Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AE c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 919

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. E.
Représentante ou représentant : Chantelle Yang
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Jared Porter

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 mars 2022 (GP-20-1786)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 20 septembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-363

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelante n’avait pas droit à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La pension de l’appelante commencera en mars 2018.

Aperçu

[2] L’appelante est une ancienne éleveuse de volailles et graphiste âgée de 43 ans. En juin 2013, elle a subi de multiples blessures lors d’une collision impliquant un véhicule à moteur, ce qui l’a laissée avec des douleurs chroniques au dos, entre autres problèmes de santé.

[3] L’appelante a présenté en vain une demande de pension d’invalidité au titre du RPC en octobre 2015. Elle a présenté une nouvelle demande en février 2019 et a essuyé un deuxième refus. Dans les deux cas, le ministre a conclu qu’elle n’avait pas d’invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2014, soit la dernière date à laquelle elle a bénéficié d’une protection du RPC en cas d’invalidité.

[4] L’appelante a porté en appel le deuxième refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par voie de téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a conclu que, bien que l’appelante ait certaines limitations, la preuve ne montrait pas qu’elle était régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice.

[5] L’appelante a ensuite demandé à la division d’appel la permission de faire appel. Elle a allégué que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle n’a pas tenu compte de ses problèmes de santé dans leur ensemble;
  • Elle a tenu compte des événements survenus après la fin de sa période d’admissibilité;
  • Elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants concernant ses déficiences continues à la suite d’interventions chirurgicales au poignet et au cou en 2014;
  • Elle n’a pas tenu compte de la preuve démontrant que ses problèmes de santé l’empêchaient d’exploiter une écloserie et de travailler comme graphiste.

[6] En juillet, j’ai accordé à l’appelante la permission de faire appel parce que je croyais qu’elle avait des arguments défendables. J’ai ensuite organisé une conférence en vue d’un règlement pour voir s’il y avait un fondement sur lequel les parties pourraient s’entendre.

[7] Les parties en sont arrivées à une entente. Elles m’ont demandé de préparer une décision qui rend compte de cette entente.

Entente

[8] Lors de la conférence en vue d’un règlement, le représentant du ministre a concédé que la décision de la division générale était fondée sur une conclusion erronée selon laquelle l’état de santé de l’appelante l’avait empêchée de terminer un contrat de conception graphique. Il a offert à l’appelante une pension d’invalidité du RPC à compter de novembre 2017 dont le premier paiement serait fait en mars 2018.

[9] La représentante de l’appelante a accepté l’offre au nom de sa cliente.

Analyse

[10] Pour les motifs suivants, j’accepte l’entente conclue par les parties.

La division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle l’appelante était incapable de travailler comme graphiste

[11] Dans sa décision, la division générale a conclu que les tentatives infructueuses de travail de l’appelante n’aidaient pas sa cause :

[traduction]

La preuve concernant les tentatives de l’appelante d’accomplir un travail ne permet pas d’établir qu’elle a une invalidité grave. Elle a encore l’écloserie, mais pas comme entreprise parce qu’elle a constaté qu’elle ne pouvait pas gagner d’argent à l’exploiter. Aucune preuve ne démontre que ses problèmes de santé l’ont empêchée de mener le contrat de conception à terme [mis en évidence par le soussigné]Note de bas page 1.

Toutefois, le dossier contient des rapports médicaux indiquant que la tolérance limitée de l’appelante en position assise et debout nuisait à sa capacité d’effectuer du travail de bureau et à l’ordinateur :

  • En mai 2017, un ergothérapeute a noté que l’appelante [traduction] « n’avait pas réussi à retourner à la conception graphique en raison de ses difficultés au bras droit, qui devenait engourdi lorsqu’elle utilisait la souris et le clavier d’ordinateur, et de sa tolérance réduite en position assise et debout »Note de bas page 2. L’ergothérapeute a conclu qu’elle ne serait probablement pas en mesure de reprendre sa profession antérieure à l’accident de la route en graphisme en raison des longues heures qu’il lui fallait passer à l’ordinateur.
  • En août 2017, la médecin de famille de l’appelante a écrit que l’appelante avait tenté de travailler à temps partiel, mais qu’elle avait conclu que [traduction] « même en travaillant en position assise et debout, elle ne pouvait pas travailler pendant plus de 40 à 45 minutes sans éprouver de fortes douleurs au cou aux hanches et aux chevilles »Note de bas page 3.

En plus de ces rapports, l’appelante a longuement témoigné au sujet des difficultés qu’elle avait éprouvées lorsqu’elle avait tenté de travailler à l’ordinateur pendant de longues périodes — même avec un bureau à domicile conçu de façon ergonomiqueNote de bas page 4.

[12] Cette preuve contredit manifestement les conclusions de la division générale. Je suis convaincu que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait « aucune preuve » que les problèmes de santé de l’appelantel’avaient empêchée de terminer un contrat de conception graphique.

Redressement

[13] Lorsque la division générale commet une erreur, la division d’appel peut remédier à la situation de deux façons : (i) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience ou (ii) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 5.  

[14] Le Tribunal doit procéder aussi rapidement que l’équité le permet. Les parties s’entendent pour dire que l’appelante est invalide et qu’il y a suffisamment de renseignements au dossier pour me permettre de confirmer cette évaluation moi‑même.

[15] Après avoir examiné l’ensemble du dossier, je suis convaincu que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je fonde cette conclusion sur les facteurs suivants :

  • L’appelante a cessé de travailler en juin 2013 après avoir subi des blessures, y compris de multiples fractures, dans un accident de la circulation;
  • Malgré plusieurs interventions chirurgicales réparatrices, l’appelante a souffert de douleurs chroniques, entre autres problèmes de santé graves;
  • La tentative de l’appelante d’occuper un autre emploi a échoué en raison de ses problèmes de santé;
  • L’appelante a conclu un contrat de graphisme pour un voisin, mais son incapacité à travailler confortablement à un bureau l’a empêchée de terminer le contrat à temps;
  • L’appelante s’est conformée à tous les traitements recommandés, mais elle continue d’éprouver des limitations fonctionnelles importantes.

[16] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à sa PMA. Bien qu’elle soit relativement jeune et instruite, elle n’est pas une bonne candidate au recyclage. Compte tenu de son profil et de ses limites, elle est effectivement inemployable.

[17] Je suis également convaincu que l’invalidité de l’appelante est prolongée. L’appelante a subi une intervention chirurgicale et a suivi un programme de réadaptation dont les résultats ont été limités. Il est difficile de voir comment son état peut s’améliorer considérablement à cette date tardive, même avec d’autres traitements de physiothérapie ou la prise de nouveaux analgésiques.

Conclusion

[18] J’accepte les arguments des parties à l’égard de l’entente qu’elles ont conclue. Je conclus que l’appelante est devenue invalide en juin 2013, soit le mois de son accident de voiture. Puisque le ministre a reçu sa demande en février 2019, l’appelante est réputée invalide à compter de novembre 2017Note de bas page 6. La pension d’invalidité de l’appelante commence donc en mars 2018Note de bas page 7.

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