Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 857

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social rendue le 8 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anita Nathan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 21 avril 2022
Numéro de dossier : GP-21-958

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, G. G., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à partir de novembre 2020. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 62 ans. Depuis 2008, elle travaille pour le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador à titre administratif. Elle est atteinte d’arthrose de la hanche gauche, d’ostéoporose, de discopathie dégénérative, de douleur chronique, d’obésité, d’anxiété et de dépression. Sa principale préoccupation est la douleur chronique à la hanche gauche et au dos.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 15 juillet 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas travailler en raison de sa douleur constante, ce qui rend difficile pour elle de faire de simples activités de la vie quotidienne, comme prendre une douche et s’habiller. L’appelante dit que le fait de se coucher sur le dos est la seule façon dont elle peut soulager sa douleur chronique. Elle a travaillé jusqu’au 13 décembre 2021 par nécessité, car elle n’a pas de partenaire, de famille ou d’amis pour la soutenir. Elle a pris sa retraite depuis en raison de sa douleur constante et de ses problèmes de mobilité, ce qui cause de l’anxiété et fait qu’il est difficile pour elle de se concentrer, et donc de faire son travail.

[6] Le ministre affirme que l’appelante n’est pas invalide pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il dit que l’appelante a été en mesure de continuer à occuper un emploi à temps plein pendant une longue période, et ce sans mesure d’adaptation, pendant une période qui se prolonge au-delà de la date à laquelle elle dit qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé. Deuxièmement, le ministre affirme qu’il n’y a pas de limitation empêchant l’appelante de faire son travail administratif sédentaire habituel, surtout compte tenu du fait qu’on lui a accordé une mesure d’adaptation pour qu’elle puisse travailler à domicile. Cela est confirmé par son médecin de famille, qui a dit que l’appelante pouvait travailler de la maison. Enfin, l’appelante attend une arthroplastie de la hanche, ce qui devrait atténuer ses symptômes associés à l’arthrite et améliorer son fonctionnement.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le jour de l’audienceNote de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de facteurs, incluant son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement incapable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est probable à plus de 50 % qu’elle est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents qui ont été envoyés après l’audience

[14] L’appelante a soulevé un certain nombre de problèmes de santé dans sa demande. À l’audience, je l’ai avertie qu’elle n’avait pas présenté de documents médicaux à l’appui de son allégation selon laquelle elle était atteinte d’obésité. De plus, elle avait soumis des dossiers médicaux limités au sujet de son anxiété alléguée.

[15] Après l’audience, l’appelante a présenté deux documents. Le premier était une lettre de sa conseillère de longue date, donnant plus de détails sur ses limitations fonctionnelles d’anxiété. Le deuxième était une lettre du Dr Rideout confirmant que l’appelante est obèse. Le médecin a également fourni des détails supplémentaires sur la douleur chronique et l’anxiété de l’appelante.

[16] J’ai accepté les documents, car ils se rapportent aux problèmes de santé de l’appelante. Même si l’appelante aurait pu fournir les dossiers plus tôt, accepter les documents sert les intérêts de la justice, car il assure une audience équitable à l’appelante. Les dossiers supplémentaires comptaient quelques pages seulement chacun, alors ils n’ont rien ajouté de nouveau à l’instance. Le ministre n’a pas subi de préjudice, car il a eu l’occasion de répondre. Enfin, les dossiers ont été présentés dans les trois semaines suivant l’audience, de sorte qu’ils n’ont pas causé de retard important.

Motifs de ma décision

[17] Je conclus que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 10 mars 2022, soit la date de l’audience. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante est-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante est-elle grave?

