Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AE c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1014

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. E.
Représentantes : Allison Schmidt
Chantelle Yang
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 22 septembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentantes de l’appelante
Date de la décision : Le 15 mars 2022
Numéro de dossier : GP-20-1786

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, A. E., n’a pas droit à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est âgée de 43 ans. Elle était âgée de 34 ans lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois. Elle vit avec son mari et son jeune enfant. Elle a terminé ses études secondaires et une année au collège. Elle détient un permis de courtier immobilier et un certificat de courtage immobilier. L’appelante a été blessée dans une collision impliquant un véhicule à moteur en juin 2013. Elle a subi plusieurs blessures nécessitant une intervention chirurgicale. Elle souffre maintenant de douleurs chroniques et a des limitations fonctionnelles qu’elle attribue aux blessures.

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 29 juin 2015. Le ministre a rejeté la demande et l’appelante a présenté une demande de réexamen tardive. Le ministre a rejeté la demande tardive et l’appelante n’a pas donné suite à la demandeNote de bas page 1. Elle a déposé une deuxième demande le 5 février 2019Note de bas page 2. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme avoir subi plusieurs blessures très graves qui n’ont pas été traitées correctement et qui lui causent des douleurs chroniques. Elle a déclaré que les effets combinés de toutes les blessures la rendent incapable de travailler. Certaines journées ne sont pas aussi mauvaises que d’autres, mais elles sont imprévisibles, de sorte qu’elle ne serait pas une travailleuse fiable. Elle a dit qu’elle a essayé de retourner au travail. Elle prévoyait de retourner à la conception graphique, mais sa première tentative a échoué. Elle a également tenté d’exploiter une écloserie, mais celle‑ci n’était pas financièrement viable.

[6] Le ministre affirme que les renseignements médicaux montrent que l’état de l’appelante s’est amélioré. Son spécialiste de la douleur lui a recommandé de revenir graduellement à son niveau d’activité antérieur. Le ministre a également écrit que l’appelante devrait être capable de travailler dans une certaine mesure même compte tenu des limitations. Il a déclaré que le fait que les douleurs de la requérante se sont aggravées après qu’elle a eu son bébé en 2019 ne prouve pas qu’elle avait une invalidité grave lorsqu’elle a pour la dernière fois eu le droit de demander une pension d’invalidité du RPC.

Ce que l’appelante doit prouver

Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2014 Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas page 3.

[7] Le Régime de pensions du Canada définit « grave » et « prolongée ».

[8] Une invalidité n’est grave que si elle rend une partie appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4.

[9] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle antérieure. Et ce pour que je puisse obtenir une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est en mesure d’effectuer régulièrement un travail lui permettant de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[10] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 5.

[11] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut comporter une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

[12] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[13] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2014.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[14] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave au 31 décembre 2014. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci‑après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante n’ont pas nui à sa capacité de travailler

[15] L’appelante a subi de multiples blessures, dont certaines ont nécessité une intervention chirurgicaleNote de bas page 6. Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas page 7. Je dois plutôt me demander si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas page 8. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas page 9.

[16] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait des limitations fonctionnelles au 31 décembre 2014.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[17] L’appelante affirme que ses troubles de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Elle dit avoir des douleurs constantes qu’elle situe à un niveau 7 ou 8 sur une échelle de 10. Elle souffre de douleurs à la colonne vertébrale, aux membres, aux pieds, aux genoux et au cou. Elle a des engourdissements dans les bras et de la raideur au cou. Elle a dit qu’au 31 décembre 2014, elle n’avait que de mauvaises journées. Elle n’avait pas de bonnes journées et elle souffrait quotidiennement de fortes douleurs. Environ la moitié du temps, elle ne pouvait rien faire.

[18] L’appelante a déclaré que l’intervention chirurgicale visant à soulager la sténose spinale au cou avait corrigé une partie de la sténose, mais qu’elle n’avait pas amélioré l’engourdissement qu’elle ressent. Elle peut atténuer les symptômes qu’elle a la nuit en bougeant le cou. Par conséquent, elle croit que les symptômes sont causés par la blessure au cou et non par le syndrome du canal carpien. Ses douleurs et sa raideur au cou lui causent aussi des migraines.

