Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1055

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. B.
Représentants : Matthew MacIsaac
S. V.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel :

Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 5 février 2021 (communiquée par Service Canada)


Membre du Tribunal : James Beaton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audiences : Le 5 juillet 2022
Le 2 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentants de l’appelante
Date de la décision : Le 30 août 2022
Numéro de dossier : GP-21-1084

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, L. B., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 54 ans. Elle a travaillé dans un établissement correctionnel de 1991 à 2019. Entre 2004 et 2009, elle a été mutée à son poste le plus récent, à la réception, en raison d’une blessure au cou et aux épaulesNote de bas de page 1. Elle a eu deux accidents de la route, le 21 octobre 2018 et le 15 juillet 2019Note de bas de page 2. Elle a tenté à deux reprises de reprendre le travail après le premier accident, sans succès. Elle a cessé de travailler le 20 mars 2019 en raison de plusieurs problèmes de santé physique et mentale.

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 2 juin 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme que ses problèmes de santé s’amélioraient jusqu’à ce qu’elle ait eu les accidents. Les accidents ont aggravé ses problèmes de santé. Elle affirme qu’elle est travaillante et qu’elle travaillerait si elle le pouvait. Elle a tenté deux fois de reprendre le travail après ses accidents, mais elle n’y est pas parvenue. Elle m’a exhorté à me fier aux lettres de la Dre Chehade (son médecin de famille actuel) et de la Dre Dalgity (sa chiropraticienne), qui disent qu’elle est invalideNote de bas de page 3.

[6] Le ministre affirme qu’il n’existe aucune preuve de blessures graves causées par les accidents. L’âge, la scolarité et les compétences de l’appelante sont favorables, de sorte qu’elle est toujours en mesure d’effectuer un certain type de travail. Par conséquent, le ministre estime qu’elle n’est pas invalide.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience, soit le 2 août 2022Note de bas de page 4.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité n’est grave que si elle rend une partie appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques et son expérience professionnelle et personnelle antérieure. Et ce pour que je puisse obtenir une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 6.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut comporter une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 2 août 2022.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave au 2 août 2022. J’en suis arrivé à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci‑après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ont nui à sa capacité de travailler

[16] L’appelante dit qu’elle a :

  • le diabète
  • une dermatite
  • une vision trouble
  • le syndrome du canal carpien aux deux poignets
  • des maux de tête et migraines
  • une douleur physique généralisée
  • de l’insomnie
  • des problèmes de santé mentale : anxiété, dépression et TSPT
  • des effets secondaires de ses médicaments.

[17] Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 7. Je dois plutôt me demander si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie au 2 août 2022Note de bas de page 8. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 9.

[18] Je conclus que l’appelante avait des limitations fonctionnelles au 2 août 2022.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que son état de santé a entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 2 août 2022.

[20] Le témoignage de l’appelante au sujet du diabète portait à confusion. Selon elle, cette maladie a causé une neuropathie (engourdissement dans ses pieds et un peu dans ses mains) vers 2012, ce qui s’est aggravé. Il lui est donc difficile de s’adonner à des activités quotidiennes, comme se doucher et se laver les mains. Cependant, elle ajoute que ses symptômes ne sont pas constants. Elle affirme ensuite que la neuropathie était liée au fait que sa glycémie était mal contrôlée après les accidents, et qu’elle l’était maintenantNote de bas de page 10. Cela laisse croire qu’elle n’a plus de limitations fonctionnelles liées au diabète.

[21] Elle dit que la dermatite lui cause de graves démangeaisons, ce qui la rend inconfortable. Lorsqu’elle a une éruption cutanée, elle ne peut se concentrer sur autre chose, comme le travail. Toutefois, elle reconnaît que la dermatite n’est pas un problème actuellement. Depuis novembre 2021, elle n’a pas eu d’« éclosions majeures » et n’a été traitée que pour une éruption cutanée au visage en février 2022Note de bas de page 11.

[22] Elle affirme avoir une vision floue en raison d’une blessure à l’œil causée par l’un des accidents. Elle a été opérée pour corriger la situation. Cependant, sa vision périphérique demeure diminuée. Le fait de regarder vers le haut et vers le bas provoque une vision floue, et parfois sa vision disparaîtNote de bas de page 12.

