Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c TL, 2022 TSS 664

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décisions

Partie appelante : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Joshua Toews
Partie intimée : T. L.
Représentante ou représentant : H. L.

et

Partie appelante : T. L.
Représentante ou représentant : H. L.
Partie intimée : Minister of Employment and Social Development
Représentante ou représentant : Joshua Toews

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 août 2021
(GP-20-885)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Joshua Toews
T. L.
H. L.
Date de la décision : Le 20 juillet 2022
Numéros de dossier : AD-21-388 et AD-22-145

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel du ministre, mais je rejette l’appel de T. L. Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre en accordant à T. L. une prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI) de janvier à février 2019 et de septembre à octobre 2019.

Aperçu

[2] Les parties forment un appel incident à l’égard d’une décision d’accorder une PECI partielle à un étudiant apprenti.

[3] T. L. est le requérant dans cette affaire. En février 2019, sa mère, H. L., a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre a approuvé la demande et a commencé à lui verser la pension en mars 2018. Au moment de l’approbation, T. L. avait 20 ans et était étudiant au Southern Alberta Institute of Technology (SAID).

[4] T. L. a fait une demande de PECI en décembre 2019. Le ministre a rejeté la demande parce que T. L. était inscrit à un programme d’apprentissage qui n’exigeait pas une présence à plein temps en tout temps. Le ministre a déclaré que les périodes de formation en classe du programme étaient trop courtes pour rendre T. L. admissible à la PECI. Le ministre s’est fondé en partie sur une politique selon laquelle la fréquentation à plein temps était considérée comme un minimum de 12 semaines d’enseignement en classe sur une période de 15 semaines.

[5] T. L. a fait appel du refus du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience au moyen de questions et réponses écrites et, dans une décision datée du 8 août 2021, a accueilli l’appel en partie. Se déclarant non liée par la politique ministérielle, la division générale a conclu que T. L. était admissible à la PECI pour les mois où il avait reçu de l’enseignement en classe, soit de septembre à octobre 2017, de janvier à mars 2018, de janvier à février 2019 et de septembre à octobre 2019.

[6] Les deux parties font appel de la décision de la division générale, mais pour des raisons différentes.

Observations

[7] Le 10 novembre 2021, le ministre a demandé la permission de faire appel auprès de la division d’appel. Le ministre a allégué que la division générale avait commis une erreur de droit en ignorant une disposition du Régime de pensions du Canada qui empêche le paiement rétroactif de la PECI pendant plus de 11 mois avant le mois où la demande de PECI est reçue. Cette disposition, a soutenu le ministre, signifiait que T. L. n’était pas admissible à la PECI de septembre à octobre 2017 et de janvier à mars 2018.

[8] Le 3 décembre 2021, la division d’appel a tenu une conférence de règlement pour tenter de régler l’appel du ministre. La conférence s’est terminée sans accord, mais T. L. a précisé qu’il avait ses propres objections à la décision de la division générale. La division d’appel a suspendu l’instance pour donner à T. L. la possibilité de demander la permission de faire appel, et il l’a fait le 23 février 2022. Dans sa demande de permission de faire appel, il a fait valoir qu’il avait droit à la PECI pendant ses vacances scolaires.

[9] Comme les deux demandes concernaient les mêmes parties, les mêmes faits et des dispositions juridiques connexes, j’ai pensé qu’il convenait de les traiter conjointement, comme le permet l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. De cette façon, j’étais convaincu qu’aucune injustice ne serait vraisemblablement causée à l’une ou l’autre des parties.

[10] Dans une décision datée du 29 mars 2022, j’ai accordé aux deux parties la permission de faire appel parce que je croyais que chacune avait soulevé une cause défendable.

Questions en litige

[11] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie appelante doit démontrer l’une des choses suivantes :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[12] Dans le présent appel, je devais trancher les questions suivantes :

  • La division générale a-t-elle ignoré une règle qui empêche les versements rétroactifs de PECI de plus de 11 mois?
  • La division générale a-t-elle eu raison d’exclure les vacances scolaires de T. L. de son admissibilité à la PECI?

Analyse

[13] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit applicable et les éléments de preuve utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la division générale avait effectivement commis une erreur (celle alléguée par le ministre). Je suis d’accord avec le ministre pour dire qu’il faut infirmer la décision de la division générale.

