Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Citation : GT c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 720

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. T.
Représentante : Allison Schmidt
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 12 août 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 15 juillet 2022
Numéro de dossier : GP-20-1550

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, G. T., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant est âgé de presque 59 ans. Il était âgé de 34 ans à la fin de 1997. Cette date est importante pour son appel.

[3] Le requérant a déposé quatre demandes de pension d’invalidité du RPC. Il a travaillé le plus longtemps comme travailleur de ligne chez X (X) à Scarborough. Il y a travaillé activement, avec quelques interruptions, de 1984 à 1994 au moinsNote de bas page 1. Lorsqu’il a présenté sa troisième demande de pension d’invalidité du RPC en 2011, il a déclaré avoir travaillé chez X jusqu’en 1999Note de bas page 2.

[4] En 1990, lorsque le requérant a déposé sa première demande, il a déclaré qu’il était invalide en raison du syndrome du canal carpien. Il éprouvait des douleurs et avait de la difficulté à lever et à transporter des objetsNote de bas page 3. Il a travaillé périodiquement depuis. Son dernier emploi, comme commis automobile chez X, a duré cinq mois en 2018Note de bas page 4.

[5] Le présent appel fait suite à la quatrième demande de pension d’invalidité du RPC du requérant. Il a déposé cette demande le 25 avril 2019. Toutefois, c’est la première fois qu’il interjette appel de la décision du ministre devant le Tribunal. Dans sa quatrième demande, il a déclaré qu’il souffrait principalement du syndrome de Klippel‑Feil (une fusion anormale des vertèbres cervicales), du syndrome du canal carpien et d’une sciatiqueNote de bas page 5. Il a dit en avoir subi l’impact à bien des égards, bien que les douleurs semblent avoir été le principal impact. Son sommeil a aussi été considérablement compromisNote de bas page 6. Il est demeuré vulnérable aux problèmes de toxicomanie et de santé mentale.

[6] Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté la demande du requérant. Ce dernier a fait appel de la décision du ministre devant le Tribunal.

[7] Il affirme qu’en raison de la combinaison de ses douleurs, de son fonctionnement physique limité, de son incapacité de travailler et de la détérioration de sa santé mentale, il lutte depuis longtemps contre la toxicomanie et l’alcoolisme. En outre, ses multiples problèmes de santé ont rendu impossibles l’obtention et le maintien de quelque type d’emploi que ce soit. Au mieux, sa capacité de travailler est intermittente et il ne peut s’engager à respecter un horaire de travail. Il soutient également que de nombreuses tentatives de retour au travail ou de recyclage ont échoué en raison de ses multiples problèmes de santé. Ses gains récents sont loin d’être « véritablement rémunérateurs ». Enfin, il affirme que son invalidité est prolongée parce qu’il n’a pas pu conserver un emploi véritablement rémunérateur depuis 1991Note de bas page 7.

[8] Le ministre affirme qu’une grande partie des renseignements médicaux se rapportaient à la période postérieure à 1997 et qu’ils sont donc peu pertinents pour établir l’existence d’une invalidité à cette date. Il ajoute que le requérant a démontré sa capacité de travailler après 1997 et soutient que ses nombreux emplois à court terme n’ont pas pris fin en raison d’une incapacité de travailler. Le ministre signale également que le requérant a touché des prestations régulières d’assurance‑emploi (AE) en 2017 et en 2018, ce qui l’obligeait à être prêt, disposé et apte à travailler. Cette capacité était compatible avec la déclaration du requérant selon laquelle il n’était plus capable de travailler en novembre 2018. Le ministre soutient également que la preuve médicale ne permet pas de conclure à l’existence d’une invalidité continue depuis la fin de 1997.

Ce que le requérant doit prouver

[9] Pour obtenir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 1997. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas page 8. Il doit également prouver que son invalidité était grave et prolongée de façon continue jusqu’à la date de l’audience.

[10] Le Régime de pensions du Canada définit « grave » et « prolongée ».

[11] Une invalidité n’est grave que si elle rend une requérante ou un requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 9.

[12] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé du requérant pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également examiner ses antécédents (notamment son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle). Et ce pour que je puisse obtenir une image réaliste de la gravité de son invalidité. S’il peut exécuter régulièrement un travail lui permettant de gagner sa vie, il n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[13] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 10.

