Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : TC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 995

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. C. (requérante)
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 24 juin 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 décembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 31 décembre 2021
Numéro de dossier : GP-20-1419

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, T. C., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante a 51 ans. Elle a travaillé en tant que secrétaire juridique jusqu’en octobre 2015. Elle a ensuite cessé de travailler en raison de problèmes de charge de travail et de stress qui ont nui à sa santé mentale et physiqueNote de bas de page 1. Cependant, en 2020 et en 2021, elle a été réceptionniste saisonnière chez X. Le présent appel découle de sa deuxième demande de pension d’invalidité du RPC. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa première demande en août 2016, mais la requérante n’a pas demandé au ministre de réviser cette décision.

[4] La requérante a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité du RPC le 8 janvier 2019. Ses problèmes de santé comprenaient la dépression, l’anxiété, les douleurs aux jambes, le côlon irritable, l’obésité, un diabète mal contrôlé, l’hypertension artérielle, ainsi que des douleurs et des inflammations dans les bras et les mainsNote de bas de page 2. Le ministre a de nouveau rejeté sa demande. Cependant, elle a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Dans son avis d’appel, la requérante a déclaré que ses problèmes de santé l’empêchaient de trouver un emploi à temps plein qui lui procurerait un revenu suffisant pour subvenir à ses besoins essentiels. Elle dit que je dois prendre en compte ses problèmes de santé à la fois individuellement et ensemble. Lorsqu’elle travaille, elle n’a ni le temps ni la capacité de s’occuper d’elle-même. Elle vit également dans une région où les possibilités d’emploi sont rares.

[6] La requérante dit que l’anxiété compromet sa capacité à travailler. Parmi ses préoccupations, citons la COVID-19, l’incapacité de voyager loin de son domicile et sa peur profonde de vomir et du vomi. Son anxiété l’empêche également d’obtenir un traitement approprié. Elle fait état d’une dépression importante qui l’amène à faire des choses comme s’arracher les cheveux. Sa jambe gravement fracturée continue de nuire à sa capacité à effectuer un travail physique. Elle dit que l’inflammation et la douleur nuisent davantage à sa capacité de faire du travail de bureau. Le syndrome du côlon irritable nuit également à sa capacité à travailler dans certains environnements. Enfin, elle signale des problèmes d’ordre cognitif tels que des problèmes de concentration et de mémoireNote de bas de page 3.

[7] Le ministre affirme que la requérante a une capacité résiduelle lui permettant de régulièrement détenir un emploi rémunérateur, malgré ses limitations, et qu’elle a fait un travail saisonnier en 2020 et en 2021. Elle a également reçu des prestations régulières d’assurance-emploi en 2021, ce qui exige de la part de la bénéficiaire qu’elle soit capable de travailler et disponible pour le faire. Le ministre affirme que les limitations au niveau du genou droit ne l’empêcheraient pas d’effectuer un travail sédentaire ou des tâches légères. Ses problèmes de santé mentale étaient liés à son ancien travail stressant de secrétaire juridique. Le ministre affirme que plusieurs problèmes de santé n’ont pas été documentés de manière adéquate. Les facteurs socio-économiques tels que les conditions du marché du travail local ne sont pas pertinents pour évaluer l’invalidité. Finalement, le ministre affirme que la requérante a travaillé pendant de nombreuses années malgré son anxiété de longue dateNote de bas de page 4.

Ce que la requérante doit prouver

[8] Pour gagner son appel, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2018. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 5. Son invalidité doit également continuer à être grave et prolongée jusqu’à la date de l’audience.

[9] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6.

[11] Pour décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Si la requérante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 7.

[13] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de la requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[14] La requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est probable à plus de 50 % qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2018.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

[16] L’invalidité de la requérante n’était pas grave. J’ai fondé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de la requérante nuisent à sa capacité de travail

[17] Selon la Dre McFarlane (médecin de famille), la requérante est atteinte d’arthrose, de dépression majeure et d’une fracture importante de la jambe droite datant de 2016 qui cause des douleurs chroniques. Elle présente également de multiples comorbidités, comme de l’obésité et un diabète non contrôléNote de bas de page 8. Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 9. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 10. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 11.

[18] Je conclus que la requérante a effectivement des limitations fonctionnelles.

Ce que la requérante dit de ses limitations fonctionnelles

[19] La requérante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Lorsqu’elle a demandé une pension d’invalidité du RPC en 2019, elle ne pouvait pas supporter le stress lié au travail dans le domaine juridique. Elle avait du mal à prendre des décisions, à assurer les suivis et à se concentrer. Ses douleurs chroniques aux jambes nuisaient à sa capacité de marcher et l’empêchaient de rester debout pendant de longues périodes (plus d’une heure). Elle ne pouvait pas rester assise pendant plus de deux heures. Elle pouvait seulement conduire pendant environ une heure. Ses doigts enflés nuisaient à sa capacité de saisir, de tirer, de tourner, de porter et de tenir des objets. L’obésité nuit à sa capacité à se pencher et à atteindre les objetsNote de bas de page 12.