[18] L’appelante est atteinte d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travail

[19] L’appelante a énuméré plusieurs problèmes de santé dans sa demande, y compris l’arthrose de la hanche gauche, l’ostéoporose, la discopathie dégénérative, la douleur chronique, l’obésité, l’anxiété, la dépression, la dégénérescence maculaire, les crises, le vertige, l’hypertension et un nodule pulmonaire. À l’audience, l’appelante a expliqué que le nodule a légèrement augmenté, mais qu’il est stable. Elle n’a pu désigner aucune limitation fonctionnelle associée à ce problème de santé. L’appelante n’a pas eu de crise depuis l’âge de 28 ans, car elle prend des médicaments. De même, elle n’a plus de vertige. Le carcinome squameux (cancer de la peau) diagnostiqué sur son visage s’est résorbé. Enfin, l’hypertension de l’appelante est stable parce qu’elle prend des médicaments. Cette décision portera seulement sur les problèmes de santé suivants :

  • arthrose;
  • ostéoporose;
  • discopathie dégénérative;
  • douleur chronique;
  • obésité;
  • anxiété et dépression;
  • dégénérescence maculaire.

[20] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de l’invalidité de l’appelanteNote de bas de page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 6.

[21] Je conclus que l’appelante a effectivement des limitations fonctionnelles.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[22] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Elle éprouve des douleurs chroniques causées par l’arthrose de la hanche gauche et une discopathie dégénérative de la colonne vertébrale. Sa douleur se situe entre 6/10 et 9/10 pendant la journée, et augmente en intensité au fil de la journée et de la semaine. La seule position qui soulage sa douleur est de se coucher à plat sur le dos. Cependant, même la nuit, l’appelante affirme qu’elle est réveillée par une douleur intense et des crampes musculaires dans les deux jambes. L’appelante a dit qu’elle est incapable de bouger pendant environ 30 minutes et qu’elle doit ensuite se lever et marcher pour soulager la douleur. Souvent, elle ne peut pas se rendormir. L’appelante a dit avoir de la difficulté :

  • à se tenir debout pendant 20 minutes;
  • à marcher sur un pâté de maisons, même avec une canne;
  • à monter et descendre des marches;
  • à s’abaisser en position agenouillée ou accroupie et à se remettre debout;
  • à se pencher pour prendre un objet au sol;
  • à rester assise pendant 20 minutes;
  • à se relever à partir d’une position assise ou couchée
  • parce qu’elle est instable sur ses pieds, même avec une canne;
  • à marcher avec deux sacs de provisions;
  • à faire de l’entretien ménager, comme le nettoyage, la lessive et la cuisine sans prendre fréquemment des pauses;
  • à s’habiller;
  • à se doucher, car elle ne peut pas se pencher pour atteindre la moitié inférieure de son corps;
  • à se nettoyer après être allée aux toilettes;
  • à se retourner au lit;
  • à dormir, ce qui entraîne un épuisement extrême.

[23] Bon nombre des limitations fonctionnelles ci-dessus sont également associées à l’obésité de l’appelante, qui cause des problèmes de mobilité. En raison de l’obésité, l’appelante éprouve également de la fatigue accrue et une augmentation de l’essoufflement.

[24] L’appelante est aussi atteinte d’ostéoporose dans la colonne vertébrale, ce qui cause de l’essoufflement (en raison d’une capacité pulmonaire réduite causée par des disques comprimés). L’appelante a fait une chute et s’est fracturé la colonne vertébrale en 2017. Elle a constaté que ses maux de dos sont plus graves depuis.

[25] À cause de la douleur chronique, l’appelante affirme avoir commencé à éprouver de l’anxiété et de la dépression, ce qui l’a amenée à s’isoler, à s’attendre à échouer, à avoir de la difficulté à se lever le matin, à faire des crises de panique et à pleurer fréquemment.

[26] Enfin, l’appelante affirme qu’en raison d’une dégénérescence maculaire humide, elle a de la difficulté à voir la nuit. Par conséquent, elle ne conduit pas lorsqu’il fait noir. Elle a utilisé ses congés de maladie en décembre 2020 pour éviter de conduire dans l’obscurité après le travail. Elle avait également besoin d’un écran d’ordinateur plus grand au travail.

