Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : GP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 533

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. P.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 1er octobre 2020 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
 
Date de la décision : Le 20 mai 2022
Numéro de dossier : GP-21-57

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] G. P., l’appelant, a cessé d’être invalide en août 2016. Par la suite, il n’était plus admissible au bénéfice de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme technicien de satellites. En 2006, il s’est blessé au pied droit. Il a dû arrêter de travailler. Il a développé un syndrome de douleur régionale complexe. Il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande. Il a commencé à verser la pension à l’appelant en mars 2007Note de bas de page 1.

[4] En juin 2018, l’Agence du revenu du Canada a informé le ministre que l’appelant avait d’autres revenus de 2014 à 2017. Le ministre a dit à l’appelant qu’il révisait son dossier pour voir s’il avait encore droit à la pension d’invaliditéNote de bas de page 2.

[5] En octobre 2019, le ministre a décidé que l’appelant avait cessé d’être invalide au mois d’août 2016. En conséquence, il n’était plus admissible au bénéfice de la pension d’invalidité. Le ministre a exigé que l’appelant rembourse les 44 176,40 $ qu’il avait reçus à titre de pension de septembre 2016 à octobre 2019Note de bas de page 3.

[6] L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[7] Selon l’appelant, le syndrome de douleur régionale complexe l’affecte tous les jours. Ses douleurs sont constantes, tout comme ses problèmes de mobilité. Il se demande aussi pourquoi le ministre ne lui a pas parlé du problème concernant ses revenus avant juin 2018 et pourquoi il a continué de lui verser sa pension d’invalidité jusqu’en octobre 2019. À cause de cela, il vit de grandes difficultés financièresNote de bas de page 4.

Ce que le ministre doit prouver

[8] Le ministre doit prouver que l’appelant a cessé d’être invalideNote de bas de page 5.

[9] On présume que la décision du ministre d’accorder la pension d’invalidité est correcteNote de bas de page 6. Le ministre doit démontrer que la situation de l’appelant a changé par la suite, de sorte que l’appelant n’avait plus droit à la pensionNote de bas de page 7.

[10] Le ministre doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités, ce qui veut dire que cela est plus probable qu’improbable.

Motifs de ma décision

[11] Je juge que l’appelant a cessé d’être invalide en août 2016.

[12] Je comprends pourquoi l’appelant est contrarié par la façon dont Service Canada (le ministre) a traité ce dossier. Je reconnais qu’il n’avait pas l’intention de tromper qui que ce soit ni de prendre de l’argent auquel il n’avait pas droit. Il a supposé que le ministre était au courant qu’il avait des revenus et avait décidé qu’il était toujours admissible à la pension d’invalidité.

[13] Je sais que ma décision causera des difficultés financières et d’autres problèmes à l’appelant. Malheureusement, je ne peux pas tenir compte de telles choses lorsque je rends ma décision. Je peux seulement décider si l’appelant a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[14] Voici les motifs qui expliquent ma décision.

Le critère d’invalidité au sens du Régime de pensions du Canada

[15] Je dois suivre ce que dit le Régime au sujet de l’invalidité. Il dit qu’une personne est invalide si elle a une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 8.

[16] Une invalidité est grave si elle rend la personne « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 9 ».

[17] Une occupation véritablement rémunératrice est un emploi qui permet de gagner au moins autant d’argent que la somme maximale d’une pension d’invalidité du RégimeNote de bas de page 10. En 2016, elle s’élevait à 15 489,72 $. Elle augmente chaque année. En 2022, elle est de 17 489,40 $Note de bas de page 11.

[18] Une invalidité est prolongée si elle doit « vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou [si elle doit] entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 12 ».

[19] Il faut que l’invalidité soit à la fois grave et prolongée. J’admets que l’invalidité de l’appelant est prolongée. Toutefois, elle a cessé d’être grave en août 2016, car à cette époque-là, l’appelant travaillait régulièrement et gagnait plus d’argent que dans ce que la loi appelle une « occupation véritablement rémunératrice ».