La division générale a ignoré une règle limitant la rétroactivité de la PECI

[14] Le ministre allègue que la division générale n’a pas tenu compte d’une disposition du Régime de pensions du Canada qui, à son avis, empêche le versement rétroactif de la PECI pendant plus de 11 mois avant le mois où une demande de prestations est reçue.

[15] Je suis d’accord avec le ministre sur ce point.

[16] L’article 74(2) du Régime de pensions du Canada dit ce qui suit :

[L]orsque le paiement d’une prestation d’enfant de cotisant invalide ou d’une prestation d’orphelin est approuvé, relativement à un cotisant, la prestation est payable pour chaque mois à compter : a) dans le cas d’une prestation d’enfant de cotisant in valide, du dernier en date des mois suivants : (i) le mois à compter duquel une pension d’invalidité est payable au cotisant en vertu de la présente loi […] Toutefois, ce mois ne peut en aucun cas être antérieur au douzième précédant le mois suivant celui où la demande a été reçue [mis en évidence pour le soussigné].

[17] Cette disposition semble limiter T. L. aux versements de PECI qui ne remontent pas plus loin que décembre 2019, soit le mois où il a demandé la PECI. Toutefois, le représentant du ministre a reconnu que la date d’admissibilité de T. L. était en fait mars 2018, parce que sa mère a annoncé son intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC en février 2019Note de bas de page 2.

[18] Je suis prêt à accepter cette conclusion, mais cela signifie tout de même que T. L. n’est pas admissible aux versements de PECI avant mars 2018.

La division générale n’a pas commis d’erreur en excluant les vacances scolaires de T. L.

[19] T. L. note que d’autres étudiants reçoivent la PECI toute l’année, même pendant leurs pauses. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que ses cours ne suivent pas un calendrier scolaire traditionnel de septembre à avril. Il insiste sur le fait que la division générale n’a pas tenu compte des déclarations du SAID sur la fréquentation d’une école ou d’une université.

[20] Sur ces points, je suis convaincu que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3.

[21] Comme la division générale l’a fait remarquer à juste titre, une partie requérante âgée de 18 à 25 ans peut recevoir une PECI seulement si elle « fréquente à plein temps une école ou une universitéNote de bas de page 4 ». Le Régime de pensions du Canada ne définit pas précisément la « fréquentation à plein temps » et ne tient pas compte explicitement des diverses formes que les programmes d’apprentissage peuvent prendre. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une partie requérante « est considéré[e] comme fréquentant ou ayant fréquenté l’école ou l’université à plein temps pendant les périodes normales de vacances scolaires où [elle] en est absent[e] Note de bas de page 5 ».

[22] Le dossier contenait trois déclarations de fréquentation d’une école ou d’une université qui précisaient que T. L. était inscrit à plein temps au SAIT pendant les périodes suivantes :

  • Du 6 septembre 2017 au 28 octobre 2017;
  • Du 2 janvier 2018 au 3 mars 2018;
  • Du 2 janvier 2019 au 25 octobre 2019Note de bas de page 6.

[23] La première déclaration couvre une période qui, comme nous l’avons vu plus haut, est entièrement exclue par l’article 74(2) du Régime de pensions du Canada. La deuxième déclaration couvre une période qui est presque entièrement à l’extérieur de la période maximale de paiement rétroactif, sauf pour les trois premiers jours de mars 2018. Je remarque que deux de ces jours étaient une fin de semaine.

[24] Il reste donc la troisième déclaration, qui couvre une période de 10 mois entièrement comprise dans la période maximale de paiement rétroactif. Dans la déclaration, le bureau du registraire du SAIT a affirmé que la charge de cours de T. L. entre le 2 janvier 2019 et le 25 octobre 2019 satisfaisait ou dépassait l’exigence minimale pour être considéré comme un étudiant à plein temps.

[25] Malgré cela, la division générale n’a pas pris cette déclaration pour ce qu’elle vaut. Elle a exclu la période de février à septembre 2019 de la période d’admissibilité à la PECI de T. L. en fonction de l’explication de T. L. selon laquelle il n’avait pas reçu d’enseignement en classe durant la période de sept moisNote de bas de page 7. Elle a aussi fondé l’exclusion sur une note de service préparée par un enquêteur de Service Canada, qui disait ceci :

[traduction]

Je communique [sic] avec le Southern Institute of Technology (SAIT) au 403-284-7248 et j’ai choisi l’apprentissage parmi les choix du menu et j’ai parlé avec Kristi. Celle-ci a été en mesure de confirmer que le programme de technicien en machinerie lourde offre quatre périodes d’enseignement en classe, d’une durée de huit semaines chacune. J’ai confirmé que la période terminée sur la déclaration de l’école du 12 décembre 2019 pour la période du 2 janvier 2019 au 25 octobre 2019 ne représenterait pas l’enseignement en classe, car chaque période correspond à seulement huit semaines d’enseignement en classeNote de bas de page 8 [mis en évidence par le soussigné].