[23] Elle dit souffrir du syndrome du canal carpien aux deux poignets. Ses doigts sont raides et ses poignets lui font mal. Son poignet gauche est en pire état que son poignet droit, et la douleur est pire la nuit que le jour. Elle dit avoir de la difficulté à taper et à utiliser une souris d’ordinateurNote de bas de page 13.

[24] Elle dit avoir des maux de tête et des migraines. Elle décrit ses maux de tête comme étant quotidiens et plus graves que ceux des autres personnes. Elle a décrit avoir une mauvaise migraine par mois, qui peut durer jusqu’à trois jours. Quand elle a une telle migraine, la moitié de son visage est paralysée et elle se rend à l’hôpital pour obtenir des médicaments par voie intraveineuse. Elle doit se trouver dans une pièce sombre et calmeNote de bas de page 14.

[25] Elle affirme qu’elle souffre de douleurs physiques généralisées, qu’elle a décrites selon le cas comme la fibromyalgie, la sciatique, des douleurs au cou et au dos et une raideur à la mâchoire. En conséquence, elle affirme ce qui suit :

  • elle ne peut pas se tenir debout ni marcher plus de 5 minutes; elle s’assied pour prendre une douche
  • elle ne peut pas rester assise plus de 10 minutes
  • elle ne peut pas soulever une charge de plus de 2 livres
  • elle ne peut pas lever les bras au-dessus de ses épaules
  • elle a de la difficulté à transporter une charge, à s’étirer et à se pencher
  • son cou se raidit si elle regarde un écran d’ordinateur trop longtemps
  • elle fait très peu de tâches ménagèresNote de bas de page 15.

[26] En raison de l’insomnie, elle ne dort que de trois à cinq heures par nuitNote de bas de page 16.

[27] En raison de ses problèmes de santé mentale, elle affirme ce qui suit :

  • elle peut être émotive et irritable; elle vit des épisodes de rage et elle ne peut pas prédire ce qui les déclenchera
  • elle a de la difficulté à se concentrer et à se souvenir de choses, comme éteindre les électroménagers
  • elle devient nerveuse lorsqu’elle conduit son fils au travail, ce qu’elle fait quatre fois par semaine, et pour faire l’épicerie
  • elle devient encore plus nerveuse lorsqu’elle est passagère dans un véhiculeNote de bas de page 17.

[28] Enfin, à l’audience, l’appelante a déclaré que ses médicaments lui causaient des effets secondaires. Elle dit qu’elle se sent fatiguée et que sa « tête est dans les nuages ». Elle dit qu’ils ont un impact sur son appétit et sa digestion.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante

[29] L’appelante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 2 août 2022Note de bas de page 18.

[30] La preuve médicale étaye certains des propos de l’appelante.

Limitations physiques

[31] La preuve médicale ne confirme pas que l’appelante a des limitations fonctionnelles découlant du diabète. Le Dr Shapiro (psychologue) a noté en mars 2019 qu’il avait été plus difficile pour l’appelante de gérer son diabète depuis l’accident de 2018. Il n’a toutefois pas donné plus de détailsNote de bas de page 19. La Dre Dayus (médecin de famille) n’a mentionné aucune limitation fonctionnelle liée au diabète dans son rapport médical de juin 2020Note de bas de page 20.

[32] La preuve médicale ne permet pas de conclure que l’appelante a des limitations fonctionnelles dues à la dermatite. La Dre Lovegrove (dermatologue) lui a dit que la dermatite peut être chronique, mais qu’elle peut être traitée avec des crèmes et une bonne hygièneNote de bas de page 21. D’après le témoignage de l’appelante, il semble que sa dermatite est effectivement traitée.

[33] La preuve médicale confirme que l’appelante a une vision floue. En avril 2019, elle dit avoir eu de brèves périodes de vision floueNote de bas de page 22. En mars 2020, elle a dit à la Dre Takahashi (neurologue) qu’elle avait une vision floue par intermittence.Note de bas de page 23 La Dre Proulx (optométriste) lui a confié en juillet 2020 que « ses yeux étaient légèrement désalignés », ce qui pourrait expliquer sa double vision. Elle devait faire un suivi pour des tests afin de confirmer le diagnostic, mais rien ne prouve que cela a été faitNote de bas de page 24.