[14] Cela signifie que l’invalidité du requérant ne peut comporter une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité l’empêche de travailler pendant une longue période.

[15] Le requérant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que le requérant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 1997, qui s’est poursuivie jusqu’à la date de l’audience.

L’invalidité du requérant était-elle grave à la fin de 1997 et de façon continue par la suite?

[17] L’invalidité du requérant n’était pas grave à la fin de 1997 et de façon continue par la suite. J’en suis arrivé à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci‑après.

Les limitations fonctionnelles du requérant ont nui à sa capacité de travailler à la fin de 1997

[18] À la fin de 1997, le requérant souffrait de douleurs intermittentes chroniques à la jambe et au bas du dosNote de bas page 11. Il avait également des problèmes au bras droit, dont des antécédents de problèmes liés au canal carpienNote de bas page 12. Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics du requérantNote de bas page 13. Je dois plutôt me demander s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas page 14. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas page 15.

[19] Je conclus que le requérant avait des limitations fonctionnelles à la fin de 1997.

Ce que le requérant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] Le requérant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travailler à la fin de 1997.

[21] À l’audience, le requérant a déclaré qu’il avait été en prison de mai à septembre 1997, bien que cela ne soit pas mentionné dans les documents médicaux se rapportant à cette période. Il a déclaré qu’il était retourné à l’école en septembre 1997, mais qu’il était incapable de suivre le cours à moins de prendre des analgésiques et des antidépresseurs pour soulager ses douleurs. Il a dit que ses problèmes de santé étaient pris en compte à l’école. Par exemple, on lui a remis un laissez‑passer d’ascenseur.

[22] Le requérant a déclaré avoir commencé à consommer de l’alcool et des drogues de rue avant la fin du premier semestre. Il a dit avoir [traduction] « recommencé à craquer » et à ne pas pouvoir dormir la nuit. Il a commencé à manquer l’école et à abandonner des cours. Il a augmenté sa consommation d’analgésiques et d’alcool pour tenir le coup. Vers Noël 1997, il dit avoir défoncé une fenêtre en tombant. Au début de 1998, il a déclaré que sa dépendance était totale et que ses notes étaient en baisse. Il a déclaré qu’à l’été de 1998, il avait tenté de se pendre. Il a en outre frappé une maison de briques en voiture, ce qui a entraîné une nouvelle peine d’emprisonnement.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles du requérant

[23] Le requérant doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 1997Note de bas page 16.

[24] La preuve médicale appuie en partie ce que le requérant dit au sujet de ses problèmes au bras droit et de ses douleurs à la jambe et au bas du dos.

[25] En juillet 1997, le Dr Ali (orthopédiste) a affirmé que le requérant souffrait de douleurs intermittentes chroniques au bas du dos et à la jambe gauche. La douleur irradiait du dos à la jambe. Cela empêchait le requérant de rester assis pendant plus de deux heures. Le Dr Ali a également fait état de problèmes liés au canal carpien droit. Le même mois, le Dr Chan (médecin de famille) a déclaré que le requérant souffrait d’une poussée de douleurs au bas du dos qui restreignaient sa capacité de soulever des objets lourds et de se pencher à répétitionNote de bas page 17. Plus tard en 1997, le Dr Chan a souligné la nécessité d’utiliser des orthèses pour le bas du dos et le poignet, bien que le requérant ne doive utiliser le corset lombaire que lorsqu’il avait une pousséeNote de bas page 18.

[26] Je ne vois aucune mention de tentatives de suicide dans les documents médicaux de 1998. Je ne vois non plus aucune mention d’antidépresseurs ou de problèmes de dépendance dans les documents médicaux de mars 1997 à la fin de 1998.

[27] La preuve médicale confirme qu’en raison des limitations attribuables à ses problèmes au dos et au bras, le requérant était incapable de soulever des objets lourds, de se pencher à répétition et de rester assis pendant de longues périodes au 31 décembre 1997. Cela l’empêchait probablement d’accomplir son travail habituel chez GM ou le travail sédentaire qu’il effectuait avec AutoCAD (conception assistée par ordinateur), pour lequel il était en recyclage.

[28] Je dois maintenant décider si le requérant peut effectuer sur une base régulière d’autres types de tâches. Pour pouvoir être qualifiées de sévères, les limitations fonctionnelles du requérant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas page 19.