[27] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas travailler, car sa douleur est constante et intense. Elle dit que tous les mouvements, comme s’asseoir, se tenir debout et marcher, lui causent de la douleur. Par conséquent, elle se fait tout livrer, comme de la nourriture et d’autres biens de première nécessité. L’appelante affirme que lorsqu’elle travaillait, elle a dû utiliser beaucoup de congés de maladie pour composer avec la douleur.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[28] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 10 mars 2022Note de bas de page 7.

[29] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelante, qui a présenté un certain nombre de rapports médicaux concernant le diagnostic d’arthrose et de discopathie dégénérative. En septembre 2016, le Dr Moores, le spécialiste, a déclaré qu’elle était atteinte d’arthrite importante au stade ultime de la hanche gauche. L’amplitude de mouvement de l’appelante était très limitée, ce qui causait des douleurs à l’aine et à la cuisse, et elle boitait. Le Dr Moores était d’avis que l’arthroplastie totale de la hanche était la seule optionNote de bas de page 8.

[30] En novembre 2017, le Dr Moores a de nouveau indiqué que l’appelante était atteinte d’arthrose dégénérative grave dans l’articulation de la hanche gauche. Il a également remarqué qu’il y avait une stimulation hypertrophique dégénérative parcourant l’épine dorsale avec cunéiformisation du corps vertébral L3Note de bas de page 9.

[31] En octobre 2019, la note clinique du Dr Moores indiquait que la douleur à la hanche de l’appelante s’est progressivement aggravée depuis septembre 2018. L’appelante a décrit la douleur du côté inférieur gauche de son dos, qui est pire le matin et lorsqu’elle se penche. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas marcher plus de 10 à 15 minutes sans une pause. Lorsqu’elle prend une pause, la douleur disparaît dans les 20 minutes, pour augmenter à nouveau avec la marche. Le Dr Rideout a écrit que l’appelante a des poussées où la douleur est plus intense et qu’elle a des picotements et de la douleur le long de ses jambes. L’appelante trouve que la douleur est pire quand il fait froid. Elle prend du Tylenol au besoin, mais trouve que cela ne change pas les chosesNote de bas de page 10.

[32] L’appelante a revu le Dr Moores en avril 2020. Il l’a décrite comme étant invalide des suites de l’arthrose du dos et de la hanche. Cependant, on a noté que le dos de l’appelante était son principal problèmeNote de bas de page 11.

[33] En mai 2020, le médecin de famille de l’appelante, le Dr Rideout, a rempli une évaluation pour la retraite pour cause d’invalidité médicale. Il a énuméré ses diagnostics comme étant des douleurs à la hanche gauche dues à une arthrose grave et des douleurs chroniques au dos dues à une arthrose modérée et à une discopathie dégénérative. Il était noté que les deux problèmes de santé s’étaient détériorés au cours des 10 à 15 dernières années et s’étaient considérablement aggravés au cours des six derniers mois. L’obésité est un facteur contributif. Il a été souligné que même si l’appelante n’était pas confinée chez elle, sa mobilité était considérablement réduite. Le Dr Rideout a indiqué que l’appelante pouvait à peine marcher et qu’elle avait des problèmes de concentration, d’adaptation et de toléranceNote de bas de page 12.

[34] Dans une note datée de septembre 2020, le Dr Rideout a mentionné que l’appelante ne peut pas se couper les ongles des orteils pour des raisons médicales; elle a donc besoin de l’aide d’une infirmière autoriséeNote de bas de page 13.

[35] Le Dr Rideout a également rempli un rapport médical en septembre 2020. Il a relevé que les diagnostics de l’appelante étaient de l’arthrose et des maux de dos chroniques dont l’apparition avait été progressive sur une période de dix ans. Les déficiences de l’appelante sont [traduction] « une douleur importante qui accompagne une grande activité; il est difficile de se rendre au travail et la douleur est importante ». Ses limitations fonctionnelles sont [traduction] « une activité physique limitée » et [traduction] « elle doit s’adapter ». Le Dr Rideout a souligné que les maux de dos de l’appelante sont son problème le plus importantNote de bas de page 14.

