Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 811

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 15 avril 2021 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sarah Sheaves
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 avril 2022
Numéro de dossier : GP-21-1394

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] D. M., l’appelante, n’est pas admissible à la pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est une préposée de soins à domicile. Elle a 55 ans. En 2015, elle se trouvait sur une terrasse qui s’est effondrée. Elle s’est blessée au bas du dos, à l’épaule gauche et aux hanches et elle a maintenant des douleurs chroniques.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 4 décembre 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Selon l’appelante, elle est limitée dans la plupart de ses tâches et activités quotidiennes. Pour la plupart des activités, elle doit faire des ajustements et prendre des pauses. Elle n’est plus capable de faire les activités physiques qu’elle aimait pratiquer. Elle dit que ses problèmes de santé s’aggravent lentement et qu’ils sont graves et prolongés.

[6] Selon le ministre, l’appelante est capable de continuer à travailler, malgré ses limitations physiques. Il ajoute qu’elle a une bonne éducation et des compétences transférables qui lui permettraient de faire un travail sédentaire plus léger et que, par conséquent, ses problèmes de santé ne peuvent pas être considérés comme graves.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner sa cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 3.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Questions que je dois d’abord examiner

J’ai accepté les documents envoyés après l’audience

[14] À l’audience, l’appelante a fait référence à un rapport rédigé par le Dr Squire le 28 novembre 2017. Je n’avais toutefois pas le rapport devant moi. L’appelante pensait avoir déposé le rapport et croyait que l’opinion du Dr Squire était importante.

[15] J’ai autorisé l’appelante à déposer le rapport du Dr Squire après l’audience. Avant de prendre ma décision, j’ai aussi donné au ministre l’occasion de présenter des arguments écrits au sujet du rapport.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 7 avril 2022. Même si elle a des limitations fonctionnelles à l’épaule, au dos et aux hanches, en date du 7 avril 2022, elles ne l’empêchent pas d’exercer son emploi habituel.

L’invalidité est-elle grave?

[17] L’invalidité de l’appelante n’est pas grave. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné plusieurs éléments, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent bel et bien à sa capacité de travail

[18] L’appelante a des douleurs au bas du dos, aux hanches et à l’épaule gauche. Je ne peux cependant pas m’arrêter à ses diagnosticsNote de bas page 4. En fait, je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 5. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas page 6.

[19] Je juge que l’appelante a des limitations fonctionnelles.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Elle dit ceci :

  • Elle peut rester assise pendant 10 minutes avant de devoir ajuster sa position. Cela l’empêche de conduire sur de longues distances.
  • Elle est capable de se tenir debout pendant 10 minutes avant de devoir changer de position.
  • Elle peut marcher de 15 à 20 minutes. Parfois, elle doit utiliser une canne si ses douleurs lui font passer une mauvaise journée.
  • Elle doit prendre des pauses quand elle effectue la plupart des tâches, y compris les tâches ménagères et celles liées à son emploi.
  • Elle ne peut plus danser, faire de longues promenades ou jardiner.
  • Elle n’est pas capable de soulever des objets lourds ou de faire quoi que ce soit au‑dessus de sa tête. Elle peut lever le bras gauche seulement à la hauteur des épaules.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[21] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui démontrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 7 avril 2022Note de bas page 7.

[22] La preuve médicale appuie ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations.

[23] Dans un rapport daté du 28 novembre 2017, le Dr Squire, spécialiste en orthopédie, a relevé des changements arthritiques évidents aux deux hanches. Il pensait que l’appelante allait assez bien parce qu’elle travaillait encore et qu’elle ne prenait pas beaucoup de médicaments contre la douleurNote de bas page 8.

[24] Le Dr Squire pensait que les symptômes de l’appelante allaient s’aggraver à un moment donné et qu’elle devrait peut-être songer à subir une intervention chirurgicale lorsque cela se produirait.

[25] Le Dr Ramjohn, médecin de famille, a rempli le rapport médical pour le Régime de pensions du Canada le 16 octobre 2019. Il y mentionne les douleurs chroniques au dos avec sténose, les douleurs aux hanches et un coincement. Il affirme la présence de douleurs chroniques à la colonne cervicale, aux épaules et aux genoux. Il précise que l’appelante présente une diminution de l’amplitude des mouvements dans chacune de ces parties du corpsNote de bas page 9.

[26] Le Dr Ramjohn a déclaré que l’appelante ne peut pas soulever des objets pesant plus de 10 livres et que sa tolérance au travail est réduite de beaucoup. Il a laissé entendre qu’elle pourrait être obligée d’arrêter de travailler dans le futur.

[27] Un tomodensitogramme de la colonne lombale qui date du 1er avril 2020 a confirmé une légère protrusion discale au niveau des vertèbres L3 à L4 et L4 à L5 avec un léger rétrécissement de la colonne vertébrale. Aucune hernie ou lésion des nerfs n’a été déceléeNote de bas page 10.