La capacité de travail de l’appelant s’est améliorée en 2016

[20] L’appelant était franc et sincère lorsque nous avons discuté à l’audience. Je le crois quand il dit qu’il a encore des problèmes de mobilité et des douleurs.

[21] Le ministre n’a fourni aucune preuve médicale montrant que le problème de santé de l’appelant a changé en 2016. Ce dernier avait encore un syndrome de douleur régionale complexe. Le syndrome l’affectait encore tous les jours.

[22] La capacité de travail de l’appelant s’est toutefois améliorée. Avant 2016, il ne pouvait pas travailler assez régulièrement pour gagner un revenu correspondant à celui d’un emploi véritablement rémunérateur. Le ministre a prouvé qu’à compter du mois d’août 2016, l’appelant pouvait le faire.

[23] En décembre 2021, l’infirmière praticienne qui traite l’appelant a confirmé qu’il est atteint du syndrome de douleur régionale complexe depuis 2006. Elle a expliqué que, même s’il peut travailler, les changements vasculaires qu’il a subis au bas de la jambe, à la cheville et au pied du côté droit limitent ce qu’il peut faire. Cela a eu un impact majeur sur sa santé mentale, ses finances, ses perspectives d’emploi et sa santé globale. Il se pourrait que l’appelant finisse par perdre la partie inférieure de la jambe droiteNote de bas de page 13.

[24] Pour décider si l’invalidité de l’appelant a continué d’être grave, je ne m’arrête pas à son diagnostic ou à ses déficiencesNote de bas de page 14. Je me demande plutôt si ses limitations fonctionnelles l’ont empêché de travailler. S’il avait la capacité régulière de faire un travail quelconque qui serait véritablement rémunérateur, alors il n’avait pas droit à la pension d’invaliditéNote de bas de page 15.

[25] Malgré ses problèmes de santé, l’appelant a essayé de trouver du travail. Pendant de nombreuses années, le seul emploi qu’il pouvait obtenir était celui de superviseur à temps partiel pour le district scolaire local. L’appelant croit que personne d’autre ne voulait l’embaucher en raison de son âge (il a maintenant 57 ans) et de ses difficultés physiques évidentes (il utilise une canne et doit porter des sandales toute l’année).

[26] L’appelant travaille toujours comme superviseur. En soi, cet emploi ne prouve pas qu’il peut faire régulièrement un travail véritablement rémunérateur. Il gagne seulement de 1 000 $ à 3 300 $ par année. Et il peut faire ce travail seulement parce que c’est une heure par jour.

L’appelant a un emploi véritablement rémunérateur

[27] Cependant, l’appelant a trouvé un deuxième emploi en 2014. Depuis 2016, il lui rapporte un revenu qui correspond à celui d’une occupation véritablement rémunératrice. L’emploi qu’il exerce montre qu’il est régulièrement capable de travailler à ce niveau.

[28] De mai à octobre, l’appelant travaille dans un parc d’aventure huit heures par jour, quatre jours par semaine. Au début, il faisait un peu de construction et d’entretien. C’était difficile, et il ne faisait pas beaucoup d’heures. Mais il a découvert que travailler était bon pour son humeur. Il a donc persisté.

[29] En 2016, l’appelant a commencé à faire plus d’heures. Il a obtenu une augmentation de salaire. Il est devenu le gestionnaire du parc. Il dirige le personnel et assure le service à la clientèle. Il s’occupe également de l’une des plus petites courses à obstacles. Vers 15 heures, il est épuisé. Il prend beaucoup de médicaments pour soulager ses douleurs.

[30] Les dossiers de l’appelant montrent les revenus qu’il a gagnés en travaillant à cet endroit :

[31] Le montant pour 2018 est légèrement plus petit que la somme « véritablement rémunératrice » de 16 029,00 $ prévue par le Règlement sur le Régime de pensions du Canada. Toutefois, la somme prévue par le Règlement est annuelle. L’appelant a gagné ce revenu en six mois. Il aurait probablement pu faire des heures supplémentaires pour combler la différence. Il a aussi gagné 1 112,55 $ en travaillant pour le district scolaireNote de bas de page 19.