[19] L’appelante a également déclaré que, bien qu’elle soit hyper flexible, les symptômes du syndrome d’Ehlers‑Danlos n’ont jamais nui à sa capacité de travailler.

[20] L’appelante a également déclaré qu’elle avait démontré qu’elle était incapable de travailler parce que ses efforts pour retourner au travail avaient échoué. L’appelante a déclaré qu’elle avait lancé une écloserie chez elle. Elle a mis sur pied l’entreprise de manière à tenir compte de ses limites, mais elle a constaté qu’elle n’était pas financièrement viable. Elle a conservé l’écloserie, mais comme passe‑temps seulement.

[21] L’appelante a également tenté d’obtenir des contrats privés en faisant du travail de conception graphique. Elle a accepté un contrat pour un voisin, mais elle n’a pas pu le mener à terme dans un délai raisonnable. Elle a dit avoir jugé qu’elle ne pouvait pas lui facturer le travail. Elle n’a pas essayé d’autres types de travail.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante

[22] L’appelante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2014Note de bas page 10. Le ministre a raison de soutenir que la preuve démontrant que l’état de l’appelante s’est détérioré après le 31 décembre 2014 ne prouve pas que cette dernière avait une invalidité grave au 31 décembre 2014.

[23] Des éléments de preuve confirment que l’appelante a subi des blessures importantes au cours de l’accident de la route de 2013 et a dû être opéréeNote de bas page 11. La preuve montre que l’appelante a repris des forces et une mobilité après les interventions chirurgicales. Compte tenu des examens effectués et des recommandations médicales formulées avant le 31 décembre 2014 ou peu de temps après cette date, il semble que l’appelante ait récupéré et retrouvé sa capacité fonctionnelle, mais qu’elle ait continué d’éprouver des douleurs et d’avoir des limitations. Les médecins ont recommandé une gestion prudente et un retour progressif au travail.

[24] La preuve montre que l’appelante s’est bien remise de ses blessures. En 2015, son thérapeute a discuté d’un retour progressif au travailNote de bas page 12. Son chirurgien a noté qu’elle avait fait d’excellents progrès et qu’elle avait presque toute l’amplitude des mouvements après l’intervention chirurgicale au poignet. Le Dr Zeznik a dit qu’elle devrait continuer à reprendre des forces et à accroître son niveau d’activitéNote de bas page 13. L’appelante est en désaccord avec les conclusions du Dr Zeznik. Aucun autre élément de preuve n’indique que l’information ou l’opinion du Dr Zeznik n’est pas fiable.

[25] En juin 2015, le spécialiste a recommandé à l’appelante de gérer sa douleur au moyen de mesures prudentesNote de bas page 14. Il a suggéré un programme d’étirement et de renforcement à domicile.

[26] En 2015, l’appelante semble avoir commencé à avoir des symptômes du syndrome du canal carpien. Deux neurologues ont conclu que certains symptômes continus d’engourdissement dans la main étaient plus probablement liés au syndrome du canal carpien et non à la blessure au cou. Des tests ont confirmé le diagnosticNote de bas page 15. L’appelante n’est pas d’accord avec les opinions des médecins. Il n’y a aucune autre preuve à l’appui de l’opinion de l’appelante selon laquelle ces symptômes sont liés à la blessure au cou survenue en 2013 ou à l’appui du moment où les symptômes auraient nui à la fonction de l’appelante.

[27] Malheureusement, l’appelante a eu une grossesse et une fausse couche en décembre 2016. Les notes du dossier confirment l’événement et les soins continus dont elle a eu besoinNote de bas page 16. La preuve ne décrit pas les répercussions que cela aurait pu avoir sur ses limitations fonctionnelles.

[28] En 2017, son médecin de famille a déclaré qu’elle était encore [traduction] « assez handicapée » et qu’elle avait besoin d’une aide à la mobilité motorisée à l’extérieurNote de bas page 17.