[28] Dans un rapport daté du 26 juin 2020, le Dr Martin, chirurgien orthopédiste, a évalué l’épaule gauche de l’appelante. Il a dit avoir décelé de l’arthrose précoce. Il a affirmé que les injections n’avaient pas beaucoup soulagé la douleur. Il a écrit que l’amplitude des mouvements était réduite et qu’il y avait un certain inconfort, mais que la chirurgie n’était pas une optionNote de bas page 11.

[29] L’appelante a subi plusieurs radiographies en octobre et en décembre 2020. Elles montraient des changements liés à l’arthrose aux hanches, à l’épaule gauche et au bas du dosNote de bas page 12.

[30] Dans un rapport daté du 19 mars 2021, le Dr Ramjohn a déclaré que l’appelante souffrait de douleurs chroniques liées à l’arthrose et à la discopathie dégénérative dans plusieurs articulations, ce qui entraîne une réduction de l’amplitude de mouvement dans ces parties du corps. Il a ajouté qu’elle fait aussi de l’anémie chronique et de l’obésité morbide. Il a souligné qu’elle a déjà eu un cancer de la thyroïdeNote de bas page 13.

[31] La preuve médicale montre qu’en date du 7 avril 2022, les douleurs que l’appelante ressent au dos, aux hanches et à l’épaule nuisent à sa capacité d’accomplir de gros travaux ménagers et des tâches physiques au travail. Cependant, elle effectue tout de même ces tâches en prenant des pauses et en ajustant ses activités.

[32] Je vais maintenant vérifier si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[33] L’appelante a suivi les conseils médicaux.

[34] Pour recevoir une pension d’invalidité, il faut suivre les conseils des médecinsNote de bas page 14. Une personne qui ne respecte pas les avis médicaux doit fournir une explication raisonnable. Il me faut aussi examiner les effets potentiels des conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas page 15.

[35] L’appelante a suivi les conseils médicauxNote de bas page 16.

[36] L’appelante a pris ses médicaments comme prescrits, elle a suivi des traitements de physiothérapie et elle a essayé les injections de cortisone selon les recommandations de ses médecins.

[37] Rien dans son dossier médical ne laisse croire qu’elle n’a pas bien suivi les traitements et les conseils.

[38] À présent, je dois décider si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas page 17.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste et elle le fait déjà

[39] Lorsque je décide si l’appelante peut travailler, mon analyse ne peut pas s’arrêter à ses problèmes de santé et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques telles que :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[40] Ces éléments m’aident à décider si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas page 18.

[41] Je juge que l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, ce qu’elle fait déjà.

[42] L’appelante a 55 ans. En 2008, elle a reçu un diplôme d’études collégiales en administration des affaires.

[43] Elle parle anglais. Elle a travaillé en position assise dans un bureau, comme commis aux comptes fournisseurs, dans des commerces de détail. Actuellement, elle est préposée de soins à domicile au privé.

[44] Compte tenu de ces caractéristiques, l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste. Son âge, son niveau d’instruction et ses compétences ne font pas obstacle à l’obtention d’un autre emploi.

L’appelante occupe actuellement un emploi rémunéré

[45] Quand elle a demandé des prestations du Régime de pensions du Canada, l’appelante travaillait à temps partiel comme préposée aux services de soutien à la personne à domicile. Il y a deux ans, elle a emménagé chez son employeur handicapé et, depuis, elle travaille à temps plein dans son emploi habituel.

[46] L’appelante m’a dit qu’elle n’avait pas eu besoin de s’absenter du travail en raison de ses problèmes de santé depuis avant l’an 2000. Comme elle est toujours là, elle peut diviser ses tâches en plusieurs parties ou les reporter au lendemain si les douleurs rendent sa journée difficile. Elle peut se ménager et prendre le temps dont elle a besoin pour accomplir une tâche.

[47] L’appelante est logée et elle touche aussi un salaire horaire de 15,55 $ pour 40 heures de travail par semaine.

[48] Je constate qu’il s’agit d’un travail rémunéré et que l’appelante gagne plus d’argent que le seuil d’une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 19.

[49] Un emploi est considéré comme étant véritablement rémunérateur s’il permet de recevoir un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait toucher comme pension d’invalidité. En 2022, cette somme s’élevait à 17 489,40 $ par annéeNote de bas page 20.

[50] Je reconnais que l’appelante s’inquiète de la détérioration de son état de santé et de sa capacité future à travailler. Elle craint de ne pas pouvoir faire un autre travail si elle perdait son emploi actuel. Toutefois, elle exerce encore à l’heure actuelle un emploi rémunéré à temps plein. Cela montre qu’en date du 7 avril 2022, son problème de santé n’est pas grave.

Conclusion

[51] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Étant donné cette conclusion, il n’était pas nécessaire de vérifier si l’invalidité est prolongée.

[52] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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