arthroplastie totale du genou droit.

[27] Dans un rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles daté du 5 octobre 2016, le Dr Steve Brown, physiothérapeute, et le Dr Alan Sze, kinésiologue, ont écrit que le requérant a démontré des tolérances de force dans la catégorie de force sédentaire et légère. Je remarque que le requérant n’a pas d’expérience dans le travail sédentaire ou les tâches légères. Je note aussi que son état de santé s’est détérioré après la date de ce rapport.

[28] Le 13 décembre 2016, le Dr Cayen a écrit que le requérant souhaite avoir une arthroplastie totale du genou droit. Un travail où il n’a pas besoin de soulever des objets a été recommandé après l’intervention chirurgicale. L’état du requérant s’est toutefois considérablement détérioré après la date du rapport.

[29] Le Dr Sussman a écrit le 6 mars 2018, juste après la fin de la période minimale d’admissibilité, que le requérant a de vives douleurs au genou droit qui s’intensifient depuis les dernières années. Il a de l’arthrose aux deux genoux, mais l’état de son genou droit est pire. Le Dr Cayen a estimé qu’une arthroplastie totale du genou échouerait prématurément s’il continuait à faire son travail physique habituel. Le requérant n’était pas en mesure d’obtenir des tâches plus légères. Le Dr Sussman estime que le requérant est complètement invalide en raison de la lourde charge de travail de son dernier emploi.

[30] Le Dr Roderick Martin, chirurgien orthopédiste, a déclaré le 16 décembre 2019, soit après la fin de la période minimale d’admissibilité, que le requérant a une arthrose bilatérale des genoux. Il a également été noté que le requérant a eu un accident vasculaire cérébral en 2009. Le requérant a aussi les problèmes de santé suivants : hypertension, maladie vasculaire, apnée du sommeil obstructive et angine de poitrine. Un rendez‑vous a été pris pour une arthroplastie totale du genou droit. Cependant, le requérant a déclaré qu’il ne connaît toujours pas la date de son intervention, en partie à cause des retards liés à la pandémie de la COVID-19.

[31] La preuve médicale appuie le fait que l’arthrose bilatérale des genoux du requérant l’empêchait d’occuper un emploi exigeant sur le plan physique, notamment dans la construction, en date du 31 décembre 2017.

[32] Je vais maintenant examiner si le requérant a suivi les conseils médicaux.

Le requérant a suivi les conseils médicaux

[33] Le requérant a suivi les conseils médicaux.

[34] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une partie requérante doit suivre les conseils médicauxNote de bas de page 8. Si elle ne le fait pas, elle doit fournir une explication raisonnable. Je dois aussi examiner les effets potentiels des conseils médicaux sur l’invalidité de la partie requéranteNote de bas de page 9.

[35] Dans le cas présent, le requérant a suivi de nombreux traitements pour améliorer son état de santé : il a participé à des séances de physiothérapie; il a essayé et prend toujours différents médicaments contre la douleur (Tylenol, anti-inflammatoires non stéroïdiens); il applique de la crème A‑535 sur ses genoux; il a eu une ponction des genoux à de nombreuses reprises; il reçoit des injections de cortisone dans les deux genoux, ce qui lui permet de se déplacer un peu plus facilement; et il réchauffe souvent ses vêtements dans le four. Il essaie aussi d’avoir une arthroplastie totale du genou droit, mais il n’a pas encore été en mesure d’obtenir la date de son intervention en raison de la pandémie de la COVID-19.

Le requérant a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 10.

[36] À présent, je dois décider si le requérant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, les limitations fonctionnelles du requérant doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 11.

Le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[37] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes de santé du requérant et à leur effet fonctionnel. Pour décider si le requérant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents professionnels et son expérience de vie.

[38] Ces facteurs m’aident à savoir si le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 12.

[39] Je conclus que le requérant est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Il avait 51 ans en date du 31 décembre 2017. Il a terminé sa 11e année. Il a seulement exercé des emplois exigeants sur le plan physique, notamment dans le secteur de la construction et de la peinture par pulvérisation. Il n’a jamais occupé d’emploi sédentaire ou léger.

[40] Le requérant ne peut pas exercer d’emplois comme ceux qu’il a occupés dans le passé ou tout emploi comportant des tâches physiques, même légères, à cause de ses importantes restrictions de mobilité. Il n’a jamais eu d’emploi sédentaire et, compte tenu de son âge, de son niveau d’instruction et de ses antécédents professionnels, il est peu probable qu’il obtienne un emploi sédentaire, même en faisant fi de ses problèmes de santé. Il aurait besoin de se recycler pour exercer un emploi sédentaire, ce qui n’est pas réaliste compte tenu de ses problèmes de mobilité et de sa difficulté à rester assis longtemps. Je juge que le requérant était inapte au travail dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2017. Je constate également l’absence de preuve de capacité de travail en date du 31 décembre 2017.

[41] Je conclus que le requérant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017.

L’invalidité du requérant était-elle prolongée?

[42] L’invalidité du requérant était prolongée.

[43] Les problèmes de santé du requérant sont apparus en 2013 et se sont aggravés au fil du temps. Son état ne s’est pas amélioré depuis, et risque de durer indéfinimentNote de bas de page 13.

[44] Le Dr Igbinidu a déclaré que l’état de santé du requérant se détériorera probablement avec le temps. Le Dr Lee, pour sa part, a écrit qu’il est peu probable que son état invalidant s’améliore dans un délai raisonnable de sorte qu’un retour au travail soit possible. Les symptômes invalidants du requérant se sont peu à peu aggravés depuis le début et devraient durer indéfiniment. Le requérant a été dirigé vers un chirurgien orthopédiste pour une arthroplastie totale du genou. Toutefois, on ne s’attend pas à ce que le traitement permette au requérant de se rétablir davantage de sorte à améliorer considérablement sa capacité de travail.

[45] J’accepte aussi le témoignage oral du requérant selon lequel il a des douleurs continues aux genoux et des limitations fonctionnelles qui ont empiré au fil du temps.

[46] Je conclus que le requérant était atteint d’une invalidité prolongée en date du 31 décembre 2017.

Début des versements

[47] L’invalidité du requérant est devenue grave et prolongée en décembre 2017, lorsque le requérant a déclaré que sa mobilité était grandement restreinte en raison de la douleur et de l’enflure de ses genoux.

[48] Toutefois, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre a reçu sa demande de pension. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le début des versementsNote de bas de page 14.

[49] Le ministre a reçu la demande du requérant en novembre 2019. Le requérant est donc considéré comme étant devenu invalide en août 2018.

[50] La pension du requérant est payable à compter de décembre 2018.

Conclusion

[51] Je conclus que le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée.

[52] L’appel est donc accueilli.

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