L’appelant n’avait pas un employeur bienveillant

[32] Si l’appelant avait un employeur bienveillant, cela pourrait vouloir dire qu’il n’était pas vraiment en mesure d’occuper son emploi, malgré ce que son revenu indiquait. L’appelant n’a pas dit une telle chose, mais j’ai quand même envisagé cette possibilité. J’ai cependant décidé que son employeur n’était pas bienveillant.

[33] Un employeur bienveillant modifie les conditions de travail et réduit ses attentes si une employée ou un employé a des limitations. Il s’attend à ce qu’une personne invalide en fasse beaucoup moins que le reste du personnel. Il accepte que la personne ne puisse pas travailler à un niveau concurrentielNote de bas de page 20.

[34] Aucun des emplois de l’appelant ne correspond à cette description. La direction de l’école de ses enfants lui a demandé de poser sa candidature au poste de superviseur il y a environ 13 ans. Il effectue les tâches normales. Il ne connaissait pas son employeur au parc d’aventure avant d’être embauché. Par la suite, il a développé une bonne relation avec son patron parce qu’il était fiable. Le parc appartient maintenant à de nouveaux propriétaires, qui continuent de l’employer.

[35] Les emplois de l’appelant conviennent à une personne ayant ses limitations. Mais il travaille aussi fort que le reste du personnel. Ses employeurs s’attendent à ce qu’il en fasse autant que les autres, et il répond aux attentes.

L’appelant a cessé d’être invalide en août 2016

[36] Je suis d’accord avec le ministre : l’appelant a cessé d’être invalide en août 2016. Son problème de santé n’était plus grave, car il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[37] En 2016, la capacité de travail de l’appelant s’est améliorée. À partir de mai 2016, il a pu augmenter ses heures de travailNote de bas de page 21. En août 2016, il était capable régulièrement de travailler à ce rythme. Ses relevés d’emploi montrent que ses heures sont restées stables chaque période de paie après les trois premières, et ce, pour les trois années suivantesNote de bas de page 22.

Je ne peux pas annuler les prestations versées en trop

[38] Comme je l’ai dit ci-dessus, j’ai beaucoup de sympathie pour l’appelant. Je ne peux toutefois pas fonder ma décision sur ce que je pense de lui ou de sa situation.

[39] Je souligne que le ministre n’était pas au courant des revenus de l’appelant avant 2018. C’est la raison pour laquelle il n’a pas cessé de lui verser de l’argent en 2016. L’appelant était censé dire à Service Canada qu’il travaillait au lieu de simplement compter sur l’Agence du revenu du Canada pour le faire à sa place. L’appelant a accepté cette condition lorsqu’il a signé sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 23.

[40] Je ne sais pas pourquoi le ministre a continué de verser des prestations à l’appelant après avoir commencé la révision de son dossier, ni pourquoi il a fallu plus d’un an pour rendre une décision. Je peux comprendre pourquoi l’appelant est maintenant ébranlé d’avoir à rembourser une grosse somme d’argent, alors qu’il a déjà perdu tant de revenus après avoir dû renoncer à son emploi habituel en 2006. Je ne peux toutefois pas réduire ni effacer la dette de l’appelant.

[41] Contrairement au Tribunal, le ministre en a le pouvoir. Il peut annuler une partie ou la totalité des prestations versées en trop, y compris lorsque le recouvrement causerait un préjudice injustifiéNote de bas de page 24. S’il le veut, l’appelant pourrait communiquer avec Service Canada pour discuter du remboursement ou d’une autre option qui permettrait d’éviter les difficultés financières. La lettre de décision d’octobre 2019 mentionnait cette possibilité et invitait l’appelant à composer un numéro sans frais pour en discuterNote de bas de page 25.

Conclusion

[42] Je conclus que l’appelant a cessé d’être invalide en août 2016. Après cela, il n’avait plus droit à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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