[20] Lors de l’audience, la requérante a déclaré qu’elle ne pourrait pas taper jour après jour, si c’était la partie principale de son travail. Elle a également des problèmes avec les mouvements répétitifs des épaules.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de la requérante

[21] La requérante doit soumettre des preuves médicales qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2018Note de bas de page 13.

[22] La preuve médicale confirme la version des faits de la requérante. En décembre 2018, la Dre McFarlane a déclaré que les mains enflées de la requérante avaient une incidence sur sa capacité à effectuer des tâches telles que la saisie au clavier et l’écriture. La Dre McFarlane a noté des difficultés à ouvrir, tirer, soulever et tenir des objets. La Dre McFarlane a déclaré que les problèmes de santé mentale nuisaient à la concentration, à la motivation et à la capacité de prendre des décisions de la requérante. Sa douleur chronique l’empêchait de tolérer les activités prolongées ou les déplacements prolongés. La Dre McFarlane a également noté les effets invalidants de l’obésité, du diabète et du syndrome du côlon irritableNote de bas de page 14.   

[23] La preuve médicale soutient le fait que l’endurance physique limitée de la requérante, sa difficulté à effectuer des mouvements physiques répétitifs et ses limitations causées par la dépression et l’anxiété l’ont empêchée de faire un travail répétitif ou physiquement exigeant en date du 31 décembre 2018.

[24] À présent, je dois chercher à savoir si la requérante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 15.

La requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste

[25] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si la requérante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[26] Ces facteurs m’aident à savoir si la requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 16?

[27] Je conclus que la requérante est capable de travailler dans un contexte réaliste.

[28] La requérante avait 48 ans à la fin de 2018. Elle parle couramment l’anglais. Elle a terminé ses études secondaires et un programme collégial d’un an en secrétariat. Elle a également suivi un cours de transcription médicale, même si elle dit avoir eu besoin de mesures d’adaptation pour le réussir. Elle a travaillé pendant de nombreuses années comme secrétaire juridique. Elle a également travaillé sur un recensement pour Statistique Canada. Plus récemment, elle a travaillé de façon saisonnière pour H&R Block pendant la [traduction] « saison des impôts » en 2020 et en 2021. Elle a fait cela du 12 janvier au 30 avril 2021Note de bas de page 17. Elle est clairement apte et qualifiée pour un travail de bureau sédentaire.

[29] Je conclus que la requérante conserve la capacité de travailler dans un contexte réaliste. Elle en a fait la démonstration dans un bureau au cours des deux dernières années. Non seulement on lui a demandé de revenir après son premier passage en 2020, mais H&R Block lui a demandé de suivre une formation à l’automne 2021. Il est raisonnable de penser qu’elle reprendra ce travail saisonnier au début de l’année 2022.  

La requérante a essayé de trouver un emploi convenable et de le garder

[30] S’il est réaliste qu’elle travaille, la requérante doit montrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi. Elle doit aussi montrer que ses efforts ont échoué à cause de sa santéNote de bas de page 18. La Cour d’appel fédérale a établi ce principe. Le Tribunal est lié par les décisions de cette cour. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles (c’est-à-dire avec des mesures spéciales)Note de bas de page 19.

[31] La requérante a fait des efforts pour travailler. Cependant, ses efforts ne montrent pas que son état de santé l’empêche de gagner sa vie.

[32] Le travail de la requérante chez H&R Block a été couronné de succès. En 2021, en un peu plus de trois mois et demi, elle a travaillé 508 heures. Il s’agit d’un emploi presque à temps plein, bien que les heures aient probablement été déviées vers les mois fiscaux les plus chargés, à savoir mars et avril. Elle a gagné 7 242,21 $ durant cette période. Son employeur a dit que son emploi avait pris fin parce que la période des impôts était terminée. Je ne vois aucune référence à une invalidité dans son dossier d’emploiNote de bas de page 20.  

[33] Je ne peux pas conclure que l’invalidité de la requérante l’a empêchée de gagner sa vie pendant cette période de près de quatre mois. Je ne peux pas non plus conclure que son rendement était insatisfaisant. Elle a travaillé jusqu’à la fin de la période des impôts. On lui a également demandé de suivre une formation supplémentaire à l’automne 2021. Lors de l’audience, elle a déclaré qu’elle se couchait chaque jour après être rentrée du travail. Cependant, elle a déclaré qu’elle n’a pas manqué de travail chez H&R Block en raison de son invalidité. Elle n’a pas non plus refusé de faire des heures supplémentaires. En fait, elle a passé quelques heures supplémentaires non rémunérées à aider ses collèguesNote de bas de page 21. Elle semble avoir été une employée fiable et appréciée.