[29] En 2018, l’appelante est [traduction] « tombée en bas d’une pente » et a eu besoin de soins médicaux d’urgenceNote de bas page 18. Elle n’a pu se rappeler les détails de la chute ou de la blessure. Il y a au dossier des éléments de preuve concernant les sports préférés de l’appelante, mais il n’est pas possible d’établir ce qui a causé la chute ou de déterminer si celle‑ci a eu une incidence sur sa fonction. Elle a dit qu’elle était probablement tombée en raison des blessures subies lors de l’accident de la route, mais rien ne confirme son opinion.

[30] En 2019, l’appelante a eu un bébé. Un spécialiste l’a examinée avant l’accouchement et a déclaré qu’elle était par ailleurs en bonne santé, qu’elle n’avait aucun problème de santé, qu’elle ne prenait aucun médicament et que son extension du cou était très bonneNote de bas page 19. Après la naissance du bébé en 2019, le médecin de l’appelante a déclaré que les maux de tête et les douleurs au cou de l’appelante se sont aggravés du fait d’avoir porté le bébéNote de bas page 20. Le Dr Vasil a également dit que, depuis la naissance du bébé, la douleur s’était [traduction] « considérablement aggravée » et qu’il y avait [traduction] « une aggravation marquée »Note de bas page 21. En avril 2020, le Dr Vasil a dirigé l’appelante vers un établissement pour la douleur en raison de douleurs qui s’aggravaient, particulièrement depuis la naissance de son enfantNote de bas page 22.

[31] Lorsque je lui ai demandé de discuter des commentaires du Dr Vasil concernant l’aggravation des douleurs, l’appelante a laissé entendre que le médecin voulait dire que les douleurs s’étaient améliorées avant la naissance du bébé, puis qu’elles s’étaient aggravées par la suite. L’appelante a témoigné que les douleurs étaient graves pendant la première ou les deux premières années suivant l’accident de la route. La situation s’est améliorée pendant un certain temps, mais elle n’a pas dit combien de temps. Selon elle, les choses aujourd’hui ressemblent probablement à ce qu’elles étaient en 2014. L’appelante croit que le Dr Vasil voulait probablement dire que les douleurs s’étaient de nouveau aggravées après la naissance du bébé. Il n’y a aucune preuve que le Dr Vasil a voulu dire que l’état de l’appelante s’est amélioré puis s’est aggravé. Même si je pouvais tirer cette conclusion, aucune preuve ne montre à quel moment l’état s’est amélioré et pendant combien de temps.

[32] La preuve concernant les tentatives de l’appelante d’effectuer un travail ne prouve pas qu’elle a une invalidité grave. Elle a encore l’écloserie, mais pas comme entreprise parce qu’elle a constaté qu’elle ne pouvait pas gagner d’argent à l’exploiter. Aucune preuve n’indique que ses problèmes de santé l’ont empêchée de terminer le contrat de conception graphique.

[33] La preuve démontre que l’appelante avait peut‑être certaines limitations au 31 décembre 2014. Il est possible qu’elle se soit rétablie, puis que son état se soit aggravé. Son état s’est peut‑être suffisamment amélioré pour que l’appelante retourne au travail. Il est possible que d’autres limitations soient apparues bien après le 31 décembre 2014.  Lorsqu’il existe différents scénarios possibles, la partie appelante doit présenter des éléments de preuve qui rendent l’un plus probable que les autres. Malheureusement, la preuve ne le fait pas.

[34] La preuve médicale ne prouve pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui la rendaient incapable de travailler au 31 décembre 2014. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave.

[35] Lorsque je décide si une invalidité est grave, je dois généralement tenir compte des caractéristiques personnelles d’une partie appelante. Je peux ainsi évaluer de façon réaliste sa capacité de travaillerNote de bas page 23.

[36] Je n’ai pas à le faire ici parce que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de travailler au 31 décembre 2014. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé que son invalidité était grave à ce moment-làNote de bas page 24.

Conclusion

[37] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’est pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’est pas grave, je n’avais pas à me demander si elle est prolongée.

[38] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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