Le requérant aurait pu travailler dans le monde réel après 1997

[29] Je conclus que le requérant aurait pu travailler dans le monde réel après 1997.

[30] Lorsque je décide si le requérant peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’il peut faire. Je dois également tenir compte de facteurs comme :

  • son âge
  • son niveau de scolarité
  • ses compétences linguistiques
  • son expérience de travail et de vie antérieure.

[31] Ces facteurs m’aident à décider si le requérant peut travailler dans le monde réel, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas page 20.

[32] Le requérant a terminé sa 8e année, mais il a quitté l’école au cours de la 9e année. En 1997, il avait commencé à parfaire ses études au collège et terminé des cours, comme celui de physique de 10e annéeNote de bas page 21. Quelques années plus tard, il a suivi un cours de niveau collégial sur AutoCADNote de bas page 22.

[33] Le requérant a travaillé comme manœuvre de cour chez GMC, où ses fonctions consistaient notamment à déplacer et à nettoyer des voitures. Il a ensuite travaillé comme emballeur dans une usine de vaisselle, puis a fait des livraisons pour une entreprise de café. Enfin, il a trouvé un emploi de préposé à la chaîne de montage chez GMNote de bas page 23. À la fin de 1997, il était encore un employé de GM, même s’il ne travaillait pas activement.

[34] Le requérant a occupé plusieurs emplois à court terme après 1997. Il a été représentant sur le terrain pour un journal au début de 2011Note de bas page 24. Dans le cadre de ce travail, il a distribué le journal dans les stations de métro. À partir de 2016, il a été commis aux fruits et légumes chez MetroNote de bas page 25. Il a été associé aux ventes chez Home Depot de novembre 2017 à mai 2018Note de bas page 26. Enfin, il a été associé aux ventes automobiles chez X de juillet 2018 à novembre 2018Note de bas page 27. Bien que le relevé des cotisations au RPC du requérant montre de nombreuses années postérieures à 1997 dont les gains sont nominauxNote de bas page 28, le requérant a dit qu’il ne se souvenait d’aucun autre emploi.

[35] Je n’accorde pas beaucoup de poids au travail effectué par le requérant en 2018 chez X. Son employeur a dit que plusieurs aspects du travail lui avaient causé des difficultésNote de bas page 29. On peut toutefois établir une distinction d’avec son travail chez Home Depot en 2018. À cet endroit, son travail était satisfaisant, son assiduité était bonne et il pouvait répondre aux exigences du posteNote de bas page 30.

[36] Sans tenir compte de ses problèmes de santé, je conclus qu’en 1997, le requérant aurait été en mesure de faire du travail de chaîne de montage, un travail consistant principalement à conduire, et du travail de vente au détail qui ne nécessitait pas beaucoup de formation. Cela inclurait les emplois qu’il a plus tard occupés chez Home Depot et à l’épicerie Metro, car il avait manifestement les compétences pour les occuper 20 ans plus tard. Toutefois, cela n’inclurait pas le travail qu’il a fait plus tard chez X, car ce travail comportait des exigences supplémentaires qui étaient trop importantes pour le requérant.

[37] Je me pencherai maintenant sur le type de travail qu’il aurait pu faire, s’il en est, dans le monde réel lorsque l’on tient compte de ses problèmes de santé.

Compte tenu de ses problèmes de santé, qu’est-ce que le requérant aurait pu faire dans le monde réel après 1997?

[38] Il semble que le requérant ait eu la capacité de travailler dans le monde réel à la fin de 1997. Bien que son ancien emploi chez GM ait pu être exclu, le Dr Chan a déclaré en juillet 1997 et en février 1998 qu’aucune restriction n’empêchait le requérant de conduire un véhicule automobileNote de bas page 31. Le Dr Sproule (spécialiste) l’a confirmé en avril 1998. Bien que le requérant ait eu de la difficulté à écrire pendant de longues périodes à ce moment‑là, aucun des deux médecins ne considérait la conduite comme un problème. Je note que le Dr Dalgleish n’a relevé aucune restriction médicale quant à la conduite en mai 2003Note de bas page 32.