[36] Le Dr Moores a rédigé un rapport en novembre 2020. Il a dit avoir vu l’appelante relativement à des douleurs à la hanche et au dos qui s’aggravaient. Le diagnostic était une arthrose grave de la hanche gauche. Il a été souligné que l’appelante boitait tout le temps et qu’elle avait une marche de Trendelenburg marquée. L’amplitude de mouvement de sa hanche gauche a été qualifiée de très limitéeNote de bas de page 15.

[37] Le Dr Moores a vu l’appelante en décembre 2020, notant qu’elle avait une douleur lombaire qui s’aggravait et qui irradiait dans sa hanche et sa fesse gauches. Il a relevé une fracture antérieure, des changements dégénératifs des facettes articulaires, une protrusion discale et du gaz dans l’espace intervertébral L5-S1, ce qui correspond à une discopathie dégénérativeNote de bas de page 16.

[38] Le Dr Rideout a rempli un questionnaire sur les mesures d’adaptation pour cause de handicap et a déclaré que l’appelante avait un diagnostic d’arthrose modérée à grave. On a considéré que les mesures d’adaptation en milieu de travail seraient probablement permanentes. Il a été noté que les limitations fonctionnelles étaient de la douleur et de la raideur importantes au dos et aux hanches, de la difficulté à s’asseoir sur une chaise et à s’en relever, à emprunter des escaliers et à faire de plus longues marches. En ce qui concerne les capacités physiques, le Dr Rideout a écrit :

  • rester assise : pas pendant de longues périodes;
  • se tenir debout ou garder l’équilibre : de courtes périodes sont acceptables;
  • marcher ou grimper : pas sur de longues distances;
  • soulever, abaisser ou transporter : poids inférieur à 10 livres;
  • flexion ou position penchée : flexion limitée;
  • rotation du cou non répétitive;
  • pousser ou tirer : rien de lourd;
  • position accroupie ou agenouillée : aucune capacitéNote de bas de page 17.

[39] En juin 2021, un rapport de radiographie a révélé des changements dégénératifs des facettes articulaires dans toute la colonne thoracique, avec apparition principalement latérale droite d’ostéophytesNote de bas de page 18.

[40] En juillet 2021, le Dr Rideout a écrit une lettre à l’employeur de l’appelante pour demander une mesure d’adaptation afin qu’elle travaille à domicile. Le Dr Rideout a dit que l’appelante avait des douleurs importantes au dos et à la hanche causées par l’arthrose. Par conséquent, il a été noté que l’appelante avait de la difficulté à se rendre de la maison au travail, surtout en hiver. Par ailleurs, à la maison, l’appelante pourrait s’allonger pendant les pauses et à l’heure du dînerNote de bas de page 19.

[41] Le Dr Rideout a écrit une lettre finale, datée de mars 2022, soulignant à nouveau que le principal problème de l’appelante est la douleur chronique au dos et l’arthrose, qui provoquent une douleur importante et nuisent à sa mobilité. L’appelante avait du mal à monter les escaliers de son immeuble, à déneiger sa voiture, à transporter des provisions et à faire bien d’autres activités quotidiennes normalesNote de bas de page 20.

[42] Le Dr Rideout a également confirmé que l’appelante est obèse, ce qui complique sa douleur chroniqueNote de bas de page 21.

[43] En février 2018, l’appelante a reçu un diagnostic d’ostéoporose présentant un risque modéré de fractureNote de bas de page 22. Toutefois, en février 2020, son risque de fracture est devenu élevé et sa masse osseuse était faibleNote de bas de page 23.