[26] La division générale est responsable de tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, elle a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve disponibleNote de bas de page 9. Dans cette affaire, la division générale a fait ce qui me semble être une tentative complète et sincère de comprendre les caractéristiques uniques du programme d’apprentissage de T. L. Elle a fourni des raisons claires pour avoir exclu la période de sept mois entre février et septembre 2019 de la période d’admissibilité de T. L. Celui-ci n’est pas du tout d’accord avec ces conclusions, mais cela ne signifie pas que la division générale a mal examiné la preuve.

[27] Comme il a été mentionné, le Régime de pensions du Canada exige que la PECI soit versée uniquement pour les périodes de fréquentation à plein temps d’une école ou d’une université, sauf lorsqu’une étudiante ou un étudiant est absente ou absent en raison d’une « période normale de vacances scolaires ». Cette dernière phrase n’est définie ni par le Régime de pensions du Canada ni par le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, et elle a rarement fait l’objet de considérations dans des affaires antérieuresNote de bas de page 10.

[28] Dans ce vide juridique, la division générale a soupesé la preuve disponible et a conclu que la période de sept mois entre février et septembre 2019 ne contenait aucun enseignement en classe, mais qu’elle était plutôt réservée à la formation en cours d’emploi. Pour cette raison, la division générale a conclu que, malgré la troisième déclaration du SAIT, la période de sept mois ne correspondait ni à une fréquentation à plein temps ni à une période normale de vacances scolaires. La division générale a également décidé qu’il importait peu que T. L. ait été incapable de trouver un emploi sur le marché du travail mal portant de l’Alberta pendant les sept mois, la période ne comptait toujours pas comme des vacances. Je ne vois pas d’erreur de droit ou de fait dans cette analyse. Pour cette raison, je ne vois aucune raison de remettre en question les conclusions de la division générale.

Réparation

[29] Comme nous l’avons vu, la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la limite des paiements rétroactifs de la PECI établie à l’article 74(2) du Régime de pensions du Canada. Lorsque la division générale commet une erreur, la division d’appel peut la corriger de deux façons : i) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle tienne une nouvelle audience ou ii) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 11. 

[30] Lors de l’audience, les deux parties ont affirmé que si jamais je trouvais une erreur, elles étaient d’accord pour que je substitue ma décision à celle de la division générale. Le Tribunal a l’obligation de procéder aussi rapidement que l’équité le permet. Les parties ont eu amplement l’occasion de présenter leurs arguments respectifs à la division générale, alors il y a suffisamment d’information au dossier pour me permettre de rendre une décision éclairée. L’erreur de la division générale concerne le fait qu’elle n’a pas tenu compte d’un aspect de la loi, de sorte qu’il n’y a aucune raison pour que je ne décide pas moi-même de la date de début de la PECI de T. L.

[31] Après avoir examiné le dossier, je suis convaincu que, si la division générale avait dûment examiné l’article 74(2) du Régime de pensions du Canada, elle aurait permis les paiements rétroactifs de la PECI au plus tôt 11 mois avant la date de la demande de T. L. Étant donné que la date de la demande de prestations d’invalidité du RPC de sa mère en février 2019 a également été considérée comme la date de sa demande de PECI, la date du premier versement de T. L. ne peut pas être antérieure à mars 2018. Comme il a été mentionné, T. L. a eu, au plus, une journée d’enseignement en classe pour ce mois. Par la suite, la preuve montre qu’il a eu quatre mois d’enseignement en classe (de janvier à février 2019 et de septembre à octobre 2019).

Conclusion

[32] Pour les motifs exposés ci-dessus, j’accueille l’appel du ministre et je rejette l’appel de T. L. La division générale a commis une erreur en ignorant une disposition du Régime de pensions du Canada qui limite les paiements rétroactifs de PECI à un an avant la date de la demande. Toutefois, elle n’a pas commis d’erreur en excluant les sept mois entre février et septembre 2019 de la période de paiement de T. L.

[33] J’ai décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre et d’accorder à T. L. des paiements rétroactifs de la PECI pour janvier et février 2019 et pour septembre et octobre 2019.

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