[39] Toutefois, même si le requérant n’aurait pas pu travailler dans le monde réel à la fin de 1997, il devrait quand même démontrer que c’était le cas de façon continue de la fin de 1997 à la date de l’audience. Je conclus qu’il n’en a pas fait la preuve selon la prépondérance des probabilités. L’absence de documents médicaux constitue une composante importante de cette conclusion.

Absence de documents médicaux se rapportant à la période de mars 2012 à novembre 2017

[40] Je ne vois dans le dossier du Tribunal aucun rapport médical se rapportant à la période du 7 mars 2012 au 20 novembre 2017Note de bas page 33. La lettre du 7 mars 2012 du Dr Lubczynski (médecin de famille) affirme seulement que le requérant portait un corset lombaire pendant six à huit heures par jour pour prévenir les poussées, améliorer sa posture et améliorer sa démarche. Toutefois, le dernier traitement documenté remonte à septembre 2011Note de bas page 34.

[41] Pour certains appelants, les lacunes dans les documents ont moins d’importance en raison de la nature de leur problème de santé. Toutefois, la douleur du requérant a été décrite comme étant intermittenteNote de bas page 35, et je vois plusieurs mentions d’amélioration de son état.

[42] Par exemple, en mai 2003, le requérant a déclaré que son problème au bas du dos était réapparu en décembre 2002Note de bas page 36. Je n’ai vu aucun document médical portant sur la période du 1er octobre 2001 au 17 décembre 2002Note de bas page 37. En août 2006, le Dr Bertolo (médecin de famille) a déclaré que le requérant pouvait travailler en février ou mars de cette année‑là, mais qu’il n’exerçait pas de fonctions appropriéesNote de bas page 38. En mars 2008, le Dr Ho (CSPAAT) a dit qu’il était apte à exercer une activité modéréeNote de bas page 39. J’accorde peu de poids à cette déclaration, car le Dr Ho n’était pas un médecin traitant. Toutefois, en avril 2010, Laura Apps (physiothérapie) a déclaré qu’il avait aggravé une blessure antérieure au dos et au poignetNote de bas page 40. Je n’ai vu aucun document médical portant sur la période du 31 mars 2008 au 23 avril 2010Note de bas page 41.

[43] Étant donné la récurrence intermittente des problèmes de santé, l’absence totale de documents médicaux pendant plus de cinq ans devient plus importante.

[44] À l’audience, j’ai interrogé le requérant au sujet de cette période. Il a dit avoir [traduction] « été sobre pendant environ quatre ans ». Et qu’il était proche de sa famille. Vivre près de sa sœur l’avait aidé. Sa mère aussi l’avait aidé. Il a été très actif auprès des Alcooliques anonymes et a reçu beaucoup de soutien de divers organismes. Il a dit aussi qu’il avait consulté un psychiatre. Il a ajouté qu’il gérait sa douleur et sa situation mentale et qu’il avait pu éventuellement essayer de travailler. Il a dit qu’il prenait des analgésiques pendant cette période et qu’il aurait aussi pris quelque chose pour sa santé mentale et pour l’aider à dormir. À ses dires, c’était difficile de continuer en raison de la douleur qu’il éprouvait. Il a dit qu’il retombe dans ses anciens comportements.

[45] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait aucun document se rapportant à cette période, il a répondu qu’il n’en était pas certain. Il a dit qu’il essayait de maintenir son régime de médicaments et sa sobriété. Il a ajouté qu’il était alors atteint d’hépatite C et qu’il [traduction] « n’allait pas bien ».

[46] Le requérant a également eu des emplois réguliers pendant cette longue période marquée par l’absence de documents médicaux. Il a travaillé chez Metro de 2016 à 2017. Il n’a pu fournir aucune date ferme, mais il a laissé entendre qu’il faisait chaud lorsqu’il a commencé et qu’il faisait froid lorsqu’il est parti. Comme la majeure partie de son revenu a été gagné en 2016, il a probablement travaillé de l’été 2016 au début de 2017Note de bas page 42. Il a dit qu’il avait démissionné de cet emploi parce qu’il [traduction] « ne pouvait pas répondre à leurs demandes », mais il a ensuite dit que Metro voulait le ramener à 8 à 10 heures par semaine et qu’il était incapable de subvenir ainsi à ses besoins. Il a dit avoir réussi à faire ce travail en prenant des narcotiques, ce qu’il a expliqué en disant qu’il a [traduction] « bonne allure » lorsqu’il commence quelque chose. Il a également dit que Metro lui donnait initialement 40 heures par semaine alors qu’il n’en voulait que 25.