[34] Je ne peux pas non plus conclure que la requérante était incapable de travailler après avril 2021. Je vois de nombreuses preuves à l’appui du fait qu’elle était capable de faire plus de travail en 2021.

[35] En juin 2021, la requérante a déclaré qu’elle pouvait exercer un emploi à temps plein [traduction] « lorsque cela était nécessaire » (c’est-à-dire pendant la période occupée des impôts), mais qu’elle [traduction] « ne serait pas en mesure de maintenir ce rythme sur une base permanente ». Elle a estimé que [traduction] « le travail à temps partiel serait plus facile à gérerNote de bas de page 22 ». Cela indique une capacité de travail continue après avril 2021. À l’audience, elle a pensé qu’elle pourrait faire quelque chose en ligne, où elle répondrait surtout au téléphone. Elle allait d’abord essayer de travailler à temps partiel pour voir comment elle s’en sortait. Bien qu’elle ait laissé entendre que les obstacles techniques dans sa petite communauté pourraient interférer avec ce travail ou l’empêcher de faire ce travail, cela ne serait pas un facteur pertinent pour l’évaluation de l’invaliditéNote de bas de page 23.    

[36] Je note également que la requérante a demandé et commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi en mai 2021. Elle a dit qu’on lui avait accordé ces prestations pour une année complète. Pour toucher des prestations d’assurance-emploi, la personne qui en fait la demande doit être « capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 24 ». Le fait de recevoir des prestations régulières de l’assurance-emploi ne rend pas automatiquement une personne inadmissible aux prestations d’invalidité du RPC. Toutefois, dans la présente affaire, cela appuie davantage la conclusion selon laquelle son invalidité n’a pas rendu ses tentatives de travail infructueusesNote de bas de page 25.

[37] La requérante a laissé entendre que le fait de se déclarer capable de travailler et disponible pour le faire (en ce qui concerne les prestations régulières d’assurance-emploi) ne posait pas de problème puisque le ministre soutenait qu’elle pouvait travailler (en ce qui concerne les prestations d’invalidité du RPC). Elle a même déclaré qu’il serait malhonnête de prétendre le contraire, car elle contredirait alors ce qu’une autorité gouvernementale lui a ditNote de bas de page 26. Comme il a été mentionné, le fait de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi n’est pas nécessairement fatal à sa demande de prestations d’invalidité du RPC. Cependant, cela pourrait encore nuire à sa crédibilitéNote de bas de page 27. Dans la présente affaire, cela ne contribue pas à démontrer que son invalidité a rendu sa tentative de travail infructueuse.

[38] Je note également que la requérante était toujours à la recherche d’un emploi convenable après avoir commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Toutefois, elle a déclaré qu’elle n’avait pas réussi parce que les possibilités d’emploi étaient limitées dans sa régionNote de bas de page 28. Ce n’est pas la même chose que ne pas réussir à se trouver un emploi à cause de son invalidité. Quoi qu’il en soit, les facteurs socio-économiques, comme les conditions du marché du travail local, ne sont pas pertinents pour établir si une partie demanderesse est atteinte d’une invaliditéNote de bas de page 29.

[39] Finalement, je ne vois aucune preuve médicale objective depuis le 21 janvier 2020Note de bas de page 30. À l’audience, la requérante a déclaré n’avoir reçu aucun soin médical de janvier 2020 à octobre 2021. Cela peut être dû en partie au départ de sa médecin de famille au début de l’année 2021, bien qu’elle ait maintenant commencé à consulter une infirmière praticienne. La pandémie de COVID-19 a également eu des répercussions sur les soins médicaux. Cependant, le fait de n’avoir reçu aucun traitement pendant cette longue période permet de conclure que son retour au travail a été couronné de succès.  

[40] Je ne peux pas conclure que la requérante avait une invalidité grave en date du 31 décembre 2018 et que cette invalidité s’est poursuivie jusqu’à la date de l’audience. La preuve montre qu’elle n’avait plus d’invalidité grave à la date de l’audience. Bien qu’elle ait pu être temporairement invalide pendant un certain temps, les prestations d’invalidité du RPC ne sont pas destinées à être offertes dans les cas d’invalidité temporaireNote de bas de page 31.

Conclusion

[41] Je conclus que la requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC, car son invalidité n’était pas grave depuis au moins le 31 décembre 2018. Plus particulièrement, elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave à l’heure actuelle. Étant donné que l’invalidité devait obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité était prolongée.

[42] L’appel est donc rejeté.

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