[34] La preuve médicale confirme que l’appelante est atteinte du syndrome du canal carpien à la main gauche, ce qui entraîne un engourdissement et une faible priseNote de bas de page 25. Rien ne prouve qu’elle ait le syndrome du canal carpien à la main droite. Elle est droitièreNote de bas de page 26. Cela confirme que l’appelante pourrait avoir de la difficulté à taper, mais cela ne confirme pas qu’elle a de la difficulté à utiliser une souris d’ordinateur avec sa main droite.

[35] La preuve médicale confirme que l’appelante souffrait régulièrement de maux de tête et de migraines. Avant les accidents, ses maux de tête étaient surtout associés à un temps orageuxNote de bas de page 27. Ils ont complètement disparu en mai 2018, et l’amélioration demeurait « notable » en octobre 2018Note de bas de page 28. En décembre 2018, après le premier accident, elle a dit au psychologue Shapiro qu’elle avait de graves maux de tête quotidiensNote de bas de page 29. Toutefois, aucune preuve médicale n’établit par la suite les limitations fonctionnelles continues causées par des maux de tête ou des migraines. Il n’y a pas non plus de dossiers hospitaliers à l’appui du témoignage de l’appelante selon lequel elle s’est rendue à l’hôpital pour recevoir des médicaments par voie intraveineuse.

[36] En ce qui concerne la douleur physique généralisée, la preuve médicale démontre trois choses.

[37] Premièrement, elle montre que l’appelante travaillait en composant avec de la douleur avant ses accidents. En 2017, elle a subi une entorse myofaciale chronique de la ceinture scapulaire, qu’elle a traitée tout au long de 2017 et 2018. Elle a été mutée à son plus récent poste à la réception pour s’adapter à cette situationNote de bas de page 30. Cela signifie que les douleurs n’ont pas toutes entraîné des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité de travailler à son plus récent emploi.

[38] Deuxièmement, cela montre qu’elle ressent de la douleur au-delà de ce que sa condition physique peut expliquerNote de bas de page 31. Autrement dit, je ne peux pas me fier à l’imagerie diagnostique pour montrer où se trouve sa douleur ou comment elle l’affecteNote de bas de page 32. Toutefois, la mesure dans laquelle les professionnels de la santé qui la traitent croient qu’elle est affectée par la douleur demeure pertinente.

[39] Troisièmement, elle montre que sa douleur a changé au fil du temps.

  • En 2017, elle souffrait de douleurs à l’épauleNote de bas de page 33.
  • En 2018, avant son accident, elle avait des douleurs au cou et aux épaulesNote de bas de page 34.
  • En 2018, après son accident, elle avait mal partout et ressentait des douleurs généraliséesNote de bas de page 35.
  • En janvier 2019, elle éprouvait des douleurs au cou et au dos, et une radiculopathie (engourdissement, faiblesse, douleur ou picotements) au bras gaucheNote de bas de page 36. En mars, la douleur s’étendait dans tout son corpsNote de bas de page 37. En avril, elle s’est plainte de douleurs principalement au cou, à l’épaule gauche, au bras gauche, à la jambe gauche et au dos ou au troncNote de bas de page 38. En septembre, elle a également signalé une radiculopathie aux deux jambesNote de bas de page 39. En octobre, elle a rapporté des douleurs thoraciquesNote de bas de page 40.
  • En 2020, elle avait des douleurs au cou, au dos, aux deux bras, aux deux jambes, ainsi qu’à la poitrineNote de bas de page 41.
  • En 2021, elle a seulement rapporté des douleurs au dos et à la hancheNote de bas de page 42.

[40] Cela signifie que ce qu’elle a dit à ses médecins il y a des années pourrait ne pas refléter fidèlement son état actuel.

[41] L’appelante a consulté de nombreux médecins au fil des ans. Ce qui importe le plus, toutefois, c’est la façon dont sa douleur l’a touchée en date du 2 août 2022. C’est pourquoi je me concentre sur les preuves médicales les plus récentes et sur les limitations fonctionnelles qu’elles décrivent. Cette preuve confirme :

  • Qu’elle ressentait des douleurs au bas du dos qui l’affectaient lorsqu’elle changeait de position (cela pourrait aussi expliquer sa difficulté à se pencher).
  • Qu’elle éprouvait des douleurs au cou et aux épaules qui limitaient son amplitude de mouvement et sa tolérance à l’activité physique impliquant le cou et les épaules.