[47] Le requérant a travaillé chez Home Depot du 30 novembre 2017 au 13 mai 2018. Je note qu’il a démissionné de ce poste égalementNote de bas page 43. Il a déclaré avoir démissionné pour pouvoir travailler chez X. Selon Home Depot, son assiduité était bonne, son travail était satisfaisant et il pouvait satisfaire aux exigences du poste. Il n’avait pas besoin de l’aide de ses collègues. Il n’avait pas besoin non plus de services, d’équipement ou d’arrangements particuliersNote de bas page 44.

[48] Cela diffère du témoignage oral du requérant selon lequel il avait de la difficulté à s’acquitter des tâches physiques de l’emploi chez Home Depot et il prenait des analgésiques. Il a également dit qu’il buvait, mais pas beaucoup, et qu’il avait recommencé à prendre des opiacés. Toutefois, les documents médicaux se rapportant à cette période renvoient principalement au traitement de la douleur cervicale au moyen d’injections de cortisone, de glace et d’étirementsNote de bas page 45. Ce n’est qu’en juin 2018 que je vois des mentions de médicaments plus lourds plus tôt ce printemps‑làNote de bas page 46.

[49] Je commenterai maintenant brièvement certaines autres périodes postérieures à 1997, avant de conclure mon analyse.

Documents et capacité pendant d’autres périodes postérieures à 1997

[50] Comme je l’ai mentionné, je n’ai vu aucun document médical portant sur la période du 31 mars 2008 au 23 avril 2010. Cette période n’est pas aussi longue que celle qui a commencé en mars 2012. Toutefois, à l’audience, le requérant a dit peu de choses au sujet de cette période de 2008 à 2010. Il a déclaré que sa famille l’avait sauvé d’un mode de vie criminel et d’une dépendance à la drogue en 2008. Il a déclaré que son père avait tenté de le faire cesser de consommer de la drogue et qu’il vivait à la Alpha House (un « refuge sécuritaire ») en 2010.

[51] Le requérant a déclaré l’existence de peu d’emplois après 1997. Il a eu l’emploi pour un journal (commencé en janvier 2011), celui de commis d’épicerie (commencé en 2016), celui chez Home Depot (commencé en 2017) et celui chez X (commencé en 2018). Toutefois, plusieurs fournisseurs de soins font référence à un travail effectué après 1997 qui ne correspond pas à une de ses périodes de travail admises. En mai 2001, le Dr Sproule a déclaré que le syndrome du canal carpien léger du requérant s’était amélioré parce qu’il [traduction] « effectuait un travail plus léger »Note de bas page 47. À l’audience, le requérant a dit qu’il ne travaillait pas à ce moment‑là et a laissé entendre qu’il s’acquittait simplement de tâches à la maison.

[52] En février 2006, le Dr Singh (médecin de famille) a déclaré que le requérant était [traduction] « en arrêt de travail depuis maintenant trois ans ». Cela implique qu’il a travaillé jusqu’au début de 2003, ce que le requérant a nié cependant à l’audience. Il a été choqué par cette suggestion et a cru que le Dr Singh parlait peut‑être du programme de recyclage.

[53] En août 2006, le Dr Bertolo a laissé entendre que le requérant aurait pu travailler en février ou mars 2006, mais qu’il n’exerçait pas des fonctions appropriéesNote de bas page 48. À l’audience, le requérant a dit qu’il ne se souvenait pas de ce médecin. Or, le requérant a eu au moins trois visites chez le Dr Bertolo en 2006Note de bas page 49. Toujours en août 2006, le Dr Young (soins ambulatoires) a laissé entendre que l’emploi du requérant aurait dû être modifié en juin 2006Note de bas page 50. Interrogé à ce sujet, le requérant a répondu qu’il ne travaillait pas en juin 2006, mais qu’il croyait que cela aurait pu être lié au programme de réadaptation de la Commission des accidents du travail.

[54] Bien que tous les emplois ne donnent pas lieu à des cotisations au RPC, le requérant a quand même cotisé au RPC pendant de nombreuses années. De faibles cotisations ne se rapportant pas à ses emplois admis ont été versées en 1999, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 et 2015. Les cotisations qu’il a versées en 2011, 2012, 2013, 2016, 2017 et 2018 sont présumées se rapporter à ses périodes d’emploi admisesNote de bas page 51.

[55] À mon avis, il est possible que le requérant ne se souvienne véritablement pas de toutes les périodes d’emploi. Près de 25 ans se sont écoulés depuis la fin de 1997. Le requérant a déclaré qu’il avait eu de nombreux problèmes de toxicomanie, ce qui pourrait avoir une incidence sur ce qu’il peut se rappeler. Toutefois, le passage d’une si longue période fait également en sorte qu’il est plus difficile d’accepter des affirmations verbales au sujet de la capacité de travailler qui ne sont pas étayées par des documents.

Conclusion concernant la capacité de travailler dans le monde réel

[56] La preuve indique que le requérant avait la capacité de travailler dans le monde réel pendant une période d’au moins cinq ans. Cette période a commencé en mars 2012 et a duré au moins jusqu’à ce que le Dr Singh le reçoive en consultation en novembre 2017. Toutefois, il a commencé à travailler chez Home Depot plus tard ce mois‑là et il n’est parti qu’en mai 2018 pour occuper un autre emploi. Je note que des problèmes de médication pourraient avoir existé vers le printemps de 2018. Bien que je n’aie pas à me fonder sur elles, d’autres périodes laissent également planer un doute important sur son incapacité à travailler dans le monde réel. La période de mars 2008 à avril 2010 n’en est qu’un exemple.

Le requérant n’a pas fait d’efforts pour trouver et conserver un emploi convenable tout au long de sa longue période de capacité de travailler.

[57] S’il peut travailler dans le monde réel, le requérant doit montrer qu’il a essayé de trouver et de conserver un emploi. Il doit également démontrer que ses efforts n’ont pas porté fruit en raison de ses problèmes de santéNote de bas page 52. Trouver et conserver un emploi consiste notamment à se recycler ou à chercher un emploi qui tient compte de ses limitations fonctionnelles (autrement dit, un emploi assorti de modalités particulières)Note de bas page 53.

[58] Pendant une partie de la période commençant en mars 2012, le requérant n’a pas fait d’efforts pour travailler. Pendant le reste de la période, il a essayé de travailler, mais je ne suis pas convaincu que ses problèmes de santé l’ont empêché de réussir. Si ses problèmes de santé ont nui à sa réussite professionnelle, cela n’a commencé que vers le printemps de 2018. Je vais maintenant expliquer ces constatations.

[59] Le requérant a nié avoir travaillé à quelque moment que ce soit après la fin de son emploi de distribution de journaux (probablement à un moment donné en 2012Note de bas page 54) et avant de devenir commis aux fruits et légumes chez Metro à l’été de 2016. Il n’a pas non plus décrit de tentatives pour trouver du travail pendant cette période. Bien que ses cotisations au RPC révèlent une certaine activité nominale pendant cette période, je ne suis pas convaincu que cela résulte d’un échec à l’emploiNote de bas page 55.

[60] À partir du milieu de 2016, le requérant a fait des efforts pour travailler. Mais ces efforts ne montrent pas que son handicap l’a empêché de gagner sa vie.

[61] Le requérant a déclaré qu’il voulait travailler 25 heures par semaine chez Metro lorsqu’il y a commencé à l’été de 2016. Malgré cela, Metro lui a donné initialement 40 heures par semaine. Plus tard, Metro ne lui a donné que 8 à 10 heures par semaine. À l’audience, il a déclaré qu’il avait démissionné parce qu’un nombre d’heures si peu élevé ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins. Je conclus qu’il aurait pu travailler environ 25 heures par semaine. Le fait de démissionner parce que le nombre d’heures offertes n’était pas suffisant pour lui permettre de subvenir à ses besoins est différent du fait de démissionner parce qu’il ne pouvait même pas s’acquitter de cette quantité de travail minimale.

[62] Je note que le fait de travailler 25 heures par semaine peut donner lieu à des gains véritablement rémunérateurs. Si l’on exclut deux semaines de congé, cela représente 1 250 heures par année. En 2016 et 2017, les seuils de gains véritablement rémunérateurs étaient respectivement de 15 489,72 $ et de 15 763,92 $Note de bas page 56. Après 1 250 heures de travail, il aurait atteint ces seuils avec une rémunération horaire de 12,39 $ et de 12,61 $ respectivement. Cela se situait probablement bien dans la fourchette des salaires d’un commis aux fruits et légumes ou même d’un chauffeur à cette époque.

[63] Le requérant a trouvé un autre emploi en novembre 2017 chez Home Depot. Il gagnait 14,00 $ l’heure. Bien qu’il ne travaille que 20 heures par semaine, ce qui le plaçait tout juste en deçà du seuil des gains « véritablement rémunérateurs », la preuve montre qu’il pouvait accomplir le travailNote de bas page 57. Il a quitté son emploi chez X, où on lui offrait 25 heures par semaine au même salaireNote de bas page 58. Il aurait donc probablement pu travailler 25 heures par semaine chez Home Depot, où sa rémunération annuelle aurait été d’environ 17 500 $ (au‑delà du seuil des gains « véritablement rémunérateurs »).

[64] J’admets que le requérant n’était peut‑être pas en mesure d’accomplir le travail d’associé aux ventes d’automobiles chez X pendant 25 heures par semaine. Toutefois, l’employeur a expliqué que le requérant n’était pas d’accord avec les clients, qu’il travaillait lentement et qu’il ne pouvait pas comprendre le programme informatique en milieu de travailNote de bas page 59. Home Depot n’a pas signalé de tels problèmes.

[65] J’estime qu’il est probable que les problèmes signalés par X sont apparus juste avant ou pendant l’emploi du requérant là‑bas. Cela concorde avec ce qu’il a dit dans sa dernière demande de prestations d’invalidité du RPC. Il a affirmé ne plus être en mesure de travailler en novembre 2018Note de bas page 60. Cela confirme sa capacité à travailler dans le monde réel jusqu’à son départ volontaire de chez Home Depot en mai 2018. Bien qu’il ait déclaré avoir touché des prestations régulières d’assurance‑emploi de décembre 2017 à mars 2018Note de bas page 61, je ne peux m’appuyer sur cela pour prendre ma décision. Il travaillait pour Home Depot tout au long de cette période.

[66] Je conclus que le requérant était capable de travailler dans le monde réel du moins de mars 2012 à mai 2018. Je conclus également qu’il n’a pas fait suffisamment d’efforts pour trouver ou conserver du travail jusqu’à son embauche chez Metro en 2016. Son handicap ne l’a pas non plus empêché de gagner sa vie après avoir été embauché par Metro. Cela signifie que je ne peux conclure qu’il était atteint d’une invalidité grave entre mars 2012 et mai 2018. Par conséquent, je ne peux conclure que le requérant était atteint d’une invalidité grave au 31 décembre 1997, qui s’est poursuivie jusqu’à la date de l’audience.

[67] Cela s’ajoute à ma conclusion selon laquelle le requérant avait la capacité de travailler dans le monde réel à la fin de 1997. À ce moment‑là, il aurait probablement pu faire du travail comme celui de livreur de café qu’il faisait avant de commencer chez GM. Cependant, même si le requérant ne pouvait avoir travaillé dans le monde réel à la fin de 1997, il n’a pas démontré que c’était le cas de façon continue de la fin de 1997 à la date de l’audience.

Observations du requérant au sujet des dépendances et de la capacité intermittente

[68] Le requérant a déclaré qu’il lutte depuis longtemps contre les dépendances en raison de la combinaison de ses multiples problèmes de santé, qui l’ont empêché d’obtenir et de conserver du travail. Il a déclaré que s’il a été capable de travailler, il l’a été pendant peu de temps et de façon imprévisible. Je conviens qu’une invalidité grave peut exister lorsqu’une personne est capable de travailler pendant de brèves périodes, pourvu qu’elle soit « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Par exemple, certains documents de 2011 font état de problèmes de dépendance. Ces problèmes pourraient compenser l’absence de documents médicaux de mars 2008 à avril 2010. Toutefois, je ne peux en dire autant pour la période beaucoup plus longue qui a commencé au mois de mars 2012.

Conclusion

[69] Je conclus que le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas continuellement grave depuis la fin de 1997. Comme j’ai constaté que son invalidité n’était pas toujours grave, je n’ai pas à me demander si elle est prolongée.

[70] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.