[44] En ce qui concerne l’anxiété, l’appelante voit une conseillère depuis 2013, à la suite de son diagnostic d’arthrose et d’ostéoporose. Sa conseillère a noté que ces problèmes de santé avaient une incidence sur son humeur, ce qui causait des phases de dépression émotionnelle et de l’anxiété. Sa conseillère s’est concentrée sur les stratégies d’adaptation pour l’aider à composer avec ses problèmes de santéNote de bas de page 24.

[45] Dans une lettre datée de juin 2021, la conseillère de l’appelante a dit que son anxiété augmentait à mesure que ses problèmes de santé augmentaient. L’appelante a commencé à appeler la ligne téléphonique d’information sur la santé, cherchant à se faire rassurer. En 2019, lorsqu’un nodule a été trouvé sur le poumon de l’appelante, son anxiété a augmenté à tel point qu’elle pleurait au travail. En 2020, l’appelante avait constamment de la douleur au travail et trouvait difficile de rester assise pendant de longues périodes. À ce moment-là, sa conseillère a dit que l’anxiété de l’appelante était très élevéeNote de bas de page 25.

[46] La conseillère de l’appelante a également dit qu’en raison de ses problèmes de santé mentale, elle est très sensible à la critique, suppose que les gens ne l’aiment pas, s’isole, a des crises de panique, pleure et craint les personnes en position d’autoritéNote de bas de page 26.

[47] Enfin, le Dr Rideout a dit que l’appelante est atteinte de légère anxiété généralisée. Bien que l’appelante ne prenne normalement pas de médicament pour son anxiété, le Dr Rideout a fait remarquer que, parfois, les facteurs de stress semblent s’accumuler autour d’elle et ses stratégies d’adaptation sont insuffisantes pour lui permettre de gérer la situation, ce qui fait que son anxiété s’intensifie. On a remarqué que cela s’est produit à plusieurs reprises pendant des périodes où la douleur s’aggravait et où elle n’avait pas accès à des mesures d’adaptation dans son milieu de travailNote de bas de page 27.

[48] Il n’y avait aucune preuve médicale confirmant un diagnostic de dépression.

[49] En ce qui concerne la vision de l’appelante, un rapport d’octobre 2020 signale qu’elle a une importante myopie. On a également remarqué qu’elle avait des problèmes de macula (vision centrale) pendant les périodes de faible luminosité et d’éblouissementNote de bas de page 28. En octobre 2021, l’appelante a reçu un diagnostic de glaucome (léger), de syndrome du cristallin dysfonctionnel et de dégénérescence maculaire humideNote de bas de page 29.

[50] La preuve médicale confirme que les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travail en date du 10 mars 2022.

[51] Je vais maintenant vérifier si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi la plupart des conseils médicaux

[52] L’appelante a suivi la plupart des conseils médicauxNote de bas de page 30. Toutefois, son explication pour ne pas les avoir tous suivis est raisonnable.

[53] L’appelante s’est conformée à toutes les évaluations médicales, comme les radiographies et les IRM.

[54] Pour sa douleur chronique, l’appelante a fait de la physiothérapie de 2015 à 2020 dans quatre cliniques différentesNote de bas de page 31. Elle a arrêté à cause de la COVID-19. On lui a donné des exercices à faire à la maison, ce qu’elle a fait avant sa fracture de la colonne vertébrale en 2017. Cependant, après la chute, l’appelante a dit que les exercices rendaient [traduction] « ses muscles noués » et qu’elle ne pouvait pas bouger. Dans l’ensemble, son état après la chute est bien pire; elle a donc expliqué qu’elle n’est plus en mesure de faire les exercices à domicile. Je trouve son explication raisonnable.

[55] Elle prend du Tylenol pour la douleur. On ne lui a prescrit aucun autre analgésique, bien qu’elle ait demandé quelque chose de plus fort.

[56] L’appelante utilise une canne pour marcher, bien que cela ne l’aide pas beaucoup.