[42] La preuve (y compris ce que l’appelante a dit à ses médecins) ne confirme pas que les limitations physiques de l’appelante sont aussi importantes qu’elle le prétend. La preuve n’appuie pas le fait qu’elle ne peut se tenir debout ou marcher que pendant 5 minutes ou qu’elle ne peut rester assise que 10 minutes. Les limitations fonctionnelles comme soulever et transporter des charges et les élever sous la hauteur des épaules ne sont pas non plus expliquées par les preuves médicales.

[43] Pour tirer ces conclusions, j’ai accordé du poids au rapport médical de la Dre Dayus dressé en juin 2020, qui énumère précisément où l’appelante avait de la douleur (au cou et aux épaules) et les limitations fonctionnelles qu’elle causait. La Dre Dayus était la médecin de famille de l’appelante à l’époque, et ce depuis 2008Note de bas de page 43. Je note que l’appelante a signalé des douleurs au cou et aux épaules de façon plus constante au fil du temps, y compris avant ses accidents.

[44] J’ai également accordé du poids aux notes de 2021 du Dr Chehade, parce qu’elles sont récentes et qu’il est son médecin de famille actuel. Ses notes ne mentionnent que des douleurs au dos qui l’ont affectée lors d’un changement de posteNote de bas de page 44. Bien que la Dre Dalgity mentionne des douleurs à la hanche en 2021Note de bas de page 45, le fait que l’appelante n’a jamais mentionné cela au Dr Chehade en 2021 est important. (Elle a vu le Dr Chehade environ 20 fois en 2021 et lui a parlé de maux de dos et d’autres problèmes médicaux)Note de bas de page 46. Elle n’a pas non plus parlé au Dr Chehade des limitations fonctionnelles qui pourraient découler d’une douleur à la hanche. Je ne pense donc pas que des douleurs à la hanche aient entraîné des limitations fonctionnelles.

[45] Je n’ai pas accordé de poids aux lettres des Dr Chehade et Dalgity de juin 2021. Bien que ces lettres soient récentes, ce sont principalement des résumés des antécédents médicaux de l’appelante fondés sur un examen de ses dossiers médicaux. La lettre du Dr Chehade, en particulier, repose principalement sur un examen des dossiers d’autres professionnels de la santé, plutôt que sur ses propres observationsNote de bas de page 47. Je crois que leurs notes de 2021 sont plus utiles que leurs résumés de dossiers antérieurs.

[46] La preuve médicale confirme que l’appelante a peu d’énergie et ne se sent pas reposée, peut-être en raison de l’insomnieNote de bas de page 48.

Limitations causées par des problèmes de santé mentale

[47] La preuve médicale confirme que l’appelante a des limitations fonctionnelles découlant de ses problèmes de santé mentale (anxiété, dépression et TSPT). Elle a une faible motivation, une faible concentration et une mauvaise mémoire. Elle devient anxieuse en tant que conductrice ou passagère. Les notes du Dr Bureau mentionnent quelques incidents où l’appelante était émotive ou impatiente, bien que principalement dans le contexte de problèmes interpersonnels avec des membres de la famille. Plus récemment (en mars et avril 2022), il a écrit qu’elle gère bien ses sentimentsNote de bas de page 49.

Limitations causées par les médicaments

[48] La preuve médicale n’appuie pas le fait que l’appelante a des problèmes cognitifs ou digestifs (comme le syndrome du côlon irritable) comme effets secondaires de ses médicaments.

[49] La Dre Dayus a déclaré en avril 2019 que les médicaments de l’appelante avaient eu une incidence sur sa capacité cognitive. Cependant, elle n’a pas dit quels médicaments en étaient responsablesNote de bas de page 50. L’appelante prend maintenant des médicaments différents. Seuls l’ibuprofène et ses médicaments contre le diabète sont les mêmesNote de bas de page 51. Ses médicaments pour lutter contre le diabète n’ont pas d’effets secondairesNote de bas de page 52. Je crois qu’il est plus probable qu’une mauvaise capacité cognitive soit un effet secondaire des médicaments qu’elle ne prend plus, plutôt que des médicaments qu’elle prend encore (ibuprofène).

[50] Il n’y a aucune preuve médicale de problèmes de digestion.

[51] J’ai déjà conclu que l’appelante se sent fatiguée — peu importe que ce soit en raison de ses problèmes de santé ou des médicaments. Il existe également une preuve médicale que l’appelante a de temps à autre un faible appétit, bien qu’il ne soit pas clair si cela découle de ses médicamentsNote de bas de page 53. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’une limitation fonctionnelle.

Résumé des limitations fonctionnelles de l’appelante

[52] L’appelante a les limitations fonctionnelles suivantes :

  • Elle a une vision floue.
  • Elle peut taper, mais pas pendant des périodes prolongées.
  • Elle a une faible prise de la main gauche.
  • Elle ne peut pas changer de position souvent en raison de douleurs lombaires.
  • Elle ne peut pas se pencher.
  • Elle a une amplitude de mouvement limitée au cou et aux épaules.
  • Elle a une tolérance limitée pour les activités qui font appel à son cou et à ses épaules.
  • Elle a peu d’énergie.
  • Elle est démotivée.
  • Elle a une mauvaise concentration et une mauvaise mémoire.
  • Elle devient anxieuse en tant que conductrice ou passagère.

[53] La preuve médicale confirme que les limitations fonctionnelles de l’appelante l’empêchaient de travailler à temps plein à son emploi habituel au 2 août 2022. Même si elle pouvait accomplir ses tâches habituelles, elle n’avait pas l’endurance nécessaire pour travailler à temps plein.

[54] J’examinerai ensuite si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[55] L’appelante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 54. Le ministre ne conteste pas cela. Elle a essayé le traitement chiropratique, la physiothérapie et la massothérapie. Elle a reçu des injections pour des douleurs et des maux de tête. Elle est allée en thérapie et a fréquenté un groupe de traitement de la douleur chronique. Elle porte une attelle la nuit pour le syndrome du canal carpien. Elle prend actuellement des médicaments contre le diabète, ainsi que du lorazépam et de l’ibuprofèneNote de bas de page 55.

[56] Je dois maintenant décider si l’appelante peut effectuer sur une base régulière d’autres types de tâches. Pour pouvoir être qualifiées de sévères, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 56.

L’appelante peut travailler dans le monde réel

[57] Lorsque je décide si l’appelante peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois également tenir compte de facteurs comme :

  • son âge
  • son niveau de scolarité
  • ses compétences linguistiques
  • son expérience de travail et de vie antérieure.

[58] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelante peut travailler dans le monde réel, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 57.

[59] Je juge que l’appelante peut travailler dans le monde réel. Elle était toujours en mesure de travailler le 2 août 2022. Son âge (54 ans), ses études (un diplôme d’études secondaires et quelques études collégiales), sa maîtrise de l’anglais et près de 30 ans d’expérience de travail dans le domaine de la sécurité sont autant de facteurs qui influencent positivement sa capacité à travaillerNote de bas de page 58.

[60] Les limitations fonctionnelles de l’appelante ne l’empêchent pas de faire tout son travail. Elles l’empêchent d’effectuer un travail qui exige :

  • une vision fiable
  • d’utiliser souvent le clavier sans pauses
  • de changer souvent de position
  • de pouvoir se pencher
  • de bouger beaucoup son cou et ses épaules
  • de se concentrer sur une tâche pendant une longue période
  • une bonne mémoire.

[61] Son manque d’énergie et de motivation signifient qu’elle pourrait ne pas être en mesure de travailler à temps plein, que ce soit dans un emploi physique ou sédentaire. Comme elle conduit toujours, je crois qu’elle pourrait se rendre au travail et en revenir. Cependant, un emploi qui exige de conduire un véhicule ou d’être passagère dans un véhicule ne lui conviendrait pas.

L’appelante n’a pas tenté de trouver et de conserver un emploi convenable

[62] Si l’appelante peut travailler dans le monde réel, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi convenable. Elle doit également démontrer que ses efforts n’ont pas été fructueux en raison de ses troubles de santéNote de bas de page 59. Trouver et conserver un emploi convenable consiste notamment à se recycler ou à chercher un emploi qu’elle peut occuper compte tenu de ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 60.

[63] L’appelante a déployé des efforts pour travailler. Cependant, ces efforts ne montrent pas que son invalidité l’a empêché de gagner sa vie au 2 août 2022.

Les tentatives de l’appelante de travailler

[64] L’appelante n’a pas essayé de travailler depuis mars 2019. Sa première tentative de travail a eu lieu la semaine suivant son accident en octobre 2018. On ignore combien de temps cette tentative a duré. Sa deuxième tentative a duré de janvier 2019 au 20 mars 2019. Elle a commencé à travailler deux heures par jour, trois jours par semaine, puis a augmenté le rythme à quatre heures par jour, trois jours par semaine. À l’audience, elle a dit qu’elle n’a atteint que trois heures par jour, mais la Dre Dayus et le Dr Shapiro, psychologue, ont tous deux affirmé qu’elle travaillait quatre heures par jour. Comme ils ont tous deux dit la même chose, je crois que leur témoignage est plus fiable que le souvenir de l’appelanteNote de bas de page 61.

[65] Comme je l’expliquerai plus loin, la raison pour laquelle l’appelante a cessé de travailler au moment où elle l’a fait n’est pas claire. C’est la Dre Dayus qui fournit la meilleure explication. En effet, elle écrit en mai 2019 qu’elle avait arrêté parce que « sa douleur s’intensifiait et qu’elle n’était pas capable de faire face à la situation »Note de bas de page 62. L’appelante a également mentionné des problèmes de mobilité et des maux de tête pour justifier qu’elle a cessé de travailler. Toutefois, j’ai déjà conclu que la preuve n’appuie pas le fait qu’elle avait des limitations fonctionnelles en raison de maux de tête ou de problèmes de mobilité au-delà de son cou et de ses épaules. Rien n’indique que son emploi l’obligeait à changer fréquemment de position ou à se pencher non plus.

L’employeur de l’appelante n’était pas bienveillant

[66] L’employeur de l’appelante n’était pas bienveillant. Bien que son employeur l’ait aidée en lui fournissant du matériel de bureau ergonomique et en l’affectant à la réception, elle a travaillé avec ces mesures d’adaptation pendant des annéesNote de bas de page 63. Rien n’indique que son employeur lui a fourni des mesures d’adaptation au-delà de ce qui pourrait être requis dans un milieu de travail concurrentielNote de bas de page 64.

[67] Compte tenu de ses limitations fonctionnelles actuelles, on ne sait pas pourquoi elle ne pourrait pas accomplir son travail habituel maintenant, avec ces mêmes mesures d’adaptation.

L’appelante peut encore effectuer son travail habituel

[68] L’appelante peut encore exécuter son travail habituel. Son travail consistait à vérifier les pièces d’identité des gens et à actionner les portes avant d’un établissement correctionnel pour laisser entrer et sortir les gens. Elle a fait usage du clavier et regardé des écrans d’ordinateur.

[69] Elle était capable d’effectuer ce travail auparavant, malgré le syndrome du tunnel carpien et des douleurs au cou et aux épaulesNote de bas de page 65. Elle n’a pas fourni de preuve que des douleurs au dos lors de changements de position, des flexions, une mauvaise mémoire, une mauvaise concentration ou parfois une vision floue avaient nui à sa capacité d’accomplir ce travail. J’ai constaté qu’elle est toujours capable de conduire pour se rendre au travail et en revenir.

[70] De plus, lorsque le représentant de l’appelante lui a demandé pourquoi elle ne pouvait pas reprendre le travail maintenant, elle a invoqué un manque de sommeil et l’incapacité de respecter les délais. Un manque de sommeil n’explique pas pourquoi l’appelante ne pouvait pas travailler à temps partiel. De plus, rien ne prouve que son travail comportait des délais.

[71] J’admets que l’appelante ne pourrait probablement plus travailler à temps plein parce qu’elle éprouve des problèmes de motivation et ressent de la fatigue. Par contre, je crois qu’elle pouvait être régulièrement présente au travail. Mis à part quelques jours de travail manqués lorsqu’elle a tenté de revenir au travail auparavant, elle a pu conserver un horaire régulierNote de bas de page 66. Elle n’a pas témoigné qu’elle était en retard au travail ou qu’elle avait dû quitter des quarts de travail plus tôt.

[72] Je crois que l’appelante pourrait travailler au moins 10 heures par semaine, ce qui rendrait son revenu véritablement rémunérateurNote de bas de page 67. Elle travaillait 12 heures par semaine avant de s’arrêter.

La preuve médicale selon laquelle l’appelante peut travailler

[73] Trois des médecins de l’appelante ont appuyé ses efforts pour continuer à travailler aussi récemment qu’en mars 2019 (le mois où elle a cessé de travailler).

[74] Le Dr Sequeira (spécialiste en réadaptation physique) a déclaré le 9 janvier 2019 que l’appelante avait de la difficulté à travailler deux heures par jour, mais qu’il l’a soutenue dans ses efforts pour augmenter graduellement ses heuresNote de bas de page 68. Le 8 mars 2019, il lui a recommandé de continuer à essayer encore quelques moisNote de bas de page 69.

[75] De même, le Dr Jaroszynski (chirurgien orthopédiste) a recommandé le 12 mars 2019 que l’appelante continue d’augmenter ses heures de travail. Il a dit qu’elle n’avait pas besoin de tâches modifiées. Il a ajouté :

[Traduction]

À ce stade, il n’y a pas de tâche précise qu’elle n’est pas en mesure d’accomplir. C’est l’exécution de ces tâches pendant une période prolongée qui augmente sa perception subjective de la douleur. Par conséquent, il n’existe aucun traitement particulier qui modifiera sa perception subjective de la douleur. Le meilleur mode de traitement serait donc d’encourager le retour progressif à ses activités habituellesNote de bas de page 70.

 

[76] Cela concorde avec les notes de la Dre Dayus selon lesquelles [traduction] « sa douleur s’intensifiait et […] elle n’était pas capable de faire face à la situation ». Ce qui diffère, c’est que le Dr Jaroszynski a recommandé à l’appelante de continuer à travailler en affirmant qu’il s’agissait de la meilleure façon de réduire sa douleur. J’accorde plus de poids à l’opinion du Dr Jaroszynski qu’à celle de la Dre Dayus, parce que le Dr Jaroszynski est un spécialiste, tandis que la Dre Dayus est une généraliste (une médecin de famille).

[77] Toujours en mars 2019, le Dr Cobrin, psychologue, a écrit que l’appelante ne pouvait pas travailler à temps pleinNote de bas de page 71. Selon moi, cela signifie qu’il pensait qu’elle pouvait travailler à temps partiel.

La preuve médicale selon laquelle l’appelante ne peut pas travailler

[78] Je reconnais l’opinion du Dr Sequeira de juillet 2019 selon laquelle l’appelante ne pouvait pas travailler pendant trois mois. Selon le Dr Sequeira, cet arrêt était dû à une poussée de douleurNote de bas de page 72. Vraisemblablement, cela signifie qu’elle aurait pu finir par reprendre le travail, une fois disparue la poussée de douleur. Il y a des notes du Dr Sequeira après juillet 2019, mais elles ne renferment pas d’opinion sur la possibilité pour l’appelante de retourner au travailNote de bas de page 73.

[79] Je reconnais les notes de la Dre Dayus d’octobre 2019 selon lesquelles l’ergothérapeute de l’appelante croyait qu’elle ne pouvait pas du tout travaillerNote de bas de page 74. Or, le rapport de l’ergothérapeute ne le mentionne pas. Il décrit certaines limitations fonctionnelles et indique que l’appelante « bénéficierait » d’un préposé aux services de soutien à la personne à domicileNote de bas de page 75. L’appelante n’a jamais eu un tel préposé (elle ne savait pas pourquoi de façon certaine) et elle a manifestement pu fonctionner sans un préposé ou une préposéeNote de bas de page 76.

[80] Je reconnais le rapport médical de la Dre Dayus, qui mentionne qu’elle ne sait pas si l’appelante pourra reprendre le travailNote de bas de page 77. Cependant, les limitations fonctionnelles que la Dre Dayus énumère dans son rapport ne m’amènent pas à la même conclusion qu’elle.

[81] Enfin, je reconnais que le Dr Dalgity et le Dr Chehade ont décrit l’appelante comme étant complètement incapable de travailler dans leurs lettres de juin 2021Note de bas de page 78. Comme je l’ai déjà expliqué, leurs récentes notes cliniques n’appuient pas les conclusions de leurs lettres.

L’appelante n’a pas cherché d’autre emploi

[82] Même si l’appelante ne pouvait pas reprendre son emploi habituel à temps partiel (par exemple, s’il n’était plus disponible), sa situation personnelle et ses limitations fonctionnelles ne l’empêchent pas d’effectuer d’autres tâches. Elle n’a pas cherché d’autre travailNote de bas de page 79. Il n’incombe pas au ministre ou au Tribunal de suggérer des emplois que l’appelante peut exercerNote de bas de page 80.

[83] Par conséquent, je ne peux conclure que l’appelante avait une invalidité grave au 2 août 2022.

Conclusion

[84] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave au 2 août 2022. Comme j’ai constaté que son invalidité n’était pas grave, je n’avais pas à me demander si elle était prolongée.

[85] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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