[57] L’appelante a reçu des injections de cortisone pour soulager sa douleur pendant deux ou trois ansNote de bas de page 32. Elle a dit qu’elles duraient seulement quatre semaines. Par conséquent, le Dr Moores était d’avis que la poursuite des injections ne constituait pas un avantage significatif pour l’appelanteNote de bas de page 33.

[58] On a offert à l’appelante une arthroplastie de la hanche en mars 2019. Elle accepte l’intervention, mais elle l’a retardée au départ parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de recevoir des prestations d’assurance-emploi à ce moment-là. Elle voulait attendre et se faire opérer lorsqu’elle prendrait sa retraite. L’appelante a expliqué que si elle avait subi l’opération plus tôt, sa pension aurait été très faible et elle aurait dû vendre sa maison. Si elle la vendait, elle ignorait où elle allait vivre. L’appelante n’a pas de famille pour l’aider et une hypothèque à payer. Il s’agit d’une explication raisonnable du retard de l’intervention chirurgicale. L’appelante a déclaré qu’elle regrette maintenant sa décision, car son opération a été reportée à de nombreuses reprises en raison de la COVID-19. Même si on lui a dit que son intervention chirurgicale aurait lieu bientôt, aucune date n’a été fixéeNote de bas de page 34.

[59] En ce qui concerne ses maux de dos, l’appelante a dit qu’aucun traitement particulier ne lui a été recommandé. On ne l’a ni aiguillée vers une ou un spécialiste ni prescrit de médicamentNote de bas de page 35. Le Dr Rideout a confirmé cela lorsqu’il a écrit [traduction] « remplacement de la hanche planifié, mais aucun traitement adéquat pour les maux de dos chroniquesNote de bas de page 36 ». Deux physiothérapeutes ont également dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour le dos de l’appelante. Les seules recommandations étaient l’utilisation d’un appareil TENS et de coussins chauffants, ce que l’appelante a essayé, mais sans grand soulagementNote de bas de page 37.

[60] Le médecin de famille de l’appelante lui a prescrit un traitement par bisphosphonate pour l’ostéoporose. L’appelante a essayé le médicament à deux reprises, mais elle a eu des effets secondaires, notamment de la douleur et de la diarrhée, de sorte que son médecin lui a dit d’arrêter. On a conseillé à l’appelante de marcher. Cela est essentiellement impossible en raison de sa douleur chronique, ce qui est raisonnable. On a également dit à l’appelant de prendre du calcium et de la vitamine D en 2018. Elle a commencé à prendre les vitamines. Elle a reçu un diagnostic de cancer de la peau (qui a régressé depuis) la même année. L’appelante a expliqué que son anxiété est devenue accablante. Elle a dû enlever des choses de sa routine pour demeurer fonctionnelle, alors elle a cessé de prendre ses vitamines. Elle a dit que le fait d’en avoir discuté à l’audience était une bonne façon de lui rappeler de recommencer à prendre les vitamines. Il est raisonnable que l’appelante se soit préoccupée d’un autre grave problème de santé et qu’elle ait oublié de prendre ses vitamines. Toutefois, son diagnostic de cancer a été posé en 2018 et s’est résorbé depuis, pourtant l’appelante n’a pas recommencé à administrer les vitamines, ce qui est déraisonnable. J’estime cependant que même si l’appelante avait pris les vitamines, cela n’aurait pas changé grand-chose à son ostéoporose. Cela n’aurait certainement rien changé à son problème de santé global, qui est une douleur chronique causée par l’arthrite.

[61] L’appelante voit une conseillère depuis 2008 pour composer avec son anxiété. L’appelante a dit que sa conseillère lui a enseigné des techniques pour l’aider à gérer son anxiété et à mettre fin à une rumination excessive, comme prendre une pause ou faire quelque chose de différent. Sa conseillère a déclaré que l’appelante participait activement aux séances et qu’elle avait une bonne idée de son anxiété et de ses répercussionsNote de bas de page 38. Bien que l’appelante ne prenne pas régulièrement de médicaments, du lorazépam pour des crises de paniqueNote de bas de page 39. L’appelante a affirmé que depuis qu’elle a quitté son emploi, son anxiété s’est dissipée.

[62] En ce qui concerne l’obésité, l’appelante affirme qu’elle avait réussi à perdre beaucoup de poids en faisant de l’exercice dans la quarantaine, mais qu’à mesure qu’elle prenait de l’âge, la perte de poids devenait de plus en plus difficile. Elle est maintenant incapable de faire beaucoup d’activité physique en raison de sa douleur chronique. En ce qui concerne la nutrition, l’appelante a dit qu’à cause de sa douleur, elle mange des repas très rapides et qu’elle est donc incapable d’en préparer d’autres, plus sains. Il est raisonnable que la douleur chronique de l’appelante ait rendu la perte de poids très difficile.

[63] L’appelante évite de conduire dans des conditions de faible luminosité et porte des lunettes pour régler ses problèmes de vision.

[64] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 40.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[65] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[66] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 41?

[67] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Elle a 62 ans. Elle a un diplôme d’études secondaires. En 1977, elle a suivi un programme de formation au College of Trades and Technology [collège des métiers et de la technologie]. Elle a travaillé comme dactylographe de 2008 à aujourd’hui au sein de Occupational Health and Safety in Newfoundland [santé et sécurité au travail à Terre-Neuve]. À ce titre, elle transcrit des déclarations audio, met à jour des répertoires et reçoit des plaintes au téléphone. Elle parle couramment l’anglais. Les compétences linguistiques et les compétences de bureau transférables de l’appelante pourraient l’aider à réintégrer le marché du travail. Toutefois, son âge et son manque de formation constituent un obstacle qui l’empêche de retrouver un emploi.

[68] Les problèmes de santé de l’appelante sont si graves qu’ils rendent tout travail essentiellement impossible. Elle décrit des douleurs constantes à l’aine, au dos, à la hanche gauche, aux jambes, au cou, à l’abdomen, aux fesses, aux épaules, aux poumons et aux côtes. L’appelante est éveillée tous les soirs en raison de la douleur et, souvent, elle ne peut pas se rendormir; elle est donc très fatiguée le lendemain. Lorsqu’elle rentre du travail, elle mange des aliments faciles à préparer et va au lit tout de suite vers 18 h 30, car s’allonger sur le dos est la seule chose qui soulage la douleur. Elle passe également les fins de semaine au lit, sauf pour aller aux toilettes, manger et parfois prendre une douche.

[69] L’appelante a utilisé beaucoup de congés, y compris des vacances et des congés de maladie, pour composer avec la douleur tout en travaillant.

[70] L’appelante s’est rendue à l’urgence à plusieurs reprises en 2021 en raison de douleurs extrêmes. Elle s’est organisée à ses frais pour qu’un taxi la conduise de l’entrée principale de l’hôpital à l’aire de stationnement à cause de la douleur. Elle a une pince pour récupérer des choses sur le plancher, un bidet qu’elle utilise après être allée aux toilettes et une éponge sur un bâton pour qu’il soit plus facile de se doucher.

[71] L’appelante est essoufflée lorsqu’elle passe d’une pièce à l’autre chez elle. Elle se fait livrer toute sa nourriture, ses médicaments, ses vêtements et tous les autres biens de première nécessité, car elle ne peut pas aller les acheter elle-même à cause de sa mobilité réduite.

[72] Le ministre affirme que l’appelante attend une arthroplastie de la hanche, ce qui améliorera probablement sa situation. Toutefois, l’appelante fait remarquer qu’elle n’a toujours pas de date pour l’intervention chirurgicale. De plus, elle affirme que l’arthroplastie de la hanche ne résoudra pas ses maux de dos, qui sont son principal problème. Je conviens avec l’appelante qu’une arthroplastie de la hanche ne permettra pas de traiter les douleurs chroniques au dos qui causent bon nombre de ses limitations fonctionnelles.

[73] Avant le début de ses problèmes de santé, l’appelante décrit qu’elle avait une vie bien remplie, qu’elle voyait des amis, participait à des activités sociales, faisait de l’exercice et s’acquittait de toutes les tâches correspondant à la description de son poste.

[74] L’appelante a demandé de nombreuses fois des mesures d’adaptation pour travailler à domicile à compter de juillet 2020. Sa demande a finalement été acceptée en août 2021. Elle a travaillé à domicile du début de septembre 2021 à la mi-décembre 2021, mais la douleur était encore trop forte, alors elle a pris sa retraite à la mi-décembre 2021.

[75] Le ministre affirme que l’appelante a une capacité de travail, car elle travaillait lorsqu’elle a présenté sa demande et qu’elle a continué de travailler jusqu’en décembre 2021. La réponse de l’appelante est qu’elle n’a pas de famille ou d’amis sur lesquels compter, donc elle doit travailler pour continuer à se nourrir et avoir un toit au-dessus de la tête. L’appelante fait remarquer que le fait de quitter son emploi au cas où elle pourrait réussir à recevoir une pension d’invalidité aggraverait sa situation. L’appelante a également souligné que les règles n’empêchent pas les gens de présenter une demande pendant qu’ils travaillent.

[76] Je suis d’accord avec l’appelante. Une partie appelante qui travaille au moment de présenter une demande de pension d’invalidité ne devrait pas en être privée pour ce seul motif. Chaque affaire repose sur les faits qui lui sont propres. L’appelante a travaillé de façon constante depuis 1978. En 2020Note de bas de page 42, l’appelante a gagné 43 933 $, ce qui est considéré comme véritablement rémunérateurNote de bas de page 43. Cependant, elle s’efforçait de continuer à travailler pour éviter de se retrouver, éventuellement, en situation d’itinérance. L’appelante a dû prendre congé du travail pendant de longues périodes pour composer avec la douleur. Elle était également en retard au travail. L’appelante a demandé à maintes reprises des mesures d’adaptation pour travailler à domicile, et on lui a finalement accordé ces mesures. Malgré les mesures d’adaptation, l’appelante a dû prendre sa retraite avant la date de l’audience en raison de ses limitations fonctionnelles. Par conséquent, bien que l’appelante ait travaillé pendant de nombreuses années, à la date de l’audience, elle était régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

[77] L’appelante ne peut pas faire un travail sédentaire parce que rester assise est très difficile et qu’elle est très fatiguée pendant la journée.

[78] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en date du 10 mars 2022.

L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée?

[79] L’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée.

[80] Les principales affections invalidantes de l’appelante sont l’arthrite, qui a commencé en 2016, la discopathie dégénérative et la douleur chronique grave apparues en 2017 et l’ostéoporose en 2018. Ces problèmes de santé sont toujours présents, et risquent d’être là pour resterNote de bas de page 44.

[81] Les problèmes de santé de l’appelante se sont accentués avec le temps. Par conséquent, elle a pris une retraite anticipée.

[82] Le Dr Rideout a déclaré que l’arthrose et les maux de dos chroniques de l’appelante étaient susceptibles de se détériorer et qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle retourne au travailNote de bas de page 45.

[83] Je conclus que l’invalidité de l’appelante est prolongée depuis le 10 mars 2022.

Début du versement de la pension

[84] L’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis juillet 2020, qui est le moment de sa demande de prestations d’invalidité. Cette date est établie en fonction de sa description de ses limitations fonctionnelles au moment décrit ci-dessus.

[85] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 46. Sa pension est donc versée à partir de novembre 2020.

Conclusion

[86] Je conclus que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle est donc